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GAGNANT(E) TEXTE 10. @lutherashes
Bonjour à tous !
Je suis ravie de voir à quel point ce thème vous a plu ! Merci également à tous ceux qui partagent ce concours, il y a plusieurs nouvelles personnes, et ça me fait extrêmement plaisir !
Attention ! Certains textes contiennent des scènes violentes, chacun d'entre eux commenceront par un /!\.
J'en profite pour vous rappeler, que vos envoies de texte, doivent être lisibles et non pas protégés ! Si... vous n'arrivez pas, écrivez moi directement dans le corps du message de votre email ! Cela me fait plus de travail, mais au moins je suis certaine de pouvoir voir vos textes.
Tous ceux qui travaillent avec Apple, pensez à enregistrer dans un format lisible pour tous. Je ne peux pas ouvrir vos fichiers ".pages" ! D'ailleurs merci à Fairyheart_One pour m'avoir convertie les différents fichiers !
Pensez également à me donner votre pseudo, vous êtes nombreux, je ne peux pas le deviner.
PS: Je n'ai pas encore lu les textes, si selon vous l'un au l'autre paraît violent et ne possède pas un "attention", dîtes le moi !
Commençons !
Texte 1 : @laulau12356
En cette nuit du 2 août 1870, se passa le premier meurtre de celui que l'on appellera bientôt le Glaceur de cœur ... Tout se déroula dans un célèbre casino de Londres. Ce soir-là, le jeune docteur William Jones fermait son cabinet en sifflotant gaiement. Cet homme n'avait en soi rien de bien spécial.
Il vivait avec sa femme et ses deux enfants, avait une santé robuste et assez d'argent pour lui et toute sa famille.
Il se trouvait aussi que ces jours si tout se passait bien pour William Jones. Voyez-vous, il venait de se marier et avait une bonne montée en flèche de son salaire.
En bref, William était heureux.
Ce soir-là, il avait fermé plutôt, voulant aller faire un tour au casino. Après tout, en ce moment, la chance lui souriait. Alors, pourquoi ne pas tenter sa chance ! Le jeune homme vérifia que la porte était bien fermée puis parti en trottinant chercher un fiacre ceci afin de le conduire au casino . Une tâche qui ne se montra pas très ardue contenue du nombre de fiacres qui passaient et repassaient dans les rues de Londres. Arrivé au casino, William Jones paya le cocher et poussa la porte du casino. Le hall du casino était toujours aussi bien gardé. Les vigiles trapus le fouillèrent avec des regards soupçonneux jusqu'à ce qu'il le laisse passer. William embrassa du regard la pièce où il venait d'entrer : tout était richement décoré avec soin, la moquette en satin rouge bruissait légèrement à chaque pas et les lustres au plafond libéraient une lumière vive et chaleureuse. William Jones s'approcha d'une table de poker, un de ces jeux préférés. William s'installa à la table et salua les autres joueurs. Le jeune homme commanda un whisky et commença à jouer. La partie débutait bien pour lui ... Il avait une bonne-main. Le joueur qui commença se coucha directement dévoilant ces cartes. William sourit. Et un joueur de moins ! La partie passa et William était encore concentré.
Ses cartes avantageuses le faisaient sourire intérieurement mais il n'en montrait rien . Le bluff était la meilleure arme au poker . Et sans grande surprise notre homme gagna , remportant une somme de 50 livres . William tout gaiement empocha l'argent . Il voulu rejoindre la sortie du casino mais fut soudain prit d'une grosse quinte de toux , puis de bouffée de chaleur. William Jones courut vers la porte des toilettes , mais avant même d'y arriver tomba à genoux . Il sentait le sang battre dans ses tempes , son cœur pulser à un rythme rapide , trop rapide , il avait l'impression que sa tête allait exploser . Son cœur palpitait de plus en plus puis ralentit d'un coup , son rythme cardiaque était lent , trop lent ... Et après une dernière quinte de toux William Jones s'écroula par terre .
Raide mort ... Plus tard à l'autopsie on découvrit que William était mort le cœur complètement gelé . On trouva aussi dans sa poche une carte , un roi de pique . D'autres victimes suivront William Jones. Tous seront morts avec le cœur gelé et une carte de poker dans la poche. Plus précisément : un roi de pique ...
Texte 2 : @renardelettres
« Tu es prête ? »
Zoé hoche la tête avec un grand sourire, elle ne se doute pas que derrière cette chasse au trésor, la partie d'un jeu beaucoup plus dangereux vient de commencer.
« Il faut éviter papa, c'est ça ? chuchote-t-elle innocemment.
- Oui, un méchant sorcier a pris son apparence, dès que tu entends un bruit, tu te caches derrière moi, mon pouvoir d'invisibilité pourras nous camoufler ! »
J'essaie de me montrer convaincante, mais l'invisibilité de mon personnage réside dans ma capacité à pouvoir fuir le plus vite possible, ma fille dans les bras. Cela ne nous camouflerait pas, mais s'il fallait affronter le sorcier, je passerais mon tour, tant pis si c'est de la triche.
Je serre un peu plus la main de Zoé dans la mienne, et l'entraîne avec moi vers la sortie du labyrinthe du malheur.
« Écoute-moi bien, pour gagner cette manche, nous devons atteindre la porte d'entrée sans se faire repérer.
- Et si on prenait un passage secret ?
- Il n'y en a pas ici, et en construire un, ça prendrait trop de temps... »
Zoé acquiesce et frotte son menton comme les détectives pour trouver une idée. Je lui explique alors que sur la carte que j'ai volé au sorcier, il y a un chemin pour atteindre la porte en ayant le moins de chance de le croiser. Comme elle semble dubitative, je lui propose de jeter les dés invisibles qu'elle a dans sa poche.
« Pair, on va à droite, impair à gauche, c'est le hasard qui choisira !
- D'accord ! »
Elle lance ses dés imaginaires alors que j'essaie de percevoir le moindre bruit dans l'appartement, et me dit :
« 5 ! C'est... impair ?
- Oui, répondé-je en lui faisant signe de parler moins fort, allons à droite ! »
Elle ne semble pas remarquer que j'ai échangé les côtés, ce qui est tant mieux. Elle me suit sans poser de questions, et nous arrivons dans le salon.
Ce salon qui n'a rien d'un plateau de jeu, et je ne veux pas nous imaginer en simples pions.
Pourtant, un frisson me parcourt quand j'entends le sorcier m'appeler avec rage, le salon se transforme alors en arène. Je cours derrière le canapé, le changeant mentalement en rempart, entraînant ma fille avec moi, et me blottis derrière le meuble, priant pour qu'il ne nous voit pas. Le sorcier vocifère des mots que je censure à Zoé, ce jeu n'est pas de son âge.
Il aurait suffi de quelques cases, pour fuir d'ici à jamais. Ne pas sauvegarder la partie, et en recommencer une dans un mode plus facile. Revoir le tutoriel, avant de se lancer dans une vie pour Expert.
Mais ici, la peur est le boss final, l'énigme qui te bloque pendant des heures, la carte dont tu cherches désespérément à te débarrasser, mais que personne ne semble voir.
Le sorcier donne un coup de pied dans le fauteuil, faisant pousser un cri à Zoé.
« Trouvées ! »
Je me relève, acceptant la défaite, et regarde bien dans les yeux celui qui n'a que trop changé les règles.
Révolte en Main Droite ! Colère en Poing Gauche ! Touchée-coulée, la peur qui menaçait chacun de mes pas !
S'il prend une échelle pour m'atteindre, je serai le serpent qui l'engloutirait.
Il utilise une carte sort, et ses mots me déstabilise, mais je contre avec un jeton mauvaise perdante, avant de fuir.
Je balance les pions les plus proches sur le traître du jeu, et part en courant vers la victoire. Un 4 et j'y suis !
Zoé commence à ne plus trouver ça drôle, je le vois, je la prends dans mes bras et sans même lancer les dés, me dirige vers la case départ.
Je ferme la porte, cloîtrant le sorcier dans la boite d'un sombre plateau, et cours jusque en bas de l'immeuble, où ce ne sont pas des petits chevaux qui m'attendent, mais une voiture prête à dépasser les mille bornes pour partir le plus loin possible de cette roue de l'amertume.
Ce sorcier ne m'a que trop hantée, il est temps pour nous de partir à la rencontre d'autres joueurs pour une vie plus enchantée.
Texte 3 : @samary
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ATTENTION TEXTE COMPORTENANT DES SCENES VIOLENTES
Ça faisait déjà vingt minutes qu'Elio faisait la queue dans la file de la cantine du collège. Il était arrivé en avance, pourtant, comme d'habitude. Et, comme d'habitude, la bande de Mathis lui était tombé dessus. Même à la cantine, ils faisaient leur maximum pour lui rendre la vie impossible. Louis, le premier, l'avait bousculé avec ses puissantes épaules et fait tomber tout son plateau. Le temps qu'il ramasse, Hugo, petit et malin, était arrivé et avait dézippé son sac. Ses affaires de cours s'étaient éparpillées au sol et Elio avait dû se baisser une seconde fois. Enfin, Mathis était venu en dernier. Il avait passé un bras autour des épaules d'Elio, sûr de lui.
« Mon pote, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Ecoute, j'ai deux-trois copains derrière, qui sont un peu pressés tu vois. Ça te dit de les laisser passer ? Merci à toi poto, lui dit-il comme s'ils étaient de vieilles connaissances.
Entre les vrais amis de Mathis et ceux qui en profitèrent, dix personnes au moins passèrent devant Elio. Emma était parmi ceux-là. Elle avait même ri en secouant ses longs cheveux.
Après cette nouvelle humiliation quotidienne, Elio s'assit à une table en retrait, seul dans son coin, pour souffler. Il vit avec douleur qu'Emma s'était assise à côté de Mathis. Ils parlaient tous ensemble d'un jeu, qui devait être amusant puisqu'Emma se tordait de rire et que Mathis en profitait pour la toucher innocemment sur l'épaule.
Lucas arriva alors dans la file d'attente. Elio poussa un long soupir. Il serait peut-être tranquille pour un temps. Lucas était la deuxième victime de la classe, et quand la bande de Mathis s'en prenait à l'un, l'autre avait un temps de répit.
Soudain, Elio s'aperçut avec stupéfaction que Lucas s'asseyait à la table de Mathis. Plus que ça, il avait l'air d'être accueilli avec plaisir. Louis lui tapa dans le dos et Emma lui accorda un de ses sourires étincelants. Quand elle fit voler ses longs cheveux devant Lucas, Elio capitula et quitta la cantine sans manger. Il était écœuré.
Plus tard dans l'après-midi, il croisa Lucas à nouveau. Il fallait qu'il lui parle.
– Lucas, à midi, tu as mangé avec Mathis et les autres ? Vous êtes potes maintenant ? osa-t-il demander.
Il vit que Lucas avait l'air embêté et fier à la fois.
– Ecoute mon vieux... J'ai eu du bol... Tu as entendu parler du jeu ?
– Je crois, répondit Elio.
Il savait qu'un jeu était à la mode parmi ses camarades depuis quelques temps, mais visiblement personne n'avait pris la peine de l'y inclure.
– Demande à participer au jeu, va parler à Mathis. Peut-être que tu auras la même chance que moi, lui expliqua Lucas.
– Toi tu as participé ? C'est pour ça que tu es leur pote maintenant ?
– Leur pote, je ne sais pas, l'important pour moi c'est surtout qu'ils me laissent tranquille... Tout le monde l'a fait ou presque dans la classe. Va voir Mathis, dis-lui que tu veux faire le jeu. Ciao mon vieux, s'ils me voient te parler, je suis mort.
Elio réfléchit toute la nuit. Le matin, il avait pris sa décision. Dès son arrivée au collège, il fonça voir Mathis.
-Mathis, je veux participer au jeu.
Celui-ci était avec ses deux acolytes habituels. Son visage se fendit d'un grand sourire.
– Ah ouais mon pote, toi t'es comme ça ! T'as entendu parler du jeu, et tu veux prouver que t'es un vrai !
Hugo et Louis éclatèrent de rire. Elio sentit ses joues s'embraser, mais il ne lâcha pas. Pour une fois, il allait faire preuve de bravoure, et tenir tête à cet abruti.
– Dis-moi ce qu'il faut faire, dit-il d'un ton décidé.
Le sourire de Mathis s'élargit encore plus.
– Alors ça mon poto, pas tout de suite. Comme ça tu veux participer au jeu mais tu ne sais pas ce qu'il faut faire... C'est encore mieux mon p'tit pote, c'est encore mieux. Si tu gères ça, t'es un vrai gars mon poto ! Retrouve-nous derrière le gymnase à la sortie, on t'explique tout.
Elio les retrouva comme prévu derrière le gymnase après son dernier cours. Son cœur fit un bond quand il vit qu'Emma était avec eux.
– Mon pote Elio, le meilleur, viens avec nous, commença Mathis en mettant son bras sur ses épaules. Je t'explique le concept. Tu vois la fille là-bas ?
Il désigna une fille de leur classe à qui Elio n'avait jamais parlé.
– Cette fille, poursuivit-il, c'est une copine d'Emma.
– C'était, coupa Emma.
– Peu importe. Mon poto Elio, moi je vais te suivre avec le portable, et tu vas aller vers la demoiselle. Et là, tu t'y prends comme tu veux mon pote, mais...
Elio vit qu'il jubilait. Hugo et Louis étaient aussi tout excités et Emma riait.
– Et là, tu soulèves son t-shirt ! finit Mathis.
Elio resta interdit.
– Et Mathis filme, bien sûr, expliqua Louis, croyant qu'Elio restait figé parce qu'il n'avait pas compris.
– La méthode, c'est important, fais en sorte qu'on voit bien tout, faut un max de vues sur cette vidéo, si tu veux gagner, lui dit Hugo.
– Attendez, c'est ça le jeu ? bredouilla Elio.
Il était estomaqué. Il devait aller vers cette fille et soulever son t-shirt ? De force, par surprise, comme ça ? C'était ça le jeu qu'avait fait Lucas pour gagner l'approbation de la petite bande ? C'était ça, le jeu qu'apparemment tout le monde avait fait dans la classe ?
Les trois garçons avaient l'air de trouver ça hilarant, et Emma le fixait de ses grands yeux noirs, cherchant à savoir s'il allait se dégonfler ou non.
Avant qu'il puisse réagir, Mathis le prenait déjà par l'épaule, et avançait avec lui vers la fille. Elio sentit son cœur battre à toute vitesse. Ses mains devenaient moites, ses pensées tournaient à toute allure. Il vit défiler sa vie au collège, ses affaires déchirées, ses maux de ventre quotidiens. Tout ça pouvait s'arrêter. Pour Lucas, ça s'était déjà arrêté. C'est pour ça qu'il devait le faire. Il serait enfin tranquille.
– Au fait, si t'en parles à quelqu'un, t'es mort, ok ? le prévint Mathis. Elio acquiesça vite.
Ils avaient marché et la fille était maintenant devant lui. Elio vit ses yeux interrogateurs. Il sentait le poids du bras de Mathis sur son épaule. Elle avait un t-shirt ample, c'était facile de tirer dessus pour le soulever. Il tendit la main.
Les yeux de la fille s'agrandirent quand elle comprit ce qu'il allait faire. Pendant un instant, Elio crut voir son reflet. La même peur dans ses yeux qu'il avait dans les siens.
Il ferma fort les yeux et laissa sa main agir toute seule. Il entendit la fille hurler puis sentit qu'elle partit en courant quand le bout de t-shirt s'arracha de sa main. Mathis hurlait comme un fou.
–Bien joué mon gars, bien joué, putain quelle paire je te jure, c'était dingue, là c'est sûr que tu vas gagner, si là tu exploses pas les vues...
Elio se demanda un instant s'il l'avait vraiment fait. Hugo, Louis et Emma coururent vers lui en l'acclamant. Il l'avait fait. Il avait vraiment fait ça. Quand il ouvrit les yeux, il vit qu'Emma lui faisait un de ses fameux sourires. Cela ne lui fit rien.
Le lendemain, il eut le droit de manger avec la petite bande. Lucas, en revanche, s'était fait exclure du groupe aussi vite qu'il y était entré.
Elio décida de l'attendre à la sortie des cours. Lucas cherchait à le fuir, mais il l'attrapa par le bras.
– Hé Lucas, je l'ai fait, j'ai fait le jeu, chuchota-t-il sans savoir s'il était fier ou écoeuré de lui-même.
– T'es dégueulasse, lança Lucas.
Elio le regarda fixement.
– Quoi ? Mais attend, tu l'as fait, toi aussi, le jeu, non ? Tu as dit que tout le monde l'a fait dans la classe !
– C'était pas le même jeu, espèce de malade. Je devais boire trois bières de suite cul sec, c'était filmé, mais c'est tout. Tout le monde a fait ça, Marie a même vomi sur le trottoir... Putain mais toi, c'est dégueulasse ce que t'as fait...
– Hé casse-toi espèce de bouffon !
Mathis et ses deux amis arrivaient.
– Laisse notre pote Elio tranquille, dit Louis en poussant Lucas qui tomba par terre.
– C'est notre champion ça, notre gagnant, poursuivit Hugo. Ce mec est ouf !
Tandis qu'ils s'éloignaient de Lucas, toujours au sol, Mathis posa comme d'habitude son bras sur les épaules d'Elio.
– C'est vrai que t'es un ouf, Elio, mon pote. Moi jamais je serais allé aussi loin. Inventer un jeu pareil...
– Je ne l'ai pas inventé, s'indigna Elio.
Mathis se pencha vers lui.
– Mais si mon pote, c'est toi qui l'as inventé, lui chuchota-t-il à l'oreille. T'es le seul à avoir fait ce jeu, tous les autres ont picolé... Il parait que la fille en a parlé à ses parents, ils vont porter plainte, peut-être... Mais nous, on sait que c'est ton idée, ton jeu... Pas vrai les gars ?
Louis et Hugo acquiescèrent. Les yeux d'Elio s'agrandirent d'horreur.
– T'es un sacré gagnant, mon pote Elio, entendit-il murmurer Mathis.
Texte 4 : @_Noya_saaaan_
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ATTENTION TEXTE COMPORTENANT DES SCENES VIOLENTES
Jeu
— Veux-tu jouer à un jeu avec moi ?
Un homme avait prononcé ces mots, d'une voix posée, douce, on aurait presque pu croire qu'il s'adressait à un petit enfant. Mais non. Sa voix laissait une impression désagréable aux oreilles de son interlocuteur, qui respirait trop rapidement pour aller bien, dont le cœur battait trop fort pour qu'il se calme.
Tout dans cet homme vêtu d'un costume noir semblait faux. Sa voix aimable et douce, fausse. Son sourire, faux. Fausse aussi son élégance, sa prétendue classe. Seul était vrai ce jeu. Cette atroce proposition, si innocente en apparence, mais si redoutable.
Non, je ne veux pas jouer.
Il s'adressait à un jeune adulte à la tignasse blonde. Des traces rougeâtres étaient visibles sur ses bras nus. Pourquoi ? Qu'avait-il fait pour mériter ça, cette situation ?
Il était attaché, retenu sur une chaise métallique et froide, sans pouvoir bouger, entravé par une corde rêche, rouge. L'homme en costume l'avait installé là. D'abord il l'avait drogué, pour le rendre inoffensif, puis il lui proposait un jeu. Ce foutu jeu qui, il le savait, allait signer sa perte.
— Si j'accepte, je pourrai partir ?
Partir. Ce mot semblait si beau. Pourtant, il n'était pas ici depuis longtemps, une journée tout au plus. Mais ça lui semblait déjà si long...
— Si tu gagnes, ce sera avec joie.
Toujours cette voix caressante, qui dissimulait la monstruosité de cet élégant personnage. Un sourire rassurant. Ou pas. Un rictus menaçant, qui laissait entrevoir ce à quoi s'exposait le prisonnier, s'il acceptait de jouer.
Je ne veux pas jouer.
— C'est quoi, ce jeu de merde ?
Nouveau sourire, cette fois de plaisir pur. Il prenait son pied, ce connard, à observer la souffrance de sa victime.
— Quatre jours, dix-huit heures et neuf secondes, souffla-t-il. Tu dois tenir tout ce temps sans pleurer.
— Et si je perds ?
— Tu n'échoueras pas, nous avons tout le loisir de recommencer jusqu'à ce que tu remportes la victoire.
En voyant les yeux bestiaux de son ravisseur, devenus simples fentes pétillantes de plaisir, le blond comprit que c'était la fin, sa fin.
Je ne veux pas jouer.
Il acquiesça. Oui, il jouerait. Oui, il gagnerait. Oui, il partirait.
* * *
Un cri. Une douleur immense. Puis plus rien.
Vide. Ou juste vidé.
Dénué de toute sensation.
Une boule de douleur au cœur battant. Prisonnier attendant la libération, par la vie, ou par la mort.
Je ne veux pas jouer.
Ce jeu maudit, il n'aurait jamais dû l'accepter. Il aurait pu se contenter de rester passif. Mais il avait cédé. Il voulait partir, alors il devait tenir bon, encore, encore, encore. Peu importait cette sensation dans tout son corps, comme si des milliers de lames le transperçaient. Ne pas pleurer. Ravaler les larmes de rage, de peur, de douleur. Rester fort.
Mal. Juste mal.
Cette peine insupportable, provoquée par ce costume noir, par ce terrible sourire, par ces odieux yeux de bête, par ces délicates, et pourtant si effrayantes mains gantées.
Je ne veux pas jouer.
Encore cette douleur, partout dans son corps. Si diffuse qu'elle en devenait indiscernable. Si omniprésente qu'elle en supprimait ses moindres pensées, jusqu'à ce qu'il reste seul, enfermé dans un esprit envahi par la peur.
Où avait-il mal ? Quelles parties de son corps avaient été heurtées par son ravisseur ? Toutes ? Aucune ?
