Utopie 4
UTOPIA
Tout change un jour. Le temps. Les saisons. Les couleurs. Ma vie semble glisser entre mes doigts comme l'eau d'une rivière dont le courant est fort. Bien trop fort. Je regarde par la fenêtre et c'est un monde gris que je vois. Une monde terne, fade loin, très loin de l'utopie que je pouvais m'imaginer étant petite.
Je ne sais pas ce qu'il m'arrive...
Je ne sais pas ce qui va m'arriver.
Je n'ai pas contrôlé ce qui est arrivé.
C'est pour ça que j'ai décidé de tout plaquer, de tout laisser tomber. Ma famille, mes amis. Le petit boulanger qui avait l'air mignon. Le prof de mathématique qui croyait en moi. Les miaulements apaisant de Sakura, mon chat, qui connait mon cœur mieux que quiconque. Le monde dans lequel je vie me paraît imparfait, insipide, sans couleur. Je rejette cette société, ce monde empli de douleur et de déception. J'ai du mal à respirer. Je sors en trombe de chez moi en claquant la porte. De grosses gouttes tombent du ciel gris sous lequel je me mets à courir. De grosses larmes coulent sur mes joues encore jeunes et roses. J'arrive sur la petite deux voies près de la montagne et j'éclate en sanglots. Je souhaite trouver la paix ! Je souhaite trouver un monde de bonheur où le cœur de l'homme ne serait pas corrompu par l'angoisse, le malheur et la tristesse !
Je cours sur la route droite, rectiligne, que je crois sans fin. Les paysages montagnards m'encerclent à perte de vue. Cependant, ma course ralentie. Je suis essoufflée et mon cœur semble vouloir sortir de ma poitrine. Les yeux rougis des pleurs, je suis surprise par un éclair qui s'abat non loin de moi sur le macadam noircissant à l'impact. Je m'arrête effrayée par ce que je vois. J'ai les poumons en feu par la course effrénée qui vient de se terminer. Un deuxième éclair s'écrase derrière moi. Je ressens un puissant frisson me remonter l'échine. Je n'ai plus la force de lutter. Plus la force de courir. Je ne veux plus de ce monde. Ras le bol ! Vous entendez là-haut ? Ras le bol !
Et, alors que je m'effondre sur le sol à genoux dépassée par les évènements, l'impossible se produit. Un éclair d'une luminosité sans pareil me frappe de plein fouet. Que se passe-t-il ? Je ne ressens plus rien.
Est-ce que...Je suis morte ?
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Lorsque je me réveille un jeune garçon se tient prêt de moi. J'ouvre les yeux péniblement et aperçois son visage souriant. Il me demande calmement si je vais bien. Je hoche la tête. Il sourit niaisement et ajoute que je viens de faire un terrible cauchemar mais que tout est fini à présent. Il me serre dans ses bras et sort de la chambre. « Sois heureuse, ne l'oublie pas, ne l'oublie jamais. » me lance-t-il lorsque qu'il passe l'encadrement de la porte.
Je regarde affolée autour de moi. Je ne suis pas à la maison. Je ne suis pas dans ma chambre. Tout me semble différent. Soudainement, je crois défaillir lorsqu'un robot arrive dans la petite chambre où je me trouve. Lui et ses yeux bleu lumineux s'avancent lentement vers moi. Je suis effrayée. Je crie. Mon cœur bat à tout rompre. Le garçon revient en courant et chasse le robot. Il m'aide à me lever doucement et me demande bizarrement si je suis toujours heureuse. Il me demande sérieusement si l'arrivée du robot n'a pas altérer mon bonheur fragile. Je le regarde bizarrement essayant de reprendre mon calme. Il me prend la main et, me faisant traverser sa drôle de maison, m'invite à sortir dehors.
A peine la porte est-elle entrouverte que les mots me manquent. Une magnifique ville s'étends sous mes yeux dans la vallée. Je suis toujours dans la montagne... Les buildings sont d'une beauté incroyable. La blancheur de la cité reflète presque les rayons du soleil. Une grande tour d'ivoire s'érige au centre de la ville et domine tout autre bâtiment. De nombreuses tours parsèment le centre de cet amas confus de technologie. Où suis-je arrivé ? Cette endroit semble sorti d'un rêve. Suis-je entrain de dormir ?
Le jeune garçon semble familier à ce paysage futuriste. Il sourit idiotement face à cette étendue humaine et technologique. Il m'explique tant bien que mal que là-bas, c'est Utopia, la cité « Du bonheur et de la sérénité de l'esprit ». Je regarde encore une fois la mégapole. Comment est-ce possible ? Comment ai-je pu me retrouver ici ? Je n'ai aucun souvenir. Je suis peut-être tombée...
Soudainement, le visage du garçon blêmi. Il regarde une sorte de montre avant-gardiste accrochée à son poignet. Ce qu'il y voit semble le pétrifier de peur. Il me saisit violemment le poignet et, malgré ma désapprobation me jette dans sa voiture qui, contre toute attente, se met à voler. Je crie. Je hurle qu'il me laisse sortir. Je veux des explications.
Une ceinture de sécurité sortie de nulle part m'attache et m'empêche de me débattre. Le jeune garçon conduit rapidement en répète sans cesse les mêmes mots. « Faite que nous arrivions à l'heure...Il ne faut surtout pas la manquer sinon... ». La voiture entre en trombe dans la ville et passe devant de nombreuses tours blanchâtres sur lesquelles est gravé : Soyez heureux, c'est votre devoir. Mes yeux passent sur cette phrase que mon conducteur se met à radoter.
