46. Succession
https://youtu.be/ywgTVIBHhSM
«—Tu es sûr?
—Positif. Elle est piégée et ne peut plus faire de mal à qui que ce soit.»
Tim m'avait enfin rejoint·e. Comme Namue me l'avait annoncé, je me serais sans aucun doute égaré·e dans ce dédale. La meilleure nouvelle restait toutefois que je n'avais pas fait tout ça en vain et que la traîtresse avait été interceptée. Tim m'avait conduit devant une porte en bois massif. J'étais très nerveux·se. L'avertissement des Mânes restait encore bien présent dans mon esprit. Un truc ne tournait pas rond avec la Princesse.
J'avais bien tenté de tergiverser, mais Tim s'était montré très ferme.
«—Je te conduis à la crypte. L'endroit n'est plus aussi sécurisé qu'avant.
—Si il arrive quoique ce soit à ma frangine, je te promets, ça va chier.
—Mais non, elle est détenue dans un endroit, à l'abri. On ne touchera pas à un seul de ses cheveux.
—J'espère bien. Elle tient beaucoup à sa frange.»
J'étais tellement angoissé·e que je commençais à raconter n'importe quoi. Pas que je doutais de sa parole en particulier. Je n'avais juste aucune confiance en lui, tout simplement.
Le moment était venu. Je posais mes deux mains contre les panneaux de bois pour les pousser. Seulement, les portes refusaient de s'ouvrir. Elles étaient comme bloquées, aussi immuables que les astres eux-même.
«—Ca veut pas s'ouvrir! Il y a un mot de passe, un mécanisme, un verrou ou un truc magique?
—Non. Tu es dans le mauvais sens, faut tirer, pas pousser.»
Je sentis mes joues me brûler et heureusement pour lui, le nounours s'abstint de faire un commentaire narquois. Enfin, pas avant que j'eus les mains prises.
«—T'avais pas remarqué les poignées en bronze?
—Ouais, ben chez nous, c'est écrit dessus. Et on ouvre toujours en poussant.»
Ce qui était le cas des issues de secours. Je n'aurais jamais pensé à ça concernant une crypte. Une tradition Minarii, sans doute, d'avoir des macchabées en cavale.
J'ouvrais tout grand les doubles portes sans aucun effort ni grincement.
L'intérieur était exactement comme dans mes rêves, à quelques petits détails près. La pièce circulaire était plongée dans une semi clarté, grâce à un puit de lumière. L'endroit était paisible, les murs blanchis étaient décorés de fresques épiques et les cinq caissons décorés sobrement reposaient là, entre des colonnes serties de pierreries brillantes.
J'avais beau être un peu effrayé·e par l'aspect un brin mortuaire de l'endroit, sa beauté était touchante. Rien de lugubre ou de macabre ici. Juste le repos, un temps mort entre deux chants de batailles, une trêve entre deux guerres.
«—Ou est-elle?»
Je me surpris à chuchoter. Sans trop savoir pourquoi, d'ailleurs, mais l'endroit se prêtait au respect et à la révérence. Elle aurait pourtant dû se trouver là où je l'avais vue : au centre de la pièce, sur l'estrade, dans le faisceau de lumière. La panique commençait à me gagner, cette fois.
«—Elle est ici, dans ce sarcophage.
—Attends, quoi??»
Il me désigna un grand coffret de pierre à dimension humaine.
«—T'es en train de me dire qu'elle est morte?»
J'avais hurlé, cette fois. Et perdu toute contenance.
«—Mais non, elle et moi, nous avons décidé de la plonger dans une léthargie, pour la protéger et aussi la purger des Mânes qu'elle avait en sa possession.
—Je rêve! Tu t'es encore foutu de ma gueule!
—Mais non, calme-toi, et écoute. Je vais la sortir de son sommeil et elle va tout t'expliquer elle-même, je crois que ça sera plus simple. Comme ça, on coupe la poire en deux et tu seras pas obligé·e de me croire sur parole.»
La seule poire qu'il y avait ici, c'était moi. Du début à la fin, on m'avait baladé·e pour secourir une princesse et j'allais être le dindon de la farce. Ou la dinde, vu le pétrin dans lequel on m'avait fourré·e.
«—Miss, il faut que tu m'aides en posant ta main sur la pierre au centre du couvercle.