Nouveau cri. Lui, le costume noir, il souriait. Ses dents d'animal se dévoilèrent, il ne ressentait que du plaisir. Il attendait. Il voulait gagner son jeu, pour que l'autre réessaie, qu'il retente sa chance, encore et encore, pour lui procurer toujours plus de plaisir.
Un morceau de tissu effleura la joue du blond attaché sur la chaise, caressa sa peau, en un mouvement doux, si apaisant après cette violence. Mais ce contact provoqua un vif mouvement de recul chez celui qui le subissait.
— Tu as per-du, articula l'élégant criminel en appuyant sur chacune des syllabes. Félicitations, quatre jours complets, dix-sept heures et cinquante-deux minutes. Tu y étais presque. Désires-tu retenter ta chance ?
Une larme, une seule. S'il avait été fort un peu plus, il ne serait plus dans cette maudite cave aux murs tachés par le sang des précédentes victimes de son ravisseur.
Je ne veux pas jouer...
Il hocha la tête. Encore. Oui, il réessaierait. Au diable, les blessures ! Au diable, la peur ! Il voulait plus que tout quitter ce fou au sourire carnassier.
La douleur reprit. Pire encore qu'avant.
Elle envahissait son cerveau, il perdait conscience. Il n'y avait plus rien autour de lui, juste une peur — une terreur plutôt — grandissante de ce costume noir dont il ne connaissait pas le nom.
Réfugié dans un coin de son esprit, il se sentait comme étranger dans son propre corps. Il contemplait les actions de son agresseur, les appréhendait sur son corps, mais ne bronchait plus. Les cris s'étaient taris, les larmes aussi. Seul dans cette sécurité éphémère de son cerveau, il endurait tout.
Le temps passa, sans qu'il ne s'en rende compte. Il était spectateur d'une situation qu'il souhaitait fuir.
Le temps passa, il n'eut pas le loisir de s'ennuyer. Il ne dormit pas, ne mangea pas, but à peine.
Le temps passa, sans qu'il ne pleure une nouvelle fois.
— Quatre jours, dix-huit heures et douze minutes, dit le costume noir de sa voix suave, Tu as gagné, tu es libre.
Sa victime n'entendit pas la suite. Une vague de soulagement se propagea dans tout son corps, engourdi par la douleur. Elle parvint jusqu'au coin de son esprit où sa conscience s'était cachée, afin d'échapper au calvaire de ce jeu qui n'amusait que son instigateur.
Toute la pression accumulée se relâcha. Il sentit ses larmes sur son visage et dans son cou.
Quelque chose se brisa, en lui. Cette chose qui lui avait permis de tenir bon. Il la vit se craqueler, se fissurer, se démanteler, pour se briser en morceaux. Le noir se fit autour de lui. Il n'y avait plus rien, plus aucune sensation. Juste lui, perdu, tombant dans une brèche profonde, sombre, silencieuse, dont il ne voyait pas la sortie.
Je ne voulais pas jouer.
Texte 5 : @ellozis
Mon nom est Alfredo Lagosta. J'ai vendu ma voiture, vidé mon maigre compte en banque et posé ma lettre d'adieu sur le comptoir. Je comprends pourquoi ils veulent que je prenne ces dispositions, mais je pense qu'ils s'inquiètent pour rien. Ce n'est pas comme si ma disparition allait déclencher les systèmes d'alarme du pays. Et même si un policier voulait faire du zèle, ils ont les moyens financiers d'étouffer sa curiosité.
J'ai pris une cuite hier soir ; ils ont beau dire, leur algorithme de simulation d'ivresse n'imite pas parfaitement la réalité. Je voulais ressentir l'euphorie de l'alcool une dernière fois. Par contre je me serai bien passé de cette affreuse gueule de bois. Je décoche toujours l'option « gueule de bois » des paramètres du jeu.
Le taxi arrive en vue du bâtiment de la société Phénix. Une foule de manifestant brandit des pancartes contre la proposition 14785-D. Contre la réincarnation totale. Essentiellement des fanatiques religieux qui affirment qu'on ne doit pas se séparer du corps qui nous a été offert par Dieu. La proposition finira par passer, qu'ils le veuillent ou non. La société Phénix a largement assez d'argent pour cela. Mais ils ralentissent le processus, et les dirigeants de Phénix ne sont pas des gens très patients. C'est pourquoi j'ai reçu une lettre m'offrant de rejoindre leur programme secret de réincarnation totale.
La lettre ne m'a pas vraiment surpris. Tout le monde se doute qu'un tel programme doit exister. Jamais une société comme Phénix n'aurait lancé la proposition 14785-D dans le marécage politique sans avoir discrètement testé la réincarnation totale sur quelques volontaires. Et vu les dettes que j'ai contracté pour pouvoir me réincarner encore et encore, ils se doutaient bien que je serais volontaire.
Certains utiliseraient le mot cobaye plutôt que volontaire. Peu m'importe ; mes parents m'ont donné des noms bien pires que celui là. Je passe trop de temps à me réincarner selon eux. S'ils savaient comme la réalité est fade comparée à là bas... Mais ils n'ont jamais voulu y goûter. Des dinosaures, mes parents. Des dinosaures qui râlent et qui s'inquiètent. Je sais que c'est parce qu'ils m'aiment. Je les aime aussi, j'imagine. Mais j'allais accéder à la réincarnation totale.
Je traverse la foule pour m'offrir un dernier contact charnel. Je sens la chaleur de leurs corps, de leurs souffles. Je sens les odeurs de sueurs et d'haleines défraîchies. Je sens leurs cris dans mes oreilles. Je sens les coups et les bousculades, volontaires pour la plupart. Je sens leur colère. J'entre dans le bâtiment. Je sens un vide que la réincarnation va combler.
Je donne mon nom à l'accueil. L' agent me guide vers un couloir qui m'est inconnu, me sourit et repart. Il ne m'a pas fait badger. Au bout du couloir se trouve une salle qui a six chaises pour tout mobilier. Deux sont occupées, par des corps en aussi piteux état que le mien. Je ne suis pas le seul à ne pas respecter les recommandations médicales concernant la fréquence des réincarnations. Je prends une chaise et m'assoit. Et j'attends.
Un quatrième arrive. Puis le temps passe. Un technicien rentre dans la salle par une porte latérale et nous fait signe de le suivre. Deux chaises sont vides ; la réalité est une ancre solide, même pour les accro de la réincarnation. Il nous installe sur des fauteuils et nous pose un casque sur la tête. Comme d'habitude. Sauf que ce n'est pas la salle habituelle. Et que je ne reviendrai pas à la réalité dans 48 heures. J'ai peur. Je regrette ? Le transfert est lancé. Le transfert est en cours. Le transfert est fini. Adieu, mon corps .
L'écran d'accueil. Et j'ai accès illimité ! Avec les allocations de l'État je ne pouvais me payer que des fonctionnalités basiques. Mais là j'ai accès à tout ! Quelle chance d'avoir été choisi pour une réincarnation totale. Accès illimité ! Je ne pense pas que ce soit par générosité de leur part ; ils doivent avoir peur que je m'ennuie et que mon esprit craque si je n'ai que les trucs de base.
Que faire, que faire...Tant de choix ! Pour l'instant, je vais charger ma configuration habituelle dans le monde de Hexadra. Je verrai plus tard pour les nouvelles possibilités. Quelques heures de plaisir routinier et puis à moi l'inconnu et l'aventure.
Me revoilà face à la porte de la taverne de l'oncle Jacoby. Ce bon vieux oncle Jacoby. Lors de mes premières réincarnations, il était là, souriant, grognant, grimaçant. Je l'avais observé avec tant d'assiduité que j'avais fini par connaître chacune de ses mimiques. Jusqu'au jour où les intelligences artificielles subirent une mise à jour spectaculaire due aux découvertes d'un quelconque informaticien. L'oncle Jacoby était toujours là, plus riche et plus réel, mais aussi un peu moins Jacoby. Je ne fus pas le seul joueur à être désappointé par ces brusques changements. Il y eut même une rumeur disant que l'oncle Jacoby avait été remplacé par un réincarné total qui devait tenir son rôle de tavernier, faute de quoi son compte serait effacé des registres. Il y a vraiment des gens qui diraient n'importe quoi pour se rendre intéressant.
Sans m'en rendre compte, j'ai posé ma main sur le bois de la porte. Une vieille habitude. Je ressens vaguement la surface sous mes doigts ; le toucher est un sens complexe à reproduire, et je n'ai jamais pu payer pour disposer d'une sensation ultra réaliste. Sauf que maintenant, j'ai un accès illimité ! Je ferme les yeux pour accéder aux réglages, et je mets tous les sens au maximum.
A peine ai je ouvert mes yeux que la tête me tourne. L'odeur est chaude est agréable, mais bien trop perturbante pour mon nez habitué à ne rien sentir. Je coupe les odeurs pour les moments. La porte sous mes doigts prend vie, je la caresse, le grain du bois faisant frissonner ma peau. Cette porte, plus belle que jamais, enrichie de détails et de nuances de couleurs. Le soleil la fait danser sous ma main ; le soleil qui chauffe mon épaule et mon être. Quel bonheur que de toucher cette porte.
J'entends un raclement de gorge derrière moi. Un raclement net et clair, parfaitement modulé. Dans ma contemplation, je n'avais pas réalisé que je bloquais le passage. Je m'écarte pour laisser passer le nouvel arrivant, que je connais de vue, puis j'entre à sa suite.
L'oncle Jacoby me fait un clin d'œil. Son cil capture un rayon de soleil jusqu'à ce que la porte se claque dans un bruit de poussière. J'avance vers le comptoir. Mes pas sont hasardeux, tout étourdi que je suis par l'afflux de sensations que je n'avais jamais perçu jusque-là. Je me sens perdu dans ce lieu pourtant si familier. Toute cette confusion à cause de quelques réglages. L'oncle Jacoby est face à moi. Il est là, sa peau, ses cheveux et ses mouvements sont si réels. Si laids. Ce n'est pas mon oncle Jacoby. Je baisse les réglages jusqu'à le reconnaître. Mon oncle Jacoby !
Après avoir échangé quelques banalités, je lui demande s'il a entendu parler d'une quête spéciale à accomplir dans les environs. J'aurais pu le lui demander directement, mais j'ai le sentiment que j'obtiens des quêtes plus intéressantes en papotant d'abord. Et une fois de plus ma théorie porta ses fruits : au lieu d'encore affronter une IA, j'allais faire face à un autre réincarné. Un nécromant dont le zèle perturbe un village des alentours. Les algorithmes ont dû juger que l'impact de ce réincarné sur le monde devenait trop important. Je parie qu'il a kidnappé des enfants pour ses sombres expériences. Par la lumière, cela allait cesser !
Le village pue l'effroi. Volets et portes claquent à mon approche. Point de discussions animées dans les rues, rien qu'une torpeur glaciale qui n'a pas sa place sous ce beau soleil brillant. Pas le moindre enfant qui joue. J'aperçois bien plus de corbeaux que de villageois. Et les villageois qui ne sont pas encore cachés me lancent des regards méfiants, accompagnés de doigts pointés et de murmures tremblants. Les rues déjà peu remplies finissent par se vider complètement, jusqu'à ce que je me trouve seul sur la place centrale.
