# Premier rendu de la finale du concours de la gargote aux Six serpents. Nous entamons avec Imperator d'-enami-. Pour cette ultime phase, pas de note. Les livres seront classés par appréciation.

« L'échiquier est en place, les pièces avancent »

Lu jusqu'au dernier chapitre publié : chapitre 3.6 - La tour (fin du premier acte) - Normalement, aucun gros spoiler à signaler ! Si l'autrice en voit un important, merci de le signaler rapidement et le passage sera retiré.

Retour N°1 :

Imperator est un livre remarquable. Entre intrigue politique tissées sur de la fantaisie originale, amour, combat et jeux d'esprits, son genre littéraire ne se décrit pas, il se lit. Le lien avec les pièces d'échecs maintenu tout du long est très bien trouvé. Le réalisme est présent, rendant la fantaisie plus puissante encore. Les personnages sont recherchés, du début à la fin leurs actions corroborent avec leur caractère. Chaque fait est expliqué, chaque action est justifiée. J'aime la manière dont tu renvoies l'humain à ses contradictions à travers tes personnages. Ils sont loin d'être binaires et reflètent une belle compréhension des complexités de notre espèce. Je n'ai malheureusement pas de conseil à te donner ni de point à améliorer, si ce n'est de continuer à l'écrire ! Hâte de voir la suite...

Retour N°2 :

Bon, bon, bon, je ne vais pas revenir sur les dix premiers chapitres et sur le fait d'être tombé amoureux de la plume d'Enami, ça serait trop. Je vais me contenter de souligner que les chapitres suivants sont de mêmes qualités, un régal pour les yeux. Je vais même citer un passage qui m'a particulièrement marqué. Quand je l'ai lu, je me suis dit « c'est bon, mec, tu as assez lu pour le restant de tes jours ». J'exagère un peu ?! Peut-être, mais juste un poil 😉 :

« Valana avait toujours été la guerrière des deux. L'impitoyable. La violente. L'aînée. Celle que ses parents voulaient transformer en lame si fine qu'elle percerait des milliers de trous dans les murailles de la ville maudites de Litans. Lorsqu'elle revenait de ces "entrainements", les mains couvertes d'hémoglobines, des nuages d'un noir d'orage dans les yeux, Agape la prenait dans ses bras et lui jurait qu'il l'aiderait toujours à retrouver le chemin de la lumière. Quand avait-il cessé de croire en elle ? Quand l'avait-il considéré comme incurable, préférant se tourner vers la brillance du soleil quitte à se brûler les yeux ? »

Ce passage, poétique et prenant, est encore plus beau quand on connaît les personnages. Si je veux ergoter (et j'adore ça), j'ai un poil tiqué sur « hémoglobine » (peut-être un peu trop moderne dans le contexte du livre), mais n'est-ce pas l'imperfection qui rend un tout parfait ? Si je pinaille encore (oui, en fait, j'adore ça) je dirais qu'on retrouve souvent une surabondance de figures d'insistance et de répétition. Par exemple, dans un chapitre, on retrouve dans le même paragraphe : « Prostrée, silencieuse, cachée, elle attendait. Elle attendait que les trompettes cessent de hurler, que les questions cessent d'affluer, que la peur cesse de l'étreindre, que les réponses cessent de se dérober. Solana savait attendre. C'était une qualité qui importait peu aux yeux de son père, aux yeux des instructeurs, aux yeux des courtisans. »

Alors, en soit, ce paragraphe peut être volontairement écrit avec cette succession de figures répétitives, mais il prendrait son sens si le texte n'en regorgeait pas déjà. Ça ne m'a pas dérangé, mais je pense qu'il faudrait peut-être éviter d'en abuser. Car si on les remarque, les figures de style ont tendance à perdre de leur impact. J'espère avoir été compris, le cas échéant, n'hésite pas à me demander des éclaircissements, des compléments, des clarifications 😉. Dernier point concernant le style : les dialogues. Dans les dix premiers chapitres, je trouvais qu'ils n'étaient pas assez naturels, qu'ils étaient parfois « trop faciles ». Eh bien, ça m'a beaucoup moins dérangé par la suite. Est-ce parce que tu as su bien différencier les personnages par leur caractère et leur vécu ? Est-ce parce que les tics de langages ne sont pas forcément utiles pour démarquer les uns des autres ? Va savoir, il n'empêche que ça me semblait plus fluide, plus spontané. Il n'empêche, accentuer l'ironie ou faire des traits d'esprits avec Aëlle (par exemple) donnerait, je pense, une dimension supplémentaire aux personnages et marquerait davantage les esprits.

Bon, je voulais faire vite sur le style quasi impeccable, ben je me suis bien lourdé... Passons au second point que je voulais aborder, les multiples points de vue.

