IV.

Six mois plus tôt...

Le doux sifflement des oiseaux parvient à mes oreilles...

Mes paupières se soulèvent lentement.

Je me redresse en douceur pour venir m'asseoir au bord du lit. Je prends ensuite une grande inspiration et joins les mains au-dessus de ma tête pour venir étirer toute ma colonne. La séance de course à pied d'hier m'a valut quelques courbatures. Néanmoins ça en valait la peine.

J'étais tellement stressée en pensant à ce qui m'attendait aujourd'hui que je n'avais même pas réussi à terminer la lecture du roman que j'avais entamé une semaine plus tôt. Seules cinq pauvres pages me séparaient du dénouement de l'histoire, et pourtant, il m'était impossible de réunir la concentration nécessaire pour me pencher dessus. Je crois avoir relu plus de dix fois la phrase introductive du dernier chapitre sans pour autant en avoir aucun souvenir. Chaque tentative se soldait par un échec. Mon esprit divaguait et mon regard se perdait inexorablement entre les lignes.

J'avais désespérément besoin de me débarrasser de toute cette anxiété, surtout si je voulais trouver le sommeil. Il était absolument hors de question que je fasse nuit blanche et que j'arrive exténuée pour mon premier jour au cabinet !

Je m'étais donc lancée dans un footing, et après une vingtaine de minutes de course effrénée, j'avais jugée être assez détendue pour rentrer à la maison...

Je suis soudain tirée de mes pensées par des croassements de corbeaux. J'ai désormais l'impression de m'être réveillée dans un film de Hitchcock. J'avais pourtant pris soin de choisir une alarme agréable pour m'assurer un réveil tout en douceur. L'appellation « Chants d'oiseaux » de la sonnerie m'avait tapé dans l'œil. Je le savais, j'aurai dû la tester avant. Je m'en souviendrai pour la prochaine fois...

À mesure que les secondes s'écoulent, le volume sonore s'accroît rendant ces chants d'oiseaux de plus en plus insupportables.

Ni une ni deux, je saute dans mes pantoufles et me précipite en direction de ma commode. Ma chambre est plongée dans l'obscurité, seul un rayon de lumière parvient à filtrer entre les volets. Je manque de trébucher à plusieurs reprises, mais heureusement, je me rattrape à chaque fois. À tâtons, je devine finalement la commode et ouvre le premier tiroir. J'en sort mon téléphone, et éteins immédiatement l'alarme. Ouf.

J'avais tellement peur d'arriver en retard pour mon premier jour que j'avais eu cette fabuleuse idée de placer mon téléphone à l'autre bout de la chambre. De cette manière, j'étais sûre de sortir rapidement de mon lit douillet si je voulais faire cesser la sonnerie stridente de mon portable.

Même si j'ai failli terminer à l'hôpital avec au moins une cheville foulée et plusieurs bleus, je dois tout de même reconnaître que c'est une technique plutôt efficace !

Après un rapide saut à la salle de bain pour m'asperger le visage d'eau fraîche, je prends la direction de la cuisine encore vêtue de mon pyjama. Celui-là, je l'adore, c'est de loin mon favori parmi la dizaine que je possède. C'est aussi sûrement le plus excentrique. La tête de Krusty le clown trône au centre de cet immense tee-shirt rose bonbon qui me sert de chemise de nuit. C'est un cadeau de mes meilleurs amis, Allie et Peter, pour mes dix-huit ans. Ils n'auraient pas pu trouver mieux !

Lorsque j'arrive enfin dans la cuisine, une agréable odeur de café vient chatouiller mes narines. Une tasse encore fumante du précieux breuvage m'attend sur l'îlot central, et juste à côté le bol encore brûlant de porridge me fait les yeux doux.

« MERCI PAPA ! Je hurle à travers la maison. »

Mais mon remerciement reste sans réponse.

Mon père ne prépare le petit-déjeuner qu'en de rares occasions, et il semblerait que mon entrée dans le monde professionnel en soit une. Il a même décidé de prendre sa matinée pour me déposer sur mon lieu de travail. Ce ne sera pas le cas les jours suivants, mais le premier est toujours spécial. Disons que c'est notre petite tradition, et ce, depuis mon premier jour au collège.

À l'heure actuelle, il doit sûrement être en train de prendre sa douche. Cela m'étonne qu'il ne m'ait pas attendu pour partager une tasse de café, néanmoins ça ne me dérange pas. J'ai besoin d'être au calme ce matin. Je n'ai vraiment pas envie de discuter du programme de la journée, cela ne ferait qu'attiser mon anxiété.

Pour la millième fois depuis le réveil, je respire le plus profondément possible en fermant les yeux. J'essaie de me convaincre que je suis calme, mais en réalité, je ne le suis pas du tout.

