40. Maliah - Entre rêve et réalité

Maliah dormait d'un sommeil sans rêve quand soudain, elle ouvrit les yeux. Elle ne ressentait rien. Son corps, aussi léger qu'une plume, ne la faisait plus souffrir et il lui fallut user de toute sa concentration pour se rendre compte qu'elle était en mouvement. Un étrange ballotement agitait ses bras et ses jambes au rythme d'un claquement de talons sur le sol. Où était-elle ? Qui était-elle ?

Ses cheveux lui tombaient sur le visage en un rideau brun qui lui masquait la vue. Incapable de bouger, la gorge en feu, elle ne réussit qu'à entrouvrir des lèvres craquelées par la soif sur un cri muet. À chaque nouveau pas qui lui agitait les membres, elle sentait la douleur ressurgir et très vite, ce qui n'était au départ qu'un fourmillement dans ses mains devint un brasier ardent lui rongeant la peau. Son corps s'embrasait, elle prenait feu !

Maliah voulut hurler, se débattre, mais tout autour d'elle n'était que noirceur et ténèbres. Incapable de s'exprimer, aussi démunie qu'un nouveau-né, elle laissa des larmes invisibles dévaler ses joues brûlantes d'une fièvre imaginaire.

Plusieurs minutes ou bien plusieurs heures plus tard elle se rendormit enfin dans la douceur moite de sa couette et le moelleux de son oreiller. Ce n'était qu'un cauchemar, rien qu'un affreux cauchemar...

* * * * * * * * * *

C'était le jour de la rentrée. Parfaitement réveillée depuis plus les premières lueurs de l'aube, Maliah attendait avec impatience une heure adéquate pour se lever. Quand son réveil finit par afficher six heures et demi, n'y tenant plus, elle sauta hors de son lit. Sans faire de bruit pour ne pas s'attirer les foudres de sa marmotte de sœur, l'adolescente rejoignit la cuisine sur la pointe des pieds. Elle ne fut même pas surprise de trouver sur la table des tartines déjà prêtes et son bol de chocolat dans le micro-onde.

Cling ! Le tintement de l'appareil retentit dans le silence de la maison. L'oreille tendue, la lycéenne sourit en constatant que personne ne semblait avoir été réveillé. Pour une fois, elle était sereine avant un jour de rentrée comme si rien ne pouvait l'atteindre. Elle n'y pensait même pas encore, savourant simplement l'instant présent et profitant du sucre de la confiture sur ses lèvres.

Une fois ses affaires rangées dans le lave-vaisselle, elle regagna sa chambre. Son sac était prêt depuis la veille ; elle le jeta sur ses épaules et se rendit dans la salle de bain. Elle passa les cinq minutes suivantes à démêler ses longs cheveux bruns et à les tresser, puis elle se nettoya le visage avant de quitter la pièce. Un petit mot d'encouragement trônait sur le meuble à chaussures de l'entrée. Attendrie, Maliah s'empara d'un stylo et griffonna à son tour quelques gentillesses avant de sortir. L'air frais du matin la fit frissonner malgré sa veste.

Le soleil commençait à peine à se lever, la jeune fille avait plus d'une demi-heure d'avance. Marchant sans vraiment regarder où elle allait, elle se perdit dans ses pensées, passant en revue les visages de chacun de ses amis. Quand les doux traits basanés et les courts cheveux blonds de son meilleur ami s'imprimèrent dans son esprit, elle ne put s'empêcher de sourire. Le simple fait de revoir Nate la remplissait d'allégresse. Le jeune homme avait beau n'avoir jamais rien eu d'autre envers elle que des gestes d'amitié, elle n'avait pu s'empêcher de tomber sous le charme dès les premiers jours.