Le niveau de peur de ces IA doit être incroyablement élevé pour qu'ils craignent un paladin de la lumière, dont la mission sacré est d'apporter la paix et la sérénité. Il est même surprenant que les algorithmes n'aient pas envoyé un réincarné plus tôt pour contrer ce nécromancien. Ou peut être ont ils envoyé quelqu'un, mais qu'il a échoué dans sa quête. J'aurais aimé en savoir plus, hélas aucun villageois ne sort de ma cachette, malgré l'insigne de mon ordre clairement visible par dessus ma cape enchantée. Un autre que moi aurait enfoncé une porte et malmené un pauvre bougre pour obtenir des informations, mais j'ai des convictions à respecter si je ne veux pas perdre mes bonus d'alignement. Et aussi parce que je ne veux pas voir souffrir davantage ces pauvres villageois.
Je pars donc vers le cimetière en recherche d'indice. C'est risqué, mais aussi puissant que soit ce nécromancien, il ne peut pas être plus fort que moi. Et je n'ai pas envie d'explorer chaque grotte de la région.
La grille du cimetière est fermée à l'aide de lourdes chaînes. Elles ne semblent pas avoir été forcées par le nécromancien ; ses sbires lui ont sans doute creusé un tunnel d'accès, c'est plus discret pour récupérer des cadavres la nuit. Je brise les chaînes d'un coup de marteau et pousse la grille qui, comme je m'y attendais, produit un grincement froid et sinistre. Quelques tombes sont encore intactes, ornées de fleurs desséchées qui témoignent de l'abandon de ce lieu lugubre. Les autres tombes ne sont plus que des trous béants. De nombreux trous béants.
Vaincre l'armée du nécromancien ne va pas être une tâche aisée, surtout si je dois affronter le nécromancien en même temps. Je pourrais essayer d'attaquer son armée quand il est désincarné, bien que ce ne soit pas très fair-play. Et il s'agit peut être d'un autre réincarné total. Voilà qui serait intéressant. Même si on ne pourrait ni l'un ni l'autre parler de notre statut spécial. La société Phénix m'a imposé un filtre des discussions pour éviter que j'ébruite l'existence de leur projet illégal. Je ne veux pas perdre mon accès illimité pour une stupide conversation humaine.
La nuit tombe et je n'ai pas trouvé de trace du tunnel. Revenir demain matin serait avisé, car les nécromanciens et leurs créatures sont plus puissants la nuit. Et si je meurs, je perdrai un niveau ainsi que le super équipement que je porte sur moi. Mais j'ai foi en la lumière, elle repoussera l'obscurité ! Un paladin qui doute n'est qu'un vulgaire guerrier. Je ne suis pas un vulgaire guerrier.
La nuit est sombre et froide. Je me cache en attendant la venue d'un sbire, voire du nécromancien si j'ai de la chance. Hélas le temps passe et nul ne vient. J'espère ne pas m'être allongé dans la boue pour rien ; surtout que je perds en charisme tant que ma cape enchantée est sale. Soudain, j'aperçois du mouvement non loin de ma cachette. Cinq squelettes munis de pelles. Je n'ai pas vu d'où ils venaient, je vais devoir attendre qu'ils aient fini leur sinistre besogne pour les suivre jusqu'à leur maître.
J'ai du mal à me retenir de ne pas les tuer sur le champs. A chaque morsure de pelle dans le sol consacré, je sens ma main se crisper sur mon marteau. Et les squelettes creusent inlassablement, abjectes créatures obéissant aux ordres de leur maître. Je pourrai leur offrir le repos d'une simple incantation, mais cela ne servirait qu'à alerter le nécromancien. Je me retiens donc, essayant d'ignorer leur travail macabre tout en les surveillant pour ne pas manquer leur départ.
***
Ce stupide paladin croit que j'ignore sa présence. Quel imbécile. Mes corbeaux enchantés voient tout, et ma boule de cristal me retransmet leurs visions. Voilà des heures que j'ai repéré ce bouffon, alors qu'il cherchait vainement mon passage secret. Je l'ai trop bien caché, cet idiot n'avait aucune chance de le trouver. Et maintenant il rampe dans la boue tandis que je suis confortablement installé dans mon trône devant ma boule de cristal ultra large. Toute cette saleté sur sa cape enchantée dans le but de ne pas se faire remarquer par mes chers squelettes. Il se salit pour rien ; mes squelettes ont pour ordre de l'ignorer et de se laisser suivre. Pour l'amener tout droit dans mon piège à con.
Voilà un des zombies responsables de l'installation de la salle mortelle qui s'approche. J'espère pour lui qu'il a de bonnes nouvelles concernant les fleurs. Je veux que ce paladin meure dans une odeur de lilas, et je me moque de savoir si c'est ou n'est pas la bonne saison. QUOI ?! Pas de lilas?! Incapables, misérables ! Je vais devoir m'en occuper moi-même.
Une fois arrivé devant la salle je suffoque de rage : non seulement il n'y a pas le lilas que j'avais demandé, mais en plus ils n'ont pas nettoyé les tâches de sang du dernier paladin ! Bande d'impotents... Ma colère explose et les voilà réduits en poussières. D'une pensée, je convoque d'autres zombies pour qu'ils viennent balayer les restes de leurs condisciples.
Heureusement, les fleurs de ma dernière victime n'ont pas encore été jetées. Des hortensias... Mais ce n'est pas un paladin à hortensia, celui-là ! Enfin, je n'ai pas vraiment le choix. Je les fais disposer de façon à écrire « Tu t 'es fait avoir ! » puis je lance une incantation pour les ramener à la vie. Une odeur d'hortensia. Ce n'est pas si mal. Évidement, le lilas aurait été bien mieux, mais cela fera l'affaire.
Texte 6 : @fariyheart_One
Jeu de maux.
Comment en était-elle arrivée là ? Assise dans cette bibliothèque sur cette veille chaise qui grince à chaque mouvement. Ce post-it jaune entre les mains, dont la petite partie collante avait déjà attrapé quelques poussières. La seule chose qu'elle devait accomplir était simple et pourtant, tout son corps tremblais et son cœur, lui, faisait cette chose étrange.
C'était à cause de son regard. Tout était à cause de ce regard. Celui qui attendait avec impatience qu'elle écrive sur ce petit bout de papier. Elle en était sûre, il attendait cela avec impatience pour ce moquer d'elle. Comme toujours, il prenait un malin plaisir à la taquiner. Elle n'aimait pas ça, je dirais même qu'elle détestait ça. Et pourtant, il agissait ainsi depuis leur première rencontre.
Leur première rencontre, quand était-elle ? Cela fait déjà vingt ans. C'était énorme sachant qu'elle n'en a que vingt-deux.
La première fois qu'ils se sont rencontrés, elle ne savait même pas encore parlé. Et pourtant, lui était venu vers elle, lui disant une de ces phrases, dont elle apprendra plus tard qu'elle faisait partie de sa spécialité.
« Tu as une tâche ! », lui dit ce jeune garçon ayant approximativement le même âge qu'elle tout en pointant son t-shirt.
Surprise qu'il vienne lui parler, et étonnée de sa remarque, elle baisse la tête pour voir ce qu'il désigne.
« Pistache ! » Lui dit-il alors, tapant légèrement le menton de la jeune Lucie avec son doigt. Sur le moment, elle n'avait pas compris. Qui était-il et que venait-il de faire ? Quel étrange garçon.
Depuis cette rencontre, chaque année, ils étaient non seulement dans le même établissement scolaire, mais également dans la même classe. Et chaque année, il s'amusait à faire ces jeux de mots, ou ces blagues comme vous préférez.
À l'école élémentaire.
« Qu'est-ce que tu manges, Lucie ? » Demande Robin, à peine arrivé à la table de la cantine, s'asseyant juste à côté de la jolie Lucie.
« Du poisson pané, et toi ? Tu as choisi quoi ? »
« Hein ?! Mais comment tu peux manger des poissons pas nés ? C'est impossible haha !! », réplique Robin, ce sourire malicieux au coin du visage. Lucie, elle, ne comprenait pas où il voulait en venir, ce qui le faisait davantage rire.
Au collège.
« Les gars ! Les gars !! » Cria Robin en arrivant dans la salle de classe. Vous me croirez jamais ! J'ai vu un Aliène dans mon frigo !! Devinez ce qu'il m'a dit !! ». Toute la classe s'était alors précipitée vers le jeune garçon, tous intrigués. Ce dernier regarde autour de lui, laissant traîner le suspense. Son regard avait croisé celui de Lucie, elle aussi avait l'air intéressé. À cette pensée, un sourire lui était né au visage. Il l'avait rapidement remplacé par ce regard sérieux, créant d'autant plus l'attente de son public. « L'aliène m'a regardé droit dans les yeux, puis il a lentement ouvert sa bouche et a fini par me dire la chose suivante : ils sont extras tes restes ! ». Tout le monde soupira, encore un de ses jeux de mots, mais Lucie, elle, ne put s'empêcher de lâcher un rictus.
Honnêtement, c'était tout ce qui comptait pour lui.
Au lycée.
Bien que leurs majorités approchaient, que depuis tout ce temps beaucoup de chose avaient changé, l'amour de Robin pour les jeux de mots, lui, n'avait toujours pas disparu, je dirais même que cela avait empiré. Il en faisait même sans s'en rendre compte, ou n'hésitait pas à élargir son public.
« À quoi servent les Coûts totaux ? » Demanda le professeur de SES. Une seule personne osa lever la main.
« À couper de la Vianviande ?! ». Évidemment, c'était Robin.
Ces jeux de mots à répétition pouvaient être épuisants, et pourtant, quelque part, Lucie les aimais, c'était la seule chose qui la raccrochait à Robin. Mais ça, jamais elle ne l'avouerait, même pas à elle même.
Alors, le jour où il a subitement arrêté d'en faire, tout était devenu étrange.
Malgré toutes les années qu'ils ont passés côte à côte, on ne pouvais pas vraiment les considérer comme des amis. Cependant, ce serais mentir de dire qu'il n'y avait aucun lien entre eux. Aucun des deux ne pouvait vraiment mettre de nom sur ce sentiment, mais Lucie avait besoin de savoir qu'il allait bien.
Oui, elle s'inquiétait vraiment pour lui.
Pourtant, c'était anodin, il avait peut-être juste grandi. Cependant, elle n'avait pu s'empêcher de le suivre dans cette ancienne bibliothèque.
« Est-ce que ... tu vas bien ? » Demanda Lucie en s'asseyant en face de Robin.
« Évidemment ! Pourquoi ça n'irais pas ? »
« C'est juste que, ça fait longtemps que tu n'as pas fait tes maudits jeux de mots. »
« Ah...Ça ... Disons que j'ai réalisé que cela ne faisait rire personne, au contraire. Mais ce n'est pas comme si c'était important de toute façon. » À chacun de ses mots, sa voix baissait d'un ton. Son regard, il avait l'air détruit. Ce ne sont que des jeu de mots, il avait juste arrêté d'en faire, alors pourquoi cela faisait aussi mal ?
