38.Transcendance
https://youtu.be/3VRPciSG8BE
Un nuage noirâtre s'était formé, une sorte d'épaisse fumée poisseuse et opaque qui semblait boire le peu de lumière ambiante.
«—Rends. Les. Nous.
—Cette voix... Tu l'as entendue, Tim? C'est quoi cette chose?
—J'ai bien peur que oui. C'est la Corruption dans sa forme la plus pure.»
Plusieurs points lumineux s'ouvrirent dans le linceul immaculée de ténèbres.
«—C'est une entité vivante?
—Mais évidemment! Je pensais que tu l'avais compris, depuis le temps! Tu as oublié ton premier combat?
—Silence. Rends. Les. Nous.
—Je sens que la communication va pas être terrible entre nous. On dirait que t'as pas la lumière à tous les étages, alors autant être clair·e : ma réponse est non.»
C'était pas la meilleure chose à dire à une créature des Ténèbres.
«—Soit. Nous. Les. Prendrons.
—Amène-toi! J'vais t'en faire voir de toutes les couleurs! Spark'l'ing!
Mais le rayon aussi coloré et flashy que surpuissant ne pouvait atteindre une entité vaporeuse. Il se contenta de traverser les nuées qui se refermèrent aussitôt.
L'electro-cute, c'était même pas la peine d'essayer. Le constat était simple, rapide et aussi efficace qu'une tapette à mouche électrique. J'étais impuissant·e.
De longs rubans noirs enveloppaient les zombis présents. Ils poussèrent des cris, déchirants leurs peaux marbrées, en laissant apparaître des difformités musculaires répugnantes. Ce fut Tim qui me tira de ma muette stupeur face à cette horrible spectacle.
«—Miss! Il faut retrouver les filles!»
Il pointa sa patte vers le réseau de fils qui se répandaient comme un nœud compact de serpents grouillants.
«—Vous. Ne. Pouvez. Vous. Cacher.
—T'as raison, Tim. Pas envie de discuter avec ça. On bouge!»
La Corruption ne fit rien pour nous arrêter. Ce qui n'était pas le cas des super-zombis. Plusieurs se jetèrent sur nous. Enfin sur moi. Ils me rappelaient Mélichor : puissante, mais pesante.
Sauf que là, ils étaient plusieurs. L'un d'entre eux réussi à m'agripper le bras.
Non! S'ils m'attrapent, c'est foutu!
Un autre me ceintura et un dernier passa son énorme bras aux muscles turgescents autour de mon cou bien trop fin pour une étreinte pareille.
La Corruption semblait se rapprocher de moi, peu à peu, alors que les fils de ténèbres s'approchaient de moi, telle une main griffue.
C'était perdu. Je ne savais pas ce que voulait ce truc, mais certainement pas du bien. Je ne pouvais plus rien faire avec trois assaillants comme ça. Autant essayer le breakdance dans une cuve de ciment à prise rapide.
La main s'approcha, inexorablement, lentement de mon visage alors que s'écartaient progressivement les longues phalanges telles les pétales d'une fleur particulièrement moche.
Mais mortel. J'étais seul·e cette fois. Plus personne ne viendrait à ma rescousse.
«—Miss! Réagis, bon sang, fais quelque chose!»
Heureusement, on pouvait toujours compter sur Tim et ses encouragements. Je souris malgré moi. Tout serait bientôt fini. J'ai préféré fermé les yeux. Tout devint sombre. Ma colère, ma peur et une autre émotion que je n'identifia pas tout de suite m'écrasèrent. J'avais perdu. Tout perdu.
«—Reste loin de moi, Raphaël.»
Camille?
«—Tu es toxique. Au niveau nucléaire.»
Stella, maintenant? Mais qu–
«—T'as pas le droit! C'est pas à toi de décider!»
Et maintenant Charlotte. Et j'ai alors réalisé l'ampleur de mon échec. Pas juste les plus récents, mais celui de ma vie, plus général celui-là. Je n'espérais plus d'aide, mais je ne m'attendais pas non plus à ce qu'on vienne me pourrir.
