Encore et encore - Popyoucorn

« Maître... n'y avait-il pas un autre moyen ?

Hélas, je n'avais pas le choix.

Mais tout de même... C'est... c'est...

Radical, je sais. Mais ces jeunes sont beaucoup trop imprudents. C'est mieux ainsi.

J'espère que vous avez raison... »

La nuit tombée, Viviane se glissa discrètement hors de sa maison et se rendit dans la forêt malgré les cris de Tikki, qui n'approuvait pas du tout. Son cœur battait si fort, et pourtant elle prenait garde à ne pas attirer l'attention tandis qu'elle se rendait vers le tronc d'arbre creux.

La veille, elle et Célestin avaient arrêté un tueur qui sévissait dans les rues du hameau depuis plusieurs semaines ; les deux amis d'enfance ne s'étaient pas cachés l'un de l'autre, trop heureux de partager un tel secret. Ils s'étaient promis de se retrouver à leur cachette favorite, histoire de parler plus longuement de leurs Miraculous.

Viviane accourut à l'arbre, hors d'haleine d'avoir tant couru, mais sa joie se dissipa très vite lorsqu'elle vit le corps du jeune blond au sol, à moitié caché par la pénombre. Elle s'approcha un peu plus, et vit les yeux verts de Célestin révulsés, figés dans une douleur muette due au tronc abattu sur son corps.

Sa seule réaction fut de tomber à genoux, les yeux brouillés par les larmes. Dans l'obscurité, la bague grise constituait sa seule source de lumière, reflétant les rayons de la lune.

« Annabelle ! Annabelle, tu es là ? Il faut que je te parle ! »

Valentin criait dans les couloirs du château depuis bientôt vingt minutes, à la recherche de sa servante. Et malgré son insistance, la brune aux yeux bleus ne se montrait pas, alors qu'elle accourait vers lui d'habitude.

Le blondinet ouvrait toutes les portes qu'il trouvait, espérant trouver Annabelle, mais rien à faire. Sa bague le démangeait, Plagg ayant sûrement compris que quelque chose ne tournait pas rond ; Valentin espérait que rien ne soit arrivé à sa coccinelle, mais l'angoisse le rongeait tout de même.

Il se rendit au village d'un pas précipité, s'efforçant de masquer son inquiétude, mais les passants ne lui prêtaient pas du tout attention. A vrai dire, un attroupement s'était formé à l'auberge, sûrement une énième bagarre. Le prince se glissa parmi la foule, voulant calmer les choses, avant que son cœur n'arrête de battre.

Devant lui, Annabelle, sa Ladybug, cherchait à apaiser un bonhomme au comptoir, ivre vu la façon dont il maugréait. La jeune fille ne se laissait pas abattre, et évitait les quelques coups de l'ivrogne en parlant doucement ; même dans les pires situations, elle gardait son sang-froid et sa tendresse.

Cette fille est formidable...

Même alors qu'une chope remplie à ras bord de bière s'écrasa sur sa tempe, la faisant s'écrouler à terre parmi les éclats de verre.

Suivie d'une pluie de coups et de cris.

Son corps se trouvait derrière le comptoir, mais le sang qui tachait le sol ne trompait pas.

Deux boucles d'oreilles roulèrent sur le sol, plus rouges que jamais.

« Shan... Ecoute...

­— Ne dis rien. Tu es Chat Noir, n'est-ce pas ?

— C'est si évident que ça ?

— Idiot... Tu n'as jamais été très discret.

— Tu peux parler ! Je suis sûr que tu es Ladybug.

— ...Je retire ce que j'ai dit. »

Liang serra sa sœur contre lui, plus fier que jamais. Sa coéquipière qu'il épaulait depuis plusieurs mois se tenait devant lui, plus rayonnante que jamais malgré ses pieds bandés, et il se promit de la protéger même dans leur vie paysanne quotidienne, coûte que coûte. Il n'aurait pas supporté l'idée que sa coccinelle disparaisse, tout comment Shan souhaitait toujours rester aux côtés de son chaton.

L'incendie qui suivit le lendemain leur coûta la vie à tous les deux, leur permettant de rester réunis même dans la mort. Plagg et Tikki ne pouvaient que pleurer ces nouvelles pertes, et pester contre leur destin maudit.

C'est notre amour qui a mis le monde dans cet état, ma Lady !

« Chat Noir, arrête avec ça, c'est pas le moment...

— Ose me dire que tu n'en as pas envie, ma Lady !

