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Bonjour à tous !

Suite aux récentes nouvelles de Wattpad, suppressions des messages privés, fuite de plusieurs personnes, je vous invites à rejoindre le serveur discord d'entraide et d'écriture. Des ateliers d'écriture sont proposés régulièrement, et des amoureux de littérature partagent des astuces et des nouveaux mots pour vous aider.

Bien entendu, le concours ici, reste en vie, et reste ouvert, je prends simplement les devant pour vous rassembler un maximum afin que vous ne loupez aucune information. Le lien est en bas de page ^^

Je vous souhaite une bonne lecture ♥ 


Auteur.e : @L_S977

Oublier son nom

Je marche sur le bitume, sous le ciel gris, l'esprit empli d'amertume.

Soudain, je m'arrête dans cette ruelle vide et pousse la porte d'un bar, puis, je m'assois au comptoir noir de cendre.

— Qu'est-ce que je te sers petit ?

— Ce que vous avez de plus fort.

Le barman me toise de son mètre quatre-vingt dix, son biceps se contractant en lavant une chope de bière.

— Peine de cœur ?

— Non, ris-je jaune, il est mort il y a longtemps.

— Tu sais, tu ne devrais pas tenter d'oublier comme ça.

— Fais ton travail et mêle toi de tes affaires.

Enfin, il partit dans l'arrière boutique, l'air peiné et me ramena une bouteille de whiskies.

Je me mis à enfiler les bouteilles oubliant leurs nombres mais pas son nom.

Son putain de nom écrit à l'encre noire dans chaque recoin de âme.

Lana.

Lana.

Lana.

Lana.

La luminosité extérieure diminue, la sombre nuit prend place chassant le triste soleil.

L'alcool brûle mes peines comme l'alcool à 90 guérit les blessures.

Petit à petit, mes défenses baissent, ma conscience lâche prise et le diable en moi vient me tourmenter gaiement.

《 Il est mort ton cœur, hein ? se moqua t-il

Mais que t'évoques le prénom d'Éléa ? 》

Tais-toi !

《 Ce petit bout de femme dont ta mère était si fière de te montrer les photographies... 》

Arrête !

《 Elle ne doit pas avoir une très haute estime de ton existence alors que pour toi, elle est si spéciale... nous le savons tous les deux, ce n'est pas Lana que tu veux oublier mais elle. Ou plutôt ce qu'elle te fait ressentir. 》

Ça suffit !

《 Non voyons, songes y encore... 》


*


Flash-back, un mois plus tôt.


Ma mère tenait en ces mains la plus belle femme qui m'ai été de voir.

Sa chevelure sombre jurait avec la clarté de sa peau. Si elle n'avait pas été couchée sur le papier, j'aurais eu tant envie de la toucher. Du bout des doigts, comme une œuvre d'art.

— Elle s'appelle Éléa, c'est la petite fille de mon amie.

Tu devras être bien sage, nous allons les rencontrer lors d'un repas chez eux. Faîtes connaissance, je suis certaine que vous pourriez vous entendre.

— Oui Maman.

Encore béat, ma bouche peine à articuler plus de deux mots à la suite.

Ce sourire...

Ce sourire réveillerait les morts.

Cette nuit-là, lorsque je m'endors, je pense à cette inconnue.

Elle s'infiltre dans les bras de Morphée et c'est à présent elle que je serre contre mon torse, cette chose fragile qui m'ébranle.

Et elle est revenu tous les soirs.


*


Auteur.e : @Klaire_DBS

Instants figés

Il est de ces moments difficiles dans la vie où on se raccroche à nos souvenirs, où la nostalgie prend le dessus, où les albums photos deviennent nos alliés. Plus l'on vieillit, et plus notre cerveau se remplit d'instants passés, heureux, ou malheureux, ceux qui nous ont marqué et qu'on se remémore avec joie, ou dans la peine.

Seulement parfois, ces souvenirs nous échappent. Ils s'éfilent et les instants figés deviennent étranges, inconnus.

