25.Equilibrisme

https://youtu.be/8pye1d018aQ

J'avançais dans un couloir sombre. Ca ressemblait à celui du self, mais différent. D'Ælin était là avec Sammy, le cuistot. Ils parlaient ensemble et ils me remarquèrent.

— L'heure a déjà sonné, tu vas être en retard!
— Je file, alors.

Qu'est ce que je pouvais dire d'autre? Il ne fallait pas que je me mette en retard. Max m'attendait, avec Tim dans les bras.

— Faudra vraiment que tu m'expliques comment tu fais, Raph.
— Comment je fais quoi, Max?
— Arriver à l'interro de physique sans pantalon. Et en culotte.
— Attends, j'peux tout expliquer!

Tim ricanait et se sentit obligé d'intervenir.

— Mais je t'en prie, éclaire-nous, on a tous très envie de connaître la vérité.
— L'écoute pas Max, ce pervers m'a transformé en fille pour combattre des monstres à sa place!
— T'aurais pu trouver mieux que ça pour cacher ton secret.

Max se contenta d'hausser les épaules, une moue dubitative sur son visage. Camille était là aussi, surgie de nulle part.

— Sauf que t'es pas une vraie nana, toi. Viens avec moi, Tim, on va chercher mon téléphone.

Seul devant la porte. Ils avaient tous disparu. Pas le choix, fallait que je rentre, même comme ça. Mon ventre se tortillait, j'avais l'estomac qui s'était changé en bloc de glace et ma main tremblait tant qu'elle en était floue. J'agrippai la poignée de la porte de la salle de classe où m'attendait le prof de physique-chimie.

Ce n'était pas la salle de d'habitude, avec ses paillasses blanches, ses vitres, ses éviers et ses becs bunsen. J'avais au moins évité l'humiliation de me balader comme ça devant tout le monde. J'étais déjà venu ici. C'était la salle circulaire dans laquelle étaient disposés les caissons.

Et elle était là, assise sur l'estrade, l'air plutôt décontracté. Elle me fit signe d'approcher.

— Miss? je suis encore en train de rêver, alors?

Elle me répondit avec un large sourire d'une resplendissante félicité. Sans savoir pourquoi, j'avais l'étrange sensation que je ne ressemblais pas du tout à ça lorsque je me transformais. Cette fille était d'une beauté renversante : tout dans son attitude et sa pose était classieux, élégant et d'un raffinement extrême. Même dans cette posture nonchalante, elle restait gracieuse et distinguée dans sa petite robe diaphane et diaprée. Ses jambes croisées et posées sur les marches de l'estrade, la main placée derrière elle pour garder l'équilibre. Elle portait des bracelets étincelants qui cliquetaient autour de ses poignets fins et délicats. Elle portait des escarpins luxueux qui mettaient en valeur ses chevilles graciles. Ses cheveux étaient noués en macarons, ce qui mettait en valeur son cou et son port de tête altier.

De sa main libre, elle tapota doucement la marche située juste à côté d'elle, au doux tintement de ses bracelets. Je m'y installai, c'était clairement la meilleure chose à faire. J'étais assis trop bas, malgré tout.

— C'est un peu plus compliqué que cela, Raphaël.

Je mis un peu de temps à raccrocher les wagons et me rappeler de ma question.

— Mais je suis heureuse de te revoir. Tu as accompli tellement de choses pour moi.
— Enfin, on les a accompli ensemble. Tu étais là, toi aussi.

Un léger pli se dessina entre ses sourcils arqués parfaitement dessinés.

— Prends juste le compliment. Tu t'es battu alors que je ne pouvais pas le faire directement. Tu m'as très bien comprise. Je voulais simplement te féliciter et te remercier. Pour tout.

Elle posa sa main délicate sur ma joue, en me frottant doucement la pommette de son pouce.

— Je devais te mettre en garde contre Namue et contre Calixte, surtout.
— Tim m'a déjà mis au courant. Mais, hum, merci. Je dois aussi te parler.

C'était le moment ou jamais. J'avais des tas de choses qui me trottaient dans la tête depuis la dernière fois, et je ne voulais pas qu'elle me réduise encore au silence. Elle secoua doucement la tête, reprenant son léger sourire.

— Allons bon, tu sais que la menace vient de ces deux-là. Et tu ne sais pas tout. Namue n'est pas celle que tu crois. Elle nous a trahis et n'aura aucun scrupule à recommencer.
— Pardon? Mais pourqu...
— Pourquoi Temuji t'aurait caché que Namue était l'une des nôtres? À cause de sa responsabilité dans toute cette histoire. Parