CHAPITRE 110

14 Février 2024

Dans l'ascenseur, Pam observe, avec jalousie, un couple se tenir la main et se chuchoter des mots doux à l'oreille. Plantée derrière eux, en attendant que l'appareil s'arrête à l'étage demandé, elle a l'impression de tenir la chandelle. Elle se sent stupide. Dans sa main droite, elle tient un sac rose contenant un bouquet de fleurs et une boite de chocolat. De l'autre, elle tient la ficelle d'un ballon en forme de cœur rouge et flottant dans l'air.

Contrairement aux Occidentaux, en Corée du Sud, ce sont les femmes qui offrent des cadeaux à la Saint-Valentin, et les hommes leur répondent le mois suivant, durant le White Day.

Cette conversation a déjà été mise sur le tapis, il y a un mois de ça. Pam le sait donc, Young-sun n'est pas friand de ces fêtes de couple célébrées tous les quatorze du mois. Mais, son petit ami a oublié une chose importante la concernant : elle est têtue et bornée. Malgré la situation, Pam souhaite honorer la Saint-Valentin. Ce n'est pas parce que Young-sun est inconscient, qu'il doit être privé de ce genre d'attention...

Les portes s'ouvrent. Le couple sort en premier de l'ascenseur. Pam les juge de haut en bas avant de les imiter. Elle s'avance dans le couloir et remarque un policier en civil à l'autre bout de ce dernier, ce qui la rassure. C'est un nouveau aujourd'hui, elle n'a jamais vu son visage. Après cette réflexion, la jeune femme pénètre à l'intérieur de la chambre.

— C'est moi, dit-elle en refermant la porte.

Elle pose toutes ses affaires sur une chaise libre et, une fois moins encombrée, elle attache le ballon au bout du lit. Puis, elle sort du sac le bouquet et les chocolats. Elle pose les chocolats sur la table de chevet de Young-sun, près du tigre. Elle s'avance vers le vase et remplace les fleurs fanées par les nouvelles tout en disant :

— Je sais, tu trouverais ça débile, mais pour être honnête, j'attendais vraiment la Saint-Valentin. Tu sais, si tout ce bordel ne s'était pas produit, j'aurais été le parfait cliché hollywoodien. On aurait flâné au bord du fleuve Han, et le soir, on aurait été au resto. J'aurais acheté de la lingerie rouge pour que notre première fois soit grandiose et passionnée... Au lieu de ça, on est là, tous les deux, avec nos gueules tristes et notre désespoir de ne plus se parler.

Elle pousse un petit soupir et se tourne pour regarder son petit ami. Mais à la place... Elle sursaute. Young-sun la regarde, les yeux grands ouverts. Pam cligne des yeux pour vérifier que ce n'est pas un mirage... Elle a imaginé cette scène tellement de fois, que c'est peut-être encore le cas... Mais non. Young-sun ne la quitte pas des yeux. Son respirateur fait du bruit.

— Oh mon dieu.

Elle se rapproche doucement du lit et s'accroupit pour le regarder. Il suit ses mouvements et son regard. Pam attrape directement sa main.

Youngsun-a ? C'est moi, Pam. Tu peux m'entendre ?

Il continue de la fixer.

— Serre ma main si tu comprends ce que je dis... Tu es à l'hôpital. Tu as été agressé. Tu te souviens ?

Il ne réagit pas.

— Oh mon dieu... Attends, je reviens !

Elle lâche sa main et court pour ouvrir la porte en grand.

— Infirmière ! Infirmière ! Que quelqu'un vienne ! Il s'est réveillé ! hurle Pam.

Ce grabuge amène le policier en civil vers elle et deux autres personnes sortant du couloir. Quand elle se retourne pour regarder Young-sun, ses yeux se sont refermés.

****

— Je ne l'ai pas imaginé. Il me suivait même du regard ! Il était conscient, argumente Pam en observant le docteur Park, médecin s'occupant du cas de Young-sun, ausculter ce dernier.

La jeune femme lance un regard inquiet à ses proches. Harin, Sang-kyu, le docteur Kang, Hyun-su et Il-wan sont présents. Elle les a appelés, il y a trente minutes, pour les prévenir de ce qui s'était passé, et ils se sont dépêchés de venir. 

 Le docteur Park se redresse et se tourne vers le groupe. Pam est nerveuse. Quel est le diagnostic ?

— Syndrome de l'état végétatif, déclare-t-il.

— Mais encore ? questionne le docteur Kang.

— Il va bientôt revenir à lui ou pas ? presse en même temps Pam.

Le docteur Park se racle la gorge.

— Il répond aux réflexes ostéotendineux, cornéens et photomoteurs. De plus, il respire tout seul. C'est en bonne voie.

— Mais quand ? continue la jeune Française.

— Bientôt, je l'espère. Continuez à lui parler et à le toucher. Ça le stimule. Je ne sais pas ce que vous avez fait, mademoiselle, mais ça l'a réveillé, indique le docteur Park en rangeant ses outils médicaux dans les poches de sa blouse.

Pam lâche un rire nerveux. Tout le monde se tourne vers elle d'un air surpris. Harin et Sang-kyu marmonnent des choses qu'elle n'entend pas. À coup sûr, ils la prennent pour une folle. Quant au docteur Park, il lui lance un regard sévère...

Pam ne peut pas dire que Young-sun est devenu conscient un bref instant au moment où elle parlait de sexe. Ce serait confirmer le stéréotype ultime que les hommes ont une bite à la place du cerveau... Pourtant, ils n'ont jamais vraiment abordé le sujet. Chacun a déjà eu des relations sexuelles dans le passé... Mais, ils n'ont jamais débattu sur ce qu'ils aimeraient faire ensemble. Avant l'agression, ils se pelotaient et s'embrassaient ardemment régulièrement, mais Young-sun n'a jamais osé franchir la barrière de sa petite culotte...

La jeune femme reprend son sérieux petit à petit.

— Oui, pardon, euh... Je continuerai. Merci, docteur.

— Je viendrai l'examiner régulièrement, conclut le médecin avant de sortir de la chambre.

Hyun-su joue avec la ficelle du ballon pour combler le vide laissé par le médecin et la gêne de l'état psychologique de Pam.

— Pam-Pam, tu veux qu'on reste ? suggère Harin au bout d'un certain temps.

La jeune femme secoue la tête.

— Non, je vous appellerai s'il y a du changement, ne vous en faites pas. Veuillez m'excuser pour le faux espoir... 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top