CHAPITRE 1

17h03

— Pourquoi tu as cet air étrange sur le visage ? soupçonne Yae.

Hyung, ne t'inquiète pas ! répond Jungsook.

Depuis qu'ils sont sortis du bureau, son ami a un sourire étrange collé aux lèvres... Et au lieu de se rendre au parc, comme à leurs habitudes, Jungsook l'a emmené dans un café-bar que Yae ne connait pas.

Son ami le pousse gentiment vers la porte. Yae est donc obligé d'ouvrir cette dernière pour ne pas se cogner dedans. Une cloche au-dessus de leur tête retend à leur entrée. Jungsook lui donne une tape amicale sur l'épaule en se dirigeant vers une table. Il est de plus en plus bizarre. Yae ne le sent pas du tout. Son ami attire l'attention de la propriétaire.

— Une bouteille de soju, Ajumma, commande Jungsook.

Yae observe la scène, irrité. Il ne désire qu'une chose, rentrer chez lui, mais Jungsook tapote la chaise juste à côté de la sienne avec un grand sourire. Yae comprend que son ami est fébrile. Il ignore encore la raison. Il balaie la pièce du regard et constate que quelques personnes les observent. Jungsook a réussi à attirer l'attention sur eux. Yae pousse alors un soupir.

Ya, arrête de faire ça, on dirait un gamin, réprimande-t-il.

Il s'installe dans un air las sur la chaise et desserre sa cravate. Il croise après coup les bras contre son torse et colle son dos à celui de la chaise. La propriétaire apporte une bouteille de soju et deux verres dans la foulée.

Gamsahamnida, remercie Jungsook en s'inclinant légèrement.

Il rapproche les verres et ouvre la bouteille d'une façon qui se veut extraordinaire, alors que ce n'est pas le cas. Il sert Yae en tenant son coude droit dans sa main gauche puis il se serre à son tour.

— Tiens, Hyung ! Santé !

Il lève son verre et attend que Yae trinque avec lui. Ce dernier lâche un autre soupir. Il prend son verre d'un air ennuyé et frappe, sans grande motivation, dans celui de Jungsook. Ce dernier se tourne alors sur le côté pour boire cul sec son verre. Il lâche un bruit de satisfaction et pose le verre brutalement sur la table.

Yae, lui, boit lentement son verre. Il ne dirait jamais non à un verre d'alcool après une dure journée de travail... Mais, en posant son verre, il remarque qu'il y a deux autres chaises en face d'eux. Jungsook s'est assis à une table de quatre. Ils ont une vue imprenable sur la porte d'entrée. Yae serre la mâchoire et se tourne vers son collègue et ami.

Ya. C'est quoi ce plan ?

Jungsook se frotte les mains.

— Tu es vif, Yae.

Il se rapproche de son oreille, comme pour lui dire un secret. Beaucoup trop proche au gout de Yae.

— Je vais rencontrer Mary aujourd'hui ! révèle Jungsook.

Il se met à glousser en se reculant, ce qui hérisse les poils de bras de Yae. Pourquoi son ami réagit ainsi ? On dirait un idiot ! Yae réfléchit alors. Mary ? Il hausse un sourcil.

—Ton Anglaise ? finit-il par trouver.

Jungsook hoche vivement la tête, comme s'il convulsait. Yae se lève en remettant convenablement sa veste.

— Alors, je n'ai rien à faire ici.

Ya, attends !

Jungsook tire sur son bras pour le faire asseoir. Les fesses de Yae se posent sans délicatesse sur la chaise en bois. Jungsook se rapproche à nouveau de l'oreille de Yae, ce qui commence à horripiler ce dernier.

— Elle amène une amie avec elle.

Yae se lève encore et Jungkook le fait asseoir à nouveau. C'est un jeu qui commence à l'agacer.

Ya, deux étrangères hyper canons, c'est la chance de notre vie !

— Cela ne m'intéresse pas, Jungsook-shi.

— Carrément, tu dis « shi » ? Je t'ai vexé à ce point ? Allez, on a le droit de s'amuser ! On l'a mérité !

Yae se tourne vers lui, d'un air mauvais.

— Tu es complètement fou !

— Tu ne sais même pas à quoi son amie ressemble !

— Justement, ça ne m'int...

— Jungsook ? appelle une voix féminine avec un mauvais accent.

Les deux hommes tournent la tête vers l'origine de la voix. Yae remarque alors une jeune étrangère blonde et de grande taille, se tenant à quelques mètres de leur table et plutôt bien habillée. Jungsook se lève lentement en remettant bien sa veste. Yae l'observe. Il a la bouche grande ouverte. Mais très vite, il reprend ses esprits et se met à sourire bêtement. Yae roule des yeux et se sert un autre verre de soju. Il s'intéresse plus à la décoration de l'endroit qu'à la fille de Jungsook. Ce dernier fait le tour de la table pour accueillir sa belle.