«—Démerdez-vous, alors, parce que moi, j'abandonne... »
Cette dernière émotion me submergea, comme une digue cédant sous un raz-de-marée après une éruption volcanique. Une profonde mélancolie m'étreignit de ses bras glacés.
«—Tu as oublié, Miss.
—Oublié quoi?
—Ce que t'as dit ta précédé-sœur.
—Faudra me rafraîchir un peu la mémoire assez vite parce que je vais sans doute caner.
—Je suis là, avec toi.
—Moi aussi.
—Toujours là,
les autres aussi.
Des dizaines d'autres voix se firent entendre, plus faibles, des échos lointains, quelque part dans un coin de ma tête. Il n'y avait personne d'autre que moi et Tim quand j'ai fermé les yeux, j'en étais certain·e. Personne. Entendre des voix n'étaient pourtant pas un symptômes de mort imminente, du peu que j'en savais.
«—La Corruption cherche à t'avoir, Miss. A te manipuler. Nous pouvons l'empêcher de d'atteindre, mais tu dois l'empêcher de nous atteindre.
—Fallait demander à une danseuse de Tango, alors parce que je vois pas comment c'est possible.
—Ne succombe pas à la noirceurs de tes émotions. Tu es forte, vive et spirituelle. Nous le savons. Tu peux résiste. Tu dois résister.
—Alors vous êtes les Mânes. Ça aurait été cool de se croiser plus tôt.
—Il n'est pas trop tard. Au contraire. Tu as encore des vies à sauver. La tienne. Les nôtres. Et bien d'autres encore.»
Sans pression, bien sûr. A quel moment on se dit qu'il faut écouter les voix dans sa tête, au fait?
«—Bon, je vais jouer mon va-tout, les filles. Faudra pas m'en vouloir si ça foire. Ok?
—On ne sera plus là pour ça de toute façon, Miss.
—Merveilleux.»
J'avais pris la décision d'arrêter un peu le sarcasme pour me concentrer un peu plus sur la réussite. Je sentis toutefois la pointe d'un douce chaleur. Entendre les Mânes m'avait fait quelque chose. Elles m'avaient donné un peu d'espoir. Et ça, c'est trop précieux pour être gâché.
«—Bon les filles, je sais pas trop comment vous allez faire, mais j'y vais. Préparez-vous, ça va secouer.»
Je sentais ce mince espoir, comme une allumette dans la tempête, mais je sentais aussi la présence des Mânes sans savoir trop pourquoi. Je n'étais plus vraiment seul·e désormais et ce réconfort était ce qui me fallait là, tout de suite. Je me suis raccroché·e à cette mince espérance dans la tourmente, comme à une bouée de sauvetage dans un naufrage, je m'y suis cramponné·e de toutes mes forces, de toute mon énergie, de toute mon âme. Je n'étais plus à la dérive.
D'un coup, j'ai ouvert les yeux. La pogne fantomatique ne parvenait pas à me toucher. Je la sentais presque contre mon visage, mais il n'y avait eu encore aucun contact. Comme si une mince pellicule l'empêchait de m'atteindre.
C'était donc ça. J'ai enfin compris!
Concentrant tout mon pouvoir disponible, je le laissais éclater d'un seul coup. J'ai tout donné sur un seul cri.
«—NICE SCREAM!»
La déflagration fut telle que les trois zombis furent catapulter comme de vulgaires moustiques après un vigoureux coup de torchon. Une tempête d'énergie déferla tout autour obligeant la Corruption à reculer.
«—C'était quoi, ça? Miss? Ça va?
—Ça ira mieux quand on aura retrouver les autres, Tim. Et pour répondre à ta question c'était un petit cadeau de Priss. Je crois.
—Priscilla? Mais c'est imp–
—On a plus le temps, on bouge.»
La Corruption n'avait pas eu la gentillesse et la patience d'attendre que je déballe mon expérience intérieure. Qui plus est, c'était très intime et j'étais pas sûr·e d'avoir très envie de la partager avec quelqu'un et encore moins lui. J'agrippais le Nounours et fonça bille en tête à la recherche de Stella et des deux amies. En espérant qu'elles ne se soient pas séparées.
