Chapitre 3 : Sous pression
Le week-end arriva bien rapidement.
Sur le trajet vers l'appartement de mes parents, j'avais fait semblant d'échanger des messages avec mon soi-disant Angelo pour entretenir l'histoire. Romeo était tellement curieux et posait des questions tellement insidieuses que je me demandais s'il n'avait pas deviné ma supercherie et qu'il voulait juste voir jusqu'où j'étais prête à aller dans cette création de personnage.
Il me déposa devant la maison de mes parents sans prendre le temps de venir voir si j'étais réellement seule ou s'il y avait Diana tellement qu'il était impatient de voir Eve qui l'attendait de pied ferme.
J'entrai chez moi et une délicieuse odeur de cookies m'accueillit. Je ne pris même pas le temps de déposer mes affaires et m'avançai vers la cuisine où je trouve Diana qui était en train de tout ranger avec du Sade en musique de fond.
Je me dirigeai vers elle et l'étreignis comme si ça faisait une éternité que nous nous étions pas vu. Je lui embrassai le front, ce qui l'agaça tandis qu'elle s'écartait de moi. Oui, j'étais la petite sœur, mais je la dépassais d'une bonne tête. Elle n'était pas grande du haut de son mètre 56. Une toute petite femme, mais qui ne se laissait pas marcher dessus.
— Tu es vraiment embêtante quand tu fais ça, dit-elle en me donnant une petite tape.
— Je sais, mais je ne peux pas y résister, rétorquai-je en m'installant sur la chaise haute de la cuisine.
— Alors, comment ça a été ce retour avec Rome ? Il n'est même pas venu saluer l'ex-femme de sa vie ! lâcha-t-elle en me servant une assiette de cookies avec du lait d'amande.
Je gloussai et commençai de savourer sa production tout en détaillant dans ma tête chaque ingrédient qu'elle avait mis. D'ailleurs, elle me jeta un mauvais regard avant de s'installer à côté de moi.
— Nous n'avons pas tous tes dons culinaires, alors merci de bien vouloir arrêter de tout analyser lorsque tu manges. Je les ai fait avec le cœur.
— Je n'ai pas dit que c'était mauvais, mais je voulais voir si ta recette avait évoluée et non. C'est toujours aussi bon.
Elle m'embrassa la joue et nous discutâmes longuement de notre semaine, alors que nous nous étions parlés au téléphone il y a quelques heures de cela. Je finis par aller dans ma chambre qui me manquait à chaque fois.
Ma sœur avait préféré ne pas prendre de chambre universitaire, car elle voulait économiser et surtout pour ne pas être déconcentrée par ses colocataires. En plus, l'université n'était pas loin de l'appartement de mes parents.
Pour ma part, je n'avais pas trop le choix. Et en plus, je n'avais pas forcément le temps de travailler à côté, sauf en été et j'avais travaillé dans un restaurant quand j'étais au lycée.
Je me laissai donc tomber sur mon lit et regardai le plafond blanc de ma chambre. Et dire qu'avant d'aller l'université, j'y collais mes cours en grandeur nature pour réviser avant de me coucher. Mon père m'aidait à faire des énormes panneaux et mon plafond était constellé de ceux-ci.
Je fermai les yeux, histoire de me replonger dans tous ces beaux souvenirs familiaux.
***
— Ken, réveille-toi.
J'ouvris immédiatement les yeux et découvris ma sœur, assise au bord de mon lit, le visage rieur.
— Ça me fascine toujours autant ta facilité à t'endormir en cinq minutes, top chrono ! dit-elle en pouffant et en me jetant un oreiller à la figure.
Je le retirai en lui lançant un mauvais regard, mais ne bougeai pas d'un iota. J'avais la même position qu'avant de mettre endormie.
— Ça me fascine que tu ne dors que 5 heures, par nuit, répliquai-je. Je serai tellement fatiguée que je ne sortirais pas de mon lit.
— Tu sais, plus tu dors, moins tu fais de choses, rétorqua-t-elle en s'installant à mes cotés. Et la vie est tellement courte que je n'ai pas envie de la gâcher en dormant.
Nous nous regardâmes quelques secondes avant que je ne regarde à nouveau le plafond. Elle me proposa d'aller dîner au japonais du coin et qu'on se fasse un film ce soir. J'acceptai sans broncher et me redressai.
— Et demain ?
— Mh. Je ne sais pas. Tu ne vas pas traîner avec Romeo et Eve ?
Devant mon petit dressing, je réfléchis quelques secondes avant de lui répondre par la négatif. Evidemment derrière sa question, je savais bien qu'il y avait autre chose...
Alors, je l'observai, ma sublime sœur avec ses boucles noires comme la nuit et sa peau d'une brillance étincelante. Oui, elle ne lésinait pas sur hydratation et son huile de coco. Nous avions légèrement les yeux bridés, mais beaucoup moins que ma grand-mère paternel par exemple.
— Tu veux me demander autre chose Di. Je le sais.
Elle soupira et balança le fait que Romeo lui avait rapporté que je parlais à un mec pas clair par message. Je levai les yeux et me promis de le corriger comme il le fallait.
