Chute 15
Ne jamais oublier son passé
Sa longue robe d'une blancheur immaculée la grattait et sa ceinture fermée d'une minuscule boucle compressait son ventre.
Elle se trémoussa, mal à l'aise, et capta furtivement le regard agacé et réprobateur de sa mère. Elle se racla la gorge et se tint la plus droite possible. Elle jeta un coup d'œil apeuré à ses parents et défit prudemment les boucles de ses ballerines à talons hauts qui faisaient souffrir ses chevilles depuis le début de la matinée.
Un nouveau prétendant s'avança dans la longue allée bordée d'immenses colonnes et dallée de marbre blanc. Il portait un pantalon bouffant vert pomme et une chemise jaune moutarde. L'assemblage de ses deux couleurs arracherait des larmes à n'importe quelle personne normalement constituée, mais le regard de la jeune-femme semblait littéralement attiré par ses prunelles bleues glacées et son nez aquilin. Sans être beau, il dégageait quelque chose qui pimentait son ignoble apparat.
Elle déglutit lorsque sa voix séduisante ampli toute la pièce. Les inflexions qu'elle entendait constituaient une mélodie harmonieuse, douce. Mais si elle faisait attention, elle percevait quelques nuances de persuasion au milieu des penchants doux de sa voix.
<<Monsieur, Madame, et Mademoiselle votre fille. Je viens le présenter à vous pour... >>
S'ensuivit un discours ennuyeux, et ses parents l'auraient balayé d'un signe de la main dédaigneux en temps normal, mais ils semblaient captivés par l'étrange jeune homme à l'attirail hideux. Un mauvais pressentiment la laissait septique face au talent de manipulation du jeune brun. Il parlait avec animation et ferveur, si bien que les plumes colorées de son immense chapeau se faisait secouer au rythme de ses hochement de tête engagé.
Elle attendit patiemment la fin de sa longue tirade et prétexta un mal de tête de façon à sortir de l'immense pièce qui l'opressait soudainement. Le sol froid rafraichissait la plante de ses pieds nus tandis ce qu'elle courait jusqu'à son immense chambre. Elle ouvrit la fenêtre et passa sa tête à travers l'ouverture pour contempler la grande ville qui s'étalait sous ses yeux. Ou plutôt, une ancienne grande ville, nommée Paris dans l'ancien temps.
Sous les rayons doux du soleil d'été, Pariana semblait être habitée d'une vie propre. Bien qu'elle se soit rapeticie à cause de la crise du XXI°siècle, cette ville ne restait pas moins la plus impressionnante de toute. Elle n'avait rien perdu de sa vivacité et de sa beauté. La minuscule Tour Eiffel se dressait toujours, en souvenir d'antan, comme une petite pièce de métal au milieu de ses géants d'acier aux milles étages. Les ponts restants étaient peu stables et vieillis, mais on les gardait quand même, en souvenir de l'ancienne "Capitale".
Elle soupira. Tout au dehors bourdonnait de vie, les échoppes, les discussions animées, les enfants qui jouaient dans les rues, les rires bruyants des adolescents. Pourquoi tout semblait si fade chez elle?
Son regard dériva jusqu'à la bandelette scintillante que formait la Seine. Captivée par les ridules provoquées par le vent, elle s'imaginait les clapotis que l'on pourrait entendre depuis la berge et les reflets brillants qui tachaient sa surface polie.
Elle sursauta en entendant la démarche reconnaissable entre mille de son père et se jeta sur son lit. Lorsque la porte s'ouvrit, elle attrapa sa tête entre ses mains et feint un affreux mal de crâne. Tandis ce qu'elle gémissait, son père accouru à ses côtés et lui annonça de but en blanc :
<< Ma chérie, nous avons choisi qui tu épousera>>
Elle en eu le souffle coupé. Comment avait il osé ? Un tic nerveux creusa sa joue. Elle bouillonnait d'indignation. Alors, comme ça, elle n'était qu'un vulgaire objet que l'on pouvait utiliser comme bon vous semble? Elle contint à peine sa fureur:
<<Comment avez vous osé ? Vous m'aviez promis que je choisirai moi même celui que je voudrais épouser et que cette journée n'avait été organisée que pour les traditions ! Tu m'as mentit ?!
