Dans cette partie, nous allons traiter des problèmes récurrents liés à la construction de l'intrigue, c'est-à-dire comment l'histoire va évoluer à partir de la situation initiale, son élément perturbateur, ses péripéties, son dénouement, et enfin la situation finale.

COHÉRENCE ET VRAISEMBLANCE

Nous n'avons pas beaucoup de conseils à apporter sur ce point, simplement : relisez-vous attentivement et imaginez vous dans les situations que vous écrivez.

Les incohérences et invraisemblances, aussi minimes soient-elles, si elles s'accumulent, nuisent à la construction de votre univers et cela peut complètement perdre le lecteur. Il faut toujours se demander si vous-même pourriez agir comme vos personnages.

LES QUESTIONS SANS RÉPONSE

Dans une intrigue, il est normal que des éléments soulèvent des questions qui restent sans réponse pendant quelques temps. Il est en revanche nécessaire que les personnages cherchent à connaître les réponses, en posant des questions par exemple, si les enjeux sont importants pour eux !

Beaucoup d'histoires souffrent du problème suivant : dans les premiers chapitres le personnage principal est complètement perdu par ce qu'il apprend, et il ne pose pas de questions ou bien on lui répond à côté de la plaque.
Dans les premiers chapitres le lecteur a besoin plus que jamais de repères pour avoir une idée du "champ des possibles" que propose l'histoire. Ne donner aucune explication a juste pour effet de le perdre dès le début en donnant un aspect "brouillon" à l'histoire. Trop de mystère tue le mystère !

LES OBLIGATIONS EN "SCENARIUM"

Ce que nous appelons le "scenarium" c'est : un élément physique imaginaire permettant de faire ce que l'on veut dans un récit (exemple inventé : "Les barreaux de la prison étaient en scenarium, le méchant a pu s'échapper") ou bien plus généralement une force supérieure qui pousse les personnage à réaliser des actions incohérentes pour le seul intérêt de passer à la scène suivante (autre exemple inventé : "La princesse a été poussée par le scenarium à ouvrir la porte interdite malgré les recommandations répétées").

La difficulté majeure pour un auteur est de faire aller ses personnages là où il a envie qu'ils aillent (ils n'en font qu'à leurs têtes sinon !). Il faut donc trouver systématiquement une raison crédible et cohérente pour qu'un personnage fasse une action ou dise quelque chose qui fasse avancer le scénario.
Plus cette avancée est grande, plus il est important d'étoffer cette raison d'agir pour éviter que le scénario entier ne repose que sur un fil (de scénarium).

Ainsi, il est assez problématique que de voir les personnages obéir à un inconnu sans raison et contre leurs intérêts, même si c'est évidemment l'intérêt de l'auteur de les pousser à suivre cet inconnu !

Dans le même ordre d'idée, il y a les personnages qui acceptent très vite des situations extraordinaires (fantastiques ou non). N'hésitez pas à développer davantage le sentiment de surprise et de laisser au personnage le temps de comprendre ce qu'il se passe.

Enfin, il est très frustrant de suivre un personnage principal qui avance dans l'intrigue non pas par ses propres décisions, mais par celles d'autres personnages, surtout s'ils ne sont que de simples figurants.

L'IMPACT ÉMOTIONNEL

C'est là le problème que nous avons le plus rencontré ! Les sentiments des personnages sont souvent pas assez décrits.

N'hésitez pas à taper "liste sentiments" dans un moteur de recherche pour vous inspirer et varier la palette d'émotions et rendre les personnages plus vivants.

Faites attention à la colère. Si elle paraît injustifiée au lecteur, elle peut complètement décrédibiliser un personnage. Il y a quelques livres où les personnages s'énervent tout le temps et où on est du coup très peu attaché à eux.

Le problème vient surtout lorsque l'histoire fait le choix de faire confronter les personnages à des situations traumatisantes (massacres, perte de ses proches, agression...) et qu'ils n'ont aucun impact émotionnel autant sur le court terme que sur le long terme. En particulier quand les personnages sont des enfants ou des adolescents : être un enfant n'enlève pas l'importance que peut avoir un traumatisme !