Bien sûr que cette histoire ne devait pas sortir au-delà du cercle étudiant.
Putain ! Il venait de tout gâcher. J'avais le maigre espoir que Diana n'ait rien dit à mes parents. Malheureusement, pour ma famille, le fait que j'ai un potentiel copain, c'était comme le Saint-Graal.
— T'es sérieuse de ne pas me l'avoir dit ? Je suis ta grande-sœur quand même ! Cela m'a blessé de l'apprendre de Romeo, ajouta-t-elle tandis que je retirai le pantalon que je portais pour mettre un jean qui me tiendrait plus chaud.
— Parce que c'est une histoire qui ne risque pas d'aller bien loin que par des messages, me justifiai-je. J'espère que tu ne l'as pas dit aux parents.
Je retirai, irritée, mon pull taché de chocolat pour en mettre un autre.
— Non, je ne leur ai rien dit.
— Pour une fois !
Oui, Diana avait la fâcheuse tendance de dire à mes parents dès que j'avais un crush.
Bien sûr, ils s'emballaient par la suite, mais c'était peine perdu parce que le but d'un crush, c'est de rester crush !
— Sache que je suis vexée, dit-elle en quittant mon lit.
— Sache que tu es vexée pour rien. Si tu veux, je t'en parle mais pas un mot aux parents. Vraiment Diana.
Ce n'était pas difficile de faire en sorte que ma soeur ne soit plus en colère envers moi. Comme je vous l'avais dit, elle était comme Romeo. Il suffisait de leur raconter toute l'histoire, pour que cette amertume s'envole.
D'ailleurs, elle tapa dans ses mains, toute excitée et m'informa qu'elle allait se préparer rapidement pour qu'on aille manger.
Je levai les yeux et il fallait tellement qu'elle balance :
— Ma petite-sœur chérie a un mec virtuel !
Non, Diana. Ta petite sœur chérie a un petit-copain qui n'existe pas.
C'est une nuance très importante de souligner.
***
Comme le restaurant japonais n'était pas loin, nous marchâmes sous le froid glacial New-Yorkais, mais ça nous ne gênait pas.
Pendant qu'elle s'était préparée, j'avais envoyé un message à mon ex-meilleur ami, pour l'informer de notre fin. C'était parfois agaçant son inquisition dans ma vie personnelle. Je n'agissais même pas de la sorte avec ses copines et particulièrement avec Eve.
À Rome ❤️ :
Romeo Woods, sache que notre amitié prend fin dès aujourd'hui.
Pour cause ? Ne pas savoir garder mes secrets et de le dire à ma sœur,
qui ne l'a pas encore dit à mes parents.
Espèce de traître !
Il m'avait répondu dans la seconde même.
De Rome ❤️ :
Mackenzie Wang-Jones, sache que notre amitié continuera
pour le meilleur et pour le pire, devant Dieu et devant nos familles et amis,
je fais la promesse solennelle de t'aimer, de te chérir et de t'être fidèle
dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie,
dans la joie comme dans la peine, jusqu'à ce que la mort nous sépare.
Ps : Je suis ton chauffeur attitré et je sais que tu m'aimes.
J'avais levé les yeux tandis que ma sœur lisait par-dessus mon épaule et éclata de rire.
— Je l'aime beaucoup trop ce petit Romeo. Qu'est-ce que tu peux lui répondre face à ça ?
— C'est très simple. Qu'il aille se faire mettre.
À Rome ❤️ :
Va te faire foutre ! Et, je ne suis pas marié à toi, donc va te faire foutre.
Tu n'es même pas drôle et j'ai un nouveau meilleur ami.
C'est Angelo.
Boy bye !
De Rome ❤️ :
Ouch ! Mon cœur s'est brisé au sol.
J'avais décidé de ne pas lui répondre. Il l'avait bien mérité.
Nous arrivâmes enfin et un réceptionniste nous plaça dès lors qu'il savait que nous étions deux.
Il y avait pas mal de monde comme tous les vendredis. Nous nous installâmes et nous regardâmes nos cartes comme si nous ne la connaissions pas par coeur.
— Honte à nous. Nana nous tuerait si elle nous voyait dans un restaurant jap' alors qu'on pourrait manger dans un coréen, ricana Diana en me lançant un bref coup d'oeil.
Nana - notre grand-mère paternel, citée plus haut - Soo Wang était un peu étriquée d'esprit sur certains débats. Et pour la nourriture, c'était l'exemple parfait. Elle ne comprenait pas pourquoi nous mangions si souvent japonais, chinois, vietnamien, thaïlandais et ... la liste est longue pour que je la poursuive, mais ça l'irritait beaucoup. Elle n'aimait qu'on mange que coréen chez elle et chez personne d'autre.
Et notre grand-mère maternelle - Suzanne Jones - était beaucoup light à ce niveau là. Bien sûr qu'elle préférait qu'on mange son fried chicken que celui de Popeyes et j'admets que le sien était bien meilleur que tout ceux que nous avions mangé.
