CHAPITRE 14
Il-wan l'attendait déjà à l'accueil. Il est en pleine discussion avec un collègue lorsque Young-sun pousse la porte. En entendant cette dernière s'ouvrir, Il-wan se tourne, curieux. Young-sun aperçoit un grand sourire se dessiner sur ses lèvres. Il y a une forte odeur de café dans la pièce. Quelqu'un a-t-il renversé la cafetière entière ?
— Hyung ! accueille Il-wan.
Il hurle presque et il s'avance vers Young-sun pour le prendre, sans hésiter, dans ses bras.
— Comment va mon médecin légiste préféré ?
— Tu en connais beaucoup ?
Il se détache de Young-sun et lui frappe fort le haut du dos. Sa main claque fortement. Young-sun se retient de lâcher un grognement et serre les dents. Un sourire poli couvre ses lèvres. Il tente de rester poli.
— Ya, t'as l'air grincheux aujourd'hui, fait remarquer Il-wan.
Ils se dirigent vers la double porte mais Young-sun l'arrête juste devant.
— Je te dois te dire quelque chose.
Il-wan prend une grande inspiration. Il pose ses mains sur les épaules de Young-sun.
— Tu m'as manqué aussi, hyung...
Young-sun secoue la tête.
— Non, ce n'est pas ça... Je suis avec des ét...
— Woah, matte-moi cette beauté occidentale, murmure Il-wan.
Il-wan a la tête tournée vers l'entrée et les yeux brillants. Lorsque Young-sun regarde dans la même direction, il découvre que Pam vient de rentrer avec Sang-kyu. Elle balaie la pièce du regard avant de le poser sur lui. Elle marche ensuite en sa direction.
— Par Bouddha, elle vient vers nous en plus... Laisse-moi faire hyung, tu vas voir comment on drague une jolie femme.
— Il-w...
— Silence !
Il pose son index sur les lèvres de Young-sun, sans le regarder, avant de se diriger vers Pam. Il réajuste son manteau et marche... D'une manière étrange. On dirait la parade d'un volatile. Il finit par s'arrêter face à Pam et tend sa main.
— Hello, my lady, comment puis-je vous aider ? demande-t-il en anglais.
Pam s'arrête sur son chemin, un sourcil blond haussé. Elle observe sa main quelques secondes avant de la saisir et de lui sourire.
— Je parle votre langue, répond-elle en coréen.
— My bad...
Il retire sa main, sans la lâcher du regard... C'est un regard épris. Cela énerve soudainement Young-sun.
— Vous devez être le lieutenant Jung Il-wan ? sort Pam.
Il-wan pousse un soupir dramatique.
— Vous connaissez mon nom en plus ! C'est le destin... Mais, je ne connais pas le vôtre, mademoiselle... ?
— Pam Cosson... En fait, je suis avec lui.
Elle pointe du doigt Young-sun. Il-wan perd son sourire et se tourne pour regarder Young-sun de manière triste, puis il revient vers Pam directement.
— Avec lui ? répète-t-il d'un air découragé.
Elle hoche doucement la tête.
— Oui, pour le documentaire. Apparemment, j'ai été plus rapide que lui...
— Le documentaire ? s'émerveille Il-wan.
Il boit tous ses mots. Young-sun a bien envie de vomir devant son attitude tout sucre et tout rose. Ce n'est pas le Jung Il-wan qu'il connaît.
Pam passe une main dans ses cheveux pour mettre quelques mèches blondes derrière son oreille. Ce geste suffit à faire frémir Il-wan.
— Sang-kyu et moi, ici présent, nous sommes des étudiants de la Korean International School of Journalism and Media. On doit faire un documentaire sur neuf mois et, nous avons choisi l'établissement du docteur Kang. On doit absolument tout suivre... C'est pour ça que nous sommes ici. Nous n'allons rien filmer, ne vous en faites pas, mais nous allons prendre quelques notes, j'espère que ça ne vous dérange pas lieutenant Jung... Vous allez aider le futur de votre pays, n'est-ce pas ? explique-t-elle.
Elle essaie de l'amadouer.
— Oh, mais bien sûr, avec plaisir ! souffle Il-wan, charmé.
