J'ai quelque chose à vous dire...




Voici le texte que j'ai écris pour le concours de Lauwern. Le thème était « Dialogue ». J'espère qu'il vous plaira ^^

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« Je...J'ai quelque chose à vous dire... »

Ève baissa les yeux sur ses mains moites, fermement agrippées au tissu de son pantalon. Son cœur pulsait dans sa poitrine et elle pouvait presque sentir la sueur ruisseler dans son dos. Ses pensées se mélangeaient, se confondant dans un entrelacs incompréhensible, un méli-mélo désastreux de réflexions angoissées. Une seule et unique question en ressortait, claire et limpide, et pourtant, source de tous ses tracas : comment leur dire ?

Comment leur expliquer ?

« Dépêche-toi, je n'ai pas que ça à faire, tonna son père en la faisant sursauter.

-Marcus ! s'indigna sa mère.

-Quoi ? Pas la peine de me regarder comme ça. Tu as peut-être du temps à perdre, mais pas moi. J'ai déjà pris du retard dans mes dossiers et je ne peux pas me permettre d'en avoir davantage. »

Sa mère se passa une main sur le visage, exaspérée.

« Et ça recommence...souffla-t-elle. Le travail, le travail et encore le travail ! On est ta famille, Marcus, on devrait passer avant tes clients ! Si ta fille à quelque chose d'important à te dire, tu peux bien laisser tes dossiers de côté quelques instants et l'écouter !

-Ce n'est pas aussi simple, et tu le sais très bien, gronda son père. Et ne me reproche pas de faire passer mon travail avant ma famille. Je te signale que si j'enchaîne toutes ces heures, c'est pour que vous ayez un toit sur la tête et de quoi manger.

-N'essaie pas de nous faire culpabiliser ! »

Ève se crispa, serrant les poings à s'en faire blanchir les jointures. Ça y est, ils recommençaient à se disputer. Encore à cause d'elle.

« S'il vous plaît... » murmura-t-elle.

Elle avait parlé si bas qu'elle aurait juré qu'ils ne l'avaient pas entendue. Mais à sa plus grande surprise, sa mère s'arrêta dans son élan pour se tourner vers elle. La mine peinée de sa fille dut l'aider à retrouver son sang-froid, car après un dernier regard assassin à son mari, elle souffla :

« Excuse-moi mon cœur. Qu'est-ce que tu voulais nous dire ? »

Ève leva la tête. Son regard passa de sa mère à son père puis de son père à sa mère, sans réellement savoir où se poser. Son cœur battait si fort qu'elle craignait qu'il ne remonte jusqu'à ses lèvres.

« Je... Vous savez que...je n'ai jamais eu de relations...amoureuses... avec qui-que ce soit jusqu'à aujourd'hui ?

-Oui ? »

Elle se tourna vers sa mère qui la dévisageait avec impatience. Ève pouvait presque voir l'excitation briller dans son regard. Si seulement elle savait...

« Je... se força-t-elle à continuer. J'ai rencontré quelqu'un et... ça va bientôt faire trois mois qu'on sort ensemble. »

Sa mère écarquilla les yeux.

« Vraiment ? » demanda-t-elle, le sourire aux lèvres.

Ève hocha la tête et alors qu'elle s'apprêtait à ajouter quelque chose - la chose - son père l'interrompit :

« Tout ce cinéma juste pour nous dire ça ? Tu m'as fait rentrer plus tôt juste pour nous annoncer que tu étais... en couple ? »

Ève se figea. Les yeux de son père, furieux et glacials, la transpercèrent de toute part, lui donnant des frissons. L'air se bloqua dans ses poumons tandis que le vil venin de l'angoisse venait planter ses crocs dans sa poitrine.

« Marcus, ne recommence pas ! s'interposa immédiatement sa mère. Si Ève juge ça important, ça l'est pour nous aussi. »

Ils s'échangèrent un regard orageux, et Ève aurait presque put palper la tension qu'il y avait entre eux. Finalement, ce fut sa mère qui rompit le contact pour se tourner vers elle et demander avec enthousiasme :

« Alors mon cœur, dis-moi, comment il s'appelle ? Et quand est-ce que tu nous le présente, que je vois quel beau jeune homme a conquis le cœur de ma fille ? »

Une nouvelle fois Ève baissa la tête. Le cœur bel et bien au bord des lèvres cette fois, elle souffla :

« Elle...

