Clyfia_Shana

Lu jusqu'au chapitre 9 : Réveillon d'un pirate

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No Man's Land ou l'odyssée d'un pirate moderne, un récit noir et introspectif sur une humanité déchue.

Nyall Halvard est un hacker, un pirate du futur originaire de Norvège. Ancien prisonnier du Régime, il a fui la base scientifique d'Oslo en subtilisant une puce à ADN recomposé, capable d'altérer le génome humain. De terribles rumeurs courent sur celui qu'on nomme désormais le Styrrman : il aurait utilisé la puce pour son propre bénéfice et défierait ainsi les lois de la nature humaine.

Qui est vraiment ce criminel immortel craint autant des Technocrates que des civils ? Car dans sa lutte ravageuse contre le Régime, ne sont épargnés ni les coupables de sa condition, ni les innocents, de malheureux dommages collatéraux. Un héros, un anti-héros, un humain, un monstre, un homme-machine  ? 

Le récit repose sur l'adresse du Styrrman au Régime et aux lecteurs, à travers des lettres teintées de fureur, de mélancolie, d'accents poétiques. Sa voix nous raconte son histoire ; elle gronde, scande, se lamente, entité invisible et toute puissante aux sonorités graves, à la fois théâtrale et intime.

Deux temporalités se répondent au sein des chapitres : le passé du personnage – comment le prisonnier est-il devenu Technologiste puis pirate, comment s'est-il dépouillé de son humanité et de son innocence pour muter en cet être vengeur ? – et le temps présent, sa cavale à bord de son fidèle hydravion, le Styrr, à l'aube du 23e siècle. Ces arcs sont reliés par la voix intérieure du narrateur, dépourvue de dialogue, ou presque. L'action est ainsi voilée d'un regard nostalgique, où percent parfois les remords, les souvenirs heureux de l'enfance. La rage du fuyard flamboie, mais elle s'accompagne d'un timbre plus lointain, introspectif, qui confère un caractère inéluctable à ce récit amer.

L'univers est fascinant et possède son propre paradigme, sans jamais alourdir la narration. Il s'esquisse touche par touche et appartient davantage au registre d'une balade intimiste que d'une ordinaire aventure de science-fiction.

Au fil des ans, Nyall Halvard est devenue une ombre, un mythe, un mystère, intangible. Depuis qu'il s'est enfui de la base scientifique où il a contribué à créer la puce à ADN, il est un paria, un pirate, et il navigue sans relâche entre ciel et mer, le cœur empoisonné de haine. Il quitte un jour ses pénates et traverse le no man's land, direction la prison militaire de Kiev, antre des plus dangereux criminels condamnés à L'Oubli, pour sauver Solia, une femme qu'il a aimée. Mais les circonstances l'amèneront à croiser la route de L'Atelier, un groupe d'insurgés, opposants au Régime.

Le Styrrman, c'est en quelque sorte le héros tourmenté de Frankenstein de Mary Shelley, accablé par sa solitude, ses erreurs. Un héros déchu, en errance, qui conte sa propre histoire, partagé entre celui d'hier et d'aujourd'hui ; une parole double, un écho où résonnent la violence des actes et la mélancolie des souvenirs, la nostalgie humaine et la froideur inhumaine, chirurgicale. La prose est ciselée et possède la puissance d'une sentence, d'une tragédie grecque, mais elle est aussi poignante et mélodieuse, comme les derniers mots d'un condamné à mort.

La plume virtuose épouse les affres de l'âme, et ces lignes d'une insondable noirceur mais aussi d'une saisissante beauté se dévorent. Le personnage fascine, à la fois monstre impur et être chagrin, Frankenstein et sa créature. 

❂ Est-ce que je conseille ce livre ?

Oui. C'est beau, c'est poignant, c'est intelligent. La structure est originale et ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais de grâce, ça mérite une meilleure visibilité sur la plateforme !