Notre tête devient passoire et notre passé nous file entre les doigts sans que nous puissions les retenir. Ils dansent une dernière fois dans notre esprit avant de s'évanouir pour de bon, sans que nous nous en apercevions. Et comme ça, l'air de rien, notre histoire n'est plus qu'un souvenir dans la tête des autres.

Cette histoire, c'est celle de beaucoup d'Hommes.

L'un est marié, il a deux fils.

L'autre est le deuxième d'une fratrie de quatre enfants.

Le dernier est un excellent kiné.

Ils sont tous très entourés et aimés de leur famille. Les nombreux album attestent de cette vie bien remplie et les générations futures, dans les bras de leurs aînés, sont témoins des histoires qu'ils ont à raconter. Ils ont vécu, ils ont aimé, ils ont ri.

Puis ils ont oublié.

La maladie les entraîne dans les profondeurs de l'amnésie, petit à petit leur mémoire s'évapore dans la nuit qui s'installe dans leur vie.

Leur passé s'échappe aux bras d'Alzheimer, leurs souvenirs s'étiolent et bientôt, ils ne vivront plus que dans la mémoire de leurs proches...


Auteur.e : @Blackevy

La douleur

On dit que le temps guéri toutes les blessures. C'est vrai. Il l'a guérie, cette profonde déchirure. Je ne devrai pas dire cela, c'est mal. Enfin, je crois. Ça doit être mal de dire que la douleur causée par sa mort s'efface peu à peu. Je suis sensée ne pas me remettre, ne pas pouvoir oublier.

L'oublier, lui, je ne peux pas, bien-sûr que non. Mais, la douleur, je l'ai oubliée. Même quand j'essaie de toutes mes forces, la douleur ne veux pas revenir. Je ne veux pas oublier la douleur. Car, si j'oublie, cela voudrai dire que je ne tenais pas assez à lui.

Je suis confuse, perdue.

Je ne sais plus ce que je dois ou ne dois pas ressentir. Ce que je ressens ? de la tristesse. Juste de la tristesse. Plus de douleur, plus de cœur qui se serre, plus d'envie de tout casser, plus de colère. De la tristesse, c'est tout.

Mais, si je suis triste, c'est que je souffre ? La tristesse est une forme de douleur, non ? Je ne sais pas.

Ne pas ressentir, est-ce oublier ? Je ne ressens plus la douleur mais je crois que je ne l'ai pas oublier. Je me rappelle ce que ça fait de sentir son monde s'écrouler, de sentir son cœur se briser. Oui, ça je m'en souviens. Je n'oublierai jamais ce que j'ai ressenti quand j'ai réalisé qu'il ne serai plus jamais là.

Non, ne pas ressentir n'est pas ne pas se souvenir. Les souvenirs je les chéris. Comme de précieux trésors que je cache dans un coffre bien gardé dans ma mémoire. Chaque moment, chaque sourire, chaque dispute, chaque pleur, chaque mot.

Je ne ressens plus, mais je n'ai pas oublié. Bien au contraire, son souvenir est plus vivant que jamais.

Est-ce juste de dire que je ne ressens plus ? Peut-être la douleur est-elle si grande que je ne peux plus la « ressentir ». Peut-être que l'intensité qu'elle a prise avec le temps la rend moins concevable pour mon esprit. Dans ce cas, le temps n'a pas guéri mes blessures mais les a tout simplement permis de s'installer. Avec le temps, la douleur a pris possession de mon corps et de mon âme. À un point tel que je ne la ressens plus comme quelque chose d'extérieur, elle n'est plus un ressenti mais une part de moi.

Alors, je ne l'ai pas oubliée car ce n'est plus un souvenir ; c'est moi.

Mon esprit s'égare dans les tunnels sombres de mes réflexions, dans les galeries complexes de mes pensées.

Je suis perdue, confuse.

Car je ne sais toujours pas si j'ai oublié.


Auteur.e : @FanFictions_Addict

Oublier pour me souvenir

Excuse-moi mais mon texte ne peut pas commencer sans le message de quelqu'un d'autre, bien entendu je signale de qui il est.