-Pardon ? »

Elle ferma les yeux. Elle pouvait déjà sentir les larmes perler aux coins de ses paupières et les sanglots lui nouer la gorge. Elle se força à prendre une grande inspiration avant de planter son regard dans celui de ses parents.

« Elle s'appelle Lisa. »

Elle put voir la stupeur déformer leurs traits avec une synchronisation déconcertante. C'était bien la première fois qu'elle les voyait être sur la même longueur d'onde.

« Elle comme...elle ? » souffla sa mère.

Ève hocha lentement la tête, la gorge beaucoup trop nouée pour laisser échapper le moindre mot.

« Ève, tu veux dire que... » commença son père.

Elle devait le leur dire, elle devait l'exprimer clairement. Une unique larme, téméraire et solitaire, roula le long de sa joue, balayant d'une trainée humide tous ses efforts pour la retenir.

« Papa, maman...je... j'aime les filles. »

Le regard ahuris de ses parents fut la goutte de trop, le souffle qui fit s'effondrer toutes ses défenses. Comme un torrent ravageur, les sanglots dévastèrent ses joues et les mots s'emmêlèrent, troubles et confus, s'empressant de franchir ses lèvres pour fournir une explication qui n'avait pas lieu d'être :

« Je... je ne savais pas...Je ne pensais pas être attirée par les filles... jusqu'à ce que je rencontre Lisa... Je... je l'aime... vous ne pouvez pas savoir à quel point... Je... je veux être avec elle... S'il vous plaît...ne vous énervez pas...je... »

Ce fut une main sur son épaule qui mit fin à cette cascade de paroles sans queue ni tête. Ève releva la tête, surprise de croiser le regard de son père.

« Calme-toi » souffla-t-il sur un ton étrangement doux.

Ève se força à prendre quelques inspirations fébriles sous le regard soucieux de son père. Lorsque les tremblements irrépressibles de ses épaules se calmèrent un peu, sa mère s'agenouilla à ses côtés, prenant doucement ses mains dans les siennes.

« Chérie, pourquoi tu ne nous en a pas parlé avant ? demanda-t-elle tout bas, comme si élever la voix pourrait réduire à néant le semblant de calme qu'avait retrouvé sa fille.

-Je... je ne savais pas comment vous le dire... J'avais peur de votre réaction, que vous trouviez ça dégoutant... et que vous me détestiez à cause de ça... »

Rien que de l'imaginer, cela la terrorisait. Si Lisa ne l'avait pas encouragée à leur avouer la vérité en lui assurant qu'elle se sentirait beaucoup mieux après, elle ne l'aurait jamais fait.

« Comment tu peux imaginer une chose pareille ? »

Ève sursauta presque et leva les yeux vers son père. Ce dernier posa sa grande main sur sa joue et essuya une larme qui roula près de son pouce.

« Ève, tu es notre fille. Jamais nous ne te détesterons, surtout pas pour une chose aussi stupide. Que tu aimes les filles, les garçons ou qui que ce soit, peu importe. Nous t'aimerons toujours et ce n'est pas ça qui y changera quelque chose. »

Ève se mordit la lèvre pour de pas fondre de nouveau en larme. Jamais, elle n'avait vu ce regard chez son père. Un regard emplit de douceur, de chaleur et...d'amour. En cet instant, cela lui faisait un bien fou.

« C'est bien la première fois que je suis d'accord avec ton père, rit sa mère, les yeux brillants. Tant que tu es heureuse, mon cœur, ça nous est égal. »

Sa vue se brouilla une nouvelle fois et, lorsque sa mère ouvrit grands les bras, elle s'y précipita en la serrant fort contre elle. Deux larges bras massifs ne tardèrent pas à les envelopper de leur chaleur.

« Je vous aimes, murmura Ève dans le cou de sa mère.

-Nous aussi » répondirent ses parents en cœur.

Ils restèrent ainsi de longues minutes, profitant de la toute première étreinte familiale qu'ils avaient depuis un long moment. Et dans cette chaleur réconfortante, Ève sentit ce poids qu'elle traînait maintenant depuis trois mois quitter ses épaules.

Lisa avait raison, elle se sentait beaucoup mieux.

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Merci d'avoir lu !

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