Ce serait stupide de se séparer en situation de danger, pas vrai?
J'avais perdu un temps fou et la Corruption avait de l'avance. Mais nous étions toutes prisonnières ici. En toute logique, elles ne pouvaient pas être allé bien loin.
«—Zombis, droit devant!
—J'ai vu, merci. 'Tain, c'qu'ils sont moches!»
J'ai sauté par dessus l'un, électrocuté un autre.
«—Voyons voir, tu es en fuite et tu veux te cacher d'une menace inconnue et terrifiante. Ou tu irais, toi, Tim? Et me réponds pas «un vieux pneu», ça compte pas.
—C'est pourtant la planque parfaite. Elles ont tenté de vouloir s'échapper, donc vers la sortie?
—Tim, t'es un génie. Elles se sont enfermées dans l'escape game!
—C'est pas du tout ce que j'ai dit.»
La baraque était là. La Corruption aussi. C'était surtout ce dernier détail qui m'avait suggéré cette piste. Les fils vaporeux étaient là et menaçaient de s'engouffrer.
«—Divin' Eyeslash!»
Impossible de savoir à l'avance ce que ce sort allait faire, mais j'étais persuadé·e que c'était celui là qu'il fallait lancer. Il provoqua un puissant coup de taille aérienne qui dissipa la fumée. L'accès était libre.
«—Stella? Les filles? Vous êtes là?»
Un silence de mort accueillit mes questions. Silence seulement interrompu par un «chut!» discret à l'intérieur, qui me fit sourire.
«—Mélissa?»
La porte fut ouverte par une Stella à la mine pour le moins contrariée.
«—Bon, c'est quoi le plan?»
Très bonne question, parce que je n'avais pas la plus petite d'idée d'un début d'amorce d'ébauche de commencement de plan. Je me suis alors logiquement tourné·e vers Tim.
«—C'est vrai ça, c'est quoi le plan? Comment je fais pour les protéger et me battre contre ce truc?
—T'es sérieux·se là? Tu m'as sorti de ton sac deux sorts que t'es pas censés connaitre et tu n'en connais aucun pour les protéger?
—Si, mais c'est pour savoir si tu suivais.
—...
—Allez arrête de bouder et aide moi.»
Camille s'avança, et tentant vaillamment de remettre une mèche en place. Son tremblement ne trompait personne, mais elle semblait déterminée.
«—Moi aussi, je veux me battre. Si elle peut le faire, alors moi aussi.»
Elle s'était adressé au sorcier en me désignant du pouce. Charlotte intervint à son tour.
«—Si t'y vas, j'y vais aussi.
—Mais c'est dang–»
Elles me lancèrent un regard qui me fit aussitôt taire.
«—Dans ce cas, il y a bien le pouvoir de Namue qui pourrait aider...
—Et c'est seulement maintenant que tu m'en parles?
—Je ne voulais pas que tu t'en serves. Et toi non plus, tu ne voudras pas. Ça sert à promouvoir des soldates en leur accordant un peu du pouvoir des Mânes.
—Ah oui, pour une fois t'avais raison. C'est hors de question que je fasse de vous des soldates.
—C'est notre choix. Encore une fois, tu décides à la place des autres. Et tu ferais bien de te dépêcher.»
Elle pointa son doigt vers une turbulence noire qui arrivait sur nous en déployant des volutes de ténèbres. Résigné·e, j'écoutais la formule que me murmura Tim dans l'oreille. C'était un malin, il n'allait pas la balancer à voix haute, et pour cause.
«—Elles sont de pires en pires tes incantations!»
Stella poussa un cri alors qu'elle retira vivement sa main. De la vapeur noire l'avait brûlée.
«—Rosebuddy Call!
—T'es sure que c'était une bonne idée?
—Trop tard pour faire machine arrière!»
Une intense lueur multicolore nous aveugla.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top