Hors-compétition : Marhine
C'est en jetant un coup d'œil par la fenêtre de mon salon que je remarquai qu'il s'était mis à neiger. Il était tôt, le soleil ne s'était pas encore levé et les flocons tournoyaient dans ce paysage froid et nocturnes tels des danseuses de classique. Ce n'était pas une journée à partir travailler mais plutôt l'une de celles à s'emmitoufler sous un bon plaid devant la cheminée pour dévorer des livres. Je soupirai tout bas et me motivai à aller prendre mon petit-déjeuner, un bon chocolat chaud avant de partir affronter le froid me ferait le plus grand bien.
Lorsque j'arrivai au bureau ce matin-là, une boîte joliment décorée ornait mon bureau. Intriguée, j'interrogeai mes collègues du regard mais aucun ne sut me dire d'où elle venait. Haussant les épaules, j'en soulevai délicatement le couvercle pour y découvrir des biscuits et un mot plié en deux.
« 24 biscuits pour patienter ».
Mais pour patienter jusqu'à quand ? Jusqu'à Noël ? Quelqu'un me pensait-il si vieille fille qu'il prenait pitié et m'offrait un calendrier de l'Avent spécial biscuit ? Immobile devant ses pâtisseries, j'hésitais : devais-je le prendre comme une délicate attention ou comme un rappel de mon célibat à durée indéterminée ? Peut-être qu'un petit malin du bureau trouvait ça drôle de me faire miroiter des choses pour me voir tomber des nues dans vingt-quatre jours... J'expirai un grand coup, les lèvres serrées. Alors soit, qu'il en soit ainsi. Allais-je sincèrement me plaindre d'avoir droit à des biscuits gratuits ? Non, sûrement pas. J'allais tous les manger jusqu'au dernier. Je m'installai sur mon siège, le sourire aux lèvres, et croquai dans un premier gâteau. Dé-li-cieux, je n'avais pas d'autres mots. Celui qui se moquait de moi était indéniablement très doué. Tant pis pour lui, c'est mon ventre qui profiterait de cette mascarade.
A la fin de ma longue journée de travail, la boîte à biscuit était vide. Il ne restait pas une miette ! Pour faire passer tout cela, je décidai de me rendre au Café Lecture qui se trouvait en bas de l'immeuble. J'adorais son ambiance « cosy » et chaleureuse, surtout en ce mois de décembre où il avait été décoré de rouge et de vert pour l'occasion.
J'entrai dans le café et tous ces fumets de caféine et autres senteurs s'emparèrent de mes sens comme à chaque fois que je venais. Un sourire illumina mon visage, il n'en fallait pas plus pour me rendre heureuse.
_ Bonsoir, saluai-je gentiment le barista qui me rendit mon sourire derrière son comptoir.
C'était lui le propriétaire des lieux, il mettait tout son cœur dans son entreprise et c'était à mon avis ça qui permettait au café d'avoir autant de succès.
_ Un capuccino noisette, comme d'habitude ? Me demanda-t-il alors que je me dirigeai vers les étagères remplies de livres en tout genre.
J'acquiesçai en souriant, m'emparai du livre que j'avais commencé la dernière fois que j'étais venue et m'installai dans mon fauteuil favori, près d'une cheminée artificielle.
Deux heures plus tard, le fond de ma boisson était devenu froid mais je le finis quand même avant de remettre mon livre sur son étagère et de quitter le Café Lecture en saluant le barista au passage.
Le lendemain matin, lorsque j'arrivai au bureau, une boîte remplie de biscuits attendait encore sur mon bureau.
« 23 biscuits pour patienter »
Haussant les épaules et choisissant de ne pas me torturer l'esprit pour rien, je pris un biscuit et croquai dedans tout en me mettant au travail. Le soir venu, il n'en restait plus un seul.
_ Je n'arrive pas à savoir si quelqu'un veut t'engraisser ou te faire savoir qu'il s'intéresse à toi..., remarqua l'une de mes collègues.
_ Que ce soit l'un ou l'autre, c'est réussi, ces biscuits sont une tuerie ! M'exclamai-je, et j'étais sincère.
Ma collègue leva les yeux aux ciel en souriant.
_ Mais si tu pouvais me dire qui les livre le matin, ça m'arrangerait beaucoup, tentai-je de l'amadouer.
_ Je te l'ai déjà dit, je n'en ai aucune idée. Probablement le facteur ou le livreur de colis.
Je soupirai. J'étais certaine qu'elle le savait mais qu'elle ne lâcherait pas le morceau. Je quittai le bureau et rejoignis, comme à mon habitude, le Café Lecture pour quelques heures de détente. Je n'étais pas du genre à sortir beaucoup ni à faire la fête. Je préférais, et de loin, les coins paisibles et chaleureux, les effluves de café à celles de l'alcool, et les gens sobres aux alcoolisés.
Les jours défilèrent jusqu'au 24 décembre rythmés par des boîtes avec de moins en moins de biscuits à l'intérieur, des petits mots pour me faire patienter et des fins de journées passées au Café Lecture.
