47.Prison

https://youtu.be/xNGDcH-Whm8

«—Ca a fonctionné sur vous, vous dites? Mais alors...
—Oui, tu as parfaitement compris. J'avais accueilli en moi des Mânes. Celle de Miss.»

J'étais largué·e. Athénaïs était censée être la Miss en titre et c'était elle qui avait péri sous les attaques de Calixte. Comment les Mânes s'étaient-elles retrouvées dans le corps de la Princesse?

Cette dernière me regardait. Elle pencha légèrement la tête alors qu'un sourire étira doucement la commissures de ses lèvres. Un souvenir me revint alors que je pensais à ma précédée-sœur, aussi frappant qu'un coup de matraque, mais en moins douloureux.

«—Tim? Tu n'étais pas là quand tout ça est arrivé, pas vrai? C'est pour cette raison que tu voulais autant savoir ce qu'il s'était passé avant qu'elle ne meure.
—Je soupçonnais quelque chose, en effet. La Princesse m'avait affirmé avoir sauvé les Mânes alors que Miss était tombée.»

L'auto-proclamée souveraine leva les mains, paumes vers l'extérieur, en secouant négativement la tête.

«—C'est ce que j'ai fait. Et j'ai aussi compris quelque chose d'important ce jour-là alors que ma garde du corps avait péri sans même combattre. L'Egide était inutile contre des menaces de cette ampleur. Ne dit-on pas «qui peut le plus peut le moins»?
—Je ne suis pas certain·e de bien vous suivre, Majesté.»

Et surtout j'étais de plus en plus résolu·e à ne surtout pas entrer dans ce truc. Je commençais à réaliser que la Princesse était potentiellement dangereuse, et pas seulement pour elle-même. Je voulais gagner du temps et réfléchir à une stratégie pour m'en sortir.

Il fallait toutefois admettre que les solutions ne se bousculaient pas au portillon. Je n'étais même pas assuré·e de l'allégeance et du soutien du nounours. La Princesse soupira.

«—Tu veux savoir ce qui s'est passé en ce funeste jour? Très bien, je vais tout te dire. Ce qui ne changera strictement rien à ce qui nous attend. Bref.»

J'étais dans la salle du trône, avec ma mère. Nous avons senti une instabilité subite de la Source. Nous savions qu'il y avait un grave problème. Et tu n'étais pas là, Temuji, alors que c'était ta place. Tu nous as failli. Mais pas nos fidèles gardes du corps, du moins le pensais-je.

Ce fut un vrai carnage. Le sorcier renégat les balaya sans aucune difficulté. Melichor, Azilith, D'Ælin ont été mises hors de combat et aussitôt capturées. Miss était la dernière debout et cette incapable n'a pas été en mesure de nous protéger ou d'éradiquer la menace. Elle aurait dû le neutraliser, l'empêcher de nous nuire! Mais au lieu de ça, elle se planta stupidement devant nous!

«—Elle a fait ça pour vous protéger, c'est évident, bordel!
—Surveille ta langue et ne me parle pas sur ce ton. Elle aurait clairement dû l'attaquer pendant qu'il s'occupait de ses guerrières. Elle n'a pas réagit comme il fallait, un point, c'est tout.»

Elle pensait être assez forte pour stopper la boule de feu mauve qui nous arrivait dessus. Elle se laissa surprendre par la puissance et ne parvint pas à la dévier. 

Une lamentable erreur de jugement ou un excès de confiance, on ne le saura jamais. Elle mourut sous mes yeux, consumée par les flammes indigo. Peux-tu seulement t'imaginer ça,  «Miss»?

Non. Je ne le pouvais pas. Vraiment pas. Je craignais vraiment d'entendre la suite et je n'en avais pas envie. Pourtant, je restais là, pétrifié·e par l'horreur de ce que j'étais en train d'écouter.

Il était comme fou et clamait à qui voulait l'entendre qu'il serait bientôt le nouveau roi des Minarii. La deuxième attaque fut bien pire. Plus personne n'était là pour nous protéger, ma mère et moi. Notre garde, notre précieuse Egide et ses soi-disant guerrières d'élite n'avait été qu'un simple contre-temps.

C'est alors que je les vis. Les Mânes. Elles fuyaient alors que la vie abandonnait peu à peu le corps de Miss. J'ai donc pris ma décision. J'ai récupéré les Mânes.

Tim poussa une exclamation de surprise.

«—Vous n'auriez pas dû agir de la sorte, Majesté. C'est très dangereux. 
—Je n'avais plus le choix! C'était ça ou la mort!
—Tim, c'est quoi le souci?
—A partir du moment où vous recevez des Mânes, vous êtes connectées à la Source.»

La Princesse hocha solennellement la tête avant de reprendre la parole.