« Ne dis pas ça ! Évidemment que c'est drôle les jeux de mots ! » Essaya-t-elle de le rassurer.
« Mmh, mmh... Alors essaye de me faire rire avec cette chose.»
« Okay ! Je vais faire ça pour toi, Robin ... des bois. » Tenta Lucie.
« Tu vois, je te l'avais dit ... »
« Attends ! Dix minutes ! Laisse-moi dix minutes ! »
« Ça sert à rien, laisse. ». Lucie le regardait alors, ses orbes légèrement brillants, le suppliant de lui laisser une dernière chance. « Bon d'accord, tiens, tu as dix minutes pour écrire quelque chose de si incroyable que j'aurais envie d'encadrer et d'accrocher ce post-it contre le mur de ma chambre. »
Lucie était alors là, assise sur cette chaise bruyante. Le calme de la bibliothèque devenait angoissant, laissant juste le bruit des aiguilles de cette vieille horloge lui rappeler qu'elle n'avait plus beaucoup de temps. Ce post-it jaune entre ses mains tremblantes. Le regard de Robin attendant avec impatience ce qu'elle allait écrire. Cinq minutes. Trois minutes. Deux minutes. Une minute. Mais le papier restait toujours vierge. Il ne lui restait que trentesecondes, il ne lui restait que son honnêteté. C'est vrai, Lucie n'était pas la plus drôle des jeunes filles, mais elle était toujours honnête. Elle avait alors écrit ces quelques petits mot.
À peine après qu'elle est finit d'écrire, Robin pris le morceau de papier entre ces mains. Après avoir lu, il restait bouche-bée. Il ne faisait que lire et relire, pour être sûr d'avoir bien compris. Le temps paraissait long dans ce silence. Si long, que Lucie, plutôt nerveuse, décida de le briser : « Quoi ? »
« -feur. », répondit rapidement Robin. Mais ce n'était pas de l'amusement qui enivrait son regard, non, c'était de la tendresse. Oui, il avait tout sauf l'envie de se moquer d'elle.
Lucie était heureuse, oui, dire que ça lui avait manqué. Elle avait réussi. Réussi à lui rendre son sourire.
Après cela, Robin avait toujours gardé ce post-it, il était toujours à la même place, accroché au mur droit de sa chambre, encadrer dans un joli cadre en bois. À chaque fois qu'il le voyait, son cœur faisait cette chose étrange. Ce joli petit bout de papier avait maintenant des dizaines d'années. Ce joli petit bout de papier où il y avait écrit : « Jeu t'aime. ».
Texte 7 :
Kissoro
Alors que j'étais entrain de faire la vaisselle en chantonnant, des bruits de pas de course se firent entendre dans la maison et en moins de temps qu'il le faut la voix aiguë de mes jumeaux s'élevèrent :
-Maman, maman, dirent ils en chœur tout en sautillant partout comme des puces
-Oui ? Dis je en me retournant pour voir que les deux garnements étaient recouverts de boue de la tête aux pieds, oh purée qu'est ce qu'il vous est arrivé ?
-On jouait dans le jardin e-, commença la petite fille
-Dans la boue tu veux dire, regarde comment vous êtes tout sale
-Mais Maman, laisse moi finir d'abord et tu vas nous punir après, continua t'elle
-Nous ? Maman j'y suis pour rien c'était son idée de jouer dans la boue, dit le petit garçon avant de se recevoir un coup de coude dans le ventre
- Stiles t'es vraiment qu'une balance, dit la petite fille en le regardant méchamment
-Enfin bref, de quoi voulez vous me parlez ? Demandais je en gardant un air sévère
-Maman, on à trouver ça, dirent ils avec des yeux émerveillés en me présentant un bout de bois d'ébène assez lourd pour leurs petites mains
-Et donc ? Dis je en haussant un sourcil, il a quoi de particulier ce bois ? Excepté qu'il soit trop lourd pour vous, dis je en le leur prenant des mains
-Ouvre le Maman, cria Summer ma petite fille
-Okay, dis je en le posant sur la table
Et en l'ouvrant sous la pression et l'attente de mes petits diables, je fus assaillis de souvenirs et un tendre sourire vint se dessiner sur mes lèvres alors que je touchais le plateau du bout des doigts.
-C'est quoi maman ? Répétaient ils en boucle
-C'est un très ancien jeu de chez moi
-Maman on veut tout savoir, dit Stiles
-Très bien mais avant cela, allez prendre une douche le temps que j'aille chercher les billes pour vous apprendre comment jouer et que je sorte les cookies du four
-Oui !!!! Dirent ils en chœur alors qu'ils couraient pour se rendre dans la salle de bain
Je souris tendrement et partis à la quête des billes. Quelques minutes plus tard et après de dures recherches j'avais pu retrouver les billes en question et j'étais installée au salon avec mes deux trésors qui étaient désormais propres et qui mangeaient leur cookies tout en me regardant avec des étoiles pleins les yeux, attendant avec impatience mes explications.
-Est-ce que vous savez de quel pays je viens mes loulous ?
-Moi je sais, tu viens de l'Afrique, dit Summer
-T'es bête ou quoi, l'Afrique c'est un continent pas un pays, maman moi je sais tu viens de la République centrafricaine
-C'est exact mon chéri et papa lui vient de quel pays ?
-Daegu ! Cria Stiles
-T'es bête ou quoi ? Daegu c'est une ville pas un pays, dit Summer avec un air suffisant, papa vient de la Corée du Sud
-C'est ça ma puce, papa a eu l'occasion de vous montrer pleins de jeux de son pays maintenant c'est à mon tour
-Comment ça s'appelle le jeu Maman ? Dit Summer
-Kissoro
-Kis-kise-kiro, maman c'est dur à prononcer, dit Stiles
-Effectivement parce que ce n'est pas du français mes chéris, mais du Sango ma langue maternelle, mais elle se joue un peu partout sur le continent africain et selon les pays son appellation diffère par exemple on l'appelle l'awalé dans certaines régions
-Ohhhh, dirent ils en chœur
-Ce jeu est considéré comme l'un des plus ancien sur tout le continent africain, il est l'équivalent des jeux d'échec et d'après certains récits populaires dans le passé certains chefs utilisaient ce jeu pour régler les conflits entre tribus
-Waouh et donc comment on y joue maman ? Dit Summer
-C'est simple mais assez compliqué à la fois, donc le Kissoro se présente comme un plateau de deux rangées composées de 16 trous et chaque adversaire commence avec 32 pions ou billes soit deux billes par trous. Pour la suite on aura besoin de savoir comment faire les calculs mentaux, l'addition et la soustraction
-Ah je déteste les maths, dit Stiles
-Toi tu n'aimes pas l'école tout court, se moqua Summer
Je souris et repris mon explication
-Donc le principe du jeu est celui-ci, tu prends les deux billes de la dernière rangée et tu partages dans les autres trou jusqu'à remonter sur la première rangée et tu prends alors les quatre billes de ton adversaire qui se trouve sur le même alignement que le trou ou tu as déposé ta bille. Tu continues ainsi jusqu'à ce qu'il ne te reste plus qu'une bille en main que tu dois déposer dans une case vide et à ce moment ce sera au tour de ton adversaire de jouer. Il refera le même schéma et vous continuerez ainsi. Le gagnant sera celui qui aura prit toutes les billes de son adversaires ou lorsque son adversaire aura deux ou trois billes mais qui ne sont pas superposés ou qui se trouvent dans des trous différents sur la même ligne.
-Maman je comprends pas, se plaignit Summer
-Je sais trésor moi-même j'y comprenais pas grand-chose au début, mais ne t'inquiète pas on a maintenant l'application mobile du jeu qui est plus facile à jouer et comprendre
-Et c'est quoi le nom ? Demanda Stiles
-Kissoro tribal game
-Ohhh
Au même moment on entendit la porte d'entrée s'ouvrir sur mon mari et les enfants accoururent l'accueillir.
-Papa, maman nous a appris un jeu de son pays aujourd'hui, dit Stiles
-Ah bon ? Lequel
-Le kissoro, dit fièrement Summer
-Oh je le connais ce jeu, dit il en venant m'embrasser sur le front
-Ah ouais ? Alors ça ne te dérange pas de faire une partie pour savoir qui va cuisiner demain
-Okay, allons y je vais te laminer mon coeur, dit il en souriant alors que les enfants venaient se blottir contre nous et que nous commencions la partie.
Texte 8 : @ElizabetaKeraney
Mascarade
Il aura suffi de pas grand-chose pour que le masque fissure. Une amie qui appelle pour planifier le Nouvel An, et l'envie soudaine de tout envoyer valser.
Cette sensation qui prend et qui serre, qui m'étouffe comme si le ciel s'effondrait sur moi, comme si le poids du monde reposait complètement sur mes épaules. Comme un nouvel incendie renaît des braises encore incandescentes du précédent. Combien ai-je eu de répit cette fois ? Je compte sur mes doigts. Cinq jours, peut-être six.
Je me précipite à l'écart, me cache derrière le rideau pour que le public ne me voie pas pleurer.
On est le 5 novembre, merde ! Qu'est-ce qu'ils ont déjà tous avec le Nouvel An, eux qui sont incapables de planifier ne serait-ce que leur journée du lendemain.
Les larmes sont là, au coin de mes yeux, et je les jette sur le clavier en coulées de mots qui me dévalent et me dévorent.
« Pourquoi tu pleures ? »
Parce que l'année prochaine pourrait être pire. Parce que tous ces gens de mon passé qui ne m'écrivent que le soir du 31, souvent dans un même message adressé à toute leur liste de contacts, me donnent la nausée et me rappellent combien l'être humain est faux. Parce que je ne me sens jamais aussi seule que lorsque tout le monde autour de moi danse dans la pénombre, un verre à la main...
Non, stop.
Je ne vais pas tâtonner pour attraper mes quelques feuillets de texte, je ne vais pas me lancer dans une improvisation dont j'ai le secret. Je ne vais pas essayer de donner le change. Soyons honnête trente secondes.
Je n'en ai rien à foutre, du Nouvel An, dans le fond.
"Pourquoi tu pleures, alors ?"
Je pleure parce que la vie, parce que la mort, parce que je vois le monde continuer de tourner sans but. Le temps passe et les êtres humains se succèdent à sa surface, interchangeables.
J'ai à peine le temps de prendre une inspiration que l'instant appartient déjà au passé. Enfermé dans une boîte de laquelle il ne pourra plus jamais sortir, et que je rouvrirai de temps en temps avec nostalgie.
Impermanence des choses et des événements. Comme l'impression de voir successivement la fin des films sans jamais assister au début.
Je regarde vivre ces autres comme au ralenti, spectatrice malgré moi de bribes plus ou moins longues de leur existence. Eux et moi avançons en parallèle sans jamais réellement nous croiser. Ceux que je côtoie au plus près me sourient, et je leur souris en retour. Je leur en voudrais presque d'avoir l'air si insouciant quand je me sens si mal. Leur joie de vivre apparente me saute au visage et me lacère le cœur.