— NON, je n'en ai pas envie ! Qu'est-ce qui t'arrive, en ce moment ? »

Agacée, Ladybug allait s'en aller, mais son partenaire fut le premier à fuir, la laissant seule au sommet de la tour Montparnasse. Voilà plusieurs jours que Chat Noir insistait pour qu'ils arrêtent de se cacher leurs identités, et il baissait toujours la tête lorsque la coccinelle lui demandait pourquoi.

Elle resta figée un instant, surprise de voir son chaton partir aussi vite, mais elle se détendit et finit la patrouille seule. Lorsqu'elle rentra chez elle et se détransforma, la fatigue l'envahit, mais ce n'était pas le cas de Tikki : le kwami tournait en rond sans rien dire et n'avait même pas mangé son cookie. Un peu inquiète, Marinette s'approcha doucement d'elle et la recueillit dans ses mains.

« Tikki... Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu as l'air bizarre...

­— Je ne crois pas que ce soit le moment d'en parler, tu as besoin de dormir...

— Oh c'est bon, ce serait pas ma première nuit blanche. Tu peux tout me dire, tu sais.

— Si tu le dis... »

Marinette s'installa dans son lit et fixa une Tikki toujours aussi mal à l'aise. Elle finit par se recroqueviller et rejoignit l'épaule de sa porteuse.

« Toi et Chat Noir ne devrez jamais vous révéler vos identités.

— Waouh, sans blague, j'étais pas au courant ! C'est ça qui te tracasse autant ?

— ...Marinette, je parle sérieusement tout de suite. »

La collégienne croisa le regard de Tikki, qui avait perdu toute sa gentillesse ; elle se montrait davantage froide et sévère.

« Mais... jamais jamais ? Même après avoir battu le Papillon ? Et pourquoi ?

— C'est... c'est pas le moment d'en parler maintenant. Juste... promets-moi que vous ne connaitrez jamais vos identités secrètes. »

La voix du kwami tremblait imperceptiblement ; attendrie, Marinette caressa sa joue de son pouce et l'embrassa sur le front, oubliant ses questionnements pour se concentrer sur le plus important.

« C'est promis, Tikki. Je ne révélerai jamais mon identité à Chat Noir. »

« Qu'est-ce qui t'arrive, Adrien ? Pourquoi tu veux autant savoir qui est Ladybug ? »

L'intéressé leva les yeux au ciel sans répondre, se laissant tomber sur son lit bien trop grand pour lui seul ; comme à son habitude, Plagg mangeait son camembert tout en le rabrouant, sans comprendre que son interlocuteur ne l'écoutait pas.

« Enfin, c'est de la folie ! Qui sait ce qui arriverait si tu savais qui elle est ? C'est beaucoup trop dangereux !

­ — Ce qui arriverait ? » répéta Adrien, sorti de sa torpeur.

Il se redressa sur son lit et toisa Plagg, qui baissa légèrement les oreilles face à ce regard inquisiteur. Il faisait presque pitié ainsi, malheureusement pour lui le cerveau d'Adrien tournait à plein régime, et il ne lui laisserait aucun répit.

« Qu'est-ce qui arriverait si je savais qui elle est ? Tu ne me l'as jamais dit, il me semble...

— Mais... mais parce que c'est évident ! S'il s'agit de quelqu'un qui t'es cher, ça déteindrait sur toi !

— Mais quelle importance, puisque je l'aime déjà ! Ça déteint déjà sur moi, alors ça ne changerait rien !

— Je... hum... les secrets les mieux gardés sont ceux qu'on ne partage pas, voilà !

— Plagg... »

Le petit chat possédait des talents d'acteur indéniables, surtout en matière de manipulation, mais cette fois-ci il ne parvenait pas à cacher son malaise. Adrien s'approcha de lui sans cesser de le fixer, histoire de le déstabiliser davantage.

« Dis-moi...

— NON ! Je... je ne veux pas...

— Tu ne veux pas quoi ? »

Plagg resta muet, regarda de tous les côtés, et se colla à la poitrine d'Adrien, sa respiration saccadée trahissant sa peine. Surpris, le garçon ne le retint pas et accueillit même volontiers cette marque d'affection.

« Ça ne te fera pas plaisir...

— C'est déjà le cas. Allez, crache le mor-

— L'un de vous mourra. »

Le super-héros qui sommeillait en Adrien aimait se servir de sa répartie, mais cette fois-ci, le jeune homme s'en sentit incapable. L'écho de la phrase de Plagg résonnait à ses oreilles sans qu'il ne l'entende réellement.

« C'est pas vrai... »

Ce furent les seuls mots qui franchirent la barrière de ses lèvres. Des larmes coulaient, mais pas le long de ses joues ; le jeune garçon refusait inconsciemment de montrer sa détresse. Plagg mit quant à lui un certain temps à réagir, se dégageant sans mal de l'étreinte de son porteur.

« Si... c'est vrai. Les Miraculous de la coccinelle et du chat noir ont été maudits dans ce but.

— Mais... mais... pourquoi ? balbutia Adrien, horrifié.

— Je... pour assurer le secret. Les porteurs d'autrefois ne faisaient pas assez attention... des accidents sont arrivés... beaucoup sont morts, alors... un des Gardiens a... nous a maudits, Tikki et moi. Maintenant, si l'un de nos porteurs découvre l'identité de l'autre... l'un des deux mourra sous les yeux de l'autre peu de temps après... »

Adrien écarquilla les yeux lorsqu'il se rendit compte que Plagg pleurait ; incapable de réagir, il baissa la tête, ses propres sanglots bloquant sa gorge, refusant de sortir et l'obligeant à se renfermer sur lui-même.

Combien de porteurs sont morts de cette malédiction ?

Comme à son habitude, Marinette avala son petit-déjeuner en quatrième vitesse avant de courir vers son collège et d'arriver en retard au cours de madame Bustier. Elle s'installa discrètement à côté d'Alya, mais ne put passer à côté des cernes et des yeux rouges de son mannequin préféré. Nino faisait mine de ne pas y prêter attention, mais Marinette était trop inquiète pour écouter les bavardages d'Alya. Elle finit par déchirer un bout de papier de son cahier et écrivit un petit mot à Adrien.

Ça va ? T'as pas l'air bien aujd. M

Elle le lança plutôt adroitement sur le bureau d'en face, attendant patiemment une réponse en prenant des notes. Adrien finit par se retourner et glissa discrètement une réponse.

C compliqué. Je te dis à la récré stv.

Le blondinet fixa Marinette, qui hocha la tête, plus inquiète qu'excitée à l'idée de cette conversation. Décidément, entre lui et Tikki, quelque chose n'allait vraiment pas aujourd'hui, et elle était impatiente de tirer cette histoire au clair.

Les minutes qui la séparaient de la récréation parurent horriblement longues, mais la sonnerie la tira enfin de ses rêveries. Sans expliquer quoi que ce soit à Alya, elle rejoignit Adrien et ils se rendirent à l'écart des autres groupes, là où personne ne les écouterait.

Pourtant, cet isolement ne rendait pas le mannequin plus enclin à s'expliquer; il fuyait le regard franc de Marinette, et semblait prêt à éclater en sanglots à tout moment.

Il me rappelle quelqu'un...

« Bon, j'ai envie de te dire qu'on a tout notre temps, mais la récré dure quinze minutes, trancha Marinette un peu trop sèchement à son goût. Tu veux vraiment me le dire ? Tu n'es pas obligé... reprit-elle plus tendrement alors que ses joues rosissaient.

— Je... hum, non, il faut que j'en parle à quelqu'un... Mais, c'est un peu... compliqué. Marinette, tu peux garder un secret ? »

Adrien contenait difficilement ses sanglots, et à la vue de ses yeux humides, la collégienne prit une de ses mains si chaudes et si douces afin de la serrer pour le réconforter ; malgré elle, des milliers de questions tournaient en rond dans sa tête, mais la priorité était de laisser Adrien s'exprimer.

Le jeune garçon déglutit avant de continuer.

« Je, hum... voilà, j'aime... j'aime Ladybug, et j'ai vraiment envie de savoir qui elle est... mais je ne pourrai jamais savoir... sinon... enfin voilà... »

Il finit sa tirade en levant les yeux au ciel et respirant un grand coup, mais ses joues avaient fortement rougi ; Marinette peinait à assimiler ce qu'elle avait entendu, se contentant de serrer plus fortement la main d'Adrien. Face à son silence de plus en plus long, il la retira, honteux.

« Désolé, c'est idiot, je te l'avais dit... C'est normal de ne pas savoir qui ils sont, ça nous mettrait en danger, et eux aussi, enfin plus que d'habitude... J'aurais pas dû t'en parler.

— Non, attends ! s'écria Marinette en voyant le mouvement de recul d'Adrien. Je... je comprends ce que tu ressens, c'est pas évident. T'as rien à te reprocher, et je ne te jugerai pas, promis. En fait... »

Je suis Ladybug, faillit-elle ajouter. Ces deux derniers mots lui avaient échappé, et maintenant Adrien attendait la suite de sa phrase. A la place, elle se rapprocha de lui et posa ses mains sur les épaules du mannequin un peu surpris, et lui offrit un sourire compatissant.

