Sixième Texte '' Une nouvelle vie pour lui ''
Texte de @MauraStonjal
La nuit noire teinte chacun des recoins des plus insoupçonnés de cette ville aussi calme qu'industrielle, lui donnant un aspect presque inquiétant.
Je scrute lentement mon environnement de mes yeux vairons qui ne m'ont jamais vraiment permis de m'intégrer dans cette société sans pitié dans laquelle je suis censée vivre.
Je me croyais condamnée à ce monde ennuyant comme tant d'autres de mon âge. Mais cela sera bientôt plus que du passé.
La brise hivernale qui tourmente sans cesse mes cheveux semble s'infiltrer dans mon corps entier sans le moindre scrupule, réduisant ma chaleur humaine à néant.
Pourtant, je refuse pertinemment de m'abandonner aux faiblesses que mon humanité évidente et serre fortement les dents pour ne pas grelotter.
Pas une seule seconde je doute de ma présence ici, je n'en ai pas le droit. Cela mettrait tout en péril.
Rien ni personne ne m'a donné rendez-vous ici mais je sais qu'il est là malgré tout, caché dans les entrailles de l'obscurité. Je l'espère en tout cas, sinon tout sera fini bien plus tôt que je ne le pensais. Pour lui comme pour moi. Et cela serait une catastrophe.
Il m'attend dans l'ombre depuis tellement longtemps sans que je ne m'en rende compte et je n'ai absolument pas le droit à l'erreur cette fois-ci. Cela me met une pression supplémentaire sur les épaules. Une de plus ou de moins ne changera pas grand chose n'est-ce pas?
Combien de vies n'a-t-il pas gâché pour me retrouver? Bien trop pour que je puisse rester la petite fille innocente que j'ai toujours été et fermer les yeux face à cette déchirante réalité.
Il y a à peine quelques jours j'aurais maudit l'existence éternelle qui m'attend de l'autre bout de cette route sur laquelle je porte à présent les yeux avec une insistance incroyable.
Elle semble tellement petite vue d'ici, en haut de l'immeuble le plus imposant de la ville. Et, croyez-moi, il y a bien de la concurrence pour cette place là!
Pourquoi aurais-je maudite ce genre d'existence? Tout simplement parce que je n'avais pas envie de vivre et revivre toutes les horreurs que m'amènent en permanence la vie que je suis forcée à vivre.
Pourtant, il a tenté de tout changer et a magistralement bien réussi son coup, comme prévu.
Comme quoi, même une tête de mule comme moi peut être convaincue par quelque chose d'impossible et interdit.
Je me pince fermement les lèvres tandis qu'une rafale de vent brosse lentement mes cheveux en arrière, faisant remonter les effets du vertige qui m'a toujours accompagné à travers la gorge.
J'ai la fâcheuse impression d'étouffer entre l'air pressante qui me remplit entièrement les poumons et la bile remontante qui me brûle lentement l'oesophage.
Il m'a fallu bien longtemps avant de décider ce que j'allais faire mais maintenant que je suis ici je remarque enfin que j'aurais dû le faire il y a déjà bien longtemps de cela. Mais il m'a fallu tout cela avant de m'en rendre compte.
Après tout, j'ai toujours une longueur de retard et y suis bien habituée.
Je recule de quelques pas décisifs pour m'éloigner un maximum du bord du toit qui me met tellement mal à l'aise, faisant disparaître la route de mon champ de vision bien plus limité que ceux de son espèce à lui.
Cela fait quelques bons siècles qu'il me cherche sans abandonner, s'accrochant à un espoir presque minime mais juste assez pour le pousser à continuer son chemin vers moi.
Chaque cent ans il se réincarne en une nouvelle personne, un nouveau loup-garou, jusqu'à ce qu'il ne trouve enfin son âme-sœur, personne que je suis censée être.
C'est comme cela que leur monde marche. Chaque loup-garou se réincarne au bout de cent ans, vivant les dix-huit premières années de chaque vie en tant que humain ordinaire avec une croissance ordinaire.
Ce n'est qu'à cet âge décisif de dix-huit ans qu'ils découvrent leur vraie nature et que les souvenirs de leurs vies précédentes leur reviennent.
Pendant les quatre-vingt deux autres années de leurs vies ils restent jeunes et cherchent désespérément leurs âmes-sœurs.
C'est la lune qui dicte leur prochaine apparence et désigne leur âme-sœur et j'ai eu la chance d'être choisie à mon tour.
Heureusement, celui qui partagera ma vie n'est ni une créature cruelle, ni une présence indésirable pour ses compagnons. Pas comme je l'ai toujours été en tout cas. Pour ma part, toujours été un fardeau pour ceux qui m'entourent.
J'affirme tout cela avec une certitude déconcertante mais, en réalité, je ne sais rien de lui tandis que, lui, il sait absolument tout de mon existence.
Il m'a trouvé mais on ne s'est croisés que trois ou quatre fois, si je me souviens bien en tout cas. J'ai un fâcheuse tendance à tout oublier, ce qui n'est pas vraiment pratique.
Mais ce que je n'oublierais jamais sont ses yeux bien plus noirs que l'environnement qui m'entoure de toute part en ce moment même.
Au tout début, ils m'ont fait tellement peur jusqu'à me repousser complètement. Mais, pour une quelconque raison inexplicable, une lueur dorée a tout changée.
Elle a traversé ses iris tellement particuliers pendant une minime fraction de seconde qui sera sûrement la plus mémorable de toute ma vie.
Puis, nous ne nous sommes plus jamais revus. Enfin, si.
Chaque nuit il a partagé mes rêves. Des plus banals aux plus intenses, il a toujours été là à mes côtés comme une statue muette et imperturbable, observant mes moindres faits et gestes avec une attention incroyablement forte. Comme s'il gravait chacun d'entre eux au plus profond de sa mémoire.
Nous aurons cent ans de jeunesse et aventures à couper le souffle devant nous quand je serais enfin totalement sienne, ce qui ne tardera pas à arriver si tout dépend de moi.
Cent ans incroyables à partager rien que tous les deux, cent ans avant de partir en cendres après, dans son cas, sept cent ans d'errance totale au sein de ce monde tordu et malsain.
Il a toujours été seul, seul survivant de tous ceux qu'il a toujours connu. Sept cent ans c'est long n'est-ce pas?
Les feuilles d'automne qui ornent le toit maussade et obscur tourbillonnent gaiement, ne tenant nullement compte de l'ambiance contraire qui les entoure.
Cela a le don de dessiner un petit sourire triste sur mon visage fin et élancé qui est à l'image de mon corps entier.
Mes lèvres naturellement rouges et joues rosées me donnent un air de petite fille qui est compensé par mes longues jambes recouvertes par un jean slim noir qui s'accorde parfaitement avec la nuit qui semble pouvoir m'avaler à chaque instant.
Seul mes yeux défigurent cet ensemble féminin et particulièrement captivant pour certains qui n'ont cessé de me le répéter jusqu'à ce qu'une garce du nom de Stacy ne décide de tout détruire.
Mais avec tout je veux vraiment dire tout. De ma fierté jusqu'à ma vie sociale. Je n'avais plus rien jusqu'à ce qu'il entre dans ma vie plus détruite que les plantes les plus asséchées du Sahara. Cela n'a fait que me laisser des cicatrices bien plus profondes et présentes que la douleur physique.
Je n'ai jamais été le genre de fille impulsive ou autre chose dans ce genre mais, cette fois-ci, je me lance sans le moindre regard en arrière, sans la moindre pensée pour ceux qui resteront probablement éternellement de ce côté de la ligne qui sépare les humains et les surnaturels, l'ordinaire et l'incroyable.
En face de l'immense immeuble sur lequel je me trouve s'étale une vaste plaine d'arbres plus hauts les uns que les autres qui saura sûrement combler le vide qui s'est creusé au plus profond de moi au cours des innombrables jours passés sans lui.
"Vole papillon, vole de tes propres ailes pour atteindre ton but le plus prisé et impossible. Vole sans te poser de questions papillon."
Je chantonne cette chanson qui eut été la seule chose qu'il m'a jamais dite de sa voix grave et rauque dont le moindre souvenir me fait toujours frissonner.
Pour moi, c'est presque un appel au secours, c'est pour cela que je suis ici ce soir, seule et abandonnée mais pas pour bien longtemps si je ne me trompe pas.
J'inspire une dernière fois, remplissant furtivement mes poumons de l'air frais et glacial qui m'entoure de toute part avant de m'avancer lentement vers le bord de l'immeuble, scrutant l'obscurité de la nuit avec mes yeux humains et vains.
Soudainement, un doute me fait vaciller tout autant comme la lumière projetée par le lampadaire à moitié cassé qui ne cesse de clignoter et attirer mon attention.
Le vertige reprend brusquement le dessus sur mes motivations, laissant une marée de questions exploser au sein de mon pauvre cerveau déjà martelé entre le bien et le mal bien avant tout cela.
Puis, je me ressaisis, serrant fortement les poings, et me lance enfin dans le vide avec un hurlement horriblement aigu que je n'aurais jamais pu imaginer auparavant.
Ma chute semble interminablement longue, jusqu'à ce que j'en perde presque espoir.
Ai-je faite une bêtise?
Tout genre d'images passent par ma tête. Des pires aux plus beaux et magiques. Je ne sais plus auxquelles me raccrocher si ce n'est celles de lui et des nombreuses formes lupines qu'il a toujours eu dans mes rêves les plus fous.
Mais ces doutes se dissipent aussitôt quand, tout à coup, un hurlement bestial se fait entendre au loin et qu'une figure humaine me rattrape tout en douceur, glissant les mains le long de mon corps pour me réceptionner avec une habilité déconcertante. Je me sens comme une légère plume que l'on fait s'envoler au rythme des brises de printemps les plus douces.
Me tête tourne horriblement mais je m'oblige malgré tout à rester consciente, clignant lentement des yeux.
Mon regard se pose enfin de nouveau sur le sien tandis qu'il me tient entre ses bras musclés et surhumains avec une facilité déconcertante.
Nos yeux se vrillent les uns dans les autres comme je n'aurais jamais pu l'imaginer tandis que les siens expriment une tendresse infinie que je n'aurais jamais pu soupçonner. Même dans mes rêves les plus fous ce n'était jamais aussi beau!
Un élégant sourire se dessine aussitôt sur mon visage, répondant immédiatement au sien et rehaussant légèrement mes pommettes rougies par l'intensité de ma chute.
-"Rentrons enfin à la maison petite princesse."
Est la seule chose qu'il me chuchote, me faisant frissonner de bonheur maintes et maintes fois en la fraction de quelques simples secondes.
Je le vois avancer vers la forêt qui devrait être noire et effrayante à mes yeux mais il n'en est rien. Pour moi, c'est le plus beau cadeau qu'on aurait jamais pu me faire.
Je ferme mes yeux et me pose lentement contre son torse recouvert par un léger tissu d'un rouge voyant dont je ne tente même pas de déterminer l'origine ou la nature.
Non. Plus rien n'a d'importance si ce n'est le moment présent que je savoure pleinement.
Je tourne enfin le dos à mon passé, sans pour autant l'oublier, pour avancer vers mon futur.
Et mon futur à moi, c'est lui. Et cela à tout jamais.
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Alors nous voici avec un texte plutôt original je dois dire. Tu abordes le sujet des créatures surnaturelles d'une autre manière qu'à celle à laquelle je pensais.
Au départ, le titre ne nous éclaire pas vraiment sur la suite des événements, mais une fois dans l'histoire, on comprend mieux ton choix de titre. Le loup-garou, se sert d'une humaine pour revivre encore quelques années en plus.
Tu nous places dans un décor plutôt sombre : il fait noir, froid, ton personnage est seule... J'avoue qu'au départ j'ai cru que la créature serait un vampire. En effet, tu nous dis qu'il fait un froid glacial et le froid est souvent associé aux vampires et tu nous parles d'une existence éternelle. Ce qui m'a mis sur la piste du loup-garou, c'est ta description de ces yeux noirs.
L'idée générale de ton histoire me rappelle celle de Sublimes Créatures. Quand la jeune fille voit l'homme en rêve. Tout comme dans les romans, le héros masculin, rêve de la jeune filles qui possèdent des dons.
La première chose qui nous vient à l'esprit quand tu nous décris une jeune fille seule sur le toit d'un immeuble, c'est le suicide. Mais en réalité, tout est beaucoup plus compliqué et c'est très bien.
En revanche, peut-être aurait-tu mieux fais de nous expliquer à nous, tes lecteurs, qu'est ce que sont les '' nouveaux loup-garous ''.
Au niveau de l'orthographe, je n'ai pas remarqué de fautes. Et le fait que tu espace assez fréquemment et d'une manière régulière, c'est très bien et cela aère ton texte.
Passons maintenant aux notes :
Originalité : 4/5
Orthographe : 4,5/5
Contenu : 4/5
Divers : 5/5
Cela nous fait donc un total de 17,5 /20. Bravo à toi et continue sur cette lancée :) les notes des autres jurées seront en commentaire.
PS : Il me manque toujours 3 textes ! Je laisse un délai de 3 jours pour les retardataires. Ce qui veut dire que j'aimerais avoir vos textes dernier délai dimanche 3 septembre. Si je n'ai rien, la prochaine que vous vous inscrivez à un concours, pensez au délai et à rendre dans les temps, votre projet.
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