«Je l'ai aimé parce que rien n'était fait pour.

Parce qu'il se moquait bien d'être séduisant avec moi. Parce que faire des efforts pour plaire au monde semblait ne pas faire partie de ses volontés.

Parce qu'il avait quelque chose de triste bien caché au fond de l'âme. Il avait dû naître comme cela, lui aussi, avec cette nostalgie collée aux poignets.

Je l'ai aimé parce que ses yeux observaient tout sans être retenus par rien. Parce qu'il puait la liberté. Parce qu'il était prisonnier.

Parce qu'il y avait sur ses lèvres un peu d'amertume et beaucoup de tendresse, de l'amour qui a pleuré et l'envie de la passion.

Parce qu'il parlait peu.

Parce que lorsqu'il parlait, j'avais envie d'écouter.

Je ne me souviens pas avoir aimé les mots comme l'eau, qui débordent.

Il était nu, même habillé.

Pudique de son âme et de son corps.

En y regardant de près, je l'ai immédiatement soupçonné de ne pas trop s'aimer.

Je l'ai aimé à sa place.

J'avais de la place dans le cœur.

Il y avait, au fond de son regard, un vieux truc perdu, hagard.

J'avais envie de l'aider à le retrouver.

Il souriait peu.

Pourtant, lumineux.

Il me faisait rire sans jamais essayer.

Je ne crois pas que les gens drôles m'aient jamais beaucoup amusée.

Lui, il me donnait envie de hurler de rire parce qu'il se moquait de lui-même en riant de ce qui l'entourait.

Je l'ai aimé parce qu'il était faussement détaché, fragile, sensible, agressif et démuni. Parce qu'il le cachait.

Je l'ai aimé parce que personne ne s'y attendait.

Et je l'ai écrit. Pour oublier.

Mais je n'y suis jamais arrivée.»

Romy Schneider

C'est pour tous ces petits détails qui semblent sans importance que je suis tombée amoureuse de toi et c'est aussi pour ça que je parviens pas à oublier tous tes bons côtés. Oh évidemment que je ne suis pas assez sotte pour ne pas penser que tu m'as détruite. Tu m'as façonné à l'image que tu voulais que je sois, au point que je me suis oubliée et perdue dans tout ça.

Je sais que je dois oublier qui tu voulais que je sois pour être moi mais ça fait 11 ans que tu me façonne à cette image sans vergogne et tu n'as pas non plus lésiner sur les moyens. Au final je dois d'abord oublier l'emprise de ses moyens pour oublier la façon dont tu m'as façonné. Je dois oublier le négatif pour faire la paix sur le positif et vraiment mettre un point final à nous deux, je ne peux pas me contenter de dire que je ne veux plus te voir ou entendre parler de toi. Non, cela ne me permet pas d'oublier alors que c'est tout ce que je désire. Je veux m'en sortir parce que je sais que c'est ce qu'il y a de mieux pour moi mais en même temps je ne sais pas comment m'y prendre. Parce que je t'aime par habitude, par envie, par besoin, par amour. Oui je t'aime et c'est ça qui fait le plus mal parce que je ne sais pas ce qu'il en est de ton côté. Si tu m'avais aimée tu n'aurais pas voulu que je sois quelqu'un d'autre, que j'oublie qui je peux être. Non tu n'aurais pas voulu ça mais c'est ce que tu m'as fait m'oublier moi.

Je ne pensais pas ça possible mais c'est moi que j'ai oublié, que j'ai perdu et ça fait mal putain. Ça fait mal parce que personne ne devrait se perdre et s'oublier. Personne ne devrait avoir le droit de faire ça. Personne... et pourtant je t'ai laissé faire et ça fait mal. Oui ça fait mal...

Aujourd'hui je voudrais me souvenir de l'adolescente que tu as rencontré, de cette adolescente que tu as brisé. Oui je voudrais me souvenir de ces petits détails qui me façonnaient avant que tu me changes.