Malheureusement, ses gestes ne suffisaient pas. Elle devait justifier ses précédents mots, et il fallut qu'elle trouve un prétexte.

« En fait... je... je ressens la même chose pour Chat Noir ! affirma-t'elle. Non pas que je l'aime, mais, euh... moi aussi, j'aimerais beaucoup connaître son identité... Je suis sûre que c'est quelqu'un de bien, et j'ai envie de... de savoir qui il est pour mieux le connaître. Désolée, je me répète... »

Les deux devinrent écarlates en réalisant ces paroles, Adrien en particulier. Marinette baissa les yeux et allait s'éloigner, mais le mannequin la retint par le bras et la rapprocha de lui, collant presque son oreille à sa bouche sans se préoccuper de l'espace vital de son amie.

« Je suis Chat Noir, » avoua-t-il à voix basse.

Qu'est-ce qu'il a dit ?!

Qu'est-ce que je dis ?!

La jeune fille se stoppa net, incapable de réagir davantage en réalisant tout ce que cette phrase impliquait ; Adrien tirait sur le col de son tee-shirt, regrettant déjà sa révélation et s'attendant déjà à subir les remontrances de son kwami. Il pâlit davantage en se rappelant ce qu'il lui avait dit la veille, et un violent frisson lui parcourut l'échine ; Plagg gigotait dans son sac pour se faire remarquer, mais il était déjà trop tard.

Qui ai-je condamné, entre Ladybug et moi ?

C'est lui... J'aime Adrien... J'aime Chat Noir... Et je l'ai repoussé pendant tout ce temps... Qu'est-ce que je fais, maintenant ?

La cloche sonna la fin de la récréation sans pour autant mettre fin à ses réflexions, et Marinette s'empressa de rejoindre sa place, muette comme une tombe et toujours aussi rouge. Adrien s'installa également, aussi muet que sa partenaire et priant pour disparaître de cette Terre. Dès que les cours se finirent, ils se dépêchèrent de rentrer chez eux pour parler à leurs kwamis.

« Tikki, j'en reviens paaaas ! Adrien et Chat Noir sont la même personne... Et je l'ai jamais remarqué ! Pourquoi ça n'arrive qu'à moiiiii ! Qu'est-ce que je fais, maintenant ?!

— Marinette, s'il te plait, écoute-moi, la coupa Tikki en alerte. Tu n'aurais jamais du savoir qui est Chat Noir, c'est une vraie catastrophe !

— Sans blague, bien sûr que c'est une catastrophe !

­— Non, écoute, c'est vraiment grave ! L'un de vous va mourir dans peu de temps ! »

Marinette cessa immédiatement de se morfondre et fixa Tikki, cherchant à retrouver un rythme cardiaque normal.

« Qu'est-ce que tu as dit ?!

— C'est de ça dont je voulais te parler hier, avoua le kwami en baissant les yeux. Vos Miraculous sont maudits... Si vous connaissez vos identités, l'un de vous mourra... Et maintenant que tu sais qui est Chat Noir, vos vies sont en danger... Je ne sais pas qui mourra entre vous, mais il n'en restera qu'un...»

Marinette se leva pour se laisser tomber sur sa chaise, sous le choc. Son esprit cherchait une réaction appropriée, mais elle ne pouvait que rester figée. Tikki se posa sur son épaule, tout aussi silencieuse, et essuya l'unique larme qui dévalait sa joue. Après plusieurs minutes particulièrement lourdes, la jeune fille éclata en sanglots, cherchant à se défaire du nœud qui serrait sa gorge et son cœur ; toute la pression accumulée depuis qu'elle avait endossé son rôle de Gardienne se relâchait

« Tu... devrais en parler à Chat Noir...

— Tu crois ? Qu'est-ce que ça changera... s'il était au courant pour la malédiction, il ne me l'aurait pas dit... Pas vrai ?

— Son kwami a pu oublier de le lui dire... ils sont aussi incorrigibles l'un que l'autre. »

Marinette laissa échapper un rire étranglé, puis essuya ses joues avant de se redresser. Elle inspira un grand coup avant de se transformer et de sortir par son balcon.