C'est un parti prit intéressant, qui je pense se marie à merveille avec ton histoire d'intrigue politique. Je pense que tu as su user de ce procédé avec brio, car chaque personnage est bien distinct les uns des autres. Cependant, ça a aussi quelques mauvais côtés, bien entendu. Pour une fois, je vais tenter d'être un minimum factuel :

Les PLUS :
· Cela fait voyager. On saute d'un pays à un autre, d'une ambiance à une autre, d'une intrigue à une autre. Ça permet de faire découvrir l'univers de manière habile et fluide, car on voit par les yeux d'un local, avec son ressenti et son histoire. Grâce à ça, j'ai adoré découvrir les différentes villes, paysages, coutumes et religions des duchés de Terranée.
· Cela rend les personnages très intéressant et crédible, car on les suit de l'intérieur. On comprend ainsi les motivations de chacun, on découvre leurs histoires, leurs amitiés et leurs inimitiés.
· Cela contourne habilement le « problème » du manichéisme, car en comprenant une motivation, on comprend tout autant les conséquences qu'elles impliquent. Personne n'est mauvais par nature, il le devient. Ce n'est qu'en tentant de comprendre l'acte qu'on peut - à défaut de le comprendre - au moins le concevoir. Je trouve que dans ton roman on ne distingue pas les méchants de gentils, les mauvais de bons. On s'attache certes plus à certains personnages qu'à d'autres (et c'est normal), mais cela rend l'histoire et les personnages d'une profondeur et d'une richesse inouïes. Bien entendu, il faut pour cela rester d'une stricte cohérence, mais je pense que tu as vraiment su le faire avec ce livre. Cela étant, on reste dans les hautes sphères du pouvoir, je trouverais éventuellement intéressant de suivre un personnage plus modeste, ça pourrait donner une nouvelle dimension. Ton livre utilise une grille de lecture très horizontale, voir à travers une autre classe sociale apporterait encore une autre vision. Bien entendu, je ne me doute certainement pas de la complexité que cela apporte à l'écriture. Même G.R.R. Martin ne s'y est pas aventuré.
· Cela implique parfois un sentiment de frustration, mais une bonne frustration. Je trouve difficile de quitter à la fin d'un chapitre un personnage, car on a envie de savoir ce qui va lui arriver, comment son arc va évoluer. Cette bonne frustration et - de plus - vite dissipée, car on est finalement heureux d'en retrouver un autre. La preuve que tes personnages sont vraiment bien amenés, crédibles et attachants. Fait rare, tu as su m'offrir pour chacun de tes protagonistes un point commun, une manière de penser commune ou une motivation valable.

Les MOINS :
· Cela ralentit le rythme de l'histoire, car - ça paraît assez logique - on a plusieurs fils rouges en parallèle et du coup la trame principale en prend pour son grade. Heureusement, on sent rapidement les liens entre les différentes intrigues.
· Paradoxalement, cela accélère le déroulement de l'intrigue parfois au détriment de la compréhension des enjeux. Je m'explique par un exemple, car je ne suis pas sûr de m'être moi-même compris : dans l'arc avec Agape, en un demi-chapitre, on découvre le personnage d'Ars-lan et le « combat » pour la fidélité des soldats que son arrivée au palais implique. C'est un passage qui va trop vite et qui mériterait d'être un peu plus expliqué, car on ne saisit pas tout de suite l'importance de l'enjeu, ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.

Pour conclure, je dirais que ce multi point de vue rend les personnages riches au détriment de l'intrigue. Cependant, comme ton fils rouge tourne autour de multiples intrigues et reste fermement lié aux persos et à leurs interactions respectives, c'est un parti pris intéressant qui fonctionne. Au fil des chapitres, les histoires de chaque personnage s'imbriquent très bien les unes aux autres, ce qui donne en ensemble « naturel » et cohérent.

J'aurais cependant une petite réserve sur un passage qui concerne la relation entre Aëlle et son père : à un moment donné, Jorn explique à Aëlle : « Parce que je ne pouvais pas te ramener au clan ». Pourquoi ne le pouvait-il pas ? C'est un point capital dans l'évolution et la vie d'Aëlle, ça aurait tout changé. Je trouve étrange que Balden ait voulu le garder près de lui alors qu'il le détestait. Le roi n'aurait-il eu pas tout à gagner à le rendre à son clan, pour justement éviter une guerre et l'éloigner de lui ? J'ai peut-être mal compris les enjeux, mais je pense que ce point serait à clarifier (en tout cas pour mon cerveau fatigué 😉).

Pour revenir rapidement sur les autres aspects de ton roman, je maintiens tout ce que j'ai dit en commentaire à la fin des dix premiers chapitres. Pour résumé, un monde intéressant et extrêmement bien construire, avec des coutumes et des peuples bien distincts les uns des autres, le tout avec une cohérence parfaite. Les personnages incroyables (encore et toujours le GROS PLUS de ton roman). L'histoire en devient presque secondaire mais reste le ciment qui relie les différentes péripéties. Dans de nombreux livres, il serait légitime de chercher l'enjeu, d'essayer d'anticiper le dénouement. Là, on est au-delà, car on a à cœur de comprendre le but de chaque personnage et ses motivations, tu nous tiens fermement par la profondeur de chaque protagoniste. De plus, la fin de l'acte 1 est bien marquée, avec un évènement clé qui sait donner une nouvelle impulsion à l'histoire. Je pense qu'il arrive à point nommé et - s'il est peut-être un peu prévisible - il est malin, car il redistribue habilement les cartes. Ceci pour tous les personnages, leurs buts et leurs relations entre eux.

Du coup, c'est quand la suite ?

# Les retours sur ce livre sont tout à fait personnels, subjectifs et amateurs. En cas de plainte, veuillez me contacter par MP, je promets de ne pas y répondre au plus vite.