Défi nº3 : A l'image de l'amour...

"On peut être pris le soir,
Car le beau temps souvent triche,
Par un gros nuage noir
Qui n'était pas sur l'affiche."
Rosa fâchée, Victor Hugo

Si elle aime tant s'allonger dans l'herbe quand le soleil commence à se cacher, c'est pour se perdre dans les nuages.

Les cumulus, ceux qui prennent la forme de ce que l'on imagine, sont ses préférés. Elle aime bien les comparer aux petits bonheurs simples de la vie. Ses animaux, le rire de son neveu, l'odeur familière de la maison de ses parents. Toutes ces petites choses qui rendent son quotidien moins ennuyant.

Il y a les nuages un peu plus gros, les stratocumulus, qui sont menaçants. Ceux-là, elle les compare aux épreuves qu'elle a ou va endurer. La mort de sa grand-mère, sa soudaine démission ou encore sa voiture qui vient de lâcher.

Elle arrive pourtant à les apprécier, ces nuages tachetés de gris. Jamais ils ne provoquent de pluie.

Et enfin, il y a les cumulonimbus. Le ciel en est rempli en ce jour d'automne. Étonnamment, ça ne la dérange pas. Elle qui les déteste en temps normal les apprécie aujourd'hui. Ils correspondent à son état d'esprit et ce qu'il se passe dans son cœur.

Comme un voile transparent qui couvre ses sentiments, les nuages finissent par prendre de la place dans le ciel. Les rayons de soleil encore présents les éclairent légèrement, ce qui rend l'ambiance encore agréable.

Elle n'avait jamais comparé ces nuages à ce qu'elle ressentait au plus profond de son cœur, pourtant c'est ce qu'elle fait aujourd'hui. Ils représentent exactement sa relation amoureuse. Calme, sans embûches avant leur arrivée, parfois même trop parfaite.

Puis, petit à petit, le voile s'est installé. Lui et son caractère, sa façon d'être ou de penser, de parler, de respirer. Tout devenait prévisible. Elle, acceptant de devenir sa fiancée, la maison, une grossesse, un chien. Il le souhaitait et elle était persuadée, elle aussi, de le vouloir.

Jusqu'à aujourd'hui. Le ciel finit par se couvrir et la pluie menace de tomber.

Mais le soleil arrive à se glisser parmi les nombreux nuages, comme par magie. Son parfum vient chatouiller ses narines et une présence se crée dans son champ de vision. Ce n'est que lui qui apporte une petite éclaircie dans sa vie, comme il l'a toujours fait.

– Tu penses à quoi ?

Le son de sa voix la fait frissonner. Elle l'aime, elle en est persuadée.

– À ton avis ?

Elle aurait cependant aimé que son ton soit aussi doux que le sien.

– Je comprends, lance-t-il en prenant sa main.
– Comment ça ?

Elle quitte du regard le ciel, qui reprend quelques couleurs, pour l'observer. Elle connaît les traits de son visage par cœur et les aime tous, mais ne ressent plus le besoin de les caresser un à un.

– Je t'aime, j'en suis certain, dit-il en faisant légèrement pression sur sa main. Mais c'est fini. C'est juste... terminé.

Ses épaules se haussent en même temps qu'il dirige de nouveau son regard vers le ciel. Elle n'est pas sûre d'être heureuse de l'entendre, surtout venant de lui. Une partie d'elle vit cela comme un échec. Est-ce qu'ils s'étaient assez battus pour sauver leur couple ?

– Ça me fait chier, déclare-t-elle brusquement en reposant son regard sur le ciel.
– Je sais. Moi aussi.

Elle souffle longuement de frustration en essayant de trouver une solution, mais il n'y en a pas et elle le sait. Ça fait déjà pas mal de temps qu'elle en cherche sans succès.

– Qu'est-ce qu'on doit faire ?
– Je pense que tout le monde s'y attend, alors ça sera facile, lui répond-il naturellement. Par contre, n'imagine pas que tu seras éternellement débarrassé de moi.
– Je ne veux même pas y penser...

Et c'est vrai. En plus d'avoir été son petit ami quelques années, il était son meilleur ami. Celui à qui elle racontait tout, même ses pensées les plus intimes. Elle ne se voit pas continuer de vivre sa vie sans lui.

– Merci d'avoir été si patient et compréhensif... je sais que je n'étais pas facile ces derniers jours.

