"La vue

Au détour d'un parc entouré d'arbres aux milles yeux, vit un jeune homme.

Chaque jour, à la même heure, il se tient devant les mêmes immeubles sous le même ciel.

Chaque jour les hautes tours semblent être un peu plus loin et les arbres rachitiques un peu plus près de lui.

Il a pour habitude de se placer là, face au soleil qui descend doucement et de se couvrir les yeux de sa main tremblante. Il sait qu'il n'y a plus beaucoup de temps avant que ce paysage disparaisse dans la nuit. Il la connait très bien la nuit, c'est son amie.

Les rayons de lumière chatouillent son visage et le réchauffent. C'est devenu avec les années son emplacement. C'est sa vue. Sa vue à lui.

Chaque jour il entend des centaines de bruits autour de lui.

Un nid d'oisillons au-dessus de sa tête. Un harmonica et un gobelet avec quelques sous aux tintements sourds. Un bébé qui pleure. Il y a toujours des bébés qui pleurent. Des pas pressés, d'autres lents, qui frottent le sol. Des roues, des grincements de pneus, et des battements d'ailes.

Chaque jour les gens autour de lui ne le voient pas. Ils sont trop occupés sur leurs smartphones ou à discuter.

Ils ne le voient pas alors que lui si.

Il les écoute, il les observe, là, devant sa vue.

Il les voit alors qu'il ne peut pas voir. Alors qu'il est non-voyant."

De elodiedora.