Poème 4
L'éternité
Je regarde autour de moi et ne vois personne.
Les balançoires, remuées par le vent, poussent un grincement sinistre.
J'ai l'habitude de tout laisser s'envoler, tu sais. Je n'en vaux pas la peine, tu comprends.
Je suis un roc, j'en ai trop vu ; toujours trop su.
Je savais déjà que l'amour faisait mal. Qu'on ne peut avoir confiance en personne.
Pourtant me revoilà, assise dans l'herbe, à arracher les feuilles.
Je suis encore la fillette de six ans qui découvre la brutalité, l'abandon, le désespoir.
Et puis la résignation. J'ai tout laissé s'envoler. Qu'aurai-je bien pu faire ; avec mes bras minuscules ?
Aujourd'hui je joue les lumières et me cache dans l'ombre, je n'avouerai pas que tu es toujours en moi.
Tu m'as dédoublée et je ne sais plus qui je suis.
Après tout ce temps ... J'étais un roc, chérie, je te le jure.
Tu me regardes d'en haut tandis que je flotte dans cette substance noire suintante.
Tu ne me feras plus de mal tu peux en être sûre. Je l'ai arraché.
Je l'ai arraché sur une feuille de papier que j'ai brûlée.
Il ne reste rien de nous, il ne reste rien de moi. Et tu es là, tu planes au-dessus de moi.
Je suis une folle rendue muette par la peur.
Je gesticule dans tous les sens et tu n'entends pas mes cris.
Tu n'entends pas ma solitude.
Ici-bas, toutes les couleurs deviennent grises.
J'ai l'impression d'être dans l'ombre.
Je vis dans un monde en noir et blanc, figée derrière mon écran.
Allongée sous une paroi de verre, enclavée par ma douleur, je t'attends.
Et je sais que l'éternité sera longue.
De S. M. Willow
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