🧡 Darek
Partie 1: Le rossignol chante
Le soleil commençait lentement a décliner, une légère brise faisait s’agiter les purs. Loin du bruit des voitures et de la pollution des cités interdites, le calme régnait, seulement troublé par le chant discret des oiseaux dans les branches. Dans le jardin de Moonshore, une résidence d’Eternalia, un jeune garçon lisait tranquillement, adossé à un arbre, profitant de cette merveilleuse après-midi d’été. Ce qu’ignorait le garçon, c’était que, au-dessus de lui, perdue dans le feuillage dense de l’arbre, une paire d’yeux bleus pétillants l’espionnait. L’ombre bougeait si légèrement de branche en branche que le mouvement se perdait dans le bruissement continuel des feuilles. Soudain, une branche cassa dans un bruit sourd, et l’étrange créature s’écrasa sur le sol, à quelques pas du garçon. Ce dernier poussa un cri de surprise, puis la frayeur passée, se mit à rire en reconnaissant le propriétaire de ces yeux bleus caractéristiques.
«Tu te prends pour un oiseau sœurette?»
Immédiatement, le visage d’une jeune fille apparut à travers l’entrelacs de branches et de feuilles au sol. L’enfant, qui ne devait pas avoir plus de dix ans, se releva et épousseta rapidement ses habits. Son visage encore enfantin était illuminé d’un immense sourire découvrant deux rangées de dents d’ivoire. Ses yeux cyans tirant sur le violet pétillaient de cette joie toute propre aux jeunes enfants, mais on pouvait lire au fond de ses iris une grande sagesse et un courage énorme. Son visage était encadré d’une cascade de cheveux roux décoiffés et parsemés de feuilles et de terre. Elle portait une tunique simple en cuir et un pantalon noir, et ses cheveux étaient retenus en arrière par un bandeau de la même couleur. La jeune fille s’approcha d’une démarche sautillante de son grand frère, puis lui tira la langue joyeusement
«ce n’est pas digne d’un gentleman de se moquer d’une jeune damoiselle en détresse Sir Darek» dit-elle d’un ton faussement pompeux.
Amusé, Darek sourit et répondit sur le même ton «enfin ma chère, je n’ai que douze ans il est encore un peu tôt pour m’appeler sir, de plus j’aurais tendance à penser que cette loi ne s’applique pas pour les petites sœurs casse-pieds, n’est-ce pas Cyrah?»
La dénommée Cyrah s’approcha de son grand frère avec un sourire espiègle:«casse-pieds moi? Tu vas voir espèce de goujat irrespectueux quelle peut être la fureur des petites sœurs casse-pieds» puis sans prévenir elle se jeta sur lui et se mit à le chatouiller frénétiquement dans le creux des côtes, un point qu’elle savait particulièrement sensible chez son frère. Ce dernier se mit à rire aux larmes, le corps secoué de spasmes, se secouant frénétiquement pour échapper aux mains de sa sœur qui le clouait fermement au sol. Les joues baignées de larmes, incapable de reprendre sa respiration, il allait déclarer forfait lorsqu’une magnifique femme brune sortit sur le perron et s’adressa a eux:
«Darek, Cyrah, venez goûter! J’ai préparé vos pâtisseries préferées!»
Cyrah hésita quelques secondes entre les pâtisseries fumantes qui l’attendaient à l’interieur et la perspective de continuer à torturer son frère, puis elle finit par se relever et cria à l’intention de la femme: «On arrive maman!». Elle se retourna vers son frère toujours au sol «sauvé par les crémantines Darek, tu auras moins de chance la prochaine fois» dit-elle malicieusement. Puis elle se mit à courir vers le porche de l’immense demeure où sa mère était en train de l' attendre, un plateau fumant aux mains.
Le souffle court, Darek se releva difficilement, s’étira puis ramassa son livre. Il regarda quelques secondes sa petite sœur gambader vers leur mère avec un léger sourire, puis, comme rattrapé par son enfance, il se mit a courir lui aussi vers la maison, accompagné dans sa course par le chant des rossignols sur les branches.
Partie 2: Le colibri se tait
«Comment as-tu pu lui faire ça Darek? Comment as tu pu me faire ça? Je te déteste!!» Le visage de Cyrah disparut du transmetteur qui redevint noir, reflétant le visage adulte de Darek. Ce dernier s’affala dans son fauteuil, contemplant d’un oeuil morne la couronne de Conseiller incrustée de rubis qui était la sienne depuis dix ans déjà. Dire qu’il avait choisi ce joyau pour son symbole de loyauté, de charité et de bonheur. Le conseiller se rendait compte maintenant à quel point il en était indigne. Il avait l’impression d’être complètement dépassé par les évènements, et cette impression d’avoir toujours un temps de retard le mettait en rage. Il prit sa tête entre ses mains et soupira. Ces après-midis où il s’amusait avec Cyrah, celles où ils étaient encore insouciants, où les yeux de sa sœur brillaient encore de joie quand elle le voyait, s’échappaient, glissaient entre ses doigts comme de l’eau malgré ses efforts pour les préserver. Il se creusa la tête, remonta le fleuve de ses souvenirs, en essayant de reprendre contrôle sur la situation, alors qu’une pensée se formait sans sa tête
«Comment en est-on arrivés là?»