Adrien tournait en rond dans sa chambre en se rongeant les ongles jusqu'au sang, habitude dont il s'était débarrassé lorsqu'il avait commencé sa carrière de mannequin, mais sa peur dominait tout le reste. Sa Lady était en danger et aucun moyen connu ne pourrait lui permettre de la sauver. Lorsque Marinette avait évoqué son désir de savoir qui se cachait derrière le masque de Chat Noir, il n'avait pas su résister ; c'était la première fois que quelqu'un voulait connaître le vrai lui, et pas seulement la facette parfaite façonnée par son père. Et puis, son amie savait garder un secret ; le problème ne e posait pas de ce côté-là.

N'y tenant plus, le mannequin se transforma sans demander son avis à Plagg et se livra à quelques acrobaties sur les toits de Paris, évacuant sa frustration et sa rage en manquant de se rompre le cou à plusieurs reprises, mais il s'en moquait ; même les passants poussaient des exclamations de surprise quand il les frôlait. Le vent sifflait à ses oreilles, l'adrénaline lui faisait oublier tous ses problèmes ; il raffolait de ce frisson qui le parcourait quand il se laissait tomber juste avant de se rattraper.

D'ailleurs, ce serait bien je pouvais juste me laisser tomber maintenant...

Le félin finit par se tenir tranquille au sommet de la Tour Eiffel, se promenant sur les barres en fer en lorgnant le vide de plus en plus attrayant malgré lui. Il se posta à un angle de la Tour, se retourna les yeux fermés et s'apprêta à se laisser tomber en arrière avant qu'une voix ne l'interpelle.

« Chat Noir ! Mais qu'est-ce qui t'arrive !? »

Le yoyo de sa Lady s'enroula autour de son corps, ramenant Chat Noir auprès d'elle et l'empêchant de justesse de tomber. Le super-héros s'attendait à une pluie de questions sur son état, mais ce fut une petite gifle qui s'abattit sur sa joue suivie d'un silence. Il ne le rompit pas, légèrement abasourdi par la claque, légère mais bien présente ; il n'avait pas envie de s'expliquer. Ladybug finit par prendre la parole en baissant délicatement son menton avec sa main, l'obligeant à la regarder dans les yeux.

« T'es vraiment un idiot, Chat Noir. J'en reviens pas qu'on puisse être aussi inconscient comme ça. »

Sa voix n'avait pas tremblé, mais Chat Noir était presque certain que son rythme cardiaque avait accéléré. Il hésita à approcher son visage du sien, mais ces yeux bleus si francs le désarmaient, et il se sentit brusquement pitoyable à côté de cette héroïne si parfaite. Ses oreilles s'affaissèrent lentement.

« Ladybug... je dois t'avouer quelque chose, souffla-t-il.

— Pas la peine, chaton, répondit-elle avec douceur. Je suis déjà au courant de tout. Pour... nos Miraculous, Marinette, et tout le reste...

— Déjà ? Ça a été rapide... Je suis tellement désolé, j'aurais pas dû lui en parler, j'arrive jamais à faire les choses comme il faut... »

Ils se ressemblent, constata Ladybug en l'écoutant parler. Je n'ai rien remarqué... Et pourtant ils sont si différents. Comment est-ce possible ?

Elle détaillait attentivement le visage de Chat Noir, le calquant mentalement sur celui d'Adrien, et plus elle y pensait, plus cela lui paraissait logique. La même tendresse se dégageait d'eux, le même sourire, la même candeur, la même volonté de bien faire et d'aider les autres, au point que leurs différences de caractère ne comptaient plus.

Ils sont la même personne...

« Je devrais te rendre mon Miraculous, maintenant. »

La coccinelle sortit instantanément de sa contemplation lorsque son chaton fit mine de retirer sa bague, et le stoppa net avant de reprendre d'un ton ferme :

« Non. Je ne veux pas d'un autre coéquipier, même si Marinette connaît ton identité ; on forme une équipe, quoi qu'il arrive. »

Elle s'approcha de lui, leurs souffles s'entremêlant, et chuchota à son oreille de la même façon que lui tout à l'heure :

« Je suis Marinette. »

Les joues de Chat Noir perdirent immédiatement leurs couleurs, et un sourire malicieux se dessina sur les lèvres de la coccinelle. Son interlocuteur paraissait scandalisé par cette révélation, et c'était plutôt divertissant de le voir ainsi ; pour une fois que les rôles s'inversaient...

« Mais... mais... pourquoi tu me le dis ? Tu n'aurais pas dû... C'est censé être un secret.