Ce fut donc la tête ailleurs que Maliah franchit le portail du lycée. Bien que la cour fût presque vide, ses amis l'attendaient déjà près d'un banc. L'adolescente s'empressa de les rejoindre alors qu'ils agitaient leurs bras pour attirer son attention. Elle embrassa chacun d'entre eux avec entrain, cherchant malgré elle l'élu de son cœur du coin de l'œil. Quand enfin elle arriva devant lui, dernier de la bande à s'approcher, elle se sentit parfaitement ridicule. Incapable de s'avancer comme elle aurait dû le faire, les yeux rivés sur ses baskets grises, elle se troubla.

Bon sang, ressaisis-toi Maliah ! se morigéna-t-elle en portant un pouce rongé à sa bouche.

« Tu m'as manqué cet été », souffla une voix qu'elle n'avait pas entendue depuis deux mois.

Était-ce possible que... ?

Une main chaude lui saisit le menton et l'obligea à relever la tête. Nate plongea ses yeux bruns dans les siens et sans rien ajouter, l'embrassa. Au septième ciel, l'adolescente profita de ce simple contact comme de l'arrivée d'un miracle attendu mille ans. Renonçant à réfléchir, elle accentua simplement la pression, nouant ses doigts contre la nuque du jeune homme. Ils restèrent ainsi quelques secondes puis se séparèrent, les joues en feu. Main dans la main ils suivirent leur groupe d'amis jusqu'au panneau d'affichage des classes. Personne n'avait réagi comme si ce qui venait de se passer n'avait rien d'anormal.

Mais l'était-ce vraiment ? Après tout, elle l'aimait depuis toujours, alors pourquoi ne seraient-ils pas ensemble ?

Comme dans un rêve, la journée passa en accéléré. On leur distribua leur emploi du temps et on leur servit les quelques discours habituels sur la discipline et la propreté des locaux. Entre deux cours, le groupe d'amis échangeait ses souvenirs de vacances et bien que tous fussent partis sur le continent à l'exception de Maliah, c'était elle qui paraissait la plus épanouie après ces deux mois de repos.

À cinq heures tapantes, la dernière sonnerie retentit. Cette fois, pas d'effusion de larmes ni de mots maladroits devant la grille, mais quelques saluts de la main et de nombreux sourires. Et puis, bercée par les piaillements autour d'elle, l'adolescente se pencha vers Nate pour un dernier baiser...

Elle y repensait encore au moment de s'endormir, un sourire béat collé sur les lèvres.

* * * * * * * * * *

Maliah ouvrit les yeux. Se retenant de hurler tant respirer lui faisait mal, elle réussit à tourner la tête vers la droite de quelques centimètres. Il n'en fallut pas plus pour qu'elle l'aperçût. Les paupières closes, il était là, veillant sur elle comme l'aurait fait un ange gardien. Elle devait le réveiller, lui dire qu'elle était là, mais à peine commença-t-elle à bouger les lèvres qu'une douleur vive envahit sa poitrine. Son cœur s'arrêta et sans avoir pu prononcer le moindre mot, elle sombra de nouveau...

* * * * * * * * * *

Au réveil, Maliah était malade. Prise de nausées, elle eut à peine la force de prévenir ses parents et d'envoyer un message à ses amis. Clouée au lit, fiévreuse, elle somnola le reste de la journée, voguant de cauchemars en cauchemars. Dès qu'elle s'endormait, c'était pour se réveiller dans un autre monde où tout était souffrance, hurlant à plein poumons des propos incompréhensibles et se débattant tandis qu'une main glacée et des yeux emplis de tristesse l'obligeaient à rester couchée.

Était-elle en train de mourir ? Comment une simple grippe pouvait-elle l'affaiblir autant ? Elle brûlait dans ses draps mouillés.

Il lui fallut une semaine pour être à nouveau sur pieds. Assise à la table de la cuisine, elle dévorait son petit-déjeuner comme si rien ne s'était passé. Elle avait hâte de retourner en cours et de revoir Nate, Clarie et les autres. Ce qui s'était passé n'était déjà plus qu'un mauvais souvenir, un rêve lointain...

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