Mais pourquoi ça te tenait tant à cœur que je devienne quelqu'un d'autre ? Pourquoi je ne te suffiais pas comme j'étais ? Pourquoi ?

Oui je me pose ces questions aujourd'hui parce que tu m'as changé, tu m'as fait devenir une autre femme alors que tu continuais à aller voir ailleurs. Je me pose ces questions parce qu'aujourd'hui j'ai oublié qui j'étais et que je ne suis pas foutu de savoir quoi répondre quand on me demande qui je suis. Car oui, qui je suis sans toi ? Qui je suis si tu n'es pas là pour me dire qui je dois être ? Qui je suis quand tu m'as appris à vivre qu'à travers toi ?

J'aimerais finalement oublié la femme que tu as créé. J'aimerais oublier tes manquement autant que tes attentions. J'aimerais oublier tout de tout. Oui j'aimerais oublier pour pouvoir

me souvenir ensuite que du bon côté sans que le mauvais vienne tout entaché. Oui je veux oublier juste pour pouvoir me souvenir de ces fois où tu m'as prise contre toi avec douceur et amour parce que tu sentais que j'en avais besoin. Je veux oublier pour pouvoir me souvenir de ces nuits où ton désir ne bousillait pas la tendresse. Je veux oublier les fois où tu ne m'as pas laissé le choix pour me souvenir de nos débats qui se concluaient par des baisers amoureux.

Mais je sais que je ne pourrais pas me souvenir que du bon parce que le mauvais sera toujours là. Parce que tu as tout gâché avec tes mots, tes gestes, et tes colères sans raisons valables. Oui tu as tout gâché et aujourd'hui ma raison et mon cœur se battent pour savoir ce qui est le mieux pour moi. T'oublier ou me souvenir ? Mon cœur ne veux pas oublier les bons côtés que tu as pu avoir mais ma raison me souffle que c'est le seul moyen d'avancer et pour une fois j'ai envie, non, j'ai besoin d'avancer...

Ça me fait mal mais je vais tout faire pour t'oublier parce que je n'ai pas d'autres choix qui s'offrent à moi aujourd'hui. Je t'aime mais je dois vivre et je ne pourrais pas vivre en te laissant un certain contrôle sur ma vie.

Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre mais je vais le faire et tant pis si ça prend des semaines, des mois, des années. La seule chose dont je suis sûre c'est que je vais y arriver. Je vais réussir à t'oublier toi.


Auteur.e : @paupaupin

Oublier


L'oubli. Certains le voient comme une salle sombre, ou des bulles de souvenirs se croisent sans jamais se toucher. Pour moi, c'est un champ de fleur qui sauve l'esprit.