Je m'interroge. « Est-ce que c'est ça, la vie qu'ils ont ? ». Je n'ai pas la prétention de les croire moins sombres que moi. Les soirées enfumées et enivrées servent sans doute à ça, à oublier ce même spleen que je noie tous les jours dans des vies qui ne sont pas la mienne.
Habituellement je ne les vois pas, je leur écris. Ainsi je peux plaisanter avec eux tout en sanglotant dans mon lit. Deux réalités de moi se font face, l'une a pris le pas sur l'autre mais personne ne devra en être témoin. C'est l'accord tacite, le seul grâce auquel je m'autorise à être faible. Je disperse des vagues de petits visages jaunes hilares, autant de sourires forcés que je n'ai pas à rendre réalistes au prix d'un effort qui me coûterait toute mon énergie. R-A-S, passez votre chemin.
La salle attend, s'interroge. Un entracte impromptu ? Un problème technique ? Le rideau est tombé au beau milieu de la mécanique bien huilée.
Trop heureuse pour être dépressive.
Trop dépressive pour aller bien.
Arrive la vague, l'incontrôlable. Celle qui contracte chaque muscle de mon visage et de mon cou, déclenchant cette douleur caractéristique venue de toutes parts qui me tient en tenailles tant que je résiste encore. Elle m'empêche de respirer et me paralyse dans l'attente du ressac.
Lui sera pire que la vague en elle-même, je le sais. Ce seront les sanglots lourds et violents, qui balaient tout sur leur passage et terrassent, me laissant à terre, incapable de tenir sur mes jambes et secouée de spasmes.
Il n'y a pas si longtemps, c'était plus simple. Je savais pourquoi je pleurais. J'avais de bonnes raisons de hurler entre deux sanglots. Maintenant je déambule tremblante dans l'appartement, sans but, de pièces en pièces en attendant que ça passe.
Ça aussi, ça passera. Sans aucun doute. Alors comme d'habitude, j'attends. Je m'installe près de la baie vitrée et pose mon front contre le verre. Le chaos qui règne dans mon crâne contraste avec la vie paisible qui suit son cours au dehors. Je pense aux passants qui marchent sous la pluie. Ils jouent chacun leur propre one-man show, devant une salle à moitié vide où ne sont là que leurs proches, et quelques badauds venus échapper à la pluie.
Est-ce que vous allez bien, vous ?
Les voix dans mon crâne s'interrogent.
« Pourquoi tu pleures ? »
Je n'ai pas la réponse à cette question. J'ai envie de leur crier que je suis fatiguée, fatiguée de la vie en général. Que j'avance en tentant d'oublier à quel point l'existence est triste par essence, et que ces moments où j'oublie, enfin, ces moments heureux, sont les seuls instants de répit où j'effleure du doigt une vie que j'aurais envie de mener.
Que je rejoue cette même mascarade chaque jour depuis près de deux décennies, et que chaque entracte me déchire tant le monde est laid de l'autre côté du rideau.
Que dans ces moments je vous hais tous, mais toujours moins que je ne me hais moi-même.
Dieu sait pourtant combien je vous aime.
Texte 9 : @black_onigiri18
He knows.
"Ton savoir n'est rien, si tu ne sais pas que les autres le savent" — Arthur Shopenhauer
Du haut que ses 28 ans, Adrien Ferry dominait le monde. Du moins le monde la musique — il n'avait pas encore pour projet d'être dirigeant. Mais honnêtement, c'était tout comme. Il avait derrière lui une armée de fans hystériques prêts à tout pour lui. Et il était conscient que cela dépassait les limites du raisonnable. Parce qu'il savait, il savait beaucoup de choses, mais il savait surtout que ses paroles avec des conséquences, bien trop parfois pour les pauvres mots qui sortaient de ses lippes. Car il lui suffisait de parler d'une marque, d'un sport, et voilà que les ruptures de stock des magasins s'accumulaient. Il avait un pouvoir, un savoir, un quelque chose qui le rendait supérieur aux autres.
Mais cette force était telle un miroir, car en retour les paroles de ses subordonnés le tenaient. Pour continuer à les avoir entre ses mains, à exercer son aura sur eux, il fallait leur plaire. Et c'était là tout l'intérêt de l'industrie de la chanson. Enfiler un rôle, et changer de personnage au fil des envies du public. Tout était faux, rien n'était vrai, simplement le jeu en valait la chandelle.
C'était donc pour garder son image d'homme parfait que Adrien était présentement sur le twitter international, cherchant avec une avidité presque maladive tous les tweets le mentionnant.
Compliments sur compliments, ils les passaient tous. Lui, ce qu'il voulait — et ça en était devenu une obsession — c'était une critique. Des caractères qui lui prescriraient quel visage adopter, et quel personnage être.
Au bout de dix minutes, il trouva enfin le premier commentaire négatif. Celui-ci avait été repartagé une dizaine de fois, pas plus.
"Vous ne trouvez pas que Adrien a pris un peu beaucoup de poids ces derniers temps ? :/" avait écrit l'utilisateur.
Adrien fronça les sourcils, inquiet. Il laissa son téléphone sur son lit et se planta devant le miroir accroché à sa porte.
Avait-il grossi ? Non, il était toujours aussi parfait.
Au final, Adrien n'avait pas trouvé d'autres commentaires. Il se félicita, cela voulait dire que son image actuelle était intouchable. Il avait donc pu dormir sur ses deux oreilles, et c'était d'un air enjoué qu'il se rendit dans les studios d'une émission de divertissement le lendemain. Il arriva en avance — c'était là le devoir d'une star de rang mondial — et retrouva rapidement son manager, accompagné de 5 jeunes hommes. Ces derniers étaient les collègues de travail d'Adrien, même s'il préférait les appeler des amis devant les caméras. À eux 6, ils formaient ce pourquoi était célèbre le protagoniste : un groupe de musique. HSE. Trois lettres, et pourtant des millions d'albums vendus. Ils étaient la mode du moment, on les écoutait partout, aussi bien dans leur pays natal — les États Unis— qu'au fin fond de l'Europe.
On leur fit faire un live avant l'émission, tel un teaser du contenu qui arrivait sur les écrans des fans.
La section commentaire était en ébullition, comme toujours. Il y avait de tout dedans; des demandes de mariage, des encouragements, des questions parfois trop intimes...
Mais un commentaire, qui défila si rapidement qu'il cru l'imaginer, accapara l'attention d'Adrien.
"Adrien chéri, je vous soutiens dans ce gain de poids ! Je vous aime ".
Et en rentrant le soir, il ne put s'empêcher de contempler à nouveau son reflet.
Avait-il grossi ? Peut-être juste un peu...
Il y avait trois jours de tournage. C'était le deuxième, et comme à chaque fois, Adrien avait revêtu son masque. Il était rentré dans son rôle, celui de la star mondiale qui faisait des blagues dépassées et qui n'hésitait pas à taquiner les autres membres, racontant des anecdotes sur eux.
"Aviez vous remarqué que Sam a grossi récemment ? C'est parce qu'il s'est découvert une nouvelle passion : finir nos restes ! Remarquez, ça empêche le gâchis !"
Un rire collectif s'éleva tandis que la caméra zoomait sur le visage du chanteur. Le dénommé Sam, lui, eut juste un sourire hésitant, un peu faux, et Adrien s'en voulu. Il se demanda pourquoi il avait dit ça, même si son inconscient le savait très bien. Encore cette notion de savoir, que le jeune homme détestait de plus en plus. Et pourtant ! Ça le rassura quand, ce soir-là, la communauté des réseaux sociaux commenta le poids de son collègue plutôt que le sien.
Toutefois, il ne fallut que 24h pour que les réflexions à son égard reviennent.
"Adrien parle du poids de Sam... Mais il s'est vu lui ?? #AdrienYouAreFat"
Un hashtag de créé, et le voilà déjà en tendance. Des milliers de tweets, des centaines de partage, et le cœur brisé de Adrien. C'était son jour de repos, celui avant le dernier tournage, et lui le passait en larmes, sur son téléphone.
Comme les deux jours précédents, il alla se planter devant la glace.
Avait-il grossi ?
Indéniablement, oui.
Comment avait-il pu ne pas remarquer ce double menton, ces doigts boudinés, et ces bourrelets imposants ?
Pour la première fois depuis ses débuts, sa propre image le dégoûtait.
Il fut pris d'un haut-le-cœur. Il n'aurait pas dû manger ce matin. Il n'aurait pas dû manger hier soir. Il n'aurait pas dû, il ne devait plus.
Il devait rattraper ses erreurs.
Peiné mais satisfait de sa décision, il inspira un grand coup.
Il ne mangerait plus tant que l'opinion publique ne lui serait pas favorable.
Troisième et dernier jour de tournage. Le ventre de Adrien lui criait sa faim, pourtant son estomac lui semblait trop lourd, rajoutant du poids à son corps déjà trop enrobé. Il fallait qu'il le vide. Voilà, c'était ça, il fallait qu'il évacue cette graisse tout de suite.
Il s'excusa auprès des producteurs et se rendit rapidement dans les toilettes. Il n'y avait personne. Il se courba au-dessus du lavabo. Il ne devait pas hésiter, plus maintenant.
Il ferma les yeux. Leva sa main à sa bouche. Mais il n'eut pas le temps d'enfoncer ses doigts dans sa gorge, que quelqu'un venait de sortir d'une des cabines de toilettes.
Adrien ne se retourna pas, se contentant de regarder le nouvel arrivant à travers le miroir au-dessus du lavabo.
Leurs yeux se rencontrèrent un instant. La personne derrière lui s'essuya la bouche, d'un air provocateur.
Il le savait. Sam le savait. Adrien savait qu'il le savait. Et Adrien savait aussi.
Ils fonçaient tout droit vers le Game Over.
Anorexia is our new game.
Texte 10 : GAGNANT(E) @lutherashes
Monopoly
Les cinq joueurs prirent place autour de la table. H., C., S., D. et F. ouvrirent la boîte, en retirèrent le plateau, les pions et les cartes ; rangèrent soigneusement les billets, les hôtels et les maisons ; mirent les titres de propriété sur leurs présentoirs, le plateau déplié sur la table et cinq pions sur la case départ. Les billets furent distribués, les cartes « chance » et « caisse de communauté » disposées. Le jeu pouvait commencer.
H. lança les dés :
- Six, annonça-t-il, Grand Canyon, États-Unis, j'achète.
C. l'imita :
- Sept, mangrove de Bornéo, j'achète.
Puis ce fut au tour de S. :
- Onze, Amazonie, Brésil, j'achète.
D. avança son pion :
- Quatre, mer Méditerranée, neutre, j'achète.
Enfin, F. clôtura le premier tour de jeu :
- Douze, Sibérie, Russie, j'achète. Six et six, c'est un double, je rejoue, ajouta-t-il. Neuf, désert du Sahara, Afrique, j'achète.
La partie continua ainsi. Les titres de propriété se vendaient les uns après les autres, jusqu'au moment où S. s'exclama d'une voix victorieuse :
- J'ai toutes les cartes du groupe « Australie » ! J'achète six maisons !
