Deuxième texte '' Nuit noire, yeux rouges ''

Nuit noire, yeux rouges de @Nymerhia

  Les branches sèches craquent sur mon passage. Les buissons trempés parla pluie me fouettent les flancs. Les feuilles colorées par l'automne s'envolent dans mon sillage. Les rayons de lune traversent le fin feuillage des arbres et éclairent le chemin devant moi. Dans le ciel, j'aperçois une myriade d'étoiles s'étaler et briller à travers les nuages. Je vois leur lumière, je les sens pulser. Elles sont vivantes, je le sais, car je discerne leur battements réguliers et lointains.

   Les troncs d'arbre se raréfient devant moi et j'atterris dans une clairière. La lumière de la lune m'inonde et je sens la force qu'elle me confère couler dans mes veines. J'ai l'impression d'avoir de la lave à la place du sang et du métal à la place des os. Je me secoue pour chasser les gouttes d'eau, arque mon dos et tends ma gueule vers le ciel. Je desserre mes mâchoires et pousse un long hurlement. Je crie longtemps et fort. Je veux que ma proie m'entende et qu'elle sache que je sais qu'elle m'a entendu.

   Demes pattes avant, je gratte impatiemment le sol. Enfin, je vois unlong serpent de brume onduler parmi les arbres. Il a donc traverséla clairière avant continuer sa course vers l'ouest. Je renifle latrace bleutée qu'il a laissé derrière lui. L'odeur est aigre : ila sué, autant de fatigue que de peur. Je suis bien heureux de voirles odeurs ; cette capacité me fait cruellement défaut sous maforme humaine. Je reprends ma course, me sentant plus puissant quejamais. Chaque pas que j'effectue s'imprime profondément dans laterre meuble. Je projette autour de moi des mottes de terre ainsi quedes débris de bois. Cette nuit, je n'ai qu'une certitude : il nem'échappera pas.

   Un lapin prend la fuite devant moi. En temps normal, je l'aurais déchiqueté d'un seul coup de dent, mais aujourd'hui, j'ai mieux à faire. Je savoure le roulement de mes muscles sous mon pelage gris.La transformation est à chaque fois douloureuse, mais elle vaut largement la peine. Jamais je ne me sens aussi libre que dans la peau du loup. Pendant trente pénibles jours, je dois supporter les hommes et leurs mesquineries et messes basses. Ensuite, durant une nuit, je deviens une machine à tuer, une beauté sauvage, une perfection de la nature.

  Je me rapproche de ma proie. J'entends ses halètements à quelques dizaines de mètres devant moi. Je peux presque voir la silhouette bleue se déplacer d'arbre en arbre, espérant me semer. Piètre tentative : le sentier qu'il a emprunté est tapissé de son odeur.Je la vois partout : sur la branche qu'il a écartée de la main, sur le caillou qui lui a roulé sous le pied, sur les molécules d'air enfin qui dansent autour de moi. Pour prolonger notre jeu, je pousse un glapissement afin qu'il sache que je ne suis plus loin. Sa réaction est immédiate : un nuage de sueur bleue explose au niveau de son torse et il s'emmêle les pieds dans une racine.

   Son cœur bat la chamade. Je le distingue d'ici. Pour un homme de son âge, il est en assez bonne forme. Je ne pensais pas que cette poursuite allait durer aussi longtemps. J'entends sa pompe à sang pulser dans un rythme irrégulier. Je la vois presque à travers la paroi de chair et de gras. Le son devient assourdissant, je pourrais croire qu'il s'agit de mon cœur et non du sien. Boum. Il se remet à courir plus vite. Boum. Ses pieds martèlent le sol. Boum. Il chasse la sueur qui lui coule dans les yeux du revers de la main. Boum.

  Je le vois s'arrêter brusquement. On a déjà fini de jouer ? Dommage.Je commençais à peine à m'échauffer. En m'approchant, je comprends pourquoi il ne court plus : nous nous trouvons aux pieds d'une falaise. Il tourne sa tête dans tous les sens. Il doit être à la recherche de mes beaux yeux. Dans un élan de clémence, je les lui montre. Il pousse un cri, effrayé par la vision. J'essaye d'imaginer à quoi cela doit ressembler de son point de vue : deux charbons ardents dans les ténèbres. Je suis content de mon effet.Lentement, avec grâce, je sors du couvert du buisson et me poste devant ma proie, un rayon de lumière dardé sur mon corps élancé.

   Ses pupilles s'élargissent sous le coup de la peur. Même si la fiction nous a quelque peu enjolivés, les loups-garous restent impressionnants. Non, nous n'avons pas une forme humanoïde. Non,nous ne marchons pas sur nos pattes arrières. Non, nous ne mesurons pas trois mètres de haut. Mais oui, nous avons de très longs crocs qui dépassent de la gueule. Et oui, nous apprécions le goût de la chair humaine. Mon ennemi s'en rendra compte bien assez tôt.

