- Ça ne va pas ? demande t-il en regardant ma tête puis en me prenant dans les bras.

J'y suis bien, je n'ose pas bouger. Je lui réponds dans son cou :

- Si, ne t'inquiète pas, tout va bien.

Je n'y crois pas vraiment mais que puis-je dire d'autre ? Cindy est devant avec ses copines, nous regardant d'un air mauvais. Je sais que je viens de signer mon arrêt de mort en me blottissant contre Noah.

Je n'avais jamais pris en compte ce que pouvais ressentir les filles qu'on harcèle. Quand j'étais au collège, je passais inaperçue, je n'étais ni populaire ni martyrisée. En entrant au lycée j'ai eu la chance, enfin ce que je pensais être de la chance, et suis devenue assez rapidement populaire. Pour moi lorsqu'on se moquait de Floriane ou d'Emeline par rapport à leurs poids ou à leurs vêtements pour l'une trop serrés et laissant apparaître ses bourrelets et pour l'autre des fringues trop larges cachant la moindre forme, ce n'était pas méchant. Et pourtant lorsque je suis arrivée et qu'on m'a jugée sur ma tenue, j'ai compris que la moindre réflexion pouvait nous mettre à mal.

Je me détache à regret de Noah devant rejoindre mon enfer personnel : le lycée et ses élèves. Lorsque je m'écarte je remarque que Cindy et ses copines ont leurs téléphones en main et sont pliées de rire. Je me sens vite parano et ai peur que ce soit pour moi. Mais que peuvent-elles bien me faire ? Après tout elles n'ont rien sur moi si ?

En première heure, nous avons philo. J'essaie de me faire toute petite et d'être invisible mais c'est peine perdue. Tous les regards sont braqués sur moi sans que je n'en connaisse la raison. Je ne suis pas habillée vulgairement, enfin d'après leurs critères, aujourd'hui. Je les entends murmurer et je sens une boule se former au fond de moi.

Mon téléphone sonne, merde j'ai oublié de le mettre en vibreur. Les yeux me scrutent davantage, certains ont un sourire malveillant aux lèvres. Que comptent-ils me faire ?

* Numéro inconnu : Tu le connais depuis 5 minutes et tu t'le fais déjà, ça fait pitié*

* Numéro inconnu : Salope*

Ils vont pas arrêter ? Mon téléphone continue de vibrer, m'annonçant de nouveaux messages.

*Numéro inconnu : Si j'te donne 5€ tu m'suces aussi ? *

Qu'est ce qui a bien pu être raconté sur moi pour que je reçoive ce genre de textos ? Je jette un coup d'œil vers Cindy qui rigole comme une pintade avec ses groupies.

* Numéro inconnu : Tu vois c'est ça le pb, quand tu baises avec n'importe qui, personne te respecte*

* Numéro inconnu : Si tu baises avec Moreau peut-être que tu seras mieux notée ... *

* Numéro inconnu : Traînée *

*Numéro inconnu : Grosse pute *

En ayant assez et étant encore sur le point de fondre en larmes, j'éteins mon portable et tente de me concentrer sur le cours. Alors que l'heure se termine un surveillant entre et me demande de rejoindre le bureau du Proviseur. J'angoisse, je ne vois pas pourquoi je serais convoquée. Mais je compte bien lui montrer les messages, quelque chose doit être fait. Je ne pourrai pas supporter ça bien longtemps. D'ailleurs qui le pourrait ?

La secrétaire me fait patienter sur une chaise. J'attends une heure, deux heures. Il ne m'appelle pas avant onze heures, je ne comprends pas l'intérêt de venir me chercher à neuf heures moins dix s'il n'est pas disponible à ce moment-là. Mes mains sont moites, je les essuie sur mon legging avant de tendre ma main à cet homme plutôt impressionnant. Il me rend une poignée de main dynamique et son regard est fermé. Je sens que je vais passer un mauvais quart d'heure alors que je n'ai rien fait de mal.