Le temps avait passé depuis cette après-midi d’été, les arbres avaient perdu, puis regagné leurs feuilles de nombreuses fois. Darek et Cyrah avaient continué leurs études à Foxfire, le jeune garçon avait enfin manifesté un talent de phaseur comme sa mère alors que sa petite sœur s’était découverte flasheuse comme son père. Les années s’étaient écoulées lentement sans remous. Les jeunes frère et sœurs avaient terminé leurs études depuis longtemps et travaillaient désormais comme Emissaires. 60 ans après la fin de leurs études, Cyrah avait décidé de créer une famille et avait épousé Prentice Endal, ce qui fit la joie de sa famille. Un an plus tard, Darek devint le parrain du petit Wylie. Le jeune enfant avait les même yeux pétillants que sa mère, et Darek ne pouvait s’empêcher de voir Cyrah en lui quand il courait dans le jardin de la résidence Endal.
Mais le plus grand changement arriva l’année suivante, l’une des places du Conseil s’était retrouvée vacante et Darek avait été élu, devenant ainsi l’un des plus jeunes Conseillers. Très aimé par la population, il se montra bientôt un excellent atout pour le Conseil. Sa pricipale mission était, à l’aide d’un groupe d’émissaire triés sur le volet, d’enquêter sur un groupe de rebelles qui avait pris le nom de Cygne Noir. Huit ans plus tard, après de nombreuses investigations et enquêtes, le Conseil avait fait une énorme avancée en découvrant le gardien des secrets du Cygne Noir… Qui n’était autre que Prentice Endal. Darek ne put rien faire à part voter contre son brise-mémoire, mais la sentence fut tout de même appliquée à 11 voix contre 1. Le soir même, l’esprit de son beau-frère fut brisé, sans qu’il n’ait rien pu faire pour l’empêcher. Ce jour là, non seulement l’esprit de Prentice fut brisé, mais le monde de Darek, et le lien qui l’unissait à sa sœur le furent aussi. Mais malgré tout subsistait cette impression plus que désagréable, qui le gardait éveillé la nuit, celle que tout était de sa faute.
Voilà déjà deux mois que Cyrah ne lui adressait plus la parole, deux mois qu’il n’avait pas vu Wylie, deux mois qu’il évitait sa famille. Ses tâches de Conseiller lui prenaient de plus en plus de temps, mais il en était reconnaissant, cela lui permettait de ne plus penser qu’a son travail. Malgré tout, il souffrait de cette séparation forcée, pas un jour ne passait sans qu’il ait envie de joindre sa sœur, réentendre le son de sa voix. Mais au fond de lui, il avait peur, peur de devoir se confronter à ce qu’il avait laissé faire, alors à chaque fois il renonçait. Sentant une migraine commencer à pulser derrière ses yeux, il se mit a marcher d’un pas vif vers une petite porte argentée de sa maison de Conseiller. Il ouvrit la porte, et fut accueilli par les pépiements joyeux des oiseaux. La volière qu’il avait fait construire ne comportait aucune cage, c’était une pièce de taille moyenne mais très haute dans laquelle des dizaines d’oiseaux volaient librement entre les parois de verre. Il s’assit sur un coussin, et se laissa bercer par le chant des oiseaux, et le bruissement de leurs ailes. Il fut finalement tiré de sa somnolence par son transmetteur, qui s’était mis à vibrer. Il décrocha, et le visage d’Elwin apparut dans le cube argenté. Le médecin avait les cheveux encore plus en bataille que d’ordinaire, semblait a bout de souffle, et le transmetteur laissait entrevoir sa tunique rose bonbon agrémentée de petits sasquatschs. Normalement, Darek aurait taquiné Elwin sur son apparence, mais la lueur affolée dans les yeux du medecin lui fit ravaler son sourire.
«Que se passe t’il Elwin? demanda le Conseiller avec une inquiétude grandissante.
-Darek...Il faut que tu viennes tout de suite!» Haleta le médecin «C’est Cyrah»
-Quoi?! Qu’est-ce qui lui est arrivé?!
Le médecin, qui jusque là semblait éviter son regard, leva des yeux effarés vers lui
«Cyrah...Cyrah s’est évaporée...»
Le transmetteur produit un son mat en tombant sur le sol, mais Darek était déjà loin, courant vers le Luminateur. Il tenta de se rassurer, se dire qu’il n’était pas trop tard, mais, quand il arriva chez le médecin, la vue du corps translucide de sa sœur fit s’envoler tous ses espoirs. Il tomba à genoux.
«Je te déteste», ce furent les derniers mots que Cyrah lui adressa. Et au loin, dans la volière du Conseiller, comme pour rendre hommage une dernière fois à Cyrah Endal, tous les oiseaux s’étaient tus.
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