Young-sun pousse un rire nerveux dans son coin. Il pose ses mains sur ses hanches et fait quelques pas pour s'éloigner de cette scène. Son collègue – seulement provisoirement – accepte à sa grande surprise. Il les invite à entrer dans les locaux en passant par la double porte. Pam fait bouger ses sourcils en passant à côté de Young-sun. Il roule des yeux et ferme la marche.
— Mademoiselle Cosson, qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? Un café ? Une boisson fraîche ? Un petit gâteau ? propose Il-wan en la suivant de près comme un chiot qui suivrait sa nouvelle maîtresse pour une caresse.
— Pour moi, ce sera un Coca, commande Sang-kyu.
Il-wan lui jette un regard noir. Young-sun se pince les lèvres pour éviter de sourire face à cette situation. Pam s'arrête en regardant Il-wan sérieusement.
— En fait, vous faites bien de me proposer quelque chose. Il me faudrait toutes vos affaires concernant des cas où des cadavres ont eu leurs empreintes brûlées après leur décès. Il me faudrait aussi une photocopie du CV de tous les employés de votre établissement, et un rapport sur les derniers incidents domestiques de ce mois-ci.
Il-wan en perd ses mots. Pam prend un air détendu après quelques secondes, et se met à rire. Elle donne une tape un peu trop amicale – au goût de Young-sun - sur l'épaule d'Il-wan.
— Je plaisante ! rassure-t-elle.
Il-wan se met à rire à son tour. Il vient frotter son épaule. Apparemment, elle a plus de force qu'elle ne le laisse paraître.
— Oh, que vous êtes drôle ! déclare-t-il.
— On peut en venir à notre affaire ? interrompt Young-sun sèchement.
Il-wan le regarde, gardant son sourire, tandis que Pam le juge de haut en bas en perdant le sien.
— Bien sûr, hyung, allons-y ! indique Il-wan.
Il les guide dans la pièce dite « le bureau central ». C'est en réalité un espace au centre de tous les bureaux ouverts avec des tableaux d'enquêtes et les dossiers en cours. La plus grosse affaire du moment est l'Inconnu Défiguré. Les photos du corps sont punaisées sur un tableau un liège.
Dès que Sang-kyu les voit, il pose une main sur sa bouche et s'enfuit en courant. Young-sun observe alors discrètement la réaction de Pam. Ses sourcils sont froncés et son visage est un peu crispé par le dégout. Encore une fois, elle amèneson pouce droit à ses lèvres et le mordille nerveusement. Ce geste lui rappellele même que celui de Poppy... Young-sun la voit déglutir.
— Je n'imaginais pas que c'était à ce point-là, déclare-t-elle.
Quand elle se tourne pour les regarder tous les deux, Young-sun dévie le regard. Il-wan se cale contre une table en se tournant vers lui.
— Alors hyung, fais-moi le topo.
Young-sun sort de sa poche un papier plié en quatre et le tend à Il-wan. C'est le rapport médical.
— On ne connait toujours pas son identité, néanmoins, on sait à peu près ce qui lui est arrivé.
Il marque une pause avant de commencer le récit tandis qu'Il-wan jette un rapide coup d'œil au rapport. Pam se rapproche pour lire également.
— Comme je l'ai expliqué, il y avait la présence d'une sténose. Cela a été produit par des substances caustiques... Ce sont des acides forts. On a réussi à déterminer le produit utiliser : du crésol. C'est un puissant désinfectant. À forte dose, il est mortel. Mais ce n'est pas tout...
Pam et Il-wan lèvent leur regard vers lui en même temps.
— Il saignait dans son cerveau. Sa défiguration a été faite pendant qu'il était encore vivant. Mais ce n'est pas ça qu'il l'a tué...
Il y a un long silence.
— On l'a regardé mourir, conclu Pam.
Young-sun la regarde, étonné.
— C'est ça.
— Peut-être qu'il a mérité ce qui lui arrive. Il n'a pas été torturé sans raison.
Young-sun soupire.
— Vous remettez ça sur le tapis ?
— Quoi donc ? questionne Il-wan en les regardant un par un.
