Texte n°3

La neige s'abat subitement sur la ville, recouvrant en petite touche disparate ses ruelles mal famées d'une splendeur diaphane et immaculée. Les flocons flottant dans la bise, je suis là. Sous le manteau de neige qui ne fait que croître, logé dans un amas d'ordures et de déchet.

Je bât péniblement des cils, les hématomes zébrant mon corps de la couleur du ciel, je ne peux que scruter les nébuleuses, cloué au sol sans appel. Le relent nauséabond des détritus agresse mes narines, tandis qu'un arrière-goût âcre titille mes papilles. Des caillots sanguins ce sont formé, visiblement je me suis battu et me suis lamentablement foiré.

Grognant des jurons étouffés du vacarme que je produis pour me lever, je m'accommode des nombreuses poubelles qui jonchent ma route. Renfoncement exigu et ambiance feutrée, je vacille et chute violemment, me coltinant un torticolis carabiné. La gorge sèche, je n'ai même plus la force de sortir une réplique cinglante. Un misérable chat errant me nargue alors, sourire condescendant et expression satisfait. Il n'y a pas plus pathétique que moi en cette instant, je peux mettre ma main à couper.

- Vous aller bien ?

Les sourcils arqués, ce n'est qu'avec un effort olympien que j'arrive à pivoté. La lueur des néons me brûle alors la rétine, je dois papillonner des paupières pour m'acclimater à cette soudaine clarté. Une coupole auréolée et une prestance astrale la nimbant dans une sainte lumière, je suis subjugué. Les mots suspendus et le souffle coupé, de ce spectacle majestueux et inopiné.

- Est-ce que vous m'entendez ? s'enquiers-t-elle, le timbre fluette. Je m'appelle Queen. Rho... Non mais, répondez bon sang !

Elle me tâte alors le dessus de ma veste, comme pour y retrouver quelconque pièce d'identité susceptible de me relier. Je la détail ainsi plus attentivement. Des filaments d'or retombant jusqu'au milieu de son dos, ses cheveux sont coiffés d'un petit bonnet en laine, lui arrivant aux oreilles. L'aire soucieuse, je distingue la détresse animé ses pupilles métalliques, oscillant avec l'angoisse et la candeur de ses traits juvéniles, presque angéliques. Le rose de sa bouche se répercute à ses pommettes, elle semble avoir froid, et pourtant, partage avec moi la protection fragile de son parapluie fébrile.

- Vous êtes vraiment dans un salle état, constate-t-elle dépitée.

J'émets alors un rire nerveux. Elle, paraît surprise, me considérant ainsi troublée.

- Pour... Pourquoi... ? j'articule difficilement. Vous m'aidez...

Queen fronce dorénavant du sourcil, la commissure de ses lèvres dessinant un croissant, elle me regarde alors plus intensément, mi-amusée de mon comportement.

- Peu importe qui nous sommes ou ce qu'on nous avons fait, nous portons tous en nous les mêmes souffrances et les mêmes désires. Autant s'entraider pendant notre court passage sur terre ensemble, vous ne croyez pas ? Certes je ne vous connais pas, mais vous me semblez souffrant, c'est d'ores et déjà suffisant pour que je m'attarde un tant soit peu sur votre cas.

Son discours me fait l'effet d'une flèche décochée en pleine poitrine. Un sourire céleste fini alors d'y enfoncer le clou, je suis touché. Personne n'avait encore pris la peine de me susurrer des mots aussi gentils et désintéressés de toute ma vie.

- Allez. Je vais vous porter maintenant.

Elle tient parole, me soulevant ainsi du sol. Ma carcasse débauchée le long de son échine, je me blottis alors sur son épaule. Une excroissance informe nichée dans le cou, je ne me formalise pas plus assidûment sur ce détail. Humant par la même occasion, sa douce fragrance tropicale. Un parfum de fruits sucrés imprègne ses habits bohèmes et bariolés.

- Merci, je sanglote, une fine pellicule d'eau salée imprimée sur mes prunelles.

- Il n'y a pas de quoi.

Dès l'instant, je suis comme transporté. Bercé par la valse des voitures, le son klaxon se confondant à la mélodie citadines si animée. Je ne sens plus mes membres, uniquement l'allégresse m'envahir. Installé sur cette présence rassurante, presque maternelle, une étreinte emplie de chaleur humaine. Pour moi, il n'y a dès lors plus que tous les deux. Un moment qui n'appartient rien qu'à nous. Entre l'interstice des bâtiments, un échange intime s'opérant en marge des individus.

La chute des températures ne m'atteint plus, dorénavant lové dans mon cocon, je suis comme apaisé dans ce nid douillet, si confortable, si pelucheux, si rembourré à souhait. Mes paupières sont lourde, je me sens si léger, j'ai tellement envie de me laisser guider. Fermant une dernière fois les yeux, vers le pays des songes colorés.

***

- Oui, allô. Vous êtes bien au centre de désin...

- Allô ! Domitille, c'est moi !

- Oh ! Giddeon, ça me fait plaisir de t'entendre, comment vas-tu ? T'es-tu enfin décidé à suivre notre programme ?

- Ouais, c'est bon. Maintenant je suis prêt.

- Oh ! Quelle bonne nouvelle ! Tu ne peux pas savoir à quel point cela me rend heureuse de l'apprendre ! Bon, je t'avouerai qu'au début, c'est difficile et je comprends ça parfaitement. Mais la victoire ne sera que d'autant plus belle, je te le garantie ! Ah... Je suis tellement fière de toi, tu sais. Mon petit bout d'homme rentre enfin dans le droit chemin ! Bon, je suis comme même curieuse, qu'est ce qui t'as fait changer d'idée si brusquement ?

- J'ai rencontré quelqu'un.

- Quoi ? Encore ! Tu sais pourtant bien que ce n'est pas raisonnable.

- Ouais, mais qu'est-ce que tu veux, elle était si belle... Si tu savais, je l'aimais tellement cet ananas... Plus jamais je retoucherai à une seule goutte d'alcool !

NDA : Queen est une variété d'ananas

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