10. Amandine - Manigances passionnelles
La tête posée sur ses pattes avant croisées, la queue enroulée contre son flanc, Amandine observait Mickaël. De profil, assis sur le rebord du lit, il avait les yeux fermés et semblait en pleine méditation. Les bougies qui éclairaient la chambre projetaient de grandes ombres sur sa peau et lui donnaient une apparence mystique. Immobile, le visage levé vers le plafond, il ressemblait à un dieu déchu, si beau et si attirant qu'il ne pouvait être réel.
L'hybride changea de position. Tout son corps lui soufflait de se jeter sur cet homme au charme irrésistible et d'en faire son amant, mais elle devait tenir bon. Elle ne devait pas céder à ses pulsions, car cette nuit, elle voulait des réponses. Un mélange d'insécurité et d'inquiétude habitait son cœur depuis plusieurs jours et cette fois, elle ne cèderait pas aux appâts de l'amour avant d'avoir obtenu satisfaction.
« Allez, viens près de moi, lui susurra Mickaël, les paupières toujours closes. Ce serait plus facile de discuter face à face comme deux êtres humains, non ? »
Une veine saillait sur sa tempe, signe de son agacement.
Tu sais très bien que si je me transforme et que je te rejoins sur ce lit, on ne va pas parler du tout.
Sous sa forme animale, Amandine communiquait par télépathie. Sa gueule, tout comme ses cordes vocales, n'était adaptée qu'au rugissement et au feulement et elle s'avérait incapable d'émettre les sonorités et intonations propres aux humains. Les premières fois, elle avait trouvé cela extrêmement troublant. Elle n'avait pas supporté de rester panthère plus de quelques minutes, mais une fois que Micka lui avait appris à communiquer par la pensée, elle avait adopté ce corps et avait définitivement abandonné son hybridité.
La télépathie requérait de l'entraînement et de la concentration et il lui avait fallu plusieurs mois pour en maîtriser toutes les subtilités. La première chose à faire était d'ouvrir suffisamment son esprit pour détecter ceux des autres personnes à proximité et une fois le lien psychique établi, et à condition que l'hôte ne fût pas hostile, le message pouvait être envoyé. La première communication était toujours la plus coûteuse en énergie, car elle permettait de mettre en place la connexion, puis ensuite, cela devenait aussi facile que de penser.
« Tu sais, sourit Mickaël en se tournant vers elle, que tu réfléchis si fort que j'entends tout ? »
Le plus dur était ensuite de faire le tri entre ce qui devait rester dans notre tête et ce qui devait être transmis et comme le soulignait son interlocuteur, elle avait encore des progrès à faire.
Tu as gagné.
La fille-panthère se redressa. Elle étira ses pattes, griffa la terre sèche et s'avança vers son interlocuteur d'une démarche souple. En un battement de cil, elle était redevenue humaine. Malgré sa petite taille, elle dominait l'homme qui la dévisageait, un sourire narquois au coin des lèvres. Toujours assis au bord du lit, il croisa les bras, la défiant de lui résister, mais maligne, Amandine recula d'un pas et évita son regard. Elle savait très bien ce qu'il cherchait à faire et elle ne se ferait pas prendre.
« Parlons alors, lança-t-elle avec sa fougue habituelle.
— Tu ne voudrais pas me reg...
— Non. »
Pour ne pas se laisser déconcentrer, la jeune fille ferma les yeux. Appuyée contre le mur, la flamme d'une bougie toute proche de son visage, elle inspira, puis expira à plusieurs reprises pour garder la maîtrise de ses émotions. Elle savait à quel point Mickaël était doué pour faire disparaître ses peurs et ses doutes, mais cette nuit, elle ne voulait pas se laisser aller. Cette nuit, elle voulait savoir la vérité.
« Tu m'as trompée, souffla-t-elle d'une voix qui lui fit pitié à elle-même. J'ai rencontré Colleen.
— Ce n'est pas ce que tu...
— Je sais ce que j'ai vu et crois-moi, une femme sent ces choses-là. Tu l'as charmée, tout comme tu l'as fait avec moi, il n'y a aucun doute. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi ? Pourquoi, alors que je fais déjà tout pour toi, tu as besoin d'une fille comme elle ? Qu'est-ce qu'elle t'apporte de plus ? Je t'ai déjà offert tout ce que j'ai, j'ai même sacrifié mon ancien amour pour toi ! Et Dylan... Cette fille, elle l'a... »
Sa voix se brisa alors que les images de cette maudite nuit deux semaines plus tôt lui revenaient en mémoire. Sa mission était pourtant simple : aider la fille-colombe à tuer ce mage vent en lui arrachant son cristal. Comment cela avait-il pu si mal tourner ?
« J'ai essayé de l'en empêcher, mais elle était hors de contrôle, continua-t-elle. Elle avait l'air possédée, c'était comme si... j'ai cru qu'elle allait me tuer moi aussi.
— Je t'aurais protégée. »
Les yeux toujours fermés, Amandine sentit le souffle chaud de Mickaël sur son visage. Ses mains douces se posèrent sur ses épaules et alors qu'elle aurait voulu se dégager, le mur dans son dos l'en empêcha. Une vague de bienveillance la traversa.
« J'étais avec Maliah à l'escrime ce soir, Colleen est toujours là.