Sa déclaration fit monter la tension autour de la table d'un cran. On se mit à s'échanger des cartes sous le manteau, on commença à distribuer des pots-de-vin. Plusieurs groupes se formèrent ainsi, et des maisons sortirent de terre aux quatre coins du plateau. Mais cela ne suffit pas à calmer la nervosité des joueurs, ni à les départager. En effet, dès que l'un d'eux semblait perdre l'avantage, un autre tombait sur une de ses propriétés, et le prix exorbitant des loyers avait tôt fait de rembourser sa dette.
Les cinq joueurs n'étaient pas des amateurs : c'étaient tous des vétérans, des joueurs rusés et aguerris, en un mot, des professionnels.
Aussi, il fallait bien qu'il y ai un gagnant.
Comme il n'y avait plus aucun espace disponible sur le plateau, ils se mirent à construire en hauteur. Des immeubles et des buildings commencèrent à s'élever, chaque joueur rivalisant d'ingéniosité pour monter plus haut que son voisin.
Mais comme cela n'arrivait toujours pas à les départager, ils innovèrent : de la course à celui qui irait le plus haut, on passa à celle de celui qui irait le plus loin. Les forêts furent rasées, les lacs asséchés, les volcans bouchés et les montagnes aplanies. L'océan, qui ne pouvait être aspiré, fut bientôt constellé de flotteurs et de sacs en plastique, qui homogénéisèrent sa surface et permirent de le transformer facilement en terrain constructible. On recouvrit le tout d'asphalte et de béton, avant de remplir ce nouvel espace de maisons, d'hôtels, d'immeubles et de grattes-ciel.
Sauf que cela, comme le reste d'ailleurs, ne résolvait toujours pas leur problème. Certes, les joueurs s'étaient considérablement enrichis, mais demeuraient tout de même à égalité.
Alors, à court de solutions, ils entrèrent dans une colère noire. D'un revers rageur du bras, F. envoya valdinguer tours et pavillons ; C. lança un coup de poing si puissant sur la table que le plateau se fissura sur toute sa longueur ; le hurlement de colère que poussa H. détruisit ce que F. n'avait pas encore rasé ; et S. écrasa l'immense plaque de plastique et de béton qui recouvrait l'océan du plat de la main, causant un tsunami dévastateur. D., quant à lui, possédait un tempérament plus calme. Ses doigts retirèrent un à un, méthodiquement, les bouchons placés au sommet des volcans ; et dans un lent grondement, la lave se libéra de sa prison de roche et déferla sur le monde.
Les cinq joueurs contemplèrent, atterrés, le plateau de jeu dévasté. Ensemble, ils poussèrent un long soupir d'ennui. Mais Hasard, Chance, Sort, Destin et Fortune se détournèrent bientôt, partirent chercher une autre boîte, et commencèrent une nouvelle partie de Monopoly.
Texte 11 : @KMYgrec
Rouges Robes
Machinalement, Fera lisse sa robe et tape doucement dessus pour en enlever la poussière. Elle prend quelques secondes pour admirer sa tenue ; une longue et belle robe blanche, avec quelques détails au bout des manches qui se terminent en pointe, presque jusqu'aux jointures des majeurs.
C'est une pièce magnifique, se dit-elle, en regrettant de ne pas avoir de miroir à disposition pour voir son visage et admirer sa robe plus amplement.
C'est là que Fera réalise qu'elle ne sait ni où elle est, ni comment elle est arrivée ici. Elle regarde alors la pièce, mais ne reconnaît rien. D'ailleurs, il n'y a rien. Rien du tout ; c'est une pièce carrée, d'environ neuf ou dix mètres de côté, au sol de marbre noir éclatant. L'endroit est éclairé par quatre lanternes, une sur chaque mur.
Alors qu'elle est absorbée par l'immaculation du marbre, et par le reflet dansant des torches, l'œil de Fera est attiré vers un détail étrange ; une porte, dans un angle derrière elle. C'est une épaisse porte de bois noir, à double battant, sans poignée visible. Mais ce qui perturbe Fera, c'est la forme plus que l'absence de poignée. Qui, se dit-elle, ferait une porte dans un angle de mur ? Elle est pourtant si belle !
En pivotant pour contempler l'ensemble de la pièce dans les détails, elle réalise que dans chaque coin de la salle se trouve enfaite la même porte, à un détail près ; deux d'entre elles sont ouvertes.
Fera n'a même pas le temps de se poser la moindre question, qu'une envie incontrôlable de franchir la porte de gauche la prend. Une envie si incontrôlable, si forte, qu'elle semble venir d'ailleurs, non de l'esprit de Fera.
Le bruissement d'étoffe de sa robe, le crépitement des torches et la respiration de Fera accompagnent parfaitement ses talons qui résonnent sur le marbre noir, comme un orchestre nouveau mais téméraire.
Elle franchie enfin la porte, et pénètre dans une nouvelle pièce... exactement similaire à la précédente, avec devant elle les deux portes à double battant.
Bien que la mémoire de Fera ne lui ait toujours pas rappelé où elle est ni comment elle est arrivée ici, elle ne s'en inquiète pas vraiment. Elle est seulement habitée par une impatience et une excitations grandissantes, face aux événements à venir.
Soudain, Fera sursaute en entendant les deux portes de derrière claquer. Malgré le vacarme de sa respiration affolée et de son cœur battant plus vite que jamais, le son d'un cliquetis parvient à elle et lui indique que ces deux portes viennent d'être fermées. Au fond d'elle, Fera a le sentiment qu'elle ne pourra plus jamais les franchir, comme si son inconscient savait qu'elles lui étaient maintenant définitivement fermées.
À peine la tristesse et la nostalgie causées par cette pensée dissipées, Fera entend un léger bruit. Il est d'abord si faible qu'elle n'est même pas certaine de l'avoir vraiment entendu, mais devient suffisamment fort pour faire disparaître tous doutes ; il s'agit de bruits de pas. Des chaussures à talons marchants sur le marbre. Quand les pas s'arrêtent, une nouvelle porte claque au loin, mais Fera devine qu'il y en a enfaite deux.
Elle est maintenant certaine qu'au moins une autre femme se trouve dans la même situation. Pourtant, bien que Fera sois curieuse de la rencontrer, elle n'a aucune envie d'aller trouver cette dame. Elle attend seulement, admirant ses chaussures et palpant l'étoffe blanche.
Après avoir entendu deux nouvelles portes claquer au loin, un nouveau bruit glace le sang de Fera et hérissa les fins cheveux blonds de sa nuque ; des hurlements. Des hurlements suppliants emplis de peur, qu'une femme lâche sûrement face à une chose terrible, un ennemi impitoyable.
Fera, tremble en tentant de trouver la direction des hurlements, mais elle lâche un gémissement quand elle entend la femme crier de plus en plus fort, comme si la mort elle-même venait à elle sans montrer le moindre réconfort.
C'est d'ailleurs sûrement le cas, car soudain, aussi brusquement qu'ils ont retentit, les hurlements glaçants cessent.
Fera tombe alors à genoux, et s'effondre en larmes. Deux puissants sentiments s'emparent soudainement d'elle, deux sentiments presque contradictoires ; une grande peur, aux abysses plus profondes que le plus profond des océans, et une haine plus profonde encore, envers la personne qui a tué cette inconnue.
De nouveaux hurlements retentissent soudain, alors que Fera est toujours à genoux. Elle tremblent et pleure de plus belle quand ils cessent, et se relève difficilement pour avancer de nouveau vers la porte de gauche, avant d'entendre une nouvelle fois les porte claquer derrière elle.
Alors que Fera aplatie les plis de sa robe, de nouveaux cri résonnent au loin. Les même cris que les précédents, mais étrangement. Fera se surprend à sourire et a reprendre espoir. Elle rit soudain, et son cœur explose de joie quand cessent ces hurlements.
La voilà de nouveau avancer, et elle franchie la porte de droite cette fois. Elle a un choc en voyant, au centre de sa nouvelle salle, une autre femme.
- Bonjour, Madame, dit-elle a Fera. Je...
Elle s'interrompt en voyant Fera glisser sa main gauche derrière son dos. Quand elle la retire, cette dernière tient une lame ; un splendide couteau à la lame d'argent et au manche en os. Bien qu'elle n'en ait jusqu'à maintenant pas senti ni le poids ni la gêne, Fera réalise qu'elle avait conscience de son couteau depuis qu'elle avait repris connaissance.
- Non ! Arrêtez, je vous en prie !
Mais Fera ne pouvait être plus déterminée, plus lucide, et plus consciente de son but ; elle devait tuer cette dame, et passer de l'autre côté, dans la pièce d'à côté.
Alors que l'orchestre composé de ses pas, du bruissement de la robe et du crépitement des torches reprend, il est maintenant accompagné des hurlements atroces de la femme, consciente de sa mort imminente.
Mais elle ne se défend ni ne fuit, et Fera, plus froide que le marbre alentour, plante violemment sa lame dans la chaire de son ennemi, qui a comme seule protection une magnifique robe noire, mettant fin à ses cris.
Fera traverse alors la salle, et rejoint enfin la suivante.
Elle admire de nouveau sa tenue, en suivant des yeux les lignes et les taches de sang sur ses manches.
Elle entend de nombreuses portes claquer, et de nombreux hurlements plus ou moins lointains, mais parvient à contenir le flux changeant d'émotions qui la traverse. Enfaite, elle n'attend plus que trois choses à présent, encore une fois contradictoires ; être gagnée de nouveau par la froide euphorie qui s'était emparée d'elle quand elle tenait le couteau, planter de nouveau sa lame dans une nouvelle ennemie, et arriver au terme de cette étrange course d'événements.
Fera regarde successivement les deux portes entrouvertes face à elle, dans les angles. Elle ne voit bien sûr rien de la salle qui est derrière, mais elle a hâte d'entrer dans l'une d'elle pour de nouveau enflammer l'orchestre, au complet bien sûr.
Son visage devient soudain aussi blanc que sa robe, là où le sang ne la pas éclaboussée ; la porte de droite venait de s'ouvrir. Une belle femme, au regard vide, et à la robe noire trempée de sang, se tenait dans l'embrasure.
Elle fixe Fera, son couteau au manche de bois noir et aux reflets rouge dans la main, et une profonde lassitude dans le regard.
Fera saisit alors la situation ; plus jamais l'orchestre ne jouera.
Cette pensée trancha son cœur aussi violemment que sa lame avait tranché la chaire de son ennemie, et Fera tomba à genoux en lâchant son couteau.
Alors que la femme en robe noire marche vers elle, Fera ne hurle pas, car elle sait du fond de son être que seules reste des ennemies.
Non. Elle ne crie pas, elle pleure juste, avec un pincement au cœur en entendant jouer un autre orchestre, qui a pour chef l'ennemie de Fera qui s'avance pour la tuer.
- Je m'incline Thomas. Tu es décidément trop doué aux Dames. On refait une partie quand-même ?
- Avec plaisir ! Mais cette fois, je prends les blanches !
Texte 12 : @mjpomme
- Écoutes. C'est encore d'autres feux d'artifices ! S'écria le garçon émerveillé.
- Mais non, n'importe quoi. C'est des comètes. Une pluie d'étoiles filantes ! Fais un vœu.