«—C'est pour ça que je pouvais te parler en rêve. Et que Calixte pouvait me traquer. Toutefois, je ne possède pas de siphon d'âme. Vous allez vite comprendre pourquoi

Une fois investie du pouvoir, je pensais pouvoir défaire le rebelle et protéger ma mère. Je me trompai lourdement. J'ai échoué sur les deux tableaux. 

Les pouvoirs de Miss était complètement dérisoires et insuffisants pour combattre une magie aussi puissante. Je n'étais pas entraînée comme l'autre, je n'ai jamais été une guerrière. Je tentai à mon tour de dévier le sort, mais je fus éjectée par le choc de l'impact.

Ma mère n'a pas survécu. J'ai assistée impuissante à son agonie. Ma seule chance était la fuite.

«—C'était la meilleure chose à faire.
—JE SAIS PARFAITEMENT!»

C'est là que nous nous sommes retrouvés, Temuji, alors que cette fille te pourchassait. La suite, tu la connais.

Le magicien en peluche tourna la tête dans ma direction. 

«—Nous n'avions plus beaucoup d'option. J'étais métamorphosé tel que tu me vois à l'heure actuelle et la Princesse était en état de choc. Elle me dit simplement qu'elle avait récupéré les Mânes de Miss et que la bataille était perdue. La seule solution était de trouver un abri pour les Mânes et de mettre la Princesse en sécurité avant que Calixte ne mette la main sur les Mânes et la Princesse. 
—Et c'est là que tu as eu l'idée de la planquer dans ce caisson.
—C'était une idée commune. Mais la seule solution. Je savais que tu ne l'aimerais pas.»

C'était le moins qu'on puisse dire. Surtout après avoir entendu tout ça. La dure boule dans ma gorge me faisait hésiter entre le vomissement et les larmes. Je devais pourtant conserver l'esprit clair : la situation était critique et je me sentais toujours en danger.

«—Eh bien, hum, merci de vous être confiée à moi. J'en suis plutôt ému·e et touché·e.»

Ce qui était parfaitement vrai, pour le coup.

«—Cependant, pardonnez-moi mais vos intentions pour la suite ne sont pas tout à fait claires.
—Plaît-il?
—Et bien vous avez mentionné la «faiblesse» des pouvoirs de Miss et souligné l'inutilité de l'Egide, donc ça m'interpelle. En gros, vous comptez faire quoi?
—Je ne vois pas bien en quoi ça te concerne. Le royaume Minarii est ma responsabilité, désormais et je compte bien faire tout ce qu'il faut pour rétablir l'ordre et la sécurité.
—Je me suis battu·e pour vous et j'ai tout risqué. Si à ça, j'ajoute que je ne compte pas spécialement m'incruster chez vous, je pense que vous pouvez m'en dire un peu plus. Non?»

Je la sentis hésiter face à mes arguments. Mes méninges tournaient à toutes allures pour trouver une solution. Si j'arrivais à me barrer de là, ce serait déjà un bon début. Ou une mauvaise fin.

Le regard de la Princesse se fixa sur le magicien alors qu'elle prit la parole.

«—J'imagine que de toute façon, ça ne changera pas grand chose que je te dévoile la suite. C'est assez simple, à dire vrai. Vois-tu, j'ai pas mal réfléchi –j'ai eu tout le temps– à la meilleure solution et j'en suis arrivée à la conclusion suivante : avoir plusieurs soldates est inutile quand une seule suffit.
—Je vous demande pardon?
—Tu vas me donner les cartouches, Temuji, et je réunirai les Mânes dans une seule personne.
—Majesté! Vous n'y pensez pas! Ce serait bien trop instable et risqué!»

L'objection de Tim était valide, j'en étais la preuve vivante. Mais cette déclaration appelait une autre question, bien plus inquiétante. 

«—Et qui sera cette personne?

Pitié, pas moi, pas moi! 

«—Moi, bien entendu. Je me suis juré que jamais plus je ne serais faible et sans défense. Dorénavant, la souveraine des Minarii n'aura plus besoin de personne pour assurer sa sécurité. Elle s'en chargera toute seule et ne dépendra de personne. Je serai l'Egide et moi seule.»

Tim réagit aussitôt qu'il entendit cette déclaration.

«—Majesté! Ce serait de la folie que de faire une chose pareille!
—Parce que tu comptes m'en empêcher, peut-être?»

Elle se mit à parler doucement de sa voix la plus suave.

«—Tu m'obéiras. Ainsi va ton allégeance. Et je n'ai pas oublié non plus ton rôle très trouble dans tout ça. Je sais que tu as une grosse part de responsabilités dans les récents événements.»

Son ton se fit plus cassant. Elle énonçait des faits.