Il se gare et me sort de la voiture en m'intimant de me tenir tranquille et d'être au comble du bonheur. Il me tire et me dirige vers une immense structure ressemblant vaguement à une salle de concert géante. Nous arrivons à temps alors que les vigiles, habillés de noir mais arborant un sourire malsain, s'apprêtaient à fermer la porte à double battants. Des centaines, non, des milliers de personnes sont rassemblées dans cette salle munie de dizaine d'écrans géants. La frénésie ambiante s'empare du jeune garçon qui sort un stick lumineux de son veston en cuir rouge.
Soudainement le monde bascule. « Je suis lààààà ! » raisonne une voix cristalline dans toute la salle. Les projecteurs s'allument et éclairent subitement une jeune femme aux allures de pop-star. « Ondine vous parle ! Approchez tous ! Venez écoutez ma belle voix ! » continue-t-elle. La foule est en délire. Mon hôte n'est plus qu'une bête assoiffée des paroles de la jeune femme. Une musique techno assourdissante envahi la pièce et Ondine se met à chanter dans une chorégraphie plus que ridicule.
Hey ! Tout le monde ! Êtes-vous heureux ?
C'est votre devoir ne l'oubliez pas !
Là est venu les temps des bienheureux !
Les tristes on en veut pas !
Alors faites ce que l'on attend de vous !
Nous le Comité du Bonheur et de la Sérénité de l'Esprit,
Nous vous encourageons !
Votre bonheur est notre bonheur.
Soyez heureux c'est votre devoir ! Soyez heureux c'est votre devoir !
Donc soyez à l'aise ! Prenez du plaisir à vivre !
Votre bonheur est notre priorité.
Et si vous n'êtes pas heureux...
Pendaison, décapitation, peloton d'exécution et ébullition.
Crucifixion, électrocution, crémation et lapidation.
Choisissez votre préféré !
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Est-ce donc ça l'Utopie dont j'avais tant rêvé. Un monde régi par les chansons hypnotiques d'une gamine menaçant quiconque ressentant du chagrin ? Non ! Je ne peux admettre cela ! Le public chante, hurle à s'en arracher les cordes vocales, qu'il est heureux. Cependant, je n'ai pas le temps de réfléchir que déjà la situation empire. Les écrans géants, qui retransmettent les images du public en délire s'arrêtent soudainement sur mon visage de marbre, tourmenté par mes sombres réflexions. La musique s'arrête. Ondine, stoppe sa chanson, sourit, et me pointe du doigt. Comme un seul homme, tout le public se retourne pour me fixer. « Votre bonheur est en péril ! Voyez le visage de la torpeur ! Voyez ce contre quoi nous luttons ! Attrapez cette individu ! Il met en danger le bonheur de la ville ! » crie-t-elle à sa horde de zombies. Je hurle. Je me débats. Je cours vers la sortie, poursuivie par des centaines de spectateur. Tous tentent de m'attraper. Ils tirent ma veste, mes cheveux. Je m'extirpe de cette horde et cours sur la route sortant de la ville. Je n'ai pas le temps de m'attarder sur les tours, les immeubles, les jardins. Tout me semble sombre. Tout ce bonheur me fait peur. D'immenses panneaux affichent Ondine incitant les habitants à être constamment heureux pour le bien de tous.
Je cours. Je fuis. Les battements de mon cœur se font de plus en plus intenses. J'essaie de me repérer dans cette ville aux avenues larges et airées. Je cours sur la route, tentant d'échapper une nouvelle fois à mon destin inéluctable. Finalement, la vraie Utopie, c'était le monde réel. A quoi bon lutter ? J'ai ce que je mérite. J'ai voulu ce monde plus que tout. J'ai voulu ce monde alors que dans l'autre y réside le vrai bonheur. Ce bonheur durement gagné. Ce bonheur que l'on chéri car si rare. Ce bonheur que je n'ai pas saisi alors qu'il me tendait les bras.
Je m'agenouille, vaincue, face à la foule d'habitants enragés par les paroles de la Pop-star. Vont-ils me bruler ? M'électrocuter ? Me lapider ? Me crucifier ? Je ne le saurai jamais.
Alors que je pense mon sort scellé, un éclair d'une lumière incomparable vient frapper le sol juste devant moi, carbonisant ce dernier à l'impact. Soudainement, fixant mollement la tache noircie, tout me revient en tête. Mes yeux s'illuminent de soulagement. Un second éclair, plus puissant encore, vient s'écraser derrière moi. La foule recule un peu, apeurée. Je relève la tête et chasse les larmes de mon visage. Provoquante, Je les fixe tous et annonce ma dernière phrase.
- Je suis heureuse à présent.
La foudre me percute de plein fouet dans un éclat de lumière intense. Tout s'efface, tout est noir. Le spectacle se termine. Lumière. Rideau.
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« Aucune carte du monde n'est digne d'un regard si le pays de l'utopie n'y figure pas » disait Oscar Wilde. Je ne suis pas d'accord. En Utopie, moi j'y suis allé. Et ce n'est pas digne de regard. C'est en cherchant l'Utopie que l'homme en oublie la beauté de son monde. J'ai longtemps cherché ce monde merveilleux. Ce n'est que lorsque je l'ai vu de mes yeux. Ce n'est que lorsque j'ai compris la vérité que tout m'a paru clair, limpide. Il est inutile de chercher l'Utopie lorsqu'elle se trouve auprès de ceux qu'on aime. Il est inutile de chercher le bonheur lorsque nous affrontons les malheurs ensemble.
L'Utopie c'est ici et maintenant qu'il faut la vivre.
De AngelBalisto.
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