Utopie 12



Le choix

      Je me fis réveiller par une douce lumière blanche. Ni trop lumineuse, ni trop tamisée, elle était agréable aux yeux. J'étais allongée sur un sol aussi blanc que la lumière, que je ne savais d'ailleurs pas de quelle source elle venait. Le sol aussi était confortable.

Je me levai doucement. Bizarre, je ne souffre plus nulle part. Je jetai un regard circulaire aux alentours. Tout était induit de la même lumière blanche, sans pour autant qu'il ne semble y avoir ni murs, ni plafond. Je n'avais aucune idée d'où je me trouvais, mais curieusement, je n'étais pas inquiète.

Je commençai donc à marcher. En avant ou en arrière, je ne sais pas. De loin, j'aperçus une silhouette qui avançait dans ma direction. Lorsqu'elle fut suffisamment près, je pus la détailler précisément.

Il s'agissait d'une femme de taille à la peau pâle comme neige. Elle avait de longs cheveux d'ébène ondulés aux discrètes mèches violettes dansant sur ses épaules. La robe blanche touchant le sol dont elle était vêtue permettait de discerner la forme délicate de son corps. C'est bizarre, elle ressemblait étrangement à...

« Naquissa? »

Un sourire naquit sur son visage.

« Oui chérie, c'est moi. »

Une larme coula le long de ma joue sans que je ne pense à l'effacer.

« Est-ce que ça veut dire que je suis... morte? » demandai-je d'un air incertain.

« Pas exactement. Tu n'es pas comme les autres. Je ne crois pas me tromper en affirmant que tu as découvert tes véritables origines lors de ta vie sur terre. »

Je baissai les yeux sur l'intérieur de mon poignet. En effet, le tatouage d'étoile y était toujours. J'étais véritablement une ange.

Lorsque je remontai mon regard vers mon interlocutrice, j'aperçus une porte à ses côtés. Une porte d'apparence toute simple et rattachée à aucun mur, puisqu'il n'y en avait nulle part.

« Naquissa, qu'est-ce qu'il y a derrière cette porte? »

« Les humains lui donnent plusieurs noms: le paradis, les plaines de lumière, l'utopie... Il s'agit en fait d'un monde immatériel créé pour les morts. Le mal n'y existe pas et tout le monde y est heureux. »

« Mais tu es morte Naquissa. Pourquoi n'es-tu pas là-bas aussi? »

« Les anges blancs m'ont envoyée en tant que messagère. J'y retournerai aussitôt ma mission accomplie. »

Les anges blancs, une mission, l'Utopie... tout cela cachait quelque chose.

« Et tu t'y plais, dans ce monde? »

« Bien sûr. On ne trouve aucune trace de méchanceté chez personne. »

« Mais comment? L'humain est créé à partir du bien et du mal n'est-ce pas? »

Naquissa sembla hésiter avant de me répondre.

« Tu as raison, mais les anges blancs s'assurent d'effacer tout forme de négativité avant de nous laisser entrer dans la porte. »

Cette information me laissa bouche-bée. Mais à quoi ressemblait donc un être humain dépourvu de mal?

« En quelque sorte, ils vous transforment en robots incapables d'erreur, d'émotion ou de pensée propre? »

« Si on veut... »

« Et vous êtes tous d'accord avec ça? » criai-je, hors de moi.

« Tant que le bonheur règne. »

Je regardai Naquissa dans les yeux. Cette mère douce et attentionnée que je m'étais toujours imaginée, mais pourtant jamais eue, n'était plus. Elle n'était devenue en fait qu'une ombre d'elle même, un clone vouant son existence à ce qu'elle pensait être le bonheur. Une ombre... en y pensant, on ne peut jamais effacer la noirceur complètement.

« Rassure-moi, je ne vais quand même pas y aller aussi? »

« Non, tu as des origines d'ange, rappelle-toi. Tu peux donc retourner sur la terre ou rester ici. D'ailleurs, j'ai oublié de te dire: tu es la plus puissante, donc la nouvelle souveraine des anges blancs. Si tu restes, tu régneras sur eux ainsi que le monde des vivants indirectement. L'acceptes-tu? »

La convoitise dont sont pourvus tous les vivants surgit alors en moi. La reine des anges? Cela me plaisait bien. Mais un détail me dérangeait dans les propos de Naquissa: elle précisait toujours les anges blancs. Y avait-il don aussi des anges noirs? Mais qu'importe les anges blancs ou noirs, qu'importe ce faux bonheur qu'était l'Utopie, qu'importe ce qu'il arrivait à ceux qui franchissait la porte. Un grand pouvoir était à ma portée. Deviendrai-je aussi bornée et sadique que ces anges blancs en l'acceptant? Ferai-je aussi subir l'Utopie sans remords aux pauvres gens ayant terminé leur vie sur terre?

Le désir de pouvoir fut plus fort que tout et j'allais accepter quand soudain, des yeux couleur noisette me revinrent en mémoire. Les yeux de Lune... Mon être tout entier souffrit au souvenir de cette personne.

Je l'aime tellement. Je ferais n'importe quoi pour le revoir.

« Non. Je veux retourner sur Terre. C'est ça la véritable Utopie, non? Malgré les moments de noirceur, de malheur, on y connait la lumière, la joie... l'amour. Je ne peux pas rester ici, je n'ai définitivement pas ma place chez les anges blancs. »

Pendant un instant, un indice de tristesse sembla se former sur le visage de Naquissa, mais il disparu aussitôt.

« Soit. Adieu, ma fille. »

« Adieu maman. Je t'aime. »

Cette fois, une larme roula sur la joue de Naquissa. Elle me jeta un dernier regard empli d'amour avant d'ouvrir la porte et de s'y engouffrer. La porte disparut après son entrée.

Naquissa ne s'était pas trompé sur ma puissance. J'avais réussi à redonner les émotions à quelqu'un qui les avait perdues. Ce furent mes dernières pensées avant de perdre connaissance.

Cette fois, lorsque je me réveillai, je me trouvais assise dans un lit. La chaleur du monde humain m'avais manqué. La porte de la chambre où je me trouvais s'ouvrit doucement. Je fus submergée de joie lorsque je vis qu'il s'agissait de Lune. Il s'élança sur moi et me fis une étreinte longue comme la vie.

« Tu es enfin réveillée! J'ai eu si peur que tu sois morte. D'ailleurs il y a quelque chose que j'ai toujours voulu te dire et te croire morte m'a fait prendre conscience que je devais te le dire au plus vite avant qu'il ne soit trop tard. Je t'aime. »

« Je t'aime aussi, Lune. »

Nous nous regardîmes longtemps dans les yeux avec un joie renouvelée. C'était ça la véritable Utopie: les grands yeux noisette de Lune.

Mais soudain, il sembla confus.

« Mais... depuis quand as-tu des ailes? »

Je regardai dans mon dos et remarquai que j'étais désormais pourvue de deux grandes ailes d'ange... noires.

De @AntaresWolf

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