Utopie 5
L'Aura Bleue.
Les aboiements des chiens et les hurlements des hommes font monter en moi une tension palpable, électrique. Les poils de ma nuque se dressent sur mon épiderme. Je vais bientôt connaître le même sort que mes frères et sœurs d' infortunes. Nous, les pauvres parias de la société, forcés de voler pour survivre à l'oppression de cette bourgeoisie oisive à souhait, à cette opulence de richesse non partager et gaspiller pour leur bon plaisir.
La nuit de mon méfait, j'avais frappé fort. Je m'étais attaqué à la plus haute instance. J'avais frappé le cœur de la ville. J'avais frappé le roi. Un dindon parmi les dindons, se pavanant dans nos rues en tenue d'apparat, étalant sans pudeur sa richesse devant nous pendant que nous tendions la main pour un bout de pain.
J'allais lui voler son bien le plus précieux, son sceptre serti de pierres d'un bleu indéfinissable. Son sceptre qui lui apportait un certain pouvoir de grandeur. Son sceptre qui me tentait à commettre la plus irréparable des fautes et me condamnait à une mort sans appel ni procès. C'était un risque à prendre. Si je m'en sortais vivant, la faim et la pauvreté ne seraient plus que du passé. Alors j'avais attendu le bon moment. Tel un chat affamé, mais sur ses gardes, j'avais sauté de toit en toit, jusqu'aux portes du palais. Je m'étais faufilé jusqu'à ses appartements et je l'avais observé sans bruit. Une ombre parmi les ombres, crachant de dégoût sur cet homme. Comment pouvait-il dormir aussi bien, pendant qu'une moitié de la population mourrait de faim et de maladie dans les rues de sa propre ville ? Il me répugnait.
J'étais si près du but. Il me restait juste à trouver comment lui enlever son précieux sceptre des mains sans qu'il ne le sente. Le roi ne se séparait jamais de son précieux objet et en cela, la rumeur était vraie.
Plus je regardais le sceptre, plus un sentiment étrange m'envahissait. Je devais lui arrachait à tout prix, je devais m'en emparer, je devais changer le monde... mon monde.
C'est à ce moment là que tout à déraper. Toutes ces semaines de préparations, d'attentes. Tout cela partit en éclat. La tentation a été trop forte et mes gestes trop brusques, réveillant le roi sans ménagement. Ces cris de porcelet à l'abattoir réveilla toute sa garde. Dans un sourire satisfait et toujours sous l'emprise de l'adrénaline, je lui fis un signe d'adieux et repartis par là où j'étais arrivé.
Comme vous vous doutez, rien ne se déroula comme à l'allée. La garnison de soldats me collèrent aux pieds, des flèches frôlèrent de peu mon postérieur, le tout dans un bruit assourdissant de cloches.
Une fuite mémorable si jamais je m'en sors vivant mais pour cela, il faut que je quitte la ville.
La forêt, c'est le seul endroit où je pourrais échapper aux soldats et à leurs canidés plus affamés que jamais.
Je saute du dernier toit et redouble d'effort avant d'atteindre l'orée du bois, laissant un petit écart entre moi et cette garnison. Mais dans ma course, je trébuche et ma cheville craque dans un bruit sourd.
Ma fuite est ralentie et tout n'est que tension.
Les soldats sont proches, bien trop. Je dois me cacher, je ne peux plus faire grand chose, ma cheville me brûle et mon pied refuse de toucher terre.
Par chance, je repère un buisson très touffu, encerclé par quelques chênes. Sans réfléchir, je me jette derrière et écoute les bruits de pas qui se rapprochent de plus en plus dans ma direction.
C'est la fin, je le sens. Je prie pour un miracle. J'ai soudain peur de mourir. Je sers contre moi ce précieux sceptre. J'ai été cupide. J'ai eu les yeux plus gros que mon estomac qui se tord de douleur et de peur.
Je recule d'un pas pour me faire encore plus discret et je trébuche à nouveau. Je n'avais pas remarquer le trou derrière le buisson.
Ma chute fut rude, dévalant, dans un roulé-boulé, une centaine de mètre sous terre. Par chance ma main n'avait pas lâché mon précieux bien. Dans une dernière roulade ma tête heurta quelque chose de mou et de... poilu.
Impossible que je sois tombé sur un terrier de blaireau ou autre petits mammifères. Le trou était bien trop profond.
Le sceptre émit soudain une lueur bleuté qui me pétrifia sur place et éclaira la créature à poil qui se tenait derrière moi.
Elle était grande, enfin un bon mètre de haut, large de torse et doté de six pattes. Oui, j'ai bien dit six pattes, poilues à souhait et d'une couleur bleu-vert qui contrastait avec le bleu nuit de son torse et de sa fourrure abondante. Cette créature me dévisagea de ses gros yeux noirs et porta son énorme museau contre le sceptre en reniflant.
C'est à ce moment là que j'entendis, au-dessus de moi, la meute et les cris des soldats.
Je me raidis. Ils allaient lancer les chiens et j'allais servir de repas.
Le silence se fit.
Les bruits s'éloignèrent.
Impossible.
Toujours à côté de moi, la créature me regardait, assise sur ces quatre pattes arrière, sa grosse langue mauve pendant dans le vide.