Sa voix se brise à la fin de sa phrase, mais elle ravale comme elle peut les larmes qui menacent de couler.

– Je suis juste terrifiée à l'idée de ne plus être avec toi.
– Eh, tout ira bien. Je ne t'abandonne pas.

Il se redresse sans lâcher sa main, ce qu'elle apprécie. Le contact de sa peau lui permet de rester ancrée dans cette réalité et de ne pas repartir dans ses pensées. D'ailleurs, elle ne regarde plus les nuages. Leurs regards s'accrochent et leur permettent de ressentir pleinement les émotions de l'autre.

De son autre main, il vient caresser du bout des doigts sa jambe.

– C'est si simple de t'aimer et impossible de ne pas le faire, lance-t-il en laissant une larme rouler sur sa joue. Tu m'as appris ce qu'est le vrai amour et même si j'ai peur de ne jamais le retrouver, je sais qu'il faut qu'on arrête là.

Elle hoche la tête en se pinçant les lèvres. Le soudain romantisme dont il fait preuve lui brise le cœur, elle n'est même pas sûre qu'il l'a déjà été à ce point. Aujourd'hui, il lui ouvre entièrement son âme.

– On n'abandonne pas, mon cœur. On accepte le fait qu'on ne retrouvera plus jamais cet amour. C'est pas comme si on n'avait pas essayé de le retrouver, lance-t-il en souriant d'amusement.

Elle ne put retenir son rire, qui est un réel soulagement. Ses muscles se détendent, ce qui la rend beaucoup moins angoissée par cette discussion. Oui, ils ont essayé plusieurs méthodes pour retrouver la flamme du début. Les tâches ménagères mieux attribuées, les séances de cinéma qu'ils n'appréciaient jamais vraiment, ils sont même allés voir une psychologue. Rien n'a fonctionné.

Puis les larmes sont arrivées sans qu'elle ne puisse non plus les retenir. Son cœur se déchire à l'intérieur et ça lui fait un mal de chien. Dans un élan de lucidité, elle se redresse pour serrer l'homme pour qui son cœur battra toute sa vie dans ses bras.

– Je t'aime aussi, murmure-t-elle entre deux sanglots.

Ils restent enlacés quelques minutes avant qu'il lui embrasse le front, puis finalement se relève pour la laisser seule. Elle en a besoin et il le sait. La solitude a toujours été quelque chose de sacré chez elle, surtout quand le ciel offre un tel spectacle.

Elle décide de se laisser tomber sur le dos afin de se perdre dans les nuages qui couvrent maintenant la totalité du ciel. Les oiseaux ont décidé de prendre leur envol, sentant la pluie arriver.

Mais elle ne bouge pas. Elle imagine que ces oiseaux forment des mots, un peu comme un générique de fin de film. Les danses qu'ils effectuent sont hypnotisantes et représentent un océan d'évasion pour ses pensées.

Finalement, ça ne fait pas aussi mal qu'elle l'avait imaginé. Elle est triste d'abandonner cette relation qui était parfaite, c'est indéniable, mais surtout soulagée. Les oiseaux décident de lui offrir une dernière danse avant de disparaître, tout comme les derniers rayons de soleil. Ses angoisses disparaissent en même temps qu'eux. Elle est prête à s'aimer, elle avant tout.

C'est une nouvelle page qui se tourne, et la pluie marque le point final à ce poétique nuage de sa vie.

Cette fois, elle ne rentre pas à l'intérieur,
Les premières gouttes d'eau fouettent son visage,
Pour cette fois, elle écoute son cœur,
Et la pluie finit par devenir un orage,
Sauf que cette fois, elle ne ressent aucune peur,
Elle a même hâte de découvrir son prochain nuage.

***

1272 mots pour ce troisième défi !
apprenti0auteur EloraQuintin MademoiselleJuillet

Je suis particulièrement fière de mon rendu. Poésie vaporeuse n'était pas un défi facile et je ne savais pas de quoi m'inspirer. Finalement, j'ai pioché dans la poésie et les nuages.

La poésie n'est pas du tout quelque chose que je maîtrise mais j'ai quand même essayé de l'intégrer à ce texte.
Pour les nuages... qui ne s'est jamais retrouvé à les regarder ? Personnellement, je les trouve apaisants. Peu importe leur nature.

Un grand merci à MellieFox 🫶🏼
Tu as été d'une grande aide, sincèrement. Ce texte n'aurait pas été le même sans toi.

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