—Comme ça?
—Voilà, très bien. Ne bouge plus pendant que je m'occupe du reste.»
La main plaquée sur la pierre, j'observais, un peu circonspect·e mais très désabusé·e ce qu'il se passait. De longues lignes de lumière se répandirent sur tous le couvercle, puis sur les côtés du caisson, comme si mon énergie irriguait une sorte de réseau dans la boîte.
Bientôt, le caisson inonda de lumière la pièce alors que le joyau sur lequel j'avais posé ma main brillait d'un lueur qui pulsait, tel un cœur pétrifié reprenant vie. La pierre devint subitement brûlante et j'ôtais ma main, par réflexe nerveux.
«—Tim? J'ai fait une bêtise?
—Non, je crois pas. Ca va aller.»
Un crépitement se fit entendre. Les veines lumineuses électrisaient l'atmosphère, saturant l'air ambiant d'énergie. Puis plus rien.
Tout était redevenu sombre. Tim se jeta par terre.
«—On est arrivé trop tard. Tout est perdu!»
Pourtant, quelque chose s'était produit. Une force était bien là.
Souviens-toi, Miss. Nous comptons toutes sur toi, maintenant.
«—Tim? Tu devrais regarder.»
Une fine ligne de lumière fendit le couvercle du caisson qui s'ouvrit d'un coup sec. Une silhouette gracile se releva doucement en s'aidant de ses coudes. Nul doute à avoir quant à la personne occupant le sarcophage. Ses longs cheveux détachés bruissaient doucement alors qu'elle se redressait.
«—Mes rêves ont été sombres ces derniers temps. Tout ça va changer, maintenant que je suis revenue. Merci, Temuji et merci à toi en particulier, Miss. Ou plutôt devrais-je dire Raphaël?
—De rien, Princesse, j'ai fait ce que euh, il me semblait le mieux.»
Me faire appeler par ce prénom sous cette forme me dérangeait. Je venais à l'instant de le comprendre alors que la Princesse me regardait avec sourire absent, le regard perdu dans le vague.
«—Aide-moi à sortir.»
Un peu surpris·e et à peine rassuré·e, je lui tendis la main pour lui permettre de descendre de son caisson. Elle posa ses pieds nus au sol, toujours avec un vague sourire flottant sur son beau visage. J'observais sa chevelure tombant comme un voile sur la robe courte et légère qu'elle portait. La robe épousait ses formes qu'elle mettait subtilement en évidence sans n'en rien dévoiler. Ses deux jambes jointes évoquaient une danseuse de ballet tandis qu'elle posait délicatement ses pieds nus sur le dallage froid. Elle était telle que je l'avais vue en rêve. A quelques divergences près. C'était comme de jouer au jeu des sept erreurs et de ne parvenir à n'en trouver aucune. C'était troublant. Je relevai la tête pour chercher et je remarquai ses lèvres qui bougeaient. Elle venait de me dire un truc, mais quoi?
«—Pardon?
—Donne-moi mes chaussures, je te prie.
—Euh...?
—Elles sont restées dans le caisson.»
Un peu confus·e, je m'exécutais et les lui tendis. Il y avait vraiment un truc qui clochait. Ce qui me dérangeait. C'était comme avoir une démangeaison à son bras cassé alors qu'on avait un plâtre dessus.
Ce fut Tim qui me mit sur la voie, totalement à dessein.
«—Princesse? Vous allez bien?
—Je vais bien, Temuji. Et les choses iront de mieux en mieux au fur et à mesure que j'y mettrais bon ordre, sois en assuré.»
Sa voix. Son ton. Son visage et même son corps à y regarder de près –enfin à bonne distance–. Son regard était glacé, sa voix bien que mélodieuse était autoritaire. Elle avait le teint hâve et la mine épuisée d'une personne qui sort de convalescence et qui a perdu trop de poids. Ses jambes évoquaient des racines fines et tordues plantées dans ses escarpins.
Elle n'était plus que l'ombre de celle que j'avais vue en rêve.
«—Ne le prenez pas mal, Princesse, mais vous avez vraiment l'air malade. Vous devriez vraiment vous reposer. »
Elle fit quelques pas dans la salle, son regard papillonnant dans la salle circulaire, comme à la recherche de quelque chose qui ne s'y trouvait pas.