   J'observe l'homme devant moi. Je peine à croire qu'il m'ait causé tant de torts. Qu'il est l'un des assassins, des monstres qui ont tué mes frères et sœurs. Dire que cela fait dix ans qu'ils nous pourchassent. Dix ans qu'ils nous exterminent, un par un. Dix ans que notre nombre se réduit à chaque pleine lune. Dix ans que dure cette guerre. À la pensée de la mort des autres loup-garous du village,une vague de haine brûlante me submerge. Sans y réfléchir plus longtemps, je prends appui sur mes pattes arrières et plonge sur l'assassin de ma famille. Cette nuit, on échange les rôles : je deviens meurtrier et lui victime.

  Je retombe lourdement sur son torse. Nous roulons tous les deux sur le sol, mais je suis bien plus fort que lui. Très vite, je prends le dessus. Mes griffes labourent son ventre et ses bras. Je vois rouge.L'odeur du sang se répand dans les airs. Elle est d'un carmin éclatant. Mes dents se referment sur sa gorge légèrement fripée et broient muscles et tendons. L'homme gargouille en essayant de respirer. Je redresse la tête et le regarde fixement tandis que la vie quitte son corps. Ses yeux sont exorbités par la douleur et la peur. Enfin, il cesse de trembler. L'heure du festin est venue.

  Plus loin, à l'abri des arbres, j'entends une voix crier, mais je ne distingue pas ses paroles. Il faut dire que je n'y prête pas attention. Je dévore le cadavre, et le goût de la victoire s'ajoute à celui de la viande. Plus que deux à traquer. Après ça, je serai tranquille. J'aurais tué tous mes ennemis. Je serai le dernier loup-garou. D'une griffe, j'ouvre le ventre de ma proie et commence à me délecter de ses tripes. Les bruits de mastication résonnent aux pieds de la falaise.

-... réveille !

  Encore cette voix. Je sens qu'il est l'heure de partir. Je m'éloigne du corps, puis me retourne pour admirer mon œuvre. Il baigne dans des flaques de sang que j'ai avidement lapées. Des bouts de muscles et de viande pendouillent mollement ou traînent sur le sol. Je suis content du travail accompli. Soudain, je sens une présence à mes côtés. Je me fais surprendre par cette voix, et cette fois-ci, je l'entends parfaitement crier :

-J'ai dit, le village se réveille !

  J'ouvre les yeux. Des chaises sont disposées en rond. Sur ces chaises ne sont assises plus que deux personnes. Et moi. Par terre, les joueurs éliminés attendent la fin de la partie. À ma gauche, le maître de jeu s'impatiente. Devant moi, sur le sol, repose ma carte. Je n'ai pas besoin de la soulever pour savoir qu'un loup-garou y est dessiné.Décidément, je m'emporte trop quand je joue à ce jeu de société.



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  J'espère que l'image te plaît. J'ai essayé de trouver quelque chose qui puisse aider le lecteur à trouver la chute sans vraiment la dévoiler. Sans plus attendre voici ma critique. Celle des autres membres du jurys seront en commentaire ;)

Le titre m'évoqué plus un vampire ( pour les yeux rouges ) car pour moi les loups-garous ont les yeux jaunes. Le titre fait écho à une sorte de différence, de contraste et je ne sais pas si tu l'a fais exprès mais ton titre me fait penser au '' Le Rouge et Le Noir '' de Stendhal. 

En un mot, ton texte est SUPER !!! J'étais captivée par ton histoire. Elle m'a tellement transporter que j'avais l'impression d'être le loup-garou.  Tu utilises un vocabulaire tellement varié que j'ai l'impression qu'aucun mot n'est répété. Il y a un panel d'expressions et de mots recherchés. Tu as un style d'écriture incroyable. Tu arrives à faire ressentir au lecteur le sentiment et la sensation qu'éprouve le personnage. 

De plus, ton texte est très original par sa fin. Le loup-garou de Thiercelieux  ! Il fallait y penser ;) J'adore la chute !! Franchement bien trouvé. A aucun moment le lecteur ne peut deviner la fin ! Mais j'ai quand même chercher à trouver quelques indices : 

  - '' trente jours pénibles je dois supporter les hommes et leurs mesquineries et leurs messes-basses '' ( une référence sûrement au matin où chacun désigne une personne qui doit mourir )

 - '' qu'il est l'un des assassins qui ont tué mes frères et sœurs " '' village " ( clairement, la victime a désigné d'autre loup-garous et le dernier veut venger leurs morts )

- '' j'entends une voix '' ( un écho à la petite-fille ? ) 

L'originalité est renforcé par la couleur bleu que voit le loup-garou lors de sa transformation. Grâce à celle-ci, il peut voir où est passé le gibier. 

Il doit peut-être avoir des fautes orthographes mais je n'en ai vu aucune !!! Un texte sans fautes !!! Whaou !!! Et la longueur est respectée. 

Ça ne sert à rien que je mette le commentaire car je suis tombée amoureuse de ton histoire est pour moi c'est un 20 !!! Tout est parfait, tout y est !! Il y a du suspens, du gore et de l'humour !! Bravo à toi !!! 

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