— Tu es magnifique ! dit-il dans un parfait anglais.

Yae le regarde, surpris. Il avait oublié à quel point Jungsook avait progressé en anglais ces dernières années. La fille n'hésite pas à le prendre dans ses bras et à le serrer. Yae se sent soudainement gêné par ce geste affectueux public. Ce n'est pas une chose habituelle qu'on peut voir ici. D'ailleurs, les autres clients du café se mettent à chuchoter et à lancer des regards mauvais à la fille. Yae se racle la gorge pour attirer l'attention du nouveau couple.

— Oh ! souffle Jungsook.

Il se recule de la fille et se tourne vers Yae.

— Je te présente Kim Yae, introduit-il en anglais.

— Enchantée, Yae !

La fille se rapproche et tend sa main vers lui. Yae, pour rester poli, la saisie et la serre, sans se lever. La fille se tourne vers Jungsook.

— Il est comme ça avec tout le monde, prévient Jungsook.

— D'accord...

Elle se met à sourire aux deux garçons.

— Alors, moi, je vous présente...

Elle se retourne vers la porte puis semble chercher dans le café quelque chose. Yae l'imite d'un air ennuyé. Elle pivote encore, embêtée d'après les traits de son visage, et lève son index en l'air.

— Veuillez m'excuser une petite seconde...

Elle sourit poliment avant de s'éloigner vers la porte, l'ouvrir – la clochette sonne - et de sortir. Elle semble appeler quelqu'un qui daigne à se montrer. Yae la voit marcher sur le côté et parler à une personne qu'il ne peut pas voir. Puis, quelques secondes après, elle revient, son sourire poli encore collé aux lèvres, et pousse la porte. La clochette sonne une nouvelle fois. Yae est vraiment fatiguée de cette situation. Si ça continue comme ça, dans quelques secondes, il va feindre un mal de ventre et partir en courant.

— Elle ne va pas tarder... Elle est plutôt timide, s'excuse-t-elle-même si Yae ne comprend rien à ce qu'elle dit.

Il pousse un énième soupir tandis que Jungsook tire une chaise avec galanterie pour faire asseoir la fille face à lui. Yae se resserre un troisième verre de soju et l'avale cul sec. Au même instant, la cloche de la porte retentit. Ah non, encore ? Yae serre le poing. Il va retirer cette clochette lui-même à force !

— C'est elle, je présume ? lance Jungsook.

— Oui, voilà Poppy ! répond la fille.

Il se lève tous les deux et Yae se sent obligé de les mimer. Il pose alors, à son tour, le regard vers l'entrée et... Il s'immobilise.

Une jeune femme blonde, de petite taille cette fois-ci, entre dans le café. Ses talons claquent lentement sur le sol... Non en fait, ce n'est pas elle qui est lente, c'est le temps qui se ralentit. Elle lève les yeux vers le petit groupe, et Yae est tout de suite happé par son regard à la fois intriguant, différent et idyllique. Son cœur tambourine étrangement dans sa cage thoracique et sa gorge devient sèche. Qu'est-ce qui lui arrive ?

Mary se met à parler. L'autre fille serre la main de Jungsook puis celle de Yae, qui répond machinalement. Yae distingue les lèvres de la nouvelle bouger mais il n'entend pas et n'arrive pas à déchiffrer ce qu'elle dit. Elle lui sourit puis, les trois s'installent. Yae sort de sa rêverie et s'assoit rapidement sans rien dire. Il se sent stupide.

Poppy. C'est son prénom. Il n'ose pas lui parler et pourtant, il n'arrive pas à détacher ses yeux de son visage quand elle ne le regarde pas... Elle a quelque chose de magnétique. Il n'avait jamais vu ce genre de couleurs auparavant, ni ce genre de pureté dans un regard. C'est troublant pour lui quand on sait ce que la Corée du Sud a vécu cette dernière décennie...


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« Hyung » est un terme utilisé par les hommes pour désigner un grand frère ou un ami proche (plus âgé en général).

« Ajumma » est un terme utilisé pour désigner une femme d'un certain âge.

« Ya » sert à interpeller ou à attirer l'attention de plus jeunes ou d'un statut hiérarchique « comparable ». Selon le contexte, l'intensité ou l'intonation peut induire le désintérêt, l'exaspération, etc...

Le suffixe honorifique « -shi » désigne une conversation avec un inconnu ou une personne qui n'est pas proche (vouvoiement). Au contraire, les suffixes « -a » ou « -ya » désigne une conversation avec un ami (tutoiement). 

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