«—Ma mère a été tuée, mon Royaume est tombé et je dois rétablir l'ordre et la justice partout ou c'est nécessaire. Je suis la nouvelle souveraine du Royaume Minarii et j'ai déjà dormi alors que mon peuple avait le plus besoin de moi. Donc, pour répondre à ta question : non, je ne me reposerai pas.»
Impossible de s'y tromper. Elle était si glaçante qu'un frisson me parcourut l'échine. Ca ou un courant d'air, mais je n'y croyais guère. Cependant, elle m'accorda un sourire alors qu'elle me dévisageait de ses yeux froids.
«—Mais tu vas m'aider une dernière fois. Avant de repartir chez toi. Tu veux bien, n'est-ce-pas?
—Euh, oui, certes, je suis là pour ça, Princesse.
—Majesté, Raphaël. Désormais, ce sera Majesté. Pour toi aussi, Temuji.»
C'était bizarrement blessant de me faire appeler par un nom qui ne me correspondait plus. Le nounours s'inclina respectueusement. Elle reprit d'une voix veloutée.
«—Parfait. Maintenant, à nous. Je vais avoir besoin de tes Mânes. Mais pour ça, je vais devoir te les retirer.»
Sans trop savoir pourquoi, je ne me sentais pas tranquille du tout. Je pensais qu'être libéré·e du pouvoir serait un soulagement. Il n'en était rien. Je me sentais oppressé·e.
«—Temuji t'a expliqué·e? Pas du tout, j'imagine?»
Le sorcier confirma par la négative.
«—Miss ne me fait plus confiance depuis un certain temps, Princ–Majesté, pardon–, j'ai pensé qu'elle devait entendre la vérité de votre bouche.
—La vérité?»
Un sourire primesautier fleurit sur ses lèvres rosées.
«—Il n'existe qu'un seul moyen d'obliger les Mânes à quitter un corps. Une fois qu'elles ont trouvé refuge, elles ne l'abandonnent qu'à une seule condition. Peux-tu deviner laquelle?
—Non, franchement, je vois pas.»
Elle me fixa intensément alors que son sourire charmeur disparut. Elle se rapprocha de moi. Très près. Trop, en fait. Elle se pencha à mon oreille, sa main posée doucement sur mon épaule de l'autre côté.
«—Menteur... Tu sais très bien où je veux en venir. Nous devons te tuer.
—C'est-à-dire que j'ai pas vraiment prévu de mourir, vous voyez. Ni très envie, pour être honnête.
—Détends-toi. Nous allons simplement simuler ton décès.»
Je soupirai de soulagement et je m'aperçus que je tremblais. Cette femme était complètement givrée.
Elle recula et pointa son doigt vers le caisson, celui-là même qu'elle occupait auparavant.
«—Il te suffira de t'y allonger et on pourra procéder à la rétrocession. Tu seras plongé dans une profonde léthargie, un état très proche de la mort. Les Mânes n'aiment pas ça du tout. Elles seront contraintes de quitter ton corps. Et nous les récupérerons, avec Temuji.»
La peluche tenait déjà entre ses pattes le collier. Réparé.
Espèce de petit...
«—J'imagine que je n'ai plus le choix.
—Non, en effet. Tu m'en vois navrée.»
Ce qui était assez difficile tant elle semblait totalement indifférente à ma détresse.
«—Ça ressemble tout de même vachement à un cercueil, vot'truc. C'est sans danger, au moins?»
La Princesse arqua l'un de ses sourcils parfaitement dessiné.
«—Si je te disais que cela a fonctionné sur moi, est-ce-que tu arrêteras de nous faire perdre notre temps, Raphaël?»
⁂Yedel l'auteur⁂
Permettez moi de vous présenter la Princesse.
Enfin, Sa Majesté, elle semble beaucoup y tenir.
Je ne sais pas trop ce que vous pensez d'elle,
mais gardez en tête qu'elle est de sang royal...
Ceci explique cela.
Maintenant, que va-t-il se passer?
Que veut faire La Princesse? Tim est-il un lèche botte en plus d'être sournois?
R va-t-il s'en sortir indemne?
Des questions qui recevront probablement des réponses la fois prochaine!
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