Personne ne la battait pour le moment.
Mis à part ça, nos deux grand-mères avaient eu des débuts très difficiles. Papa nous avait raconté que c'était son père et celui de Maman qui avaient désamorcé la mésentente des deux familles en expliquant que le plus important c'était l'amour.
Ouais, nos grand-pères sont les meilleurs.
— D'ailleurs, on pourrait aller la voir dimanche, avant ton départ. Ça lui ferait plaisir de te voir.
— Ouais, pourquoi pas, acceptai-je, car ça faisait un moment que je ne l'avais pas vu.
Je finis par refermer ma carte et la posai pour que le serveur arrive plus vite, car je commençai à avoir faim.
Diana en fit de même et juste à son regard, je devinai que c'était le moment pour que je parle.
Alors, comme avec Romeo, je lui racontai l'histoire d'Angelo Jones, mon mec, pas réellement mec puisque nous nous étions jamais vu et que Romeo m'avait mise en garde face à ce type d'hommes.
Une fois mon explication terminée et nos plats déposés sur la table que nous avions entamé, elle me regarda quelques secondes avant de sourire en coin, comme si elle se doutait de quelque chose.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Eh bien, commença-t-elle, je trouve cette histoire mystique. Tu es si naïve avec les garçons Ken ! C'est mignon.
Je déglutis silencieusement et je pris un croc dans mon sushi.
J'étais clairement sous pression. Elle avait deviné le pot aux roses et elle allait m'incendier et me cracher au visage que j'étais stupide d'avoir inventé tout ça...
— C'est-à-dire ? la questionnai-je.
— Peut-être que ce mec n'est qu'un troll. Peut-être que c'est Romeo qui est derrière tout ça. Peut-être que c'est un de tes camarades de promo. Peut-être que c'est ce Paul qui joue ce rôle, poursuivit-elle.
Ah ! C'était juste ça ?
— Ah ! lâchai-je après avoir avalé la bouffe que j'avais dans le gosier.
— En tout cas, je suis persuadée que ce Angelo Jones n'existe pas, même si ça aurait été cool. Mais, tu le connais forcément ce type.
Je l'observai pendant qu'elle prenait ses baguettes et qu'elle apportait du riz à sa bouche. Le fait qu'elle sache qu'il n'existe pas, me donnait envie de lui dire toute la vérité et d'assumer pleinement mon supercherie.
Mais en même temps, elle n'était plus si excitée que ça.
C'était donc un mal pour un bien. Cela voulait dire que je ne mentais pas vraiment.
— Tu crois ? fis-je semblant de demander. Je ne pense pas que ça soit Romeo, mais effectivement, ça peut être l'un de ses amis ou un gars de ma classe ...
— Tout à fait. Dommage ! J'aimais bien le prénom Angelo en plus. En tout cas, mène l'enquête et tiens-moi au courant. Sache que je suis là pour toi et tu peux clairement tout me dire. Parfois, j'envie ta complicité avec Romeo, il sait tout avant moi, ajouta-t-elle en prenant un moue boudeuse. J'ai l'impression de servir à rien.
— Diana ! lâchai-je, choquée. Ce n'est pas le cas et tu es la meilleure grande-sœur du monde.
Elle sourit, satisfaite mais en regardant par-dessus mon épaule, sa figure changea du tout au tout.
Intriguée, je me retournai et découvris la raison de son changement d'humeur.
Son Dwight était accompagné d'une jeune femme à la beauté renversante. Celle-ci lui tenait le bras et elle était d'une classe de malade. Comment pouvait marcher en talon sous ce froid ? N'avait-elle pas les pieds gelés ?
Je n'avais pas besoin de regarder ma sœur pour savoir qu'elle allait exploser. Elle était légèrement possessive sur les bords.
Je le fis quand même et elle serrait déjà les poings.
OK, elle était définitivement amoureuse de ce type.
— Di, je vais demander une box pour qu'on ramène à la maison, dis-je calmement.
Elle ne fit rien et fixa l'emplacement où ils s'installaient.
— Diana, c'est peut-être qu'une amie ...
— Je vais le tuer ce connard ! Mais quel salaud ! Il a l'audace de l'emmener dans le restau' où, appuya-t-elle, je l'ai invité à notre second rendez-vous. Je vais le tuer, c'est clair.
Ni une, ni deux, elle se leva, repoussa sa grosse chevelure et s'avança déterminée et prête à attaquer Dwight et sa copine.
Moi, je ne savais pas quoi faire et je savais à quel point, Diana pouvait être explosive et faire une dinguerie juste pour apaiser son cœur de la douleur qu'elle subissait.
Alors, à mon tour, je me levai en vitesse, essayai de la rattraper avant qu'elle n'explose en pression et que tout éclate ...
Parce que le but de ce soir était qu'on passe une soirée entre sœur et non, au poste de police pour agression.
J'avais quand même envie de vivre assez longtemps et encore moins derrière les barreaux pour rencontrer mon véritable Angelo, juste parce que j'avais tabassé avec ma sœur, son ex-futur copain et sa copine.
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