La salle est froide à l'image de celui qui l'occupe : un homme corpulent, chauve, aux yeux persans. Sa main joue avec le son de son calendrier de carton, pendant qu'il relit pour la énième fois les notes enregistrées sur son ordinateur. Par moments, ses doigts s'arrêtent sur un stylo, un trombone ou même son téléphone posé sur leur passage.- Un « homme brun » vous dites ? Jeune ?- Oui.Ma jambe droite rebondis frénétiquement sur le parquet.- La couleur de ses yeux ?- Je ne sais pas.- Comment était-il habillé ?- Peut-être en noir ? Il faisait plutôt sombre.- Et vous ?- Pardon ?- Comment étiez-vous habillée ?Je déglutis un instant.- Je ne sais plus, en jupe, j'imagine. C'était une fête après tout.- Vous imaginez ?- Non, je ne m'en souviens plus.- Vous êtes venu déposer plainte sur une affaire dont vous ne vous souvenez pas ? En voilà une drôle d'histoire !Il me toise longuement, avec ses yeux glacials.- Vous aviez bu ?- Non.- Peut-être que vous ne vous en souvenez plus non plus.- Non, je n'ai pas bu, car je devais conduire au retour.- L'avez-vous fait ?- Oui, j'ai pu ramener mes amies après la fête.- Donc vous étiez assez saine d'esprit pour pouvoir conduire. Ça n'a pas dû vous déranger tant que ça.- Pardon ? Non... Je n'avais juste pas le choix, peu importait mon état, je m'étais engagée à le faire !Il inspire profondément, comme fatigué de traiter une plainte qui lui paraît pathétique.- Bien. Il est noté que la fête était chez votre ami Thibault Laurent, avez-vous cherché le nom de votre agresseur auprès de lui ?- Non, je ne me sentais pas prête à le faire.- Et maintenant ? demande-t-il d'un ton las.- Il a eu un accident de voiture et est décédé il y a peu.- C'est bien malin d'avoir attendu si longtemps avant d'en parler ! Vous êtes consciente qu'il va être très difficile de retrouver la trace de votre agresseur.- Oui.Une notification apparaît sur le téléphone de l'agent de police, laissant entrapercevoir son fond d'écran : un jeune homme et deux adolescentes, jumelles, dans une piscine un jour d'été. Je reconnais un sourire carnassier.- Je vous prie de m'excuser, me dit le policier en rangeant son téléphone dans un tiroir, reprenons.Je sens une main me couvrir la bouche, et des bras puissants me traîner dans l'escalier blanc, à travers les danseurs enivrés. Les lumières colorées m'éblouissent. J'essaie de me débattre, mais personne ne me vient en aide. Mes amies, trop occupées avec un groupe de garçon sur les canapés, ne me prêtent pas attention. A l'étage, le garçon me force à rentrer dans une chambre. Il nous enferme. Je tente désespérément de crier, mais la musique assourdissante étouffe ma voix. Il met ses mains autour de mon cou et me dit d'arrêter de crier, que personne ne va m'entendre. L'oubli vient de me quitter !Je le supplie de me laisser tranquille, de ne pas me toucher. Mais ses mains se glissent sous mes vêtements, me brûlant la peau. Les secondes sont interminables. La douleur m'envahit, et mon sang perle sur les draps. Les larmes me viennent.- C'est lui, je dis.Le policier relève les yeux de son ordinateur, en haussant un sourcil.- Le garçon sur votre fond d'écran. C'est lui qui m'a fait ça !Son regard se fait plus agressif encore.- Ecoutez mademoiselle, vous avez dit avoir oublié, alors où est votre problème ? - Mais si, je m'en souviens maintenant ! Je sanglote. Je suis sûre que c'est lui, je le reconnais.Il frappe le bureau de ses deux mains pour se relever. Il se dirige précipitamment vers la porte de son bureau. - Ça ne sert à rien d'accuser les gens pour un oui ou pour un non. Rentrez chez vous et laissez la justice œuvrer pour les vraies victimes.- Je vous demande pardon ?Ses yeux me gèlent. Je me lève, confuse et honteuse de m'être confiée à un tel personnage. Je regagne la sortie.Dans le couloir, je croise plusieurs femmes, des agents de police, des mères, des suspects. Combien ont un passé similaire au mien ? Combien se sont tues ?Le champ de fleur fanait peu à peu, les souvenirs refoulés revenaient. Le sourire carnassier me dévorait. Mais j'étais seule. Seule face à mon esprit, qui peu à peu se détruisait de nouveau.La justice me faisait dos et ça, je n'étais pas près de l'oublier.


Auteur.e : @SanaaMishima

Le Fantôme

Plongée dans un livre, tu ne les vis pas arriver. Eux, étrangement, ne t'avais pas vu non plus. Pourtant, tu n'étais ni cachée ni transparente. Juste discrète. Effacée. Et cela suffit pour qu'on te bouscule régulièrement avant de te lancer un regard étonné.

Ce n'était pas de la méchanceté. Ils ne t'avaient vraiment pas vu. Certains s'excusaient. D'autres non. Toi, toujours. Alors que ce n'était jamais ta faute.

Au fil des ans, conditionnée par les brutes, tu avais acquis ce reflexe stupide de t'excuser à tout va. On tapait dans ton sac ? Tu t'excusais de l'avoir laissé sur son chemin.

Une autre aurait répondu qu'il ou elle aurait dû apprendre à se servir de ses yeux.