­— Peut-être, oui. Mais comme tu l'as dit en premier, l'un de nous risquait sa vie ; maintenant, on est à peu près sûrs d'être en danger tous les deux ! On a tout fait ensemble, et ce destin aussi, on le combattra ensemble.

— Je ne suis pas vraiment sûr, non... Ça m'étonne de toi, ma Lady.

— Et ça, ça t'étonne aussi ? »

Ladybug brandit fièrement son bâton devant son propriétaire, qui mit ses mains derrière lui pour constater son absence. La coccinelle s'envola gracieusement à l'aide de son yoyo dans un cri d'extase, rapidement suivi par celui mêlé d'agacement et d'amusement de Chat Noir ; elle ne s'éloigna cependant pas de la tour Eiffel et lança rapidement le bâton de sorte que le félin le récupère.

« Je suis sûre que je peux arriver à Notre-Dame avant toi !

— Je ne suis pas sûr de ça non plus, ma Lady ! »

Leurs rires résonnèrent dans la ville.

« Bon, qu'est-ce qu'on peut faire à présent ? C'est bien gentil, mais ça fait déjà deux jours... et rien ne s'est passé. Il faut absolument qu'on fasse quelque chose !

— Oui, bien sûr, mais... Maître Fu n'est plus là. Il aurait su quoi faire, lui. Si seulement on avait la traduction du livre, ou même le livre lui-même, on trouverait peut-être quelque chose... »

Une étincelle de bon sens germa dans l'esprit d'Adrien suite à ces mots ; un sourire rayonnant illuminait son visage, si rare et si précieux pour Marinette. Un oiseau passa au-dessus d'eux, presque invisible sur l'encre du ciel.

« Dis, tu te rappelles du livre que mon père possède sur les super-héros ? Je peux peut-être lui demander de me le prêter !

— Tu crois ? demanda Marinette, mal à l'aise en se souvenant de Gabriel Agreste. Et s'il n'acceptait pas ? Ce serait perdu...

— Il faut que j'essaie. Et puis, au besoin, je peux toujours m'arranger, répondit le blondinet avec un clin d'oeil charmeur. T'en fais pas, je me débrouillerai. »

La collégienne leva les yeux vers le ciel noir, plus détendue qu'irritée. Ses sentiments pour Adrien n'avaient pas vraiment disparu, mais elle avait repris le contrôle d'elle-même lorsqu'il était proche d'elle ; le fait de savoir qu'il s'agissait de son partenaire la rendait bien moins mal à l'aise, plus apaisée et tranquille. Cependant, une question persistait, et elle ne pouvait s'empêcher de la formuler.

« Dis, Adrien... Tu étais amoureux de Ladybug... mais maintenant que tu sais que c'est moi, Ladybug... qu'est-ce que tu ressens pour moi ? »

Sa timidité revint au galop, et Marinette ferma les yeux en attendant une réponse ; très vite, la main chaude et réconfortante d'Adrien se posa sur son épaule, lui décochant un petit sourire malgré elle.

« C'est... particulier, admit le mannequin. Je ne peux pas dire que je ne ressens plus rien pour toi, mais... c'est plus léger. Tu es spéciale pour moi, et j'ai envie de... efin, que tu sois heureuse, j'ai envie de te protéger, de rester auprès de toi, même si on ne sort pas ensemble... Je sais pas si c'est compréhensible, désolé... »

Marinette rouvrit les yeux et les posa sur Adrien, qui fixait son épaule. Une douce chaleur l'envahit, et elle passa une main dans les cheveux si soyeux et brillants de son partenaire ; il se redressa et ferma les yeux, appréciant ce contact.

« Je comprends, t'en fais pas. En fait, c'est un peu la même chose pour moi ; maintenant que je sais qui tu es, c'est beaucoup moins stressant pour moi de te parler, et j'ai toujours envie d'être avec toi... Au moins, on est deux à être bizarre. »

Une brise fraîche caressa les cheveux de Marinette, les rapprochant du nez d'Adrien qui se fit violence pour ne pas éternuer, émettant un bruit semblable à miaulement de chat. La nuit devenait de plus en plus froide, et l'agent Roger leur demanda de quitter les lieux. Adrien allait raccompagner Marinette chez elle en limousine, mais un fouet enflammé les projeta au sol, manquant de justesse de les brûler vifs.

Une jeune fille s'approcha d'eux, enroulant son fouet de flammes ; aucun doute, il s'agissait d'une akumatisée, à la peau totalement rouge et aux yeux et cheveux de feu. Elle ne prononça pas un mot, se contentant de faire claquer son fouet en direction des deux adolescents ; de toute façon, elle n'avait pas besoin d'expliquer ce qu'elle faisait là.

