Chapitre 4 tentative d'évasion
Une explosion. C'est ce qu'éprouvait d'Artagnan. Son crâne explosant en mille morceaux. Il tente de porter la main à sa tête, mais s'aperçoit qu'elle doit peser une tonne. Ouvrir les yeux est un exploit qu'il met un certain temps à réaliser, tant tout lui semble difficile. Mais se sentant suffisamment misérable et n'entendant aucun bruit proche de lui, il se risque à ouvrir les yeux. Ses gestes lui semblent trop lents, comme ralentis. Sans doute un effet de ce mal de crâne lancinant. Il ne distingue rien dans le lieu où il est, si ce n'est vaguement une sorte de cercle entourant un bois qui s'élève. Il est dans une sorte de tour, mais ne comprend pas bien le principe de ce système qu'il découvre, une sorte d'axe autour duquel se trouve une pierre de meule à partir de laquelle se trouve un mécanisme complexe entourant un pilier qui monte vers le sommet. Puis, progressivement il s'habitue au peu de clarté qui parvient depuis la seule fenêtre, tout là-haut. Un moulin à vent. Il n'en n'a jamais visité de l'intérieur encore, mais en a entendu parler. Ils sont fréquents au nord. Il ne connait que les quelques moulins à roues ou aubes qui sont plus de chez lui. Mais il n'est plus dans son Béarn, il est à Paris. Enfin, il l'était. Ses idées se précisent peu à peu. Il reprend les choses, avant ce grand trou noir. La main posée sur sa tête, révélant une entaille qui semble avoir cessé de saigner.
Il se rappelle des hommes sortis de nulle part, puis de s'être battu, seul, les gardes rouges ayant rapidement pris la poudre d'escampette tandis qu'il criait au cocher d'emmener loin le cardinal. La route du prieuré vers Paris. Il se souvient maintenant. L'embuscade et l'attaque. Il a craint pour le ministre. Pourquoi est-ce lui ici ? Que lui veulent-ils et où est passé le cardinal ?
Visiblement confiants, les hommes l'ont laissé libre de ses mouvements. Il faut dire que la tour est construite solidement, en pierre, et ne comporte qu'une seule issue, la porte qui semble en bois bien solide.
Il se lève doucement, ses jambes encore un peu hésitantes, fait le tour de la pièce, mais rien qui puisse être utilisé pour se défendre ou se battre et bien sûr un rapide examen de sa personne lui assure qu'ils ont veillé à lui retirer toutes ses armes.
Il a donc été enlevé. Mais pourquoi ? Il n'est qu'un cadet, n'a pas de fortune personnelle et ne connaît encore personne à Paris. Il est parti de sa province sans laisser d'ennemi sur place, il y a veillé. Il ne comprend donc pas les raisons qui motivent un tel acte.
« Satanés gardes rouges. Tous des lâches ! » marmonne-t-il dans sa barbe naissante.
Son cousin l'avait pourtant prévenu de se méfier d'eux. Il aurait dû mieux écouter ses conseils. Mais il avait été contraint d'accompagner Richelieu dans cette promenade. Selon lui, la visite n'avait servi à rien, mais il n'était pas entré dans le prieuré, se contentant de surveiller les alentours immédiats. La campagne était jolie, mais il n'avait pas envisagé de faire des promenades en entrant chez les mousquetaires. Il attendait une vie plus palpitante. Dans ce domaine, il se sentait servi, son crâne allait s'en souvenir de ses envies d'en découdre !
Et ses camarades auraient fort à s'amuser de lui à son retour. S'il revenait jamais d'ailleurs !
Il n'avait même pas vu le visage de ses ravisseurs, ses derniers étant tous masqués.
Alors qu'il s'interroge et se plaint de son sort, il entend des voix non loin de la porte. Il se rapproche, se faisant discret, pour tenter d'entendre ce qui se dit. Il espère bien tirer quelques informations. Mais les voix s'éloignent et il ne distingue rien. Il rage tout seul.
Désœuvré, il retourne s'asseoir, se demandant bien quand il pourra trouver une idée pour s'échapper. Il se rappelle que la journée touchait à sa fin lorsqu'il a quitté les lieux. Or la lumière qui tombe depuis le fenestron lui semble bien vive. Il se dit qu'il a dû rester évanoui un moment, sans doute toute la nuit, et qu'il est donc déjà rendu au lendemain.
Cela l'inquiète mais en même temps, il pense à Tréville et à Athos, son cousin. Nul doute qu'ils savent ce qui lui est arrivé et qu'ils vont envoyer une troupe le chercher. Lui-même n'a aucune idée de l'endroit où il se trouve, si ce n'est que c'est un moulin, or il ne se souvient pas d'en avoir vu sur son trajet depuis Paris.
Comment les mousquetaires pourraient-ils le retrouver ?
La porte grince sur ses gonds et s'ouvre, u homme s'avance mais un autre se tient non loin, juste au seuil, tenant un pistolet armé pointé devant lui.
« Ne tente rien, ce serait inutile » lui dit l'homme qui tient un morceau de pain et un pichet d'eau qu'il dépose à même le sol, devant lui.
D'Artagnan observe, rapidement, vers l'extérieur. Il voit des chevaux plus loin, mais pas d'autre homme. Ils ne semblent être que deux pour le surveiller. Ce qui le surprend car il voit plus de chevaux et se souvient qu'ils étaient une dizaine à avoir attaqué le convoi. Il en tué un et d'en avoir blessé au moins deux autres, mais ensuite il a été assommé. Il en reste donc nettement plus qu'il n'en voit sur place.
Et déjà les deux hommes sont repartis, refermant la lourde porte à clef.
