Pour le concours d'écriture de Plume_de_Quartz !

Vous pouvez retrouver le texte dans mon livre de nouvelles.

TITRE: CENDRES DE VIE

J'ai toujours aimé courir.

M'élancer entre les nombreux arbres, slalomer entre les racines, inspirer, expirer, ressentir toute la forêt m'envahir et ne penser à rien, jusqu'à ce que la fatigue ne m'empêche de continuer à avancer.

Je m'arrête et reprends mon souffle, la gorge en feu. Ma cage thoracique se soulève rapidement, et un sourire satisfait nait sur mon museau.
Un incendie brûle à l'intérieur de mon corps, et tout ce que l'on peut en voir, c'est les cendres de mon pelage gris qui en ressortent.
C'est un incendie de vie.

Je songe à ma petite mission personnelle en regardant loin vers la cime des arbres, et je souris encore plus.

« Ça peut être dangereux, Nuage Cendré, avait dit Coeur de Feu »

Mais il n'y a pas de danger trop dangereux pour moi !

Griffe de Tigre a demandé à Étoile Bleue de venir voir quelque chose sur le chemin du Tonnerre, mais notre cheffe est trop malade pour ça.
Le lieutenant sera sûrement déçu de me voir débarquer, alors qu'il attendait l'arrivée de notre meneuse, mais je sais que je pourrai au moins le prévenir du fait qu'elle ne pourra pas venir.

J'aime être utile, savoir qu'on a besoin de moi, que j'aide et que je sers à quelque chose.
N'est-ce pas le rôle de tout chat de Clan d'être dévoué au sien ? Je brûle de désir pour le Clan du Tonnerre, j'ai envie qu'il m'aime comme je l'aime, qu'il m'accepte comme je l'ai déjà accepté des milliers de fois !
Ce Clan si parfait, j'ai envie d'en devenir une guerrière pour le servir jusqu'à ma mort, chasser pour lui, combattre pour lui, vivre pour lui.

J'aime être Nuage Cendré, la plus fervente de toutes les apprenties !

Je me remets à courir en direction du chemin du Tonnerre.
Je sais que Coeur de Feu me réprimandera sûrement d'avoir contourner son interdiction, mais aucun guerrier n'est disponible pour Griffe de Tigre, et mon mentor est lui-même trop occupé à ramasser de l'herbe à chat. C'est mon devoir d'aider lorsque l'on a besoin de moi !

Peu à peu, les arbres laissent filtrer la lumière en s'espaçant, et je sors de la forêt. Le large chemin du Tonnerre s'étend devant moi, gris, dur, effrayant...
...Et pourtant, le voir ainsi me donne une poussée d'adrénaline, et je cours vers Griffe de Tigre que j'aperçois au loin. Il semble mécontent de ma venue, et fronce les sourcils.

Je traverse un bout du chemin du Tonnerre pour le rejoindre, tandis qu'il fixe avec malaise un point derrière moi.

Je vois sa mâchoire tressauter, comme s'il se retenait de dire quelque chose. Lorsque je me retourne pour voir ce qui l'obsède autant, j'aperçois avec stupeur un Monstre me foncer droit dessus.
Sa carcasse rouge luisant, ses yeux me menaçant, il court vers moi.

Je sais qu'il va me manger...
Je ne bouge pas. Je suis bloquée, envoûtée par cette chose qui veut ma mort...
Mes membres sont engourdis, et je n'ai que le temps de faire un imperceptible et inutile pas en arrière, avant de sentir mon corps s'envoler au loin après s'être fait percuté par la créature.

Je virevolte dans les airs de la même façon dont je virevoltais dans la foret. Ma retombée au sol se fait par un choc sourd, et le bruit que je fais en atterrissant violemment par terre résonne longtemps dans mes oreilles.

Les yeux à demis-ouverts, alternant entre une vision brouillée de larmes et le noir complet, je n'arrive pas à voir ce que l'on a fait à ma patte. Existe-elle seulement encore ?
J'en doute.

Quel genre poison est-il capable de me faire autant souffrir ? J'ai l'impression qu'à chaque respiration, tout un Clan de Monstres me roulent sur cette patte, me la déchiquettent en morceau, l'arrachent, encore, ils la piétinent, me piétinent.

Elle flambe, cette patte meurtrie, qui me meurtrit moi. J'essaie de respirer, mais je n'y arrive plus.
Je ne sais même pas si je suis debout ou assise, écroulée contre le sol de la forêt ou allongée sur le chemin du Tonnerre, encore exposée à ces Monstres qui s'amusent en me torturant l'âme et le corps.

Des voix retentissent autour de moi, j'entends Coeur de Feu.
Ça m'apaise. Mais si ça ce trouve, je n'ai fait qu'inventer sa voix pour me calmer.

Je sens un liquide se répandre tout autour de moi. Il est épais.

Ce n'est pas de l'eau.
De toute façon, je suis bien trop loin de la rivière.

Et bon sang, arrêtez de me trainer de cette façon, je vous en supplie !
Vous empirez ce mal qui me ronge, moi, ce mal qui fissure l'os de cette patte, cette patte qui s'émiette jusqu'à n'être qu'une boule de poils meurtrie.

Je suis en feu. Un incendie de douleur.
Mais lorsque cette flamme aura disparue, qu'est-ce qu'il restera de ma flambante existence...?

Juste un pauvre amas de cendres de vie, brûlantes, qui se refroidiront et deviendront froides et austères comme toutes les autres ?

On me parle.
Je ne veux pas parler.
Je veux juste que vous éteignez ce feu qui me martyrise.

Il me brûle.

1ère place 😋