«—Alors voilà les choses telles que je les vois : personne ne sait quel rôle tu as joué dans le coup d'état et je peux laisser les gens dans l'ignorance de ton crime de haute trahison. Je ne suis pas obligée de te faire exécuter comme tu le mérites et je suis disposée à t'accorder ma grâce pour service rendu. Si tu es malin, tu sais où est ton intérêt.»

De toute évidence, il le comprit très vite puisqu'il cessa d'argumenter.

Ne la laisse pas faire, Miss. Elle met l'équilibre en danger.
—Vous êtes marrantes. J'aimerais bien vous y voir.

Je sentais bien que je ne pouvais pas la laisser faire. Il fallait réagir maintenant sinon il serait trop tard.

«—Il suffit, maintenant, Raphaël. J'ai fait preuve de patience, je me suis montrée franche et honnête avec toi alors que je n'avais aucun compte à te rendre. Installe-toi dans le caisson. Maintenant.
—Non.»

Elle me regarda alors qu'un sourire ourlait ses lèvres. 

«—Je te l'ai demandé gentiment. Par égard.
—Vous pouvez me l'ordonner sèchement, ça ne changera rien. Vous ne pouvez pas me forcer.
—En es-tu absolument certain?»

Elle continuait de me dévisager, son sourire s'accentuait et ne me disait vraiment rien de bon.

«—Tim, il y a un truc qui cloche. Je sais que tu le sens.
—Je ne sais pas ce que tu essaies de faire, mais toute résistance est inutile. Observe et apprend.»

Elle s'installa en position assise sur l'une des marches en croisant les jambes.

«—Prosterne-toi devant moi.»

Avant même de comprendre ce qu'il se passait, mes genoux heurtèrent durement le sol alors que mes mains se posèrent sur le dallage luisant. Mon corps avait agit sans même que je m'en rende compte.

Impossible de bouger. Impossible de parler. Les yeux rivés au sol, j'entendis bientôt la voix de la Princesse, une touche d'excitation dans la voix.

«—Tu l'ignorais, n'est-ce-pas? Tu n'as toujours pas fusionné avec les Mânes, donc tu ne peux pas résister.
—Votre Majesté, de grâce, arrêtez!»

Tim qui prenait ma défense? J'en aurais été ravi·e dans n'importe quelle autre situation. Mais là, j'étais plutôt –comment dire?– réduit·e à l'impuissance et en pleine détresse émotionnelle.

«—J'éduque, Sorcier et j'enseigne à l'un de mes sujets récalcitrants à tenir sa place. Voilà tout.»

Non, ce n'était pas tout. A l'entendre, elle semblait exulter.

«—Baise mon pied.»

Mes lèvres se posèrent sur la pointe de sa chaussure avec un petit bruit mouillé.

«—Par pitié, Majesté!
—Soit, puisque tu insistes, Temuji.»

Implacable, elle décroisa et recroisa ses jambes en me présentant son autre chaussure. Mes lèvres s'y déposèrent également. Mon corps ne m'obéissait simplement plus du tout. Ma volonté était brisée, je ne pouvais rien faire pour lui résister. 

«—Tu comprends maintenant? Je voulais t'éviter ça, mais tu fais la forte tête. Alors on va faire les choses correctement, d'accord? Tu peux te relever.»

Mon corps répondait de nouveau, libéré de l'étau de son emprise. Je me sentis un peu comme un de ces pantins dont on aurait coupé les fils. Je tremblais de tous mes membres, jusqu'aux tréfonds de mon âme et des larmes s'écrasèrent impitoyablement au sol. M'essuyant le visage, je passais devant la Princesse sans la regarder pour prendre place dans le caisson. Ou plutôt dans ce qui ressemblait à s'y méprendre à un sarcophage.

Tim se pencha sur moi.

«—Tout va bien se passer. Ne t'en fait pas.
—Ferme ta gueule, Tim.
—Tu n'es pas seul·e.»

J'entendis une sorte de déclic. Cinq sangles métalliques se refermèrent, m'entravant complètement. 

Il repartit bien vite après ça. Ce fut au tour de la Princesse d'apparaître dans mon champs de vision alors que le couvercle se refermait. Elle affichait une indécente autosatisfaction.

«—Simple mesure de précaution. Certaines candidates se montrent difficiles. Encore plus quand elles comprennent qu'elles vont perdre leurs privilèges.»

Ravalant une réplique bien sentie ainsi que ma colère, je décidai de poser la seule vraie question importante.

«—Ça durera longtemps?
—Tout sera bientôt fini.»

La Princesse se contenta de me sourire alors que les vantaux se repliaient.

Le couvercle se referma, les bruits s'estompèrent et les Ténèbres m'engloutirent. 

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