-Comprends nous ma chérie. Le Royaume de Pariana à affreusement besoin d'argent, et la dote qu'il est prêt à offrir est considérable !
-Tu es prêt à vendre ta propre fille contre de l'argent ? Je n'y crois pas !
-Mais tu ne comprends pas !
-Je ne veux plus te voir. Va t'en. Je ne veux plus te voir. >>
Penaud, il se leva, et lui adressa un signe de la main avant de sortir. Elle soupira. La révélation lui pesait, mais, en quelques sortes, elle s'y attendais. Elle n'avait jamais vraiment cru à cette histoire de tradition. Elle se releva froidement, ouvrit son immense armoire en bois sculptée et attrapa un short et un T-Shirt. Elle se débarrassa de sa longue robe encombrante et enfila ses vêtements plus confortables. Puis, elle attrapa une paire de baskets et une tenue de sport, s'empressa de s'en vêtir et s'enfuit à toutes jambes.
Lorsqu'elle eu enfin franchit l'immense portail en plâtre, elle avait le souffle le court et les jambes tremblantes. Pourtant, elle ne ralentit pas, bien au contraire. Elle connaissait enfin la grisante sensation de sentir l'épuisement et l'envie de courir encore et encore s'opposer dans son esprit, pour enfin fusionner et donner de l'adrénaline pure et dure. Elle allait enfin connaître Pariana, son Royaume, pour de vrai, et pas seulement depuis la fenêtre de sa chambre.
Elle s'arrêta au coin de la rue pour souffler quelques temps et leva les yeux au ciel, émerveillée. Elle contempla le ciel, qui lui semblait encore plus bleu que d'habitude et les nuages cotonneux formaient de différentes formes. Elle ferma les yeux un instant et savoura le temps d'une respiration le sentiment de liberté qui lui donnait des ailes. Si c'était pour cela que ses lointains ancêtres s'étaient battus, alors elle trouvait que leurs efforts vains étaient d'une beauté inouïe.
Et après ce moment de calme et de plénitude, tout dérapa. Elle avait oublié les dangers de l'extérieur. Elle avait oublié pourquoi son père la gardait prisonnière, loin de tout. Le monde est imparfait, puisqu'il est créé de l'homme. L'homme est toujours un animal, et a bien des défauts. Celui de tuer en est le principal.
Elle avait pu voir toute la scène. Cette scène où tout semble irréel. Elle sentit le poignard perforer sa poitrine. Elle sentit l'air compressé sortir en un bloc par sa bouche entrouverte. Elle aperçut une tache vert pomme se fondre dans une mare jaune moutarde. Elle entendit confusément deux phrases. Deux phrases qui lui firent perdre toutes conscience. Plus que la lame qui s'incisait lentement vers son cœur, ses deux phrases lui firent perdre pied. Sa dernière pensée fût pour ses parents. Elle versa une dernière larme... Et sombra.
Le voyageur dans le temps ricana et hurla:
<<LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ!>>
Puis il disparu dans l'ombre, ou dans les méandres encore inconnus de notre futur. Il avait accomplit son destin. Plus jamais, les valeurs pour lesquelles sa famille avait perdu la vie lors de la Révolution ne seraient brisées.
Les yeux révulsés, ses vêtements tachés de sang écarlate, une grimace d'horreur figé sur son visage de princesse, ses cheveux blonds formant une auréoles autour de sa tête, elle resterait une des dernières victimes de la Révolution. Elle qui s'était battue pour sa liberté.
Et moi, je l'aimais. Moi, ce servant tapi dans l'ombre, l'observant lorsqu'elle contemplait le Royaume par sa fenêtre. Moi, le seul qui ai pleuré sa mort.
Je l'aimais. Et je l'aimerai toujours...
De Julie_Dnr
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