Ces derniers hochèrent la tête en même temps et coururent trouver un endroit où se transformer, mais le fouet de l'akumatisée atteignit Marinette, lacérant son dos, brûlant sa peau. Un hurlement s'échappa de ses cordes vocales, avant qu'elle ne s'effondre sous les yeux d'un Adrien impuissant et incapable de l'aider. Il s'accroupit près d'elle, la serrant dans ses bras tandis qu'elle haletait sous la douleur. Le monde autour de lui tournait au ralenti, ses sens se brouillèrent lorsqu'il souleva la jeune fille quasiment inerte.

« Non, non, non, non, répétait-il sans cesse, passant un bras autour des épaules de Marinette, qui s'accrochait vainement à sa veste. C'est pas possible, je rêve, ça va bientôt s'arrêter... Marinette, reste avec moi, je t'en prie...

— Ça s'arrêtera si vous me remettez tous les deux vos Miraculous, » répondit une voix familièrement glaçante dans son dos.

Adrien se retourna, et discerna faiblement Mayura, dressant fièrement son éventail vers lui ; ses yeux verts s'écarquillèrent davantage sous la terreur, mais la faible voix de Marinette parvint tout de même à ses oreilles, l'empêchant de totalement perdre les pédales.

« Adri...en... donne... donne ta bague... s'il... te plaît... Je... ne... veux pas...

— Chut, ne parle pas Buguinette, chuchota Adrien en caressant le visage si pâle de la concernée. Tout va s'arranger, on va s'en sortir. Toi et moi contre le monde entier, pas vrai ?

— Toujours... »

Le mannequin posa ses lèvres sont le front glacé de Marinette, ignorant le sang qui tachait ses vêtements et rendait ses doigts humides et poisseux. Mayura et l'akumatisée s'approchaient chacune de lui, l'encerclant davantage sans lui offrir un quelconque échappatoire, et lui ne pouvait que tenir fermement le frêle corps de sa Lady, sa Buguinette, l'embrassant partout pour qu'elle garde conscience.

Les yeux vitreux de Marinette luttaient constamment pour rester ouverts, témoignant l'envie de vivre de la jeune fille ; le moment où les perles bleues furent cachées par ses paupières planta un couteau acéré dans le cœur d'Adrien, remuant lentement dans sa cage thoracique pour mieux le faire souffrir. L'odeur du sang lui donnait la nausée et la peau glacée de sa Lady le brûlait, mais ce n'était rien à côté des éclats de verre logés dans son cœur qui ne guérirait jamais. En proie au désespoir des plus intenses, ignorant les cris de Plagg et Tikki qui cherchaient vainement à le raisonner, il appela la dernière personne sur qui il pouvait compter.

« PÈRE ! À L'AIDE, S'IL VOUS PLAIT ! »

Le Papillon chancela en entendant cet appel. Ce cri, si déchirant, si désespéré, c'était celui de son propre fils. Mayura les avait espionnés, lui et cette jeune fille, découvrant ainsi leurs identités ; il avait ensuite akumatisé une inconnue muette avec un ardent besoin d'attention pour leur voler leurs Miraculous, mais voir l'amie d'Adrien aussi gravement blessée l'avait fait tiquer. Cependant, c'était véritablement ce cri qui le confronta aux conséquences de ses actes ; lui qui voulait ramener sa femme à tout prix pour offrir à son enfant le bonheur qui lui avait été retiré, il venait d'attaquer l'une des personnes les plus chères à ses yeux.

Cela valait-il vraiment le coup ? Le supervilain songea à toutes les fois où Adrien avait été mis en danger par sa faute, et son constat lui fit l'effet d'un coup de massue dans le crâne : il avait fait plus de mal que de bien.

Au fond, il savait qu'il ne voulait pas faire revivre Emilie uniquement pour Adrien ; c'était un désir purement égoïste, mais son enfant constituait un bon moyen de ne pas accepter ses responsabilités.

Ce n'est pas d'Emilie dont Adrien a besoin.

C'est de moi...

Le Papillon hésitait à désakumatiser sa victime et aller soigner cette Marinette, mais l'idée de ne jamais revoir Emilie lui tordait les boyaux ; il serrait sa canne de toutes ses forces, manquant d'en briser le pommeau. Tout ce qu'il coulait, c'était le bonheur d'Adrien, mais il n'était plus vraiment sûr du prix que cela coûterait. Jusqu'à présent, il n'avait rien fait pour son fils, pour le rendre heureux.