Young-sun met les mains dans les poches de son manteau.
— Elle a... Une théorie.
Il-wan se tourne vers Pam en posant le rapport sur la table sur laquelle il est assis.
— Je vous écoute, mademoiselle Cosson.
Cette dernière s'assoit à son tour sur un coin de table.
— Il a violé quelqu'un et la victime – ou l'un de ses proches – s'est vengé. C'est tout.
— Qu'est-ce qui vous fait dire que ce n'est pas l'œuvre d'un psychopathe ?
— Et bien... Sa tête de pomme de terre quasiment écrasée. On s'est acharné dessus. Un psychopathe l'aurait juste brûlé je pense, pour effacer toutes les traces d'ADN.
— Intéressant....
Il-wan se tourne vers Young-sun.
— Tu as trouvé des empreintes ?
— Non, la personne qui lui a fait ça a mis des gants. Surtout qu'on sait déjà que le crime a eu lieu ailleurs.
— Donc... C'était surement prémédité, enchaîne Il-wan.
Il-wan se retourne vers Pam, le sourire aux lèvres.
— Comment se fait-il, mademoiselle Cosson, que vous vous mettiez à la place d'un psychopathe aussi facilement ?
Elle hausse doucement les épaules.
— Quand j'étais encore au lycée, je lisais pas mal de romans policiers. Et puis, dans mon pays, les chaînes de télévisions passent souvent des téléfilms dramatiques américains avec des tueurs - ou des tueuses - aux idées folles. Combinez tout ça et... On peut imaginer facilement des scénarios.
Young-sun hausse les sourcils. Il-wan continue son interrogatoire.
— Et à votre avis, que s'est-il passé ? appuie Il-wan.
— C'est pas censé être votre travail ? lance Pam, un sourire aux lèvres.
Young-sun tente de ne pas rire. Il-wan se racle la gorge, l'air gêné. Mais elle n'a pas tort... Young-sun a l'impression qu'Il-wan attend toujours le dernier moment pour émettre des théories et creuser des pistes. Il a toujours fonctionné de cette manière.
— Tu pourrais faire une liste des derniers produits contenant du crésol achetés ce mois-ci, par exemple, propose Young-sun.
Il-wan pivote rapidement vers lui.
— Bonne idée ! T'es encore sur le coup, hyung.
Young-sun racle sa gorge à son tour. Pam croise ses bras contre sa poitrine, intriguée.
— Mais, vous avez fait quoi ces derniers jours en attendant les résultats ? blâme-t-elle.
Young-sun pose son regard sur Il-wan pour juger sa réaction. Si après ça, il ne la jette pas dehors...
— Mh... C'est difficile de commencer quand on n'a rien...
— Vous auriez pu dresser une liste des absences au travail, des disparitions, ou des trucs de ce genre en attendant, prolonge Pam.
Elle croque dans une pomme. Young-sun se tourne vers elle pour la regarder. Il ne sait pas d'où elle la sort. Il la voit ensuite sortir un stylo et un bloc-notes de sa veste.
— Donc, si je comprends bien, vous attendez les résultats de vos collègues médecins légistes pour vraiment lancer l'enquête, lieutenant Jung ? interroge-t-elle la bouche pleine, le stylo prêt à faire couler son encre.
Il-wan bégaie. Alors, Pam poursuit avec une autre question.
— Young-sun m'a dit qu'il avait été flic avant. Il travaillait ici, avec vous ?
— Oh ça ! Et bien, je...
— On va te laisser enquêter sur cette affaire, coupe Young-sun en se rapprochant de Pam et en la faisant lever du bureau sur lequel elle s'était assise sans permission.
— Mais ! souffle-t-elle, des morceaux de pomme plein la bouche.
— Notre tâche ici est terminée et puis, on doit récupérer votre caméraman.
Pamle repousse pour qu'il lui lâche le bras. Elle remet bien sa veste et fait unsigne de main à Il-wan avec un doux sourire. Elle roule des yeux quand ellecroise le regard de Young-sun et traverse les bureaux en remuant les hanches.Young-sun salue poliment Il-wan et les autres agents, bouches bées, avant de lasuivre. Cette femme est une bombe ambulante.
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