Lynkha3

Lu jusqu'au chapitre 5 : Le Tranchant de la connaissance (1/2)

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La Saga de Leif Deux-Vies ou 

La balade mélancolique d'un étranger sur les traces de ses origines, des terres arabes aux fjords du nord.

968 après J.-C. Il s'appelle Leif, il vient du nord, de ces fjords glacés où l'on s'en remet à Odin et Thor, où les présages des oracles guident le destin des hommes. C'est à peu près tout ce que Leif sait de lui, car il a perdu la mémoire après une bataille sanglante bien loin de son foyer, en Andalousie. Secouru par une érudite sarrasine, Aisha, il devient son serviteur. Ensemble, ils vont convaincre le Calif de mener une expédition historique vers le nord, sur les traces de ses origines.

Leif retrouvera-t-il la mémoire ? Son mystérieux passé lui sera-t-il révélé ?

Voilà un roman ambitieux, dense et sophistiqué, qui témoigne de recherches rigoureuses, d'une âme d'esthète et surtout d'une méthodologie d'historien. L'autrice offre un superbe écrin à une histoire complexe, baignée de mythologie nordique, au scénario minutieux. La plume, de toute beauté, riche et romanesque, nous entraîne entre la brûlante Andalousie (conquise alors par les sarrasins) et les magnifiques fjords, mais aussi dans la mélancolie d'un homme à la recherche de ses souvenirs.

Sur la forme, c'est du travail d'orfèvre, plus abouti que la plupart des livres de la plateforme et que pléthore de livres édités. Et c'est là peut-être, paradoxalement, que le bât blesse parfois : si la langue et les atmosphères subjuguent, les quelques faiblesses narratives ont été plus faciles à percevoir.

J'ai été interpellée, par exemple, par un passage « anecdote historique » qui suspend la narration pour philosopher sur l'effet papillon et le pouvoir des rencontres inattendues. De même, deux chapitres sur une sorcière, sans lien apparent – à ce stade – avec l'intrigue principale, m'ont laissée dubitative, mais leur « fonction » se révélera certainement plus tard. Autre interrogation : dans les premiers chapitres, Leif rencontre un compatriote norrois, Sigmund, qui semble le connaître et pourrait ainsi l'éclairer sur son passé. Le chapitre se termine sur ce cliffhanger. On s'attend donc à reprendre cet arc à ce moment précis. Pourtant, la conversation n'est rapportée qu'indirectement, plus tard. Et cet artifice est utilisé une seconde fois. Leif se décide enfin à questionner l'homme, mais la confrontation attendue par le lecteur – tout du moins, c'était le cas pour moi –  fait l'objet d'une ellipse. Certaines transitions ont pu, ponctuellement, entacher mon immersion.

Ces remarques sur la structure sont finalement subjectives et négligeables au regard de la qualité générale du livre.

Au delà de ces réserves mineures – qui seront d'ailleurs peut-être évacuées à la lecture de l'œuvre intégrale – l'enchaînement des événement m'a paru fluide, maîtrisé, et les émotions delivrées toujours très justes. Le personnage principal, finement caractérisé, se révèle particulièrement émouvant, il porte en lui une réflexion intelligente sur la mémoire, l'identité et le destin. Au cœur des circonvolutions de l'Histoire, l'autrice dépeint avec une profonde empathie l'affliction d'un homme déraciné, esquissant une ambiance presque intimiste et spirituelle au sein de paysages spectaculaires.

Les univers, quels que soient leurs couleurs, en terre sarrasine ou viking, célèbrent l'art du détail et de la véracité historique. Ils offrent une toile de fond réaliste et visuelle où l'imaginaire peut se déployer pleinement. L'intrigue, quant à elle, augure d'une grande richesse scénaristique, avec des enjeux fins et captivants.

❂ Est-ce que je conseille ce livre ?

Brillant sur la forme – les descriptions sont virtuoses et le vocabulaire pointu – très travaillé sur le fond, cette œuvre aussi historique qu'humaniste tutoie la perfection. Si vous aimez la mythologie viking et les personnages torturés, vous serez enchantés par cette lecture dépaysante.