CHAPITRE 114
En vérité, Pam n'est pas vraiment sortie pour faire quelques courses. Elle s'est réfugiée dans le hall de l'immeuble et fait les cent pas depuis vingt minutes pour tenter de trouver une solution. Elle est nerveuse et une boule d'angoisse s'est formée dans son ventre. L'atmosphère est tendue, et elle ne peut pas vivre ainsi éternellement. Young-sun refuse toute conversation, mais elle ne peut pas l'abandonner...
Alors, c'est décidé. Sa nouvelle mission, en plus des autres, c'est de faire retrouver la mémoire à Young-sun. Avant toute chose, Pam doit prendre son courage à deux mains et remonter dans l'appartement pour éteindre le feu qu'elle a allumé... Ce n'est pas en restant cachée dans ce hall que les choses vont s'arranger toutes seules.
La jeune femme prend une grande inspiration et appuie sur le bouton pour appeler l'ascenseur. Comme personne n'est descendu entre-temps, les portes s'ouvrent immédiatement. Elle entre et appuis sur le bouton de l'étage... Plus l'ascenseur monte, plus cette boule dans son estomac s'étend.
— Allez Pam... C'est Young-sun. Il ne ferait pas de mal à une mouche. Il est juste... Absent. Mais tu vas le ramener, s'encourage-t-elle en trépignant d'anxiété.
Elle expire bruyamment lorsque les portes s'ouvrent et s'avance dans le couloir. Elle s'arrête dans son élan. La porte de l'appartement est grande ouverte et il y a des valises éparpillées à l'extérieur. Pam entend un grand boucan qui semble venir du logement. Elle aurait pu croire à un cambriolage, mais ce n'est pas logique, et en plus, sa boule se transforme en un mauvais pressentiment.
Elle se rapproche de la porte et pénètre dans l'appartement. Son regard se baisse sur d'autres valises ouvertes, puis il remonte sur Young-sun. Il a les bras chargés de vêtements en boule. Il les ouvre au-dessus des valises pour faire les faire tomber à l'intérieur. Le sol craque sous le poids de Pam. Young-sun se redresse.
— Vous tombez bien ! Je ne sais pas quelles sont vos affaires ou vos objets... J'ai mis les vêtements féminins et les produits hygiéniques qui semblaient être à vous avant tout.
— Que faites-vous ? demande calmement Pam.
Elle n'est pas bête. Elle sait ce qui se passe. C'était même sa première crainte dès qu'elle a compris que Young-sun ne retrouverait pas la mémoire en une semaine... Mais si c'est si soudain ! Ils viennent à peine de rentrer à la maison...
— Ça ne se voit pas ? siffle Young-sun en désignant les valises face à eux.
Pam s'abaisse vers une valise pour inspecter son contenu. Elle reconnaît l'album photo qu'elle a offert à Young-sun à Noël. Elle ne l'a pas revu depuis, mais il a ajouté des écritures sur la couverture... Elle déglutit et ses yeux se lèvent vers son petit ami.
— Mais, vous ne pouvez pas faire ça ! Je n'ai nulle part d'autre où aller...
— J'y ai réfléchi et je ne peux pas vivre avec vous... C'est impossible ! Je ne vous connais pas. Je suis mal à l'aise, vous comprenez ?
— Mais... Vous n'êtes pas rétabli ! Le docteur Park a dit que je devais m'occuper de vous.
— Je peux le faire moi-même.
Il pivote et fouille dans chaque tiroir présent dans le salon pour en sortir des objets au hasard et les mettre dans les valises. Pam se relève.
— S'il vous plait, Young-sun... Ne faites pas ça. Je vais me faire toute petite... On peut même s'arranger pour ne pas se croiser si vous voulez !
— Je vais vous payer un taxi et quelques jours à l'hôtel. Mais c'est tout ce que je peux faire.
— Je refuse... Vous êtes mon petit ami. Vous avez besoin de moi pour vous souvenir !
Young-sun se rapproche et la regarde droit dans les yeux. Son regard est assassin.
— Et qui vous dit que j'ai envie de me souvenir de quoi que ce soit ? Vous m'avez dit qu'on m'avait agressé et que je travaillais dans une morgue... Franchement, vous voudriez avoir ma vie ?
Il soupire et se baisse pour refermer les valises. Une fois fait, il les pousse à l'extérieur comme s'il s'agissait de poubelles remplies de déchets.
— Non, vous... Vous aviez l'opportunité de devenir professeur avec un grand bureau ouvert et très gai ! Vous pouvez partir de la Vieille Bâtisse. Vous aviez peur de la réaction du docteur Kang mais... Il vous soutiendra et je vous aiderai. Je serai toujours là... On avait des projets, on...
— Ça suffit !
Il balance ses chaussons, son sac à main et son manteau dans le couloir. Son regard... Il la déteste.
— Mademoiselle Cosson... Vous ne m'intéressez pas du tout ! Pourtant, j'ai essayé de vous apprécier ou même de vous tolérer durant cette dernière semaine, mais je n'y arrive pas. Je ne sais pas ce que le moi d'avant vous a fait croire, mais il n'était clairement pas amoureux de vous. Sinon, je le serai aussi, vous ne pensez pas ?
Pam lâche un halètement à cause du choc. Elle sent son cœur battre dans tout son corps. Elle n'arrive pas à quitter Young-sun du regard. Sa vue se brouille. Elle s'essuie les yeux avec son bras.
— Je ne peux pas me mettre à votre place, mais... Mettez-vous à la mienne. Vous vous sentirez comment si l'Amour de votre vie vous rejetait de la sorte alors que vous faites tout pour l'aider ?
— Fort heureusement, je ne suis pas à votre place, peste Young-sun.
Il sort son portefeuille et lui donne beaucoup de billets. Puis, il la tourne et la pousse en dehors de l'appartement.
— Désolé, mais c'est terminé. Faites votre vie, et je ferais la mienne... Merci d'avoir été à mes côtés cette semaine, malgré tout.
Il claque la porte, ce qui fait sursauter Pam, et elle entend le verrou automatique tourner dans la serrure. Elle se retourne et observe la porte pendant un long un moment. Elle voudrait rester et ne pas le laisser tomber, mais... Après ce qui lui a dit, elle ne sait plus où elle en est.
Elle se retourne et observe la dizaine de valises qui encombrent le couloir. Elle inspire et expire pour tenter de stopper la montée de larmes et la panique qui l'attendent... Mais ça ne fonctionne pas. Elle se laisse glisser le long de la porte et passe une main tremblante dans ses cheveux blonds.
Humiliée et abandonnée, voilà ce qu'elle ressent.
À la fin, elle la traversera toute seule cette forêt sombre et lugubre...
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