J'étais pris entre deux sentiments. L'euphorie d'avoir échapper à la garde du roi et à une mort certaine et la stupeur. Comment ? Pourquoi ? Ces futiles interrogations se dissipèrent quand deux yeux d'un bleu saphir brillèrent dans le noir.
Ces yeux me fixaient, j'en étais certain.
– L'Aura Bleue est de retour. Ô Grand-Roi des Mondes, tu as entendu nos prières, scanda la voix en se rapprochant de moi.
– Vos... que... quoi ? Répondis-je en me relevant, étonné que le plafond du terrier ou je ne sais quoi soit aussi haut. Je... Roi ? Moi ?
Je bafouillais. Pas parce que j'avais peur mais parce que j'étais inévitablement captiver par la beauté étrange de cette créature.
Plus elle approchait de la lueur bleuté du sceptre plus je distinguais ces formes généreuses et parfaites. Sa beauté n'égalait aucune femme de la surface et son regard m'envoûta sans que je puisse résister.
Elle s'inclina devant moi, laissant tomber sur le sol sa longue chevelure noire, contrastant avec la pâleur de sa peau ivoire et les fins symboles bleutés qui recouvraient son visage.
– Votre retour était attendu,Ô Grand-Roi des Mondes. Mon peuple commençait à sombrer dans les ténèbres. Nous avions perdu l'Espoir mais vous avez tenu parole,Ô Grand-Roi.
Je ne savais vraiment pas quoi répondre à ça. Me prenait-elle pour notre roi. Était-il déjà venu ici ? Jamais sa haute bedaine grassouillette aurait pu passer dans le trou.
C'est en imaginant la scène, que j'éclatais de rire.
Devant mon attitude plus qu'étrange, la jeune femme releva la tête, l'interrogation se lisant sur son beau visage.
Je ne sais pas par quel miracle, magie ou autre mais une nouvelle vie venait de s'offrir à moi.
Moi, ce petit homme rachitique, vivant dans la misère, dormant sur de la paillasse, rongeant jusqu'à la moelle le peu de gibiers qu'il était autorisé à chasser. Moi, ce petit homme aux cheveux sale, en haillons, au visage marquait par des mois de famine, j'étais aux yeux de cette femme, un Roi, un Sauveur. Je n'avais pas le droit de louper ma chance. Elle me prenait pour quelqu'un d'autre, alors je jouerai mon rôle jusqu'au bout.
– Oui ! m'exclamais-je simplement après que mon fou rire mourut dans ma gorge.
Je n'avais aucune idée sur l'identité de se peuple et je n'avais aucunement envie d'être démasquer.
Elle inclina de nouveau de la tête et se releva.
– Suis moi, Ô Grand-Roi.
– Très bien, fis-je en me tenant bien droit. Conduis moi à ton peuple.
Elle se tourna, son animal sur ses talons et s'avança dans l'obscurité.
– Laisse la lumière de l'Aura Bleue guidait tes pas, Ô Grand-Roi. Je vais m'empresser d'annoncer ton retour.
Et sans que je puisse l'arrêter, elle disparut de ma vue avec son animal. Seule l'écho de ses pas sur la roche résonnaient encore à mon oreille pour finir par disparaître entièrement.
Elle m'avait planté là, sans plus d'explication, dans le noir total. Avec pour seule source de lumière, un petit sceptre pas plus grand qu'une torche.
Je mis quelques seconde à réaliser ces mots. Mes yeux d'humains n'avaient pas aperçut les petites sphères, luisantes d'un blanc éclatant, laissées derrière la jeune femme et qui ouvraient le chemin jusqu'à son monde.
La curiosité plus forte que la peur, je me mis en route, laissant les petites sphères m'entraîner à travers des dédales de couloirs rocheux et humides.
J'avais l'intime conviction de m'enfoncer dans les entrailles de la Terre mais je n'avais pas l'intention d'en sortir. Qu'importe ce qui m'attendait là-bas, ma vie serait sûrement mieux qu'en haut.
Je n'avais plus rien à y faire. Ma famille s'était éteinte après la première guerre. Je n'avais pas de femme et encore moins d'enfants. Rien pour me retenir dans mon misérable monde, si ce n'est la joie d'avoir réussi mon coup. Tout en continuant mon chemin, j'imaginais la tête rougit par la colère de ce dindon. Hurlant comme un fou jusqu'à la fin de sa vie sur ses gardes et leurs incompétences à retrouver un misérable gueux.
Cette image me rempli de bonheur mais le doute s'invita. Et si il se vengeait sur tout le monde ? Que l'envie de retrouvait son sceptre le pousse à mettre à feu et à sang tout son royaume ? Il en était peut être capable mais mes doutes disparus comme les petites sphères.
J'étais enfin arrivé où je devais être.
Devant moi se dressait une ville, toute en pierre. Une ville entourait par des cascades et de la végétation luxuriante. Une ville qui vibrait au son des centaines de voix qui chantaient le retour de ce Grand-Roi des Mondes et de l'Aura Bleue. Une ville qui m'offrait une toute nouvelle vie, loin de la surface, loin de la folie et la cupidité des hommes.
J'étais leur Héros et comme tel, je descendis jusqu'à cette ville, le cœur débordant de joie et le sceptre levait bien haut sous les regards des centaines d'hommes, femmes et enfants qui scandaient leurs gratitude à mon passage, les yeux débordant de larmes.
Je sais qu'ici, je deviendrai quelqu'un. J'en avais l'intime conviction.
De Enchanteuse23.
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