Be Alright - Dean Lewis




On se retrouve avec un nouveau texte écrit pour le concours de Lauwern ! Cette fois-ci, il fallait raconter l'histoire d'une chanson au choix.  Comme le titre l'indique, j'ai pris « Be Alright » de Dean Lewis.

J'espère que ça vous plaira !

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La chaleur du whisky me brûle la gorge, pique mes yeux déjà humides. Mes ongles s'enfoncent dans la chair de ma paume, y impriment des marques rouges, indélébiles. La migraine, tenace, me comprime la tête, m'enserre le crâne dans un étau douloureux et perfide. 

Mais je pourrais être en train d'agoniser, seul sur le planché, qu'aucune souffrance ne serait comparable à ce vide dans ma poitrine.

Je me souviens encore de cette odeur de tabac qui a envahi mes narines lorsque j'ai poussé la porte d'entrée. Je me souviens encore de ce regard que j'ai croisé, en levant la tête après m'être déchaussé. De tes yeux, posés sur moi, que tu as bien vite détournés.

Pas assez rapidement, cependant, pour que je ne remarque pas la tristesse qui s'y est logée.

Mon ventre s'est noué, ma bouche asséchée. J'ai gravi les quelques marches qui nous séparaient, à pas lents et mesurés. Le blanc des murs, étrangement terne, m'a marqué. La fraîcheur de la pièce, pourtant chauffée, m'a interpellé. Et ce silence, lourd et pesant, m'a inquiété.

Tu étais là, debout devant moi, la tête baissée. Droite, raide comme un piquet, les doigts crispés autour de ton jean délavé. J'ai vu tes lèvres pincées, mais je les ai ignorées. Je me suis contenté de prendre tes mains gelées dans les miennes pour les réchauffer.

Mais tu m'as repoussé. 

Je t'ai regardé t'éloigner, les sourcils froncés. Je t'ai observé t'écarter, creuser la distance entre nous, inquiet. Qu'est-ce qu'il t'arrivait, me suis-je demandé. Sûrement une mauvaise journée, ai-je pensé. Alors je n'ai rien dit, rien supposé et ai laissé tomber.

Du coin de l'œil, j'ai remarqué les cigarettes sur le buffet. Et l'odeur du tabac s'est rappelée à mes narines. Je ne fumais pas, toi non plus. Alors, j'ai pris le paquet, l'ai scruté et me suis retourné.

Ton amie les a encore oubliées, t'ai-je lancée.

Une phrase banale, anodine. Et pourtant, tu t'es figée. Les yeux écarquillés, je t'ai vu trembler. Les larmes, amers et salées, ont perlé aux coins de tes paupières sans que je puisse les en empêcher. Ta détresse, lorsque tu m'as regardé, était telle que j'ai cru m'y noyer. Puis, de ta voix éraillée, tu m'as avoué.

J'ai fait une erreur... une stupide erreur.

Mon cœur s'est serré, mes mains, crispées autour du paquet. Les lèvres entrouvertes, j'ai essayé de t'arrêter. Mais tu m'as devancé.

Les cigarettes... elle ne sont pas à mon amie...

Le sang a quitté mon visage. J'ai compris, mais je ne voulais pas en entendre davantage. C'était impossible. Tout bonnement impossible. Pourtant, ton visage triste m'affirmait que c'était bel et bien arrivé.

Elles sont à ton pote, avais-tu lâché.

Et mon monde s'est écroulé.

Le tintement d'un verre que l'on remplit me tire de mes pensées. Je lève des yeux fatigués, vers mon frère – le dernier ami qu'il me reste – qui m'observe, inquiet.

« Écoute, me dit-il en s'asseyant à mes côtés. Je sais que tu l'aimes, mais c'est fini, mec. »

Ses paroles, pourtant fondées, me transpercent comme des lances gelées. Je sens leur givre recouvrir mon cœur, m'empêchant de respirer. Et cette douleur, dans ma poitrine, qui ne fait que s'amplifier...

Incapable de répondre, je baisse les yeux et remarque alors, échoué sur mes genoux serrés, mon téléphone que j'ai complètement oublié. Comme un vieil automatisme, je le déverrouille et me rend sur le fil de conversation qui t'est dédiée. Et là, face aux messages que tu m'as envoyé, je reste figé. Je sais que je ne devrais pas, je sais que cela ne fera que me blesser. Mais cette voix, vicelarde, dans ma tête me pousse à continuer.

Alors, presque contre ma volonté, je rembobine.