Ce n'est pourtant pas mon premier boulot. Les deux étés précédents, j'ai travaillé dans une librairie, tenue par Sandy une amie de papa. C'est lui qui m'a dégoté ce job, et franchement, c'était un bon plan. Le mois de juillet était encore loin de la frénésie de la rentrée scolaire, et par conséquent la boutique était extrêmement calme. Les clients habituels étaient sûrement partis en vacances, ce qui me valait d'être assise derrière la caisse pendant plusieurs heures sans encaisser un seul livre. À vrai dire, je m'en réjouissais. J'en profitais pour dévorer les dernières nouveautés. Chaque matin, je faisais ma petite sélection, et reposais chacun des ouvrages en rayon à la fin de la journée.

Mais cette année, c'est différent. En septembre, je m'apprête à intégrer le département de droit de l'université, et j'espérais donc trouver un job d'été qui serait plus cohérent avec ce choix. Le mois dernier, j'avais passé toutes mes soirées devant la série Suits*, et j'étais plus que jamais motivée à devenir moi aussi, une grande avocate.

Les nombreuses relations de papa n'avaient jamais été aussi utiles. Il avait rapidement convaincu Joe Stevens de m'embaucher dans son cabinet en tant que stagiaire. Joe était un ami de longue date de papa. Ils s'étaient connus au lycée, et il était maintenant un avocat de renom. Il m'avait cependant prévenu que je serai relayée à la photocopieuse et à la machine à café. Ce n'était sûrement pas aussi tranquille qu'être caissière dans une librairie déserte, mais j'avais immédiatement accepté !

Mais voilà, nous étions le jour J et j'étais pétrifiée par le stress. J'aurai donné n'importe quoi pour retourner sous la couette.

Mon ventre se met soudain à gargouiller bruyamment.

Depuis combien de temps suis-je perdue dans mes pensées ?

Je fourre alors rapidement une cuillerée de porridge dans ma bouche, mais la recrache aussitôt. Il est encore brûlant, et j'ai maintenant la langue toute râpeuse.

- Désolé ma chérie, je l'ai laissé chauffé un peu trop longtemps, je crois...

Je relève soudain la tête et découvre mon père posté dans l'encadrement de la porte, une tasse à café dans l'une de ses mains, et sa sacoche en cuir brun dans l'autre. Il porte son costume bleu marine avec l'une de ses nombreuses chemises blanche. Celle-ci est encore froissée. Il a dû se préparer à la hâte.

Je le regarde perplexe.

- Tu ne devais pas prendre ta matinée ? Mon ton est plus sec que je n'aurais voulu.

Il pose la tasse sur le buffet et se frotte nerveusement la nuque.

- J'ai une urgence et je ...

Je n'entends pas la fin de sa phrase. En fait, je ne l'écoute plus.

Mon attention se porte sur autre chose. Sur quelqu'un d'autre.

Un homme, lui aussi en costume, se tient derrière lui. Il se tient dans l'ombre et je distingue difficilement les traits de son visage, mais je peux deviner qu'il me fixe. Il me fixe de ses yeux clairs, et je suis totalement hypnotisée.

Qui est-ce ? Et depuis quand est-il là ?

Mes joues s'empourprent soudain. Un parfait inconnu vient de me voir, recrachant mon porridge et portant ce qui doit être le pyjama le plus kitch de l'année.

Lorsque mon père réalise que je l'écoute plus, il se tourne vers l'individu en question et lui fait signe de s'avancer. Ce dernier s'exécute, et en quelques pas, il se trouve là, planté devant moi.

Il me tend sa main. Machinalement, je la saisis et la lui sers. À la manière dont il esquisse un sourire en coin, je comprends que ma poignée de main était sans doute un peu trop... Vigoureuse.

Maintenant qu'il est dans la lumière, je peux percevoir parfaitement tous les détails de son visage. Il est incroyablement mignon.

Mon père se racle la gorge et me sort de ma contemplation.

- Maya, je te présente Mike ! Mike, voici Maya, ma fille.

Nous échangeons tous deux un sourire gêné.

Mon père reprend. Il a l'air embarrassé.

- Comme je te disais, j'ai une urgence au boulot... Je ne pourrai pas t'amener au travail ce matin, mais... j'ai chargé Mike de le faire.

Je n'aurai pas pu commencer ma journée d'une manière plus inattendue. Je suis incroyablement gênée.

Je déglutis et jette un regard désespéré à mon père.

- Mais... Je bredouille.

Décidément, j'aurai vraiment dû rester sous ma couette.

*Suits : Avocats sur mesure est une série télévisée américaine en 134 épisodes de 42 minutes créée par Aaron Korsh, et diffusée entre le 23 juin 2011 et le 25 septembre 2019 aux Etats-Unis.




**

Bonjour à tous,

Ce chapitre est un peu plus long que le précédent, mais j'espère que vous ne vous êtes pas ennuyés !

Je suis dessus depuis deux jours, et même si je l'ai relu plusieurs fois, avec le manque de recul, je suis sûrement passée à côté de quelques fautes. N'ayez pas peur de me les indiquer !
J'espère de tout cœur que ce nouveau chapitre vous plaira et qu'il vous donnera envie de lire la suite. Si c'est le cas, n'hésitez pas à voter pour, ça me ferait extrêmement plaisir.
Et surtout donnez moi votre avis !
À très bientôt. -E

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