L'ÉVOLUTION DES RELATIONS

Comme dirait @Dr_Scalpel "Show don't tell !". Plutôt que de laisser le narrateur dire que deux personnages sont ou deviennent amis, montrez-le ! Un dialogue à coeur ouvert, même maladroit, aura toujours plus d'impact que tout ce que pourra dire le narrateur.

Cela aura aussi l'avantage de permettre de mieux connaître les personnages, et de mieux saisir sur quoi repose leur amitié.

Aussi, une relation n'évolue pas en une journée de "inconnu" à "ami". Il faut poser plusieurs étapes dans une relation pour que celle-ci soit crédible.

LE PROLOGUE

L'écriture d'un prologue est un exercice compliqué. Certains recommandent même de n'écrire le prologue qu'une fois l'histoire achevée. En fait, il devrait être possible de lire le livre sans le prologue.

Le but d'un prologue (en fantasy et SF principalement) est "de fournir aux lecteurs des éléments de base pour comprendre le décor et la culture d'un univers particulier avant que l'histoire ne commence. Mais attention à ne pas donner trop de précisions, juste de quoi éveiller l'intérêt des lecteurs".

(https://www.enviedecrire.com/de-linteret-du-prologue/)

Ne confondez pas le Chapitre 1 avec un prologue. En particulier, dans le cas où le chapitre qui suit le prologue est complètement dans sa continuité, alors ce n'est pas un prologue par définition.

LES ADULTES

Il y a très peu de personnages adultes. Les personnages principaux sont très souvent jeunes et sont soit orphelins, soit leurs parents n'apparaissent pas dans l'histoire, sont très distants, ou ne sont pas développés...
Par exemple, on retrouve souvent les clichés de la mère très maternelle et du père absent.

Le problème arrive lorsque la présence de personnages adultes est là par nécessité mais qu'ils ne sont absolument pas développés et / ou qu'ils ont un comportement immature.

Les adultes peuvent aussi ressentir des émotions, avoir des objectifs, des peurs, des envies !
Il y a aussi beaucoup de moments où les adultes dans les histoires ont des comportements absurdes, et qu'ils sont aveugles à tout ce qui se passe dans l'histoire. C'est particulièrement le cas quand les adultes considèrent comme négligeables des éléments évidemment alarmants (morts, harcèlements...). Les personnages principaux ne sont pas les seuls à avoir des yeux !

APPELEZ LA POLICE !

Dans beaucoup d'histoires, il n'y a pas de police, ou une quelconque forme d'autorité à aller voir en cas d'abus ! S'il n'y en a vraiment pas, essayez de le faire comprendre clairement au lecteur ; mais s'il y en a, vous ne pouvez pas vous passer d'une explication de pourquoi les personnages n'appellent pas la police (l'argument "sinon il n'y aurait pas d'histoire" n'est pas valable !).

Surtout, ce qui est important est d'établir clairement les limites de ce qui peut être puni ou non.

LES PERSONNAGES QUI DEVINENT / VOIENT DANS LE FUTUR DU SCÉNARIO

Pour revenir sur le dilemme "intérêt de l'auteur / intérêt du personnage" : il y a beaucoup de personnages qui prennent le point de vue de l'auteur pour accomplir leurs actions. Nous insistons sur ce point précis car nous l'avons beaucoup rencontré : les personnages qui font des rapprochements trop rapides entre des détails, sans explication.

En tant qu'auteur vous savez que tel détail est super important, mais le personnage, lui, n'a aucune raison d'y faire attention !

Essayez toujours d'amener une raison logique pour chaque action, qui soit cohérente autant avec les informations que dispose le personnage qu'avec sa personnalité.

LE COUP DE FOUDRE

Oui ça existe dans la vraie vie, mais non ce n'est pas systématique (loin de là d'ailleurs !!). Le coup de foudre est souvent utilisé comme élément scénaristique afin d'accélérer l'intrigue. Au contraire, n'hésitez pas à prendre votre temps pour proposer une histoire d'amour avec une évolution intéressante !

LES DIALOGUES PEU NATURELS

Il faut trouver un juste milieu entre le naturel et l'écrit dans un dialogue.

