Maliah se réveilla en sursaut. L'impression que sa maison tremblait sur ses fondations la saisit au ventre tandis qu'elle s'accrochait bien vainement à son oreiller. Comme sur un bateau en pleine tempête, elle tanguait de la droite vers la gauche et il lui fallut toute sa concentration pour ne pas vomir. Les yeux fermés, elle inspirait, puis expirait aussi lentement que possible tout en se demandant ce qui se passait. Elle avait beau ne pas être facilement impressionnable, elle se sentait comme une poupée de chiffon qu'un enfant secouait à sa guise.

Moins d'une minute plus tard, tout s'était arrêté.

Se pensant victime d'une hallucination, l'adolescente se laissa aller sur le dos en soupirant. Elle avait encore fait ce rêve étrange. Toujours le même depuis pratiquement un mois. Un jeune homme au visage flou, mais avec un regard si profond, si bleu, qu'elle ne manquait pas de s'y noyer dans tous les sens possibles du terme à chaque fois qu'elle les voyait. Et comme toujours, elle n'arrivait pas à donner un sens à ce que ses songes lui montraient.

Était-il le simple produit de son imagination débordante ?

Un inconnu croisé un jour dans la rue?

Un de ses anciens amis à présent oublié ?

Aucun nom, aucun trait ne lui apparaissait bien qu'elle se tordît les méninges chaque matin et comme par miracle, à peine cinq minutes après être sortie du lit, Maliah oubliait tout de ce mystérieux inconnu jusqu'au réveil suivant...

Il faisait merveilleusement bon alors que l'adolescente pratiquait quelques échauffements au bord de la piscine. Un grand écart presque complet, une dizaine de roulements d'épaule, se pencher d'un côté, de l'autre, puis soudain, sans crier gare, elle atterrit dans un plongeon plutôt médiocre au milieu de ses parents et de sa sœur. Elle n'avait pas de compétition ce jour-là, mais elle comptait s'entraîner un peu tout en profitant de sa famille. La dernière fois, la victoire lui était passée sous le nez à quelques dixièmes et elle comptait bien gagner au moins une place sur le podium le weekend suivant.

Au milieu des rires, elle nagea jusqu'au bord pour rejoindre la piscine de compétition. En s'appliquant cette fois, elle effectua un plongeon presque parfait : son corps décrivit une courbe délicate, elle pointa ses orteils et ce fut à peine si quelques gerbes d'eau jaillirent de la surface du bassin long de cinquante mètres. Maliah parcourut la première longue en quelques brasses calmes et après plusieurs allers-retours rapides, elle rejoignit sa sœur qui l'attendait sur un bord. Elle lui avait promis de lui apprendre à plonger, mais après une dizaine d'essais, aussi découragées l'une que l'autre, elles finirent par renoncer et préférèrent se battre à coup de bouées en riant. Ces temps-ci et pour son plus grand bonheur, la bonne humeur régnait partout autour de la jeune fille.

Le moment tant attendu était arrivé. Debout au-dessus du numéro quatre, Maliah était prête à s'élancer. À peine le coup de sifflet eut-il retendit que des cris d'encouragement résonnèrent et que l'eau devenait son élément. Humaine transformée en sirène, elle lançait ses bras aussi loin qu'elle le pouvait dans des mouvements fluides et rapides. Deux-cents mètres plus tard et le corps vidé de toute son énergie, l'adolescente rayonnait sur la première marche du podium. Elle avait rêvé ce moment si souvent que des larmes de joie coulaient sur ses joues. Un grand sourire aux lèvres, elle laissa ses parents la serrer dans leurs bras tandis que leurs paroles ne l'atteignaient même plus. Elle était complètement hors du temps, au septième ciel !

Mission : voyeuses. Accompagnée de son amie d'enfance qu'elle n'avait pas revue depuis six mois, Maliah s'étala paresseusement sur sa serviette au bord du lac d'Illun. À cette période de l'année, beaucoup de citadins y venaient pour profiter des rayons chaleureux du soleil sans toutefois trop s'éloigner de la ville. Clarie lui avait proposé de se revoir dans ce lieu clé de leurs années de collège et elle avait accepté avec joie.

Épaule contre épaule, les deux filles riaient aux éclats. Tout en essayant tant bien que mal de rester discrètes, elles commentaient les tenues et musculatures de chaque adolescent et homme qui passait devant elles. Elles les trouvaient tous plus charmants les uns que les autres sans pour autant s'attarder sur l'un d'entre eux en particulier.

Une lueur étrange attira l'attention de Maliah. Après avoir prévenu Clarie, elle s'éloigna de quelques pas et repéra sous les galets un étrange objet : une pierre aussi transparente qu'un glaçon et aussi brillante qu'un diamant. Sans savoir pourquoi, l'adolescente sentit que cette découverte avait une importance capitale, mais quand elle rejoignit son amie pour la lui montrer, cette dernière se contenta de hausser les épaules lui prêter attention.

Ce ne fut que le soir que la jeune fille y repensa. En déballant ses affaires, elle retomba sur la pierre qu'elle déposa avec délicatesse sur sa table de chevet. Le lendemain, elle avait disparu et Maliah l'avait oubliée. Une nouvelle journée chaude commençait et Clarie l'attendait déjà à la porte.