Le matin du 24, en me levant pour aller travailler, je devais bien avouer être emprunte à une certaine fébrilité que j'avais tenté de contenir jusqu'à présent. Allais-je enfin découvrir d'où venaient ces biscuits et qui me les apportait ? Allais-je tomber de haut en voyant que finalement tout cela n'avait été qu'une énorme blague pour donner de faux espoirs à la célibataire que j'étais ? Je serai rapidement fixée.
C'est avec une petite appréhension que je me rendis au bureau. Je découvris avec surprise que rien ne m'attendait sur mon bureau. Pas de boîte ni de biscuit. Je devais bien avouer être déçue, je m'étais habituée à ces petites attentions quotidiennes. Je m'étais efforcée tout le mois de ne pas trop me faire d'idées, de ne pas m'emballer, mais ça avait été vain, et maintenant cette journée du réveillon s'en retrouvait gâchée. Toute la journée, je fus d'humeur morose.
_ C'est l'absence de biscuit qui te met dans cet état ? Me demanda ma collègue.
Je me contentai d'hausser les épaules.
_ Ca va s'arranger, arrête de t'en faire pour ça, me conseilla-t-elle comme si, encore une fois, elle en savait plus qu'elle ne voulait bien le dire.
_ Oui, je finis ça et je rentre retrouver mon pyjama et mon repas de Noël.
J'étais trop loin de ma famille cette année pour pouvoir aller le fêter avec eux, je me retrouvais seule le soir du réveillon. Je tentais de ne pas trop dramatiser la chose, des gens étaient dans des situations beaucoup pire que la mienne, mais le fait d'être seule et d'en plus ne plus avoir mes biscuits anonymes pour me donner l'impression que je comptais pour quelqu'un ici, finissait de plomber le moral.
_ Non ! S'écria un peu trop fort ma collègue, me faisant appuyer sur une lettre au hasard de mon ordi.
_ Et pourquoi non ?
_ Tu dois aller au Café Lecture non ? Comme tous les soirs ce mois-ci.
Je passais sur le fait qu'elle connaissait mon emploi du temps, je n'étais pas d'assez bonne humeur pour ça.
_ Ce soir je n'en ai pas envie.
_ Vas-y, quoi de mieux pour te remonter le moral que de te plonger dans un livre bercée par des effluves de café ?
Elle n'avait pas tort. Si une chose pouvait me remonter le moral, c'était bien ça.
_ D'accord...
Elle afficha un large sourire et me laissa terminer mon travail en paix.
Lorsque j'eus fini tout ce que j'avais à faire, je remballai mes affaires et me rendit au Café Lecture. Retrouver son odeur et son ambiance me remonta quelque peu le moral bien que les lieux soient quasiment déserts. Les gens devaient être parti fêter le réveillon en famille. Le barista, toujours fidèle à son poste, était derrière son comptoir. Une fois n'est pas coutume, je me dirigeai plutôt vers lui que vers les livres, et je m'installai sur un tabouret.
_ Mauvaise journée ? Me demanda l'homme en faisant mon cappuccino sans que j'ai rien commandé.
_ Pas vraiment...
La journée en elle-même n'avait pas été différente des autres en soi, c'était simplement moi qui m'était faite de fausses idées tout au long du mois. Le barista me tendit ma tasse de café en me souriant gentiment et je ne pus faire autrement que de le lui rendre.
_ Vous n'allez pas être en retard à votre repas du réveillon ? L'interrogeai-je.
_ Non, je n'ai rien de prévu cette année, ma famille habite beaucoup trop loin d'ici, m'avoua-t-il.
_ Je vous comprends, je suis dans le même cas...
_ C'est donc cela qui a éteint votre bonne humeur habituelle ? Me demanda-t-il.
J'esquissai un petit sourire.
_ Oui, mais pas que, lui répondis-je.
_ Serait-ce trop présomptueux de ma part de penser que peut-être, ceci manquait à votre journée pour la rendre plus belle ?
Il sortit une petite boîte de sous le comptoir et la déposa devant moi, un petit sourire timide et adorable aux lèvres. C'était la même décoration que les boîtes à biscuits que j'avais reçues tout au long de ce mois de décembre. Je clignai des paupières en l'observant, n'osant trop y croire. Il sourit devant ma réaction.
_ Ouvrez-là.
Ce que je fis pour y découvrir un unique biscuit et un petit bout de papier plié. Les mains tremblotantes, je le lus :
« Accepteriez-vous de passer ce réveillon en ma compagnie ? »
_ Alors... Alors ce n'était pas une blague ? Lui demandai-je masquant bien mal tous mes espoirs.
Il me fit un immense sourire.
_ Non, c'est très loin d'en être une. J'ai déjà commencé à préparer le repas si ça vous dit.
_ Ce serait avec plaisir, répondis-je retenant des larmes de joie.
J'étais bien trop sensible mais ça ne paraissait absolument pas le déranger, bien au contraire. Il m'invita à passer le rejoindre derrière le comptoir et déposa un baiser sur ma joue avant de m'inviter à entrer dans la cuisine de son café, un sourire collé sur nos deux visages.
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