Miss_Plume

19 décembre 1941, la neige recouvrait l'Est de la France, d'un épais manteau blanc. Je ne me lassais pas de regarder virevolter dans les airs, les millions de flocons, si purs au milieu de cette horrible guerre. Avant l'invasion de mon beau pays par les Allemands, le rouge était ma couleur préférée, mais depuis, je ne veux plus voir couler cette teinte. Mais, ne pensez pas que je sois envahie par la haine, non, je déteste les massacres, qu'ils soient causés par un camp ou un autre, c'est du pareil au même. Je ne supporte plus toute cette violence, à 17 ans, je devrais juste penser au choix de ma robe pour le bal ou à questionner mes amies sur leurs premiers baisers. Alors, je m'apaise comme je le peux en regardant cette jolie poudreuse, délicatement blanchir ma vie. En parlant d'amoureux... Ils existent seulement dans mes rêves, ils sont donc forcément parfaits. Mais, je ne suis pas prête à rendre mes songes réels, car je n'oserai jamais laisser un signe d'intérêt s'échapper, pour qu'un beau garçon perçoive mon attachement à son égard. Pourtant, les hommes laissent volontiers traîner leurs regards sur mon visage et sur mes courbes plutôt harmonieuses. Mon frère aîné qui vient d'avoir 22 ans, me dit sans cesse que je suis une beauté qui s'ignore et que cela me rend encore plus rayonnante. François est adorable, il cherche sans cesse à me donner un peu plus confiance en moi, même s'il avoue que ma réserve concernant les garçons, lui facilite sa tâche de protecteur.

- Ma jolie Régine, ce soir je vais fêter mon grand âge avec mon groupe de copains, viens ! Ça va te faire du bien, de rire pour des futilités et exceptionnellement, tu auras le droit de tremper tes lèvres dans un verre de vin.

Sa proposition était très tentante, mais un nœud que je connaissais bien, encerclait mon estomac. Ce lien qui me faisait souffrir se prénommait : la peur...

-C'est gentil, mais je ne préfère pas quitter la maison, je...

- Tu ne peux pas rester enfermée dans ta chambre, tu dois sortir ! Je sais que, ce qui est arrivé à ta meilleure amie t'a traumatisé, mais tu dois continuer à vivre ma chérie !

De grosses larmes inondèrent mon visage et François se précipita vers moi pour me loger dans ses grands bras musclés. C'était trop difficile de repenser au décès de Lorène survenu il y a deux mois déjà. Nous allions toutes les deux cueillir des champignons pour le repas du midi, quand deux Allemands arrêtèrent leur jeep à notre niveau. Sans nous parler, ni même nous regarder, nos mains s'enlacèrent pour nous donner du courage. Un officier descendit de la voiture, tourna autour de nous en faisant claquer ses bottes sur le bitume, à chaque pas. Puis, il se figea derrière nous, sans même prononcer un mot. Mon cœur battait à tout rompre, mes jambes flageolaient et mes larmes roulaient sur mes joues à un rythme presque régulier. Mon instinct de survie me soufflait de ne pas faire le moindre mouvement et d'attendre, d'attendre... L'attente fut de courte durée, car rapidement, je sentis une masse chaude se coller contre mon dos, puis une main vint ensuite visiter mon corps sous mes vêtements. Je retenais au fond de ma gorge, mes cris qui poussaient sur mes cordes vocales pour sortir de ma bouche. Attendre... Je devais attendre... Je fermais les yeux et faisais voyager mon esprit jusqu'en haut d'une jolie colline et je regardais la neige pure recouvrir la verdure. Mais un liquide chaud qui s'écoulait entre mes jambes me ramena à la réalité. Mes organes lâchaient prise, ils ne supportaient plus cette horreur. C'est à ce moment que tout bascula, quand Lorène baissa les yeux sur mes chaussures et qu'elle vit que j'urinais de trouille. La rage pourpra son visage et elle envoya un grand coup de pied dans les parties intimes de mon tortionnaire. Son intervention fut radicale, le soldat se plia en deux et hurla en allemand, je ne sais quelles insultes. Seulement, son collègue n'apprécia guère l'aide que mon amie m'accordait et il lui tira une balle en pleine tête à bout portant. Le temps s'arrêta net, je tenais sa main dans la mienne et je sentais le poids de son corps qui gisait sur le sol. Comment survivre après avoir vécu cela ? On n'a pas le droit de mourir si jeune et surtout pas ainsi !

-J'ai peur François, j'ai peur !

Il caressait doucement mes cheveux en me berçant comme une maman le ferait avec son bébé souffrant.

- Il faut que tu affrontes la vie, tu n'as pas le choix ! Je ne te laisserai jamais seule, je te le promets. Je t'aime et je veux que tu retrouves le sourire ! Ne réfléchis pas et va te faire belle pour faire rager toutes les filles du quartier. Allez, oust !

- Je sais que tu as raison... Je vais enfin pouvoir mettre ma robe rouge à pois blancs !

Me parer pour sortir, me donna un sentiment de bien-être que j'avais complètement oublié. Le plus difficile, fut les quelques mètres qui nous séparaient du garage où se passait cette fameuse soirée. Une vingtaine de personnes remplissaient les lieux et les rires ricochaient contre les murs en agglos. François me tendit un verre de vin rouge, tout en me chuchotant que je pouvais y tremper mes lèvres jusqu'au fond. Je lui souris et descendu mon jus de raisins cul sec, ce qui provoqua un éclat de rire chez mon voisin de droite. Je le regardais se moquer de moi et je sentais le feu envahir mes joues.

- Jolie descente, Mademoiselle ?

- Déshydratée !

- Pas commun comme prénom... Moi, c'est, Jean.

J'éclatais de rire à mon tour et m'approchais de lui, pour lui susurrer mon prénom.

- Mmm... Mademoiselle déshydratée, votre parfum est envoûtant ! Mes narines ne sont pas prêtes de se lasser de ce doux effluve sucré.

Mes yeux noisette s'ancrèrent dans l'océan des siens et je sus de suite, que ma vie allait retrouver un peu de légèreté.

Miss_Plume

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