D'Artagnan s'avance vers le maigre repas. Il espère seulement que ni l'un ni l'autre n'ont été empoisonné, il a souvent entendu parler de ces pratiques comme étant fréquentes à la cour. Mais manger est la meilleure façon de récupérer ses forces, pour être prêt lorsque cela sera possible.
Il piaffe d'impatience au fur et à mesure que la journée avance et que la luminosité décline à travers le fenestron. Tournant en rond et cherchant par tous les moyens une idée mais ne trouvant rien d'autre que de la poussière, étouffante d'ailleurs, qu'il soulève à chaque pas fait dans ce moulin. Il sait que cette poussière très volatile est particulièrement dangereuse et peut s'enflammer à la moindre étincelle, Aramis lui en a parlé, lorsqu'ils avaient aperçu un moulin à vent pour la première fois et qu'il s'était interrogé sur leur fonctionnement. Le mousquetaire l'avait averti du danger que représente cette fine pellicule résidant dans ces lieux. Et Porthos s'était rappelé douloureusement d'un épisode qui avait fait sourire Aramis, mais pas lui.
Cependant, Aramis l'a prévenu, pas d'étincelle ou c'est l'explosion et étant entouré de pierres, Charles ne souhaite pas faire exploser ce moulin, il ne s'en sortirait probablement pas. Il doit trouver autre chose.
Il a retrouvé, dans l'après-midi, le petit couteau fin, presque un coupe-papier, qu'il cache dans sa botte. Une idée astucieuse donnée par Porthos qui cache toujours une collection de lames sur lui. Preuve que les hommes qui l'ont enlevé sont bien peu consciencieux et l'ont mal fouillé. Mais tant mieux. Cependant c'est un peu maigre comme arme pour le moment.
Au fur et à mesure, alors que la nuit s'installe, les bruits montent dehors. Il semble que les hommes se sentent tranquilles et s'installent pour fêter leur victoire. Lui commence à grelotter car le froid pénètre par la fenêtre. Il tambourine à la porte et lorsque celle-ci s'ouvre enfin, il réclame une couverture, mais surtout en profite pour observer les alentours.
Les hommes en effet ont dressé un feu autour duquel trois hommes sont installés déjà, des bouteilles jonchent le sol autour d'eux et l'homme qui le regarde à la porte semble bien éméché. Sans une réponse, il claque à nouveau la porte et ses pas s'éloignent, puis il revient et jette une couverture miteuse. Puant la vinasse. D'Artagnan tort le nez mais s'éloigne de la porte pour la prendre malgré tout. Il n'a donc vu que quatre hommes en tout. Et cela semble correspondre au nombre de chevaux dehors, plus le sien que visiblement les hommes tiennent à garder avec eux, une belle prise c'est certain.
Alors que la nuit avance, les bruits s'estompent. Les hommes semblent avoir décidé de cuver leur vin ou sont tombés ivres morts, il s'en moque. Mais il a remarqué que la porte a été mal refermée plus tôt et se dit que l'occasion est trop belle.
Sans un bruit, il fait tourner la poignée sur elle-même et tire lentement la porte, juste assez pour se faufiler. Un homme se tient, plus ou moins droit, non loin de l'entrée, mais il est le seul à veiller visiblement. Les autres sont autour du feu qui se meurt, endormis et ronflant tout leur saoul.
Le plus lentement et le plus discrètement possible, il s'approche de l'homme dont es yeux semblent lourds. Son poing atterrit directement sur sa tempe et son autre main l'attrape pour éviter que le bruit de sa chute ne réveille l'un des dormeurs. Puis il le pose au sol, adossé à la pierre de la tour. Il saisit au passage l'épée de l'homme et son pistolet. Deux armes qui l'encombrent pour l'heure car il n'a plus sa ceinture pour les y glisser mais qui peuvent lui être utiles ensuite. Il se dirige vers les chevaux espérant qu'aucun ne va réagir en le sentant approcher. Il ne peut appeler son frison, ce dernier réagit trop souvent en émettant un petit hennissement de plaisir qu'il n'a pas encore réussi à lui faire arrêter d'émettre. L'apprentissage d'un chevale st un travail de longue haleine, il n'a pas achevé celui de cette monture qu'il apprécie fortement pourtant. Il atteint enfin l'animal et s'approche de lui, posant sa main sur le naseau pour que le cheval le reconnaisse, il s'apprête à empoigner les rênes quand il sent, dans son dos, le canon d'un pistolet qui l'oblige à lever les mains.
Il se retourne vivement, espérant pouvoir se défendre mais l'homme s'est douté de son réflexe et se tient prêt, els yeux lançant un éclair de méchanceté.
« Tu vas lâcher ces rênes et déposer ces armes que tu viens de prendre. Ensuite tu retournes dans le moulin, tranquillement. » jette l'homme, sec.
Il n'a d'autre choix que de s'exécuter. En passant, l'homme réveille l'un de ses comparses et tous deux conduisent d'Artagnan à l'intérieur du moulin, mais cette fois ils ne le laissent plus libres.
« Contre le pilier et les mains dans le dos » ordonne l'homme.
Il monte sur la pierre, et s'adosse contre le pilier en question, mais avant que l'homme n'ait eu le temps de lui lier les mains avec la corde qu'il porte, d'Artagnan lui jette un coup de poing bien senti. La réponse ne tarde pas, mais il s'en moque, au moins, il aura pu tenter le coup. L'homme se méfie maintenant et l'attache est bien solide, serrant ses poignets au point que Charles se demande si le sang arrive jusqu'à ses doigts. Sa position devient inconfortable maintenant. Il n'a nul espoir que les hommes se laissent avoir une deuxième fois et toute tentative d'évasion semble donc impensable. Il ne lui reste plus qu'à espérer en son cousin et ses amis.
Il ne cède pas à la panique mais se demande bien comment vont faire les hommes pour le retrouver.
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