Je suis pitoyable...

« MARINETTE !

— Nathalie, enlevez votre broche et amenez immédiatement Marinette à l'hôpital, ordonna Gabriel d'une voix quelque peu chevrotante. Je vous rejoins dans peu de temps. »

Il ramena l'akuma auprès de lui et se détransforma, libérant Nooroo qui le fixait d'un air abasourdi.

« Maître... Que se passe-t-il ?

— Nooroo... Adieu, Nooroo. Je renonce à toi, pour toujours. Il est temps que je m'occupe réellement du bien-être de mon fils... je te demande pardon pour tout ce que je t'ai fait. »

Le kwami resta sans voix un instant, choqué de la tournure des événements. Cependant, Gabriel demeurait sincère, la lueur de folie qui l'animait parfois avait totalement déserté son regard et il n'était pas le genre d'homme à s'excuser facilement. Nooroo hésita un instant, légèrement méfiant, mais voyant que l'homme devant lui ne tentait rien et attendait patiemment sa réponse, il se montra bienveillant.

« Je vous pardonne, Gabriel Agreste. Rangez ce Miraculous et allez donc voir votre fils, il a vraiment besoin de vous. »

L'intéressé hocha la tête et retira sa broche, se retrouvant seul. Il se rendit ensuite au caveau de sa femme, le contemplant avec tristesse, avant de soulever le couvercle une dernière fois et de coller son front au sien, se résignant à la voir inanimée à jamais. Un soupir lui échappa lorsqu'il repensait aux jours heureux passés ensemble.

« Je suis désolé, Emilie... Mais tout cela a assez duré. Il est temps que je tourne la page... Je t'aimerai toujours... mais Adrien a besoin de moi, maintenant que tu n'es plus là. Je dois rattraper le temps perdu. »

Il remit le couvercle en place, traversa le long pont plongé dans la pénombre, et sans un regard vers l'arrière, éteignit le générateur.

« Adrien, c'est l'heure !

— J'arrive père, une seconde ! »

Le blondinet ajusta sa cravate, passa une main dans ses cheveux et descendit en trombe les escaliers rejoindre son père et la jeune brune. Jour après jour, l'étau qui emprisonnait son cœur se desserrait, et il s'habituait à l'idée qu'il ne la reverrait plus jamais, malgré les efforts de Gabriel.

Tous les trois parcoururent la ville, offrant d'aimables sourires aux passants qui les saluaient, riant de tout et de rien ; Adrien se permettait de laisser son côté blagueur prendre le dessus, ce qui plaisait beaucoup, et ça lui faisait du bien. La jeune fille à ses côtés avait totalement assimilé sa franchise et son humour, et son père n'avait jamais paru aussi fier de lui ; il avait tout pour nager dans le bonheur.

Ils arrivèrent finalement devant la tombe d'Emilie Agreste, où Gabriel déposa un bouquet. Adrien effleura délicatement le marbre, se rappelant de la gentillesse et de la douceur de sa mère, laissant ses souvenirs déferler en lui.

Je t'aimerai toujours, maman.

Ils se rendirent ensuite à une autre tombe, celle de Marinette Dupain-Cheng. Kagami déposa son bouquet, et le père d'Adrien s'agenouilla ; il s'en voulait toujours énormément d'avoir causé la mort de cette jeune fille, mais il ne pouvait plus rien y faire désormais. Adrien l'encouragea à se relever, avant de l'enlacer ; Marinette avait beau lui manquer terriblement, il se devait de continuer seul.

Kagami posa une main réconfortante sur l'épaule d'Adrien, qui ferma les yeux en songeant à ce qu'aurait pu être leur destin ensemble ; malgré sa disparition, elle demeurait une personne incroyable, qui avait changé sa vie de bien des façons, et jamais il ne pourrait regretter de l'avoir rencontrée ; les joies qu'ils avaient vécu ensemble sous leurs deux identités valaient largement la douleur qu'il ressentait aujourd'hui.

« Son souvenir sera intact, Adrien, souffla Kagami d'un ton compatissant. On se souviendra toujours d'elle. «

Toujours.

Je t'aimerai toujours, ma Lady.

------

Alors comme ça on vole les titres, hein ? :)

Non, je blague.

Bon, comme toujours, j'ai beaucoup apprécié ton OS, et j'ai failli pleurer au début...

Mais trêve de bavardage, voici ta nooooooote : 9,5/10

Sachant que ta fiche de notation t'a été envoyée par mail !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top