CHAPITRE 133

Pam ne comprend pas vraiment le raisonnement d'Il-wan. Il faut dire qu'il n'a jamais été le plus malin de la bande... Avant son arrivée, elle avait cru comprendre qu'il résolvait difficilement ses enquêtes. Aujourd'hui, il bat ses propres records en un rien de temps, grâce à son aide, notamment. Pour autant, la jeune étudiante s'est souvenue que le hangar, où s'est produit l'agression de Young-sun, était devenu une scène de crime.

N'est-ce donc pas une terrible erreur, de la part de son nouvel ami, de vouloir y duper le lieutenant Baek ? Tous deux sont censés y enquêter pour éclaircir l'agression de Young-sun... Le lieutenant Baek – coupable à cent pour cent - pourra aisément détruire des preuves. Il-wan a-t-il assez étudié son plan d'attaque ? Sera-t-il en mesure de l'exécuter sans préparatifs ? Pourquoi tant de mystère au téléphone... Et pourquoi l'avoir appelé avec un numéro inconnu ?

Le taxi est arrêté depuis déjà cinq minutes et toutes ces questions trottinent dans la tête de la jeune Française. Son regard se pose sur le hangar... Et sur l'espace vide devant ce dernier. Pourquoi n'y-a-t-il aucune voiture ? Il-wan s'est-il garé de l'autre côté pour surprendre le lieutenant Baek ?

Le cordon de police, interdisant l'accès au hangar, ne la rassure guère. Pam prend une grande inspiration et sort du taxi. Elle l'observe s'éloigner de la route avant de se tourner vers l'immense bâtiment, de moins en moins tranquille. Elle fouille dans son sac à main et y sort le tournevis. Pam hésite quelques secondes avant de le cacher entre son jean et sa culotte. Elle s'assure que la forme est camouflée par son épais manteau d'hiver et s'avance.

Elle fait coulisser l'immense portail sur le côté, non sans une once de discrétion, et s'abaisse pour passer sous le cordon de police. Elle s'avance prudemment. Ce hangar lui rappelle de mauvais souvenirs, et, si Young-sun était avec elle, il le penserait tout autant. Elle observe d'un mauvais œil la Shinjin, immobilisée depuis plusieurs mois au même endroit. Cette voiture apporte le malheur à tous ceux qu'elle croise.

Pam sort son portable pour vérifier l'heure. Il est bientôt quatorze heures. Avec horreur, elle constate que son appareil ne capte aucun signal de réseau. Si quelque chose de grave devait arriver, ni elle, ni Il-wan ne seraient en mesure d'appeler les secours. Ses yeux se plissent pour tenter de discerner quelque chose dans cette immensité vide... Mais elle ne voit personne. Où est Il-wan ?

Elle se rapproche un peu plus, frigorifiée. Est-ce une sensation naturelle ou simplement la peur ? Son regard se porte sur l'énorme flaque de sang séchée, près de la voiture, laissée par Young-sun. Pam se demande encore comment il a pu survivre en perdant autant de sang...

Elle observe la voiture en longueur. Son regard se stoppe sur le coffre. Elle plisse des yeux. Plus elle regarde ce dernier, plus son estomac la tord. Son cœur et son cerveau lui disent de s'éloigner de cette épave cauchemardesque... Mais son instinct lui demande d'ouvrir ce coffre. Dans ses souvenirs, il était resté ouvert pour le bien de l'enquête...

En se rapprochant, Pam croit reconnaître quelques mèches de cheveux noires en sortir... Son sang ne fait qu'un tour. Elle sent son visage chauffer à cause de l'émotion. Se pourrait-il qu'une personne soit enfermée à l'intérieur ? C'est impossible.

Ni une ni deux, Pam ouvre le coffre et se recule avec effroi. Hyun-su et Harin sont recroquevillés à l'intérieur et ne bougent pas.

— Non !

Pam se précipite vers eux et vérifie leur pouls. Un soupir de soulagement sort de ses lèvres. En vie... Ils sont en vie tous les deux. Pam touche la main de Harin. Elle est glacée. Elle se met alors à secouer gentiment son épaule.

— Harin... Harin ! Réveille-toi ! C'est Pam ! Tu m'entends ?

C'est la seconde fois qu'elle répète ce genre de mots... Ça lui rappelle le jour où elle a découvert Young-sun. Un frisson d'effroi parcourt son corps.

— Merde, peste-t-elle.

Elle sort son téléphone et compose le 112 d'une main tremblante. Le réseau n'est toujours pas revenu... Elle envoie alors ses coordonnées au même numéro avec en mot « URGENCE, 2 PERSONNES INSONCIENTES » en faisant même une faute... Mais, son message, lui aussi, ne part pas.

— Mademoiselle Cosson ? interpelle une voix.

Pam pousse un cri et se retourne, ne s'attendant pas à être interrompue de la sorte. Son pouls s'accélère en découvrant le lieutenant Baek, entré dans le hangar et armé.

— D'où sortez-vous ? Que voulez-vous ? Pourquoi vous leur avez fait ça ? accuse Pam.

Est-elle arrivée plus tôt qu'Il-wan ?

Le lieutenant Baek lève une main et secoue lentement la tête.

— Du calme, mademoiselle Cosson... Je ne veux vous aucun mal. Je découvre ça en même temps que vous...

Il regarde de gauche à droite avant de tendre la main vers elle.

— Approchez, et vite...

Pam secoue la tête.

— Hors de question... Je n'abandonnerai pas Hyun-su et Harin... Si vous voulez qu'on règle nos comptes... Appelez les secours d'abord et laissez-les partir ensuite !

— Mademoiselle Cosson... Je suis les secours. On va s'occuper d'eux, je vous le promets... J'ai reçu un appel anonyme qui signalait que vous aviez été kidnappée... Est-ce le cas ?

— Arrêtez de mentir, bordel !

La seconde porte du hangar coulisse derrière elle. Il-wan apparaît et pénètre également dans le bâtiment en pointant son arme droit sur le lieutenant Baek.

— Pam, viens vite !

Pam baisse son regard vers ses amis inconscients avant d'accourir vers son autre ami.

— N'y allez pas, mademoiselle Cosson, c'est un piège ! avertit le lieutenant Baek.

Pam s'arrête au milieu de son parcours. Elle pivote son corps de manière à pouvoir observer les deux lieutenants sans difficulté.

— Le lieutenant Jung vous manipule depuis le début. C'est un traître et un menteur ! Vous vous souvenez de la voiture de la casse ? On a fait correspondre des empreintes sur les cadavres avec celles présentes dans la Kia... J'ai fait une autre correspondance avec les empreintes du lieutenant Jung... Ce sont les mêmes !

Pam pousse un soupir scandalisé.

— Quel culot venant de votre part... Vous corrompez les gens à votre guise. Le traître et le manipulateur, c'est vous !

— Il t'espionne depuis un sacré bout de temps, Pam. Il a mis un micro et un logiciel espion sur tes appareils électroniques, lui apprend Il-wan. 

— Ne l'écoutez pas, mademoiselle Cosson ! Revenez vers moi, je vais nous protéger de ce salaud !

— Il a pris les informations du dossier de Ran Kang-goo et il les a cachés. J'en ai la preuve ! affirme Il-wan.

— Il fera tout pour gagner votre confiance... Je vous ai sauvé la vie, vous vous souvenez ? Je le ferai une seconde fois s'il le faut !

Pam pointe son doigt sur le lieutenant Baek.

— Vous mentez... Vous couvrez le docteur Kang et sa famille de meurtriers en toute impunité ! C'est facile de modifier les résultats dans un rapport quand il y a deux personnes au service de la justice !

— Continue, Pam ! soutient Il-wan.

Le lieutenant Baek s'avance un peu plus, tenant fermement son arme dans ses mains. Pam aperçoit ses phalanges devenir blanches.

— Le docteur Kang ? Putain, c'est la pièce qui manquait au puzzle ! Vous êtes doué, mademoiselle Cosson. Grâce à vous, on va pouvoir les arrêter !

— Arrêtez, bordel ! ordonne Pam.

Le lieutenant Baek s'avance encore.

— Vous vous trompez d'ennemi, mademoiselle Cosson ! rassure le lieutenant Baek. 

— Vous savez ce qu'ils font... Vous les laissez faire... Vous avez même agressé, ici même, Young-sun pour les protéger !

— Comment osez-vous lamanipuler après ça ? rythme Il-wan.

Le lieutenant Baek s'arrête et pointe Il-wan. 

— Et par-dessus tout, vous avez assassiné le procureur Jeon cette nuit-là ! Tout ce sang en est la preuve ! Pauvre petit procureur qui s'est fait bobo à la tête... précise Il-wan.

Pam fronce des sourcils. Elle se tourne vers son ami. 

— Ce n'est pas le sang de Young-sun ? questionne-t-elle.

— Vous avez donc bien assassiné le procureur Jeon... souligne le lieutenant Baek en même temps.

Pam pose ses yeux terrifiés sur le lieutenant Baek. Il-wan se met soudainement à rire. Épouvantée, elle dévie lentement son regard sur Il-wan. Ses yeux s'obscurcissent de larmes. Elle n'ose pas bouger ou respirer davantage.

— Merde, peste Il-wan en se grattant l'arrière de la tête avec le canon de son arme.

Les yeux de Pam s'écarquillent de plus en plus.

— Tant pis pour la suite...

Il-wan pointe son arme et tire directement sur le lieutenant Baek. Pam pousse un hurlement tandis que ce dernier s'effondre au sol. Horrifiée, la jeune femme pose ses mains sur sa bouche.

— Tu as raison, Pam... Retoucher les analyses d'un rapport est un jeu d'enfant lorsque ton père est médecin-légiste. 

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