Chapitre 2 : Lettre d'amour
Cher anonyme toi,
Sayonara. C'est un mot japonais qui signifie « au revoir » ou « adieu ». Mais tu dois le savoir, étant donné que la culture japonaise t'intéresse tout autant que moi. C'est un peu glauque de commencer une lettre comme ça. Mais je ne suis pas très douée pour ce genre de chose, tu m'en excuseras.
Par quoi commencer...
Coucou. Tu ne me reconnaîtras pas. Je ne sais même pas si tu liras ceci un jour. Je ne pense vraiment pas, il y a très, très peu de chance. Et je ne dirais jamais ton nom ni le mien. Donc je suis sauve, en quelques sortes.
C'est un peu compliqué dans mon esprit cette année. Tu sais, c'est ma dernière année de lycée. Je rêve de sensations, d'adrénaline, de sentiments forts et inoubliables. Je rêve de diplôme et de la fin de mon enfance. D'amitié éternelle et de rires assourdissants. Je rêve de scénario à l'américaine, de romance passionnante et frissonnante, d'amour aussi sincère que celui de Thoru et Kyo, dans Fruit Basket. Je le veux aussi innocent que Kou et Futaba dans Ao Haru Ride. Aussi puissant que Nagisa et Tomoya dans Clannad. Je rêve d'un amour qui dure toute une vie et au-delà de la mort.
Je pense avoir un peu trop regardé de shojo, de séries et de films romantiques. Je lis un peu trop, en oubliant où je suis. Je rêve un peu trop, en oubliant ma réalité. Peut-être que c'est pour ça que je n'ai jamais pu t'écrire jusque-là. J'ai essayé. Mais je n'y suis pas parvenue la première fois. Sûrement pas encore prête à passer le cap de cet amour que j'ai un jour porté pour toi. J'ai tenté d'écrire sur toi, mais les mots ne venaient pas. Aujourd'hui, tout va un peu mieux.
Je suis retombée amoureuse. Enfin, amoureuse est un grand mot. J'ai eu un crush sur quelqu'un. Un garçon de ma classe, introverti et renfermé sur lui-même. Il ne parle pas beaucoup, ne me plairait pas spécialement en temps normal, mais il est là, réel, et il m'a plu. Il ne me parle pas non plus plus que ça. Ne me regarde pas spécialement et ne m'apprécie pas spécialement. Je suis sa camarade de classe, tout au plus.
Je ne m'attendais pas à te retrouver sur les réseaux. Ou en tout cas, pas aussi facilement. J'avais simplement tapé ton nom sur Insta et voilà, pouf, tu es apparu. Si simplement que cela m'a surprise. Tout ce que je voulais c'était des nouvelles.
Tu as toujours été un gentleman. D'aussi loin dont je me souvienne, tu as toujours été quelqu'un de poli et de prévenant. Drôle et taquin. Un vrai bourreau des cœurs, imbécile. Je n'allais pas très bien honnêtement. J'étais tristement toujours amoureuse de l'autre, et puis tu es arrivé, avec toute ta personnalité et tous les souvenirs que tu faisais remonter.
Cela faisait tellement longtemps qu'on ne s'était pas parlé. Depuis la CM1. Je me souviens que tu as été l'un des plus doux souvenirs de mon enfance. Je n'ai pas honte de l'avouer. J'ai été éperdument amoureuse de toi malgré mon jeune âge. Je n'ai même pas réussi à vraiment tourner la page avant aujourd'hui. Mais c'est ce que je trouve beau dans tout ça ; c'est parce que je n'ai pas réussi à t'oublier complètement que je te considère comme mon premier amour.
Je pense qu'à travers les messages qu'on s'est envoyé j'ai voulu superposer la relation que j'aurais aimé que mon crush et moi possédions. A travers toi, j'aurais aimé que mon crush agisse ainsi. Donc je me suis un peu laissée entraîner, on va dire. Tes taquineries me plaisaient. Cela changeait des réponses neutres de mon crush. Et j'aimais cette supposé complicité qui s'installait entre nous. Même si je ne te connaissais plus, et que tu ne me connaissais plus. Le fait que tu agisses de manière la plus naturelle possible près de moi me mettait à l'aise. Alors j'ai commencé à espérer. Une petite étincelle, rien de bien aveuglant. Mais elle était là, vicieuse, et ancré dans mon cœur. Je voulais cette relation digne des comédies romantiques. Cet amour hypnotisant qui faisait tourner les têtes.
Puis je l'ai appris. Que tu avais une copine. Honnêtement, je m'en doutais. Tu ne pouvais pas être toi et être célibataire. Et pour tout te dire, j'ai été déçue. Mais pas autant que je ne me l'étais imaginée. J'ai eu un pincement au cœur, je ne le nierais pas. Mais je ne pleurerai pas pour toi. Contrairement à ce que je pensais, je n'ai pas eu aussi mal qu'avec mon crush. C'était décevant, mais j'étais contente pour toi et curieuse à propos de cette fille. J'étais aussi un peu jalouse. Jalouse de toi à vrai dire. Quelle chance tu avais de découvrir ça.
Tu m'as manqué. Honnêtement, ça me fait du bien de discuter avec toi. J'ai toujours un petit pincement au cœur en pensant à tout ça. Mais ça ne me fait pas plus mal qu'en pensant à mon crush. Je pense que je m'imagine trop de monde dirigé par des « si ». Il faut que je grandisse et apprenne à faire des croix sur des passages de ma vie. A gribouiller les détails qui ne me feront pas avancer.
En tout cas, sache qu'aujourd'hui je vais bien. Je ne sais pas si j'ai réussis à tourner la page. Tu as été une partie importante de ma vie, et je ne sais pas si je pourrais un jour complètement t'oublier. Mais sache qu'aujourd'hui tout va bien dans ma vie. J'ai des amies formidables qui me soutiennent et m'écoutent quand ça ne va pas, une classe géniale par chance, une famille aimante et un crush non réciproque mais qui me fait sourire rien qu'en apercevant sa présence. Je ne suis pas totalement heureuse, mais je ne suis certainement pas malheureuse.
Je suis contente de voir que tu sembles aller bien aussi. J'espère qu'on pourra continuer à discuter tranquillement comme maintenant. Sinon, je poursuivrais ma route et je ne me rappellerais pas de toi cette fois-ci.
Voilà. Je voulais simplement te dire ça. Sayonara.
***
Je range mon stylo et défais ma queue de cheval pour laisser mes cheveux bruns retomber le long de mon dos. Je pars vers ma cuisine et y récupère un briquet. Ma lettre à la main, je l'amène jusqu'à la flamme qui ressort du petit objet attrapé plus tôt. Puis lentement, je laisse le feu consumé l'unique témoignage de ma vie. Je soupire de soulagement, le cœur plus léger. Quand j'ouvre à nouveau les yeux, le ciel est toujours aussi bleu, sans nuages, et ensoleillé. La sonnerie de mon téléphone chantonne dans mes oreilles. Aujourd'hui, c'est la Saint-Valentin. Et cette année encore, je n'aurais aucune fleur. Mais ce n'est pas bien grave. Aujourd'hui, je dis au revoir à mon premier amour.
- Allô ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Il m'a offert une fleur ! ma meilleure amie cria dans mes oreilles.
- Tu mens ! Oh my god, j'suis grave contente pour toi !
Voilà... Je n'avais pas voulu écrire ça au départ, mais on va dire que c est mon requiem a moi.
Sayonara :)
09/02/2022
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top