Si tu avais eu une autre histoire, tu aurais été cette autre qui osait.

Mais ce n'était pas le cas.

Tu es cette personne qui ne participe jamais en classe, et qui est si discrète que même les professeurs oublient ta présence. Cette personne qui au self, mange seule, qui a pour seul compagnon un roman – certainement le meilleur compagnon dont on puisse rêver. Cette personne qui, à la fin des cours, rentre immédiatement chez elle. Pas d'amis. Juste des connaissances qui doutent quelques fois d'avoir déjà entendu ta voix.

En rentrant, tu regardais sans le voir le paysage défiler à travers la fenêtre. Tu le connaissais par cœur. A la place, tu laissais ton esprit se libérer de toute entrave physique et voyager dans des lieux inconnus et irréels, ces lieux que tu voudrais tant habiter. Des lieux à mille lieues du monde réel. Monde réel si fade, si déprimant, si laid et si injuste. Si froid de solitude. D'incompréhension.

Tu retins un soupir lorsqu'il fallut descendre. Tu aurais aimé qu'il y ait plus de circulation, un accident, que sais-je. Juste quelque chose pour que tu puisses rester dehors un peu plus longtemps. Tu n'avais vraiment pas hâte de rentrer.

Sur le seuil de ta maison, tu hésitas. Comme d'habitude. Comme si tu allais faire autre chose qu'ouvrir la porte, afficher un grand sourire et saluer ta famille.

Comme d'habitude, tu te demandas pourquoi – malgré ta chance d'avoir une famille aimante et aisée, tout ce dont rêvent les gens – tu n'étais pas heureuse.

Ta question resta en suspens, alors tu l'accrochas dans un coin de ton esprit et ouvris la porte avec un masque souriant.

La soirée passa avec une lenteur affolante. Coincée à table, tu t'efforçais de ne pas paraître ennuyée. Que n'aurais-tu pas donné pour pouvoir t'enfuir dans ta chambre ! Les sujets joyeusement abordés étaient tous inintéressants, pour toi en tout cas.

Après quelques douloureuses minutes, enfin, ils évoquèrent un sujet qui te tenait à cœur.

L'imaginaire. Avec ses trois grands piliers : la fantasy, le fantastique et la science-fiction. Le grand amour de ta vie – et non pas ce Thibault dont toutes les filles de ton école semblaient amoureuses. Certes il était beau, intelligent, drôle, gentil, sportif et tout un tas de qualités plus incroyables les unes que les autres, mais rien à voir avec ce doux baume qu'était l'irréel.

Malheureusement, la discussion prit une tournure qui te laissa outrée. Comment pouvait-on critiquer l'imaginaire ? C'était même bien plus que critiquer l'imaginaire, cela revenait à tirer un trait sur tout un pan de la littérature et du cinéma !

Tu essayas alors de défendre ton amour, argumentant qu'il nourrissait les enfants comme les adultes, ouvrait l'esprit, faisait rêver ce dont on avait le plus besoin, rendait heureux.

Ils te répondirent que ce n'était pas la tête plongée dans des livres d'aventures qu'on avance dans la vie. Qu'on réussit.

- A ce propos, comment avancent tes révisions ? Tes évaluations ? Tes épreuves ?

- Tu devrais travailler d'avantage, c'est fini le temps où tu pouvais passer ta journée à lire ou à t'amuser.

- Ce n'est pas comme ça que tu vas réussir tes études. C'est important pour ton avenir.

Leurs paroles se bousculèrent dans ton esprit, se multiplièrent, s'adonnèrent à un carnage. Elles mirent à sac tes pensées, tes rêves d'aventures, tes projets d'écriture et de créations artistiques. Elles détruisirent les chemins que tu bâtissais et ne laissèrent que celui, tout tracé et terriblement mal adapté à toi, que ta famille a choisi.

Alors, ta question trouva sa réponse. Elle se décrocha de son coin, s'approcha du champ de bataille et, en se posant, se changea en réponse.