- Un vœu ?
- Oui, tout ce que tu souhaites. Il y en a tellement, que le ciel exaucera tes prières. Même les plus folles.
- Je peux demander n'importe quoi ?
- Évidemment !
Il réfléchit un instant. C'est dur de trouver un rêve à demander au ciel. Il prit plusieurs minutes, puis chuchota son désir. Je veux devenir astronaute. Comme ça, je verrai les feux d'artifices depuis les étoiles. Papa m'a dit que tout le monde les regarde depuis là-bas. Ça doit être drôlement joli...
L'autre enfant lui agrippa la manche, pour le sortir de ses pensées.
- Allez, viens maintenant.
Ensemble, ils couraient. Ils sautaient. Ils crapahutaient de partout. Si vite que le vent écartait leurs mèches de cheveux égarées et faisait briller leurs yeux, plus précieux que de l'or. Si vite, qu'ils changèrent de monde. Une foulée de trop, et ils tombèrent sur une planète remplie de mystère. Autour de leur visage, une bulle d'air s'était formée. Une bulle de joie. Ils était euphorique.
- Regarde ! Mon vœu s'est réalisé, je suis astronaute !!
Son ami répondit par un rire sincère.
- Où sommes-nous ?
- Je ne suis pas sûr. Peut-être...
- Galaxia !
- Oui, voilà !
Le paysage changeait sous leurs yeux. Petit à petit, un nouveau décor absolument fantastique se dessinait dans l'air. Tout parut si évident. Au loin, les montagnes ressortaient comme des volcans en fusion. L'horizon froid et banal confondait ses couleurs avec celles des arcs-en-ciel. Au bord des nuages, on ne distinguait plus les pigeons, mais d'énormes dragons enflammés. Les trous dans la terre devenaient des cratères pleins de mystères. L'herbe était douce et chaque respiration avait un gout aussi sucré que gourmand.
Ils exploraient ce nouveau monde inconnu. Aussi grands que variés, des centaines de décors différents s'offraient au rire des enfants. Chacun de leurs pas animés un peu plus l'univers. Bientôt, ils grimpèrent dans leur vaisseau. D'autres auraient pu croire qu'ils s'étaient simplement assis dans la voiture cabossée de leur père, mais eux savaient la vérité. L'illusion du rêve était plus forte que celle de la réalité. Et ce monde-là paraissait plus réel.
Leur voyage était long, sans être épuisant. Ils examinaient chaque poussière nouvelle. Ils visitaient toutes les régions existantes. Arpentaient de multiples territoires. Naviguaient dans des centaines d'océans. Volaient au-dessus de milliers de contrées. Leur liberté était telle, qu'ils rugissaient avec les lions, nageaient avec les dauphins et chantaient avec les oiseaux. Dans ce jeu, la seule règle était de s'amuser.
Dehors, George fixait la scène. Il observait les deux enfants jouer. Il ne put s'empêcher de sourire devant leur enthousiasme. En fait, il les enviait. Il convoitait leur innocence. Leur insouciance. Il aurait voulu être comme eux. Il aurait aimé entrer dans leur jeu. Parcourir les étoiles. Il aurait pu revoir ceux qu'il aimait. Il aurait pu rire, les joues rosées et le cœur battant. Il aurait pu oublier. Mais son esprit d'adulte ne pouvait pas. Dans son monde, les bombes n'étaient pas des comètes ou des feux d'artifices. Les débris n'étaient pas des cratères. Les morts... Les morts n'étaient pas heureux. Son monde à lui était bien plus triste. Il aurait tout donné pour réussir à entrer dans leur jeu. À la place, une larme humidifia le sol. Il rit nerveusement en pensant à son fils. Lui, se dit-il, lui y verrait sûrement une goutte de plus dans l'océan à traverser avec son bateau.
Texte 13 : @Sacha_453
Le jeu
Alors qu'elle s'avançait vers les Portes, les conversations redoublaient d'intensité, et son anxiété avec. Elle avait attendu et imaginé ce jour toute sa vie, et maintenant qu'il était enfin arrivé, elle avait peur. Très peur.
Les hauts murs blancs la toisaient avec dédain depuis leur immensité, et elle se sentait toute petite et insignifiante. Bientôt, elle le savait, ils s'ouvriraient pour la laisser entrer dans un monde que bien peu d'humains avaient contemplé de leurs propres yeux. Le monde des Dieux. Un endroit mystérieux, qu'on aurait pu croire légendaire si l'Entrée du Temple n'était pas là pour rappeler sa réalité. Elle se sentit frissonner.
Bientôt, peut-être, elle siégerait parmi Eux.
Une fois tous les cinq ans, était organisé le Jeu. Une série d'épreuves destinées à nommer le prochain à occuper une place parmi les Dieux. C'était un rêve que beaucoup avaient, et que bien peu réalisaient. C'était une promesse de richesse, de pouvoir et de longévité. Un trésor caché derrière ces murailles dont tous connaissaient l'existence, et qui attiraient des humains de partout, et pour toutes sortes de raisons. Les plus courantes étaient pourtant la soif de gloire ou d'argent, ou la peur de la mort.
Elle n'avait que faire de ces choses. Si elle visait une place au sommet, c'était à cause d'une épreuve qu'elle avait subie il y a bien longtemps de cela.
Il y a un millénaire, elle avait perdu son statut de déesse. Elle avait été trahie par ceux en qui elle avait confiance, punie pour avoir commis un crime qui n'en était, à ses yeux, pas un.
Pendant des centaines d'années, elle avait erré entre la vie et la mort, son corps attaché dans l'Éath, la prison des Dieux, et son esprit qui menaçait de s'effacer dans les ténèbres. Elle savait qu'elle ne pourrait pas tenir éternellement. Alors, elle avait pris sa décision :
Elle avait décidé de renaître en tant qu'humaine, car c'était le seul moyen d'échapper à cette lente mais inexorable disparition.
Elle pensait que, une fois qu'elle aurait atteint l'âge requis, elle regagnerait sa place dans ce monde qui l'avait rejeté. Elle leur prouverait que la Déesse déchue pouvait gagner leur Jeu même sans ses pouvoirs. Après tout, avait t'elle songé, même si le prix à gagner était considérable, c'était avant tout un divertissement pour Eux, et personne ne se mettait en danger en participant. Grace à son expérience, elle pourrait participer autant de fois qu'il le faudrait et puis gagner à coup sûr.
La Déesse qu'elle était en ce temps-là était intelligente, un peu arrogante et très sûre d'elle. Elle ne doutait jamais.
L'humaine qui était née avait les souvenirs de la Déesse, mais pas son assurance. Et pourtant, elle avait poursuivi le but de sa précédente incarnation. Elle s'était entraînée dur, avait élaboré des stratégies, des plans. Elle avait pleuré, parfois, chose que la Déesse qu'elle était n'aurait jamais fait mais qui semblait aller de pair avec son humanité. Elle s'était blessée, avait eu peur, avait espéré.
Elle avait aimé de tout son cœur et haït de tout son être.
Du point de vue de sa vie humaine, elle avait quinze ans quand la tragédie avait eu lieu. Celle qu'elle aimait, une fille nommée Éléa, avait eu un grave accident lors d'une promenade en forêt. Ramenée au village en sang par l'un de ses amis, la jeune fille était passée dans l'autre monde quelques secondes après son retour, laissant l'ancienne déesse en deuil, assailli par un torrent d'émotion qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant.
Ce fut un moment décisif, crucial. En un instant son objectif, le but qu'elle poursuivait depuis sa réincarnation changea. Elle deviendrait une Déesse, oui. Mais elle ne le resterait pas.
Elle se sacrifierait pour faire renaître son seul et premier amour.
Les portes blanches s'ouvrirent en grondant. Elle redoutait le moment où elle allait revoir le Temple, cette fois, en tant qu'humaine.
Pourtant, ce qu'elle vit au-delà des murailles, ce ne fut ni la splendeur éclatante du domaine de Dieux, ni les Messagers qui venaient, habituellement, accueillir les participants. C'était une forêt touffue, avec de grands arbres à l'écorce sombre à l'aspect effrayant. Elle eut un mouvement de recul. Que se passait-il ? Elle regarda autour d'elle. Elle le voyait, bien des choses avaient changé en un millénaire. Les participants étaient, malgré la récompense, bien moins nombreux : une dizaine tout au plus. Malgré la première Sélection, ils auraient dû être une centaine.
Elle sentit une main sur son épaule.
"Te voilà de retour, Mana."
Elle se retourna. Rhan, Dieu du Siège d'Émeraude, se tenait là, portant un simple manteau d'humain. Dissimulé parmi la foule, il était passé inaperçu.
"Rhan ? souffla l'ancienne Déesse. Que fais-tu en dehors du Temple ?
Je suis venu t'avertir. Beaucoup de choses ont changé en un millénaire, bien plus que tu n'en as conscience. Le Conseil des Dieux s'est divisé, des désaccords ont éclatés. Et ces perturbations ont fini par impacter le monde des humains. Il y a eu des sècheresses, des guerres, des famines.
Je sais déjà tout ça, Rhan.
Tu le sais peut-être... commença le Dieu."
Son visage s'assombrit.
"Mais tu ne le comprends pas."
En un instant, il disparut, la laissant seule et désemparée. Qu'avait-il voulu dire ?
Ce ne fut que lorsqu'elle entendit le bruit qui augmentait qu'elle comprit enfin.
C'était un grognement bestial, sauvage et monstrueux.
Une à une, les Bêtes sortirent de la forêt. Leurs crocs luisants, leurs muscles saillants, leurs griffes aiguisées, leur taille gigantesque et leur soif de sang en avait fait les cauchemars des humains depuis la nuit des temps. C'était le rôle des Dieux de les maintenir emprisonnés.
Cette vue raviva un souvenir oublié, enterré. Un souvenir qui datait de sa vie de Déesse.
Elle, face à la cage des Bêtes, qui approchait la clé dorée du verrou de la prison. Puis l'ouvrait. Les créatures monstrueuses qui déferlaient sur les participants pour les dévorer un à un, les crocs déchirant sans merci les corps fragiles des humains. Puis une main devant son visage, qui s'agitait de manière étrange.
Non pas oublié. Effacé. C'était la main de Méchi, Déesse du Siège de Bronze, qui possédait la maîtrise de la mémoire.
Ce n'était pas un Jeu. Ça ne l'avait jamais été.
C'était un mensonge destiné à nourrir les Bêtes, dont les Dieux tiraient leurs pouvoirs.
Elle y avait pris part autrefois. Mais elle n'était plus la même.
Elle allait se battre, en tant qu'humaine, contre les Dieux et leurs manipulations.
Pour Éléa.
Encore une fois merci à tous pour votre participation !
Le/la gagnant(e) sera mis en avant :
- en haut de ce chapitre, avec son nom et le texte associé
- sur Facebook, avec son texte et son nom
- sur Instagram, mentionné avec tous les autres gagnants des précédents thèmes
Je me diversifie suite à vos demandes, j'espère que cela vous plaît !
Bonne journée à tous, et à très vite pour le nouveau thème !
Lauwern
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