Je remonte la conversation, m'accrochant à ces paroles qui ont failli tomber dans l'abandon. A ces mots doux, à ces « chéri » glissés dans la discussion. Et j'espère secrètement, que, tout comme ces messages, les jours se mettront à avancer à reculons. Que les semaines se rétracteront, que les mois s'envideront. Que nous retournions à une époque où ce n'était pas encore arrivé. Où notre amour était encore éclatant, magnifique, parfait. Une époque où tu ne m'avais pas encore abandonné.

Où tu répondais encore à mes « je t'aimes » soufflés.

« Ça n'as plus d'importance, murmure mon ami, comme s'il avait suivi le fil de mes pensées - ou plutôt, les avaient devinées. Range ce téléphone, tu te fais du mal pour rien. »

Je me mords la lèvre, la vue embrumée. Il a raison. Il a toujours raison. Résigné, je m'exécute. Mais la lumière d'une idée me retient au dernier moment. Pris d'un soubresaut d'hésitation, je dévisage l'écran et l'icône « supprimer » qui orne son coin. Si je fais ça, je ne pourrais pas revenir en arrière.

Mais n'était-ce pas un mal nécessaire ?

« Tu sais, ce n'est jamais facile de partir, reprend mon frère en avisant mon doigt suspendu au-dessus de l'écran, fébrile. Alors laisse la partir. »

Je le regarde, peu confiant, mais son sourire se fait rassurant. Alors, je ferme les yeux, et après une brève inspiration, laisse mon doigt retomber sur l'écran.

Et cette année de conversation, cette année de relation, disparait dans le néant.

« Ça va aller. » dit mon ami.

J'ai envie de le croire. Mais derrière l'écran de mes paupières fermée, se rejoue le film de nos moments partagés. De ces après-midis, allongés côte à côte dans le canapé, à dévorer des bouquins que nous venions d'acheter. De ces soirées, passées à cuisiner, et à repeindre les murs avec nos expériences ratées. De ces nuits, penchés à la fenêtre, à chercher dans le ciel étoilé des trésors que seuls pouvaient voir nos yeux émerveillés.

Ce vide dans ma poitrine ne fait que se creuser alors que je songe à ce qu'il s'est passé. A cette certitude qui m'a envahi, alors que j'effleurais pour la dernière fois ton visage aux contours familiers. J'ai compris à cet instant.

J'ai compris que tu étais passée à autre chose.

« Ça va faire mal pendant un peu de temps... » continue mon frère en observant mes larmes en silence.

Oui ça fait mal. Mais je doute que cela passe. Car ce n'est pas le fait que tu l'aies embrassé hier, qui me torture de la sorte. Ce n'est pas le fait que tes lèvres, si douces, si sucrées, se soient liées à d'autres que les miennes, qui déchaînent mon cœur dévasté.

Ce qui me fait souffrir, la cause de ce supplice, c'est ce sentiment de trahison qui refuse de me quitter.  

« Écoute...trinquons et oublions ça ce soir. »

Je lève les yeux vers le verre que me tend mon frère, les joues trempées, et hoche faiblement la tête. Le tintement cristallin des verres qui s'entrechoquent résonne dans la pièce et je m'empresse de finir le mien cul sec. Je veux oublier. Je veux oublier ce sentiment qui me hante. Je sais que je dois m'éloigner de toi, que je dois m'en aller.

Mais je n'ai qu'une envie : rester à tes côtés.

« Tu t'en trouveras une autre. »

Je n'en suis pas si sûr, ai-je faillit répondre. J'ignore si le temps estompera ma douleur. J'ignore s'il effacera les souvenirs de ces jours heureux que nous avons partagés.

Ce que je sais, en revanche, c'est que personne ne pourra voler mon amour qui t'es destiné.

« Ne t'en fais pas, tout ira bien. »

Je me laisse tomber contre le dossier du canapé. J'ai du mal à le croire. J'ai du mal à croire que je pourrais me passer de toi. Qu'un jour, je parviendrais à combler le vide que tu as laissé derrière toi.

« Oui, tout ira bien. »

Mais, je ne peux m'empêcher d'espérer. D'espérer réussir à oublier. D'espérer un avenir meilleur. Sans ce vide dans ma poitrine. Sans la souffrance qu'il m'apporte. Un avenir qui me permettra de penser à toi sans que l'amertume du regret, du manque, ne me donne l'envie de te maudire. Un avenir où mon amour pour toi ne sera plus un poids qui me comprime l'estomac, mais juste un doux souvenir qui me fera sourire. Un avenir où je pourrais dire, sans jamais douter, sans jamais faiblir :

Ça va aller.

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Merci d'avoir lu !

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