« Tu n'es pas heureuse parce que personne ne se soucie de ce que tu veux. De ce que tu penses. De ce que tu dis. »

« Mais n'est-ce pas comme ça que tu vis ? »

Un grand silence suivit cette réponse. Cette horrible déclaration. Tu tentas un instant de la nier, tu cherchas en vain une faille à exploiter pour la faire voler en éclats.

Rien. Il n'y avait aucune faille. Parce que la vérité ne peut être détruite.

« Si... C'est comme ça que je vis... »

Alors, encore une fois, tu te fis oublier.

- Oui...

Non.

Tu t'effaças de leur chemin, tu arrêtas de leur montrer toutes ses autres voies à emprunter, et tu te rangeas derrière eux pareille à leur ombre.

- Je vais travailler plus.

Laissez-moi tranquille.

Tu leur fis oublier tes différences, tu leur fis oublier que tu n'étais pas comme eux, que tu n'étais pas eux. Tu te fis oublier jusqu'à t'oublier toi-même.

- Je vais arrêter les loisirs.

Je ne veux pas arrêter les seules activités que j'aime.

Comme un cruel mensonge ou une douce cage verrouillée, il faut une part de vérité ou une clé pour qu'ils y croient. Une part de vérité qui prend le pas sur tout le reste. Une clé que l'on jette de l'autre côté des barreaux. Il faut s'oublier pour y croire. Il faut s'ôter tout moyen de sortir pour y rester.

Malgré tout, la tristesse vient, parce que tu sais au fond de toi que jamais ils ne te croient. Jamais ils ne te comprennent.

Condamnée à marcher à leurs côtés, invisibles pour eux qui pensent que tu leur es identiques mais tes sentiments réprimés et rejetés se rebellent.

Et une pensée depuis longtemps abandonnée, revient timidement et te souffle cette autre vérité.

Tu en as assez de jouer au fantôme...


Auteur.e : @Alavrienne09

Outrepasser les larmes,
Se défaire du vacarme
Des mots devenus armes.
Du présent goûter le charme.

Unir néant aux souvenirs.
Les laisser partir.
Ne pas retenir
Ce qui jamais ne pourra revenir.

Brûler ce qui reste
Des temps de peste.
Sans que proteste
Ce dont tu te délestes.

Libérer l'âme entachée
Se libérer de ce à quoi on fut attaché
Se libérer de ce qui fut gâché
Se libérer des peines cachées.

Intégrer ce qui fut,
Cesser d'en faire le refus
Puis en faire taire le raffut,
Pour que ne reste qu'un murmure diffus.

Etre à nouveau.
Revenir à niveau.
Sortir du caveau
Où l'on vécut les temps rivaux.

Revivre.


Auteur.e : @SeleneWrite

C'était l'un des rares cours de latin qui captait mon attention, qui partait souvent dans d'autres univers loin de la salle sans vie, du silence brisé par la voix morne du professeur et de l'ambiance déprimante qui régnait.

Et comme tous les autres, il resta gravé dans ma rétine. Je me souvenais de chaque seconde, de celle où la voix du professeur avait tremblé à celle où mes paupières avaient papillonné. Mais un de ces détails m'avait vraiment marqué, jusqu'à s'inscrire dans ma mémoire, au-dessus de tous les autres souvenirs qui la polluaient.

C'était les paroles qui avaient, me semblait-il, résonné dans le silence de la salle. Celles qui racontaient, alimentées par la passion de M. Mouclaim, l'aventure de la boite de Pandore.

Une simple boite, une banale femme, qui pourtant changèrent le cours de l'histoire, l'histoire de l'humanité...

Et un de ces maux, qui s'échappa de cet écrin à l'apparence ordinaire et qui gangrena les hommes, fut l'oubli.

Il grignotait la mémoire de mes semblables, laissant derrière lui des trous béants d'où seuls des sentiments s'échappaient. Il se nourrissait de leurs souvenirs, abandonnant sur son passage de vulgaires brides.

Mais moi, je ne connais pas cette sensation de se faire dévorer la mémoire. L'oubli avait oublié de prendre possession de la mienne...

Elle était donc intacte. Elle était remplie de souvenirs, qui ne voulaient pas s'en aller, délaissés par l'oubli. Je me rappelai chaque jour de ma vie, chaque putain de secondes, depuis mes cinq ans. Ils étaient tous là, stockés dans une partie de mon cerveau. Ils le polluaient, le dévoraient, le dévastaient. M'anéantissaient...

Car, même, si la plupart des humains disaient que l'oubli est un fléau, le contraire l'est tout autant.

L'oubli avait des avantages que les hommes négligeaient. En même temps que les souvenirs remplis de bonheur, il effaçait aussi les cauchemars devenus réels et tous ces sentiments néfastes qui y étaient rattachés.

Moi, j'avais été privé de cela. Ma mémoire était emplie de ces abysses mémorielles où se mélangeaient honte, regret, remords et tristesse. De cet enfer, que je rêvais de supprimer.

Celui-ci en particulier. Le jour où ce fameux fléau m'avait enlevé la personne la plus chère à mon cœur.


Jusqu'à ce que la mort m'emporte, je me souviendrai du regard qu'elle m'avait jeté ce jour-là.

Ses yeux, qui étaient normalement illuminés par l'amour qu'elle me portait et qu'elle savait réciproque, brillaient d'une lueur de méfiance. Ses pupilles, qui avaient l'habitude d'admirer leurs reflets dans le miroir qu'était mon regard azuré, évitaient ce dernier et parcourraient mon corps comme si ce n'était pas elle qui l'avait dessiné. Le vert de ses prunelles, qui était, à l'accoutumé, scintillant des divers sentiments qu'elle nourrissait à mon égard, était rendu pâle par le jugement qui y tourbillonnait. Les quelques paillettes dorées qui parsemaient ses yeux, d'ordinaire éclatantes de la fierté que je lui aspirais, avaient disparu, avalées par ce sentiment qui souillait son beau regard.

Ce sentiment d'être en face d'un inconnu...

La tristesse avait alors enserré mon cœur d'enfant, dans son étreinte douloureuse. Les remords avaient pris en otage mon cerveau et le faisaient délirer en y instillant mille et un scénarios dans lesquels ce regard n'était qu'une piètre hypothèse. Les regrets étouffaient mes larmes qui souhaitaient couler et partager ma douleur au monde.

Et puis le déni avait envahi mon être, le capturant dans ses filets aux mailles effilochées, à l'image du l'oubli sur la mémoire de ma mère.

Je refusai de croire ce que je voyais, ce que ce regard me disait.

Pas elle...

Pas alors qu'elle s'était battue pendant tant d'années...


Jusqu'à ce que la mort m'emporte, je me souviendrai de son combat permanent contre cette maladie qui lui dérobait ses souvenirs.

Je la reverrai toujours, assisse dans son fauteuil, une photo de moi et papa sur les genoux. Les yeux plongés dans les souvenirs qu'elle s'efforçait de garder, elle suivait du doigt les contours de nos visages dans l'espoir de graver nos traits tant aimés dans sa mémoire défaillante. Elle murmurait nos noms dans la solitude de sa maison, et savourait leur saveur perdues et retrouvées sur ses lèvres gercées.

Lorsque je venais lui rendre visite, seul témoin de son passé à moitié effacé, elle me demandait de lui raconter ces souvenirs que je gardais au chaud pour elle. Je m'exécutai, trop heureux de retrouver celle que j'aimais. Mes lèvres redonnaient alors vie au visage de mon père, décédé à la guerre, à l'amour qu'ils se portaient et qui s'estompait... Mes mots sculptaient ses souvenirs oubliés, ses sentiments décolorés...

Les rares fois où elle me répondait me remplissaient de joie. Nous reparlions comme mère et fils, au temps où sa maladie ne faisait pas partie de l'équation...


Jusqu'à ce que la mort m'emporte, je me souviendrai des dernières paroles que ma mère m'avait adressées avant qu'elle-même devienne une inconnue à mes yeux...

« Excusez-moi, mais vous êtes ? »







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