— C'est elle qui te l'a dit ?
— Non, bien sûr que non, Maliah ne sait rien. Mais le comportement de Colleen la perturbe, elle est... trop différente de Léanne. »
Elle aurait voulu se taire, garder son amie en dehors de ça, mais les mots sortaient malgré elle.
« Quelque chose d'autre te perturbe », murmura Mickaël.
Il glissa ses doigts dans les boucles cuivrées de la jeune fille, frôla ses lèvres. Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale d'Amandine qui ne put s'empêcher de gémir.
« Attends, je n'ai pas... »
Elle se sentit basculer et en un pivotement, elle était étendue sur le lit.
« Tu n'as pas ? »
Il jouait avec elle. Quand elle ouvrit les yeux, ce fut pour plonger dans ceux gris pâle de Mickaël. Malgré elle, elle sentit les dernières onces d'incertitude qui l'habitaient encore la quitter.
« Je... je ne... Clarie est morte aussi. Elle était devenue incontrôlable apparemment, un peu comme Colleen...
— Et tu sous-entends que ?
— Je pense que... »
Incapable de terminer sa phrase, Amandine se mordit l'intérieur de la joue. Les mains de Mickaël s'étaient frayées un chemin sous son tee-shirt et il prenait un malin plaisir à caresser son ventre. Ses doigts froids glissaient sur sa peau brûlante, frôlaient sa poitrine, puis redescendaient lentement pour danser sur l'élastique de son pantalon.
La respiration de la jeune fille accéléra. Un instant, elle crut qu'elle allait perdre le contrôle, mais l'image d'une Colleen riant aux éclats et tournoyant sur elle-même pour se moquer d'elle, lui remit les idées en place. Elle devait savoir. Que s'était-il passé entre eux ? Aimait-il cette fille ? Le cœur d'Amandine se serra.
« Dis-moi la vérité, supplia-t-elle, avez-vous... as-tu... ? »
Mickaël se figea. Elle sentit son corps s'alléger alors qu'il se redressait et qu'elle détournait la tête pour rompre le contact. Malgré elle, les larmes lui montèrent aux yeux.
« Regarde-moi, intima-t-il. Je te promets de rester tranquille. »
Il voulait dire par là qu'il n'userait pas de ses pouvoirs pour la calmer. Elle hésita.
« Amandine, chérie, fais-moi confiance... »
Ce fut la fêlure dans sa voix qui la fit flancher. Elle s'assit à son tour et le dévisagea enfin. Dans la pénombre, sous la danse envoûtante des flammes des bougies, il était beau. Si beau qu'elle en eut le souffle coupé. Et à cet instant-là, elle sut. Elle sut que quoi qu'il s'apprêtât à lui dire, elle l'aimerait toujours.
« Je t'aime, Amandine, reprit-il d'une voix sérieuse. Et oui, j'ai fait certaines choses avec elle. Certaines choses dont je ne te parlerai pas. Tu dois me faire confiance, j'ai fait ce qu'il fallait pour le bien de notre cause.
— Alors tu l'aimes aussi ?
— Elle est des nôtres à présent, il faut que tu l'acceptes.
— Mais...
— Mon cœur est assez grand pour deux, tu sais ? »
La jeune fille baissa la tête, vaincue. Cela faisait deux ans qu'elle fréquentait Mickaël et si elle avait toujours su qu'elle ne le garderait pas éternellement pour elle, – il ne s'en était jamais caché –, la douleur n'en était pas moins cuisante.
Il passa une main sous son menton pour lui faire lever les yeux, repoussa tendrement derrière son oreille une boucle rousse rebelle qui revint aussitôt à sa place. Amandine se laissa faire quand il la tira vers lui et se positionna dans son dos. L'arrière de la tête appuyée contre son torse, le regard dans le vague, elle cala sa respiration sur les battements de son cœur.
« Promets-moi, chuchota-t-elle, que je serai la première à devenir comme toi.
— Tu as ma parole. »
Il lui mordilla l'oreille. Elle leva les bras pour le repousser, se pencha pour se dégager. D'une main, Mickaël enserra les poignets de la jeune fille tandis qu'il glissait l'autre sous son pantalon. Elle gémit lorsqu'il la caressa.
« Micka... »
Il jouait, revenait, s'éloignait, revenait encore. Son dos s'arqua. Il resserra sa prise et bloqua ses jambes avec les siennes.
« Tu es mienne », murmura-t-il.
Le visage enfoui dans ses cheveux, il avait le souffle court. Amandine sourit devant cette victoire, retint un nouveau cri en se mordant les lèvres. Une vague écrasante d'amour et d'ambition l'atteignit à la poitrine et lui fit perdre le contrôle.
« C'est quoi la suite du plan ? »
Couchée contre Mickaël, la jeune fille fixait le plafond de bois et de chaume sans le voir. Ses doigts mêlés à ceux de son amant, elle flottait dans une bulle de plénitude.
« On reste discrets. On laisse passer Noël, on attend que les choses se tassent et à la rentrée, on s'y remet. Il y a eu beaucoup de morts ces derniers jours, ne prenons pas de risques.
— D'accord... »
Amandine se redressa pour l'embrasser.
« Dans ce cas, murmura-t-elle en faisait glisser ses doigts le long de sa mâchoire, profitons-en, la nuit n'est pas encore finie... »
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