Chapitre 5 Colères

Richelieu descend tranquillement les marches de l'escalier depuis son bureau, quoi qu'un peu claudiquant depuis sa mésaventure de l'avant-veille. Il se fait trop vieux pour ces sorties et n'a jamais vraiment apprécié le manque de confort des calèches. Louis lui a proposé, un sourire sur ses lèvres, de voyager sur un cheval mais le cardinal n'y tient pas particulièrement non plus. Le dernier entretien qu'il a eu avec le roi s'est terminé sur cette moquerie du monarque et Richelieu l'a peu goûtée, son humeur est massacrante et cela se voit, rien qu'à ses yeux noirs de colère.

Chacun l'évite donc consciencieusement, le laissant seul pour descendre.

Et pourtant, Alors qu'il s'approche d'un palier, une main ferme le retient. Il se retourne brutalement, l'air mauvais, puis son visage se ravise, montrant un faux intérêt pour celui qui le tient.

« Capitaine Tréville ! Que puis-je pour vous ? » demande-t-il

Son regard plonge dans celui du capitaine mais ne décèle rien d'autre qu'une colère sourde, retenue et parfaitement maîtrisée.

Cet homme est le seul, dans tout le royaume, qui n'a jamais craint de s'opposer à lui et Richelieu reconnait que cela aiguise sa curiosité depuis toujours. Un homme intègre et qui ne se prive jamais pour dire ce qu'il pense, froidement, simplement, honnêtement. Même devant le monarque. Il était déjà ainsi du temps de son père, Henri. Un soldat d'une trempe que tous admiraient, qui n'avait jamais failli sur le champ de bataille. Et qui avait formé un régiment dans cette même veine.

Ce qui dérangeait le plus souvent les plans qu'il fomentait, ce qui avait le don de développer son aversion envers ses mousquetaires. Mais c'était un homme avec lequel il devait compter. Il convenait donc d'obtenir des informations de sa part.

Tréville le tire de l'autre côté de l'escalier, dans l'alcôve qui se trouvait-là. Un lieu idéal pour cette discussion qu'il ne tient pas particulièrement à rendre officielle.

« Où en sont vos gardes, cardinal ? » demande sans détour Tréville, le fixant droit dans les yeux.

Il haït le politique mais admire l'homme pour l'adresse dont il fait preuve et qui bénéficie tant au jeune roi qu'au royaume. Il le sait indispensable à la grandeur du pays, et connait ses manières pour y parvenir. Trop souvent, il a été contraint de s'opposer à lui, et parfois, bien obligé de s'y plier, mais Tréville se méfie de ses manigances qui ont le don de toujours placer les mousquetaires dans des situations impossibles.

« Mes gardes ? A quel sujet Tréville ? » sourit Richelieu, l'air faussement surpris.

« Au sujet des recherches concernant mon cadet ! Auriez-vous déjà oublié votre promesse d'hier ? »

« Non, non, en effet. Je ne leur ai pas encore donné l'ordre de rechercher ce d'Artagnan, mais j'y allais justement. Voulez-vous m'accompagner ? » continue de sourire le cardinal.

« Seulement maintenant ? Surtout ne vous sentez pas obligé ! » gronde Tréville, les dents serrées.

« J'ai dû régler d'autres priorités pour le roi, mais je n'ai qu'une parole, capitaine ! » répond l'homme en noir, le visage maintenant fermé.

« Un ordre ne prend pas des heures, Eminence. Il vous aurait suffi d'un mot, dès hier ! »

Le regard de Tréville se durcit encore, sous la rage qui le tient et noue ses tripes. Il réalise que le cardinal n'a jamais souhaité lancer de recherche, il n'aurait jamais dû espérer une once de sentiment humain chez cet homme. Mais il n'en reste pas moins le ministre, celui que Louis écoute en premier. Il est donc intouchable.

Pourtant ce n'est pas l'envie de saisir l'homme et de le jeter au bs de ces marches qui lui manque. Les mains se serrent dans ses gants pour éviter de trembler tant la fureur monte en lui.

« Je n'attends rien de vous. Comme toujours ! Je m'occupe moi-même de mes hommes, cardinal ! » crache-t-il.

Et sur ce, il le lâche et le laisse repartir, restant un instant dans cette alcôve, le temps de se calmer pour éviter de hurler sur le premier qui lui adressera la parole. Le capitaine est connu pour ses colères froides mais il serait injuste de reporter celle qui l'a envahi contre un innocent et Tréville ne supporterait pas l'idée d'être méconsidéré.

Il n'a jamais été injuste ou malhonnête et même le cardinal ne parviendra pas à le faire changer. Pas aujourd'hui. Il doit se reprendre, immédiatement.

Respirant pour retrouver son calme et un visage impassible, il parvient à se maîtriser malgré la tension qu'il sent dans chacun de ses membres. Puis il s'avance pour rejoindre Louis. Ce dernier ayant une nouvelle mission pour son régiment.

Le cardinal, qui adescendu les quelques marches nécessaires pour en plus être à sa vue, leregarde un instant. Le capitaine le surprend encore, tant sa maîtrise estgrande, mais il a bien compris le message. Il sait désormais ce qu'il  voulait savoir, les mousquetaires sont bien partis à la recherche du Gascon. Comme il le craignait.

Il doit donc s'empresser d'empêcher ces derniers de le trouver. Il est trop tôt.

Il descend jusqu'à cet oratoire dans les sous-sols du palais et retrouve Milady.

« Assurez-vous que les mousquetaires ne retrouvent pas le trace de d'Artagnan » ordonne-t-il froidement

« Je m'en suis déjà assurée, Eminence » répond la jeune femme depuis l'ombre où elle se cache encore, bougeant lentement vers lui.

« Ses amis sont à sa recherche ! Alors faites ce qu'il faut pour qu'ils ne trouvent rien ! Je les veux morts, tous les quatre ! » crie-t-il.

Les yeux brûlant de colère, Milady comprend l'ordre et l'urgence.

« Je m'en occupe immédiatement, Monseigneur »

Elle s'échappe, happée par l'ombre dont elle sortait à peine, sans un bruit.

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