CHAPITRE 125
14 Mars 2024
— Je sais que c'est compliqué, Il-wan, mais...
— Depuis la mort du procureur Jeon, le ministère de la Justice ne nous lâche pas. Le docteur Kang a dû jouer des pieds et des mains pour expliquer ta présence sur les lieux du crime. Il a menti en disant qu'il pensait te former pour que tu deviennes sa nouvelle assistante. Tu comprends ce qui se passe ? S'ils apprennent que je t'ai donné l'info, on peut tous avoir des ennuis, explique Il-wan à l'autre bout du fil.
Pam s'arrête en plein milieu du trottoir. Elle se pince les lèvres, pensive.
— J'ai élaboré un plan. Si tu me donnes l'info, je peux aller voir sur les forums ou les réseaux sociaux pour voir si les gens parlent de la Kia électrique. On pourrait trouver une bonne piste... Si quelqu'un l'a volé, les gens se plaindront.
Son interlocuteur reste silencieux.
— Il-wan, on est à deux doigts de trouver les coupables, je le sens. Ce récent meurtre est une aubaine. On a trouvé pleins de traces hier... Le meurtrier était pressé et n'a pris aucune précaution.
Elle lève les yeux pour voir si elle est arrivée à destination.
— Je comptais utiliser un Wifi public, en plus. Y'a pleins de cafés là où je suis, je peux me faire passer pour une étudiante qui rédige un mémoire et personne n'aura de suspicion. Rechercher des infos sur Internet n'est pas un crime. Et en plus, je te rappelle que j'ai pris en photo ce numéro de série, donc, théoriquement, je le connais déjà.
Ironiquement, ça lui rappelle sa conversation avec le lieutenant Baek, il y a plusieurs mois. Le lieutenant Baek voulait qu'elle identifie le propriétaire d'une des voitures, et Pam hésitait. Elle l'avait finalement retrouvé grâce au numéro de série appelé « VIN ».
— Bon, d'accord, tu as raison, abandonne Il-wan, je t'envoie le numéro de série par SMS... Supprime-le ensuite et vide ton téléphone.
— Ça frôle la parano, là.
— On ne prend aucun risque. On le fait déjà au téléphone... Ils nous écoutent peut-être...
Pam roule des yeux. Ils ne sont pas dans un film d'action avec le FBI et des hackers gouvernementaux super doués à leur trousse.
— T'as d'autres infos à me donner sur la voiture ?
— Oui. Les gars ont bien bossé. Ils ont réussi à entrer dans le programme de la voiture et ont daté le moment où elle s'est éteinte... Lors de son impact dans l'eau, quoi.
— Je suis tout ouïe.
— Le 10 Janvier à dix-huit heures quatre. On est déjà en train de faire des recherches sur des signalements de disparitions inquiétantes après cette période.
Pam imprime l'information dans son cerveau.
— Le docteur Kang a estimé leur âge entre la vingtaine et la trentaine, hier. C'est le même mode opératoire que les autres... Seul l'homme a été noyé vivant. Mais ça, tu le sais déjà.
— Oui. Je dois te laisser. Pas de bêtises.
— Ouais.
Elle raccroche et pénètre dans le café le plus proche. Le « Break Sugar ». Elle referme doucement la porte et s'avance. Son visage grimace tout seul. La décoration... On est le quatorze du mois. C'est le White Day. Plusieurs couples sont installés à des tables. Pam tente de contenir son émotion. Elle s'avance vers la caisse pour commander une boisson chaude et s'installer ensuite pour travailler.
— Bienvenue, en quoi puis-je vous... commence le barista.
Pam écarquille les yeux... L'employé également. C'est Young-sun. Il porte la tenue traditionnelle des baristas : tablier et casquette. Pam sent son cœur battre à tout rompre. Il va croire qu'elle la suivit jusqu'ici... Young-sun se racle la gorge. Le malaise est palpable.
— Je ne savais pas que tu – que vous – travailliez ici... C'est vraiment une... Surprise, lâche Pam.
Young-sun se gratte la nuque. Il est gêné quand il fait ça.
— Comment vont vos mains ? demande-t-il en désignant ces dernières.
Pam baisse la tête vers ses mains et les touche machinalement. Elle remonte son regard vers Young-sun.
— Oh, euh... Ça va.
— Euh... Pour la dernière fois, vous savez... tente Young-sun.
Leur regard se croise et ils se fixent longuement. Young-sun a du mal à sortir ce qu'il veut dire... Il s'excuse à sa manière.
— Je sais, dit-elle en souriant tristement.
Young-sun cligne des yeux, se racle à nouveau la gorge et se redresse, comme sortie d'une rêverie.
— Que désirez-vous, en fait ?
— Un choco latte, s'il vous plait.
Il appuie sur l'écran face à lui. Pam sort sa carte et paie directement.
— Vous travaillez ici depuis longtemps ? questionne-t-elle.
— Ça fait quelques jours, lui apprend-il en donnant son ticket.
— Vous abandonnez la médecine ?
— Oui, ça ne me plait plus. Je pense me tourner vers la photographie.
Pam hausse ses sourcils.
— Sérieusement ?
Elle ne peut s'empêcher de sourire. Elle lui a offert un album photo à remplir et il s'est acheté un Polaroid pour le compléter... Pam remarquait que Young-sun prenait de plus en plus son temps pour faire de belles photos. Il parlait de lumière et d'emplacement... A-t-elle fait naître chez lui une vocation ?
— Quoi ? interroge Young-sun de manière plus décontractée.
— Rien, mais... Je préfère largement ça, répond Pam.
Il lui faut un sourire sincère. Pour la première fois depuis son réveil, il la regarde et lui sourit. La jeune femme n'en croit pas ses yeux. Elle prend son ticket de carte bleue. Il désigne les tables derrière elle en reprenant son sérieux.
— Installe-toi, je vais t'apporter ta boisson.
Elle hausse ses sourcils. Il vient de la tutoyer ?
— Vous avez fini ? lâche un aigri derrière elle.
Pam se tourne et contourne le client mécontent. Elle s'avance dans la salle et s'installe à une table près d'une fenêtre. Elle pose son gros sac à main sur ses genoux et sort son ordinateur portable. Elle ne doit pas se laisser distraire. Il est temps d'entamer ses recherches sur la Kia...
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