Beaucoup de textes montrent des prises de paroles qui ne sont pas très crédibles (pas de raison de dire une chose, phrase trop complète, prise de parole trop longue...). Le risque est de sortir complètement le lecteur de l'histoire parce qu'il ne croit pas que ce qu'il lit soit une réelle tirade de personnage.

Cependant, il ne faut pas non plus abuser du langage familier dans un dialogue. La familiarité, la vulgarité et les raccourcis de mot que l'on fait à l'oral rendent beaucoup plus crus à l'écrit. On peut garder un langage courant dans les dialogues, et réserver la familiarité quand on veut accentuer la vulgarité / l'accent / la colère (ou autre) d'un personnage.

Aussi, un dialogue ne commence pas juste comme ça. Il faut un début (bonjour tout ça...), quelques divagations, et une fin. On ne peut pas juste écrire trois répliques en "scénarium" sans aucun contexte.
Un dialogue peut porter sur plusieurs sujets bien sûr, à condition de bien gérer les transitions entre eux.

Encore une fois, l'astuce est de lire ses dialogues à voix haute pour bien s'immerger dans son propre texte.

L'EXPOSITION DES DÉTAILS DE L'UNIVERS

Encore et toujours : l'intérêt de l'auteur (présenter son vaste univers) n'est pas celui des personnages (vivre leurs vies, et non pas raconter des siècles d'histoire à un inconnu).

Le "lore" (= infos sur l'univers) doit être amené avec un lien direct à l'intrigue et aux enjeux des personnages. Caser un cours qui explique les choses peut être utile, mais ce n'est pas très subtil ni original pour transmettre les informations au lecteur.

Si vous voulez inventer un monde, commencez par montrer les choses communes dans ce monde avant de montrer des choses rares ! Sinon on ne va pas facilement croire qu'elles soient vraiment rares.

Aussi, une erreur courante est quand un personnage explique les choses au personnage principal comme s'il partait du principe que ce dernier de ne sait rien sur l'univers. Cela donne l'impression qu'il parle au lecteur (qui lui ne sait effectivement rien sur l'univers), et pas vraiment au personnage (qui lui habite ce monde donc sait déjà !).

L'ARRIVÉE DE LA MAGIE

Si votre univers contient de la magie, et que celle-ci est une chose courante dans ce monde, il faut l'introduire le plus tôt possible. Si vous tardez trop, le lecteur a l'impression qu'on lui a caché un élément important de l'histoire.

En revanche, si la magie est une chose rare, faites attention à lui laisser son caractère exceptionnel, et à créer de l'étonnement quand elle apparaît.

N'oubliez pas de définir votre magie. Il faut que celle-ci respecte ses propres règles pour que le récit garde sa cohérence. Cela évitera beaucoup d'éléments "en scenarium".

LES PÉRIPÉTIES

Un événement imprévu pour les personnages n'est imprévu pour les lecteurs que si on sait ce à quoi le personnage principal s'attend pour sa journée.
Prenez donc le temps d'établir la vie quotidienne et "normale" des personnages avant un événement important si vous voulez vraiment le rendre impactant.

LE REPOS

Reposez vos personnages entre deux passages d'action. L'action se doit de sortir du lot des évènements, être à couper le souffle... Sauf que pour que cette action ne se banalise pas, il faut montrer qu'elle n'est pas ordinaire, en montrant justement ce qui est l'est.

En mettant des moments de repos assez longs, on pourra voir les personnages s'en remettre et leur donner un aspect plus humain. L'autre intérêt est que ces repos donnent du temps pour tisser les liens entre les personnages, décrire des caractères, montrer peut-être des facettes d'une personnalité.

Ce sont aussi des moments où les personnages vont réfléchir, échanger, faire avancer l'intrigue. Nous ne comptons plus les histoires qui auraient pu se finir en deux lignes si les personnages s'étaient posés 5 secondes et avaient échangé deux mots autour d'un verre !

LA CONSTRUCTION DES INTRIGUES

Nous avons remarqué que les nouvelles et histoires courtes sont souvent mieux construites dans leurs scénarii. Si vous commencez tout juste à écrire, n'hésitez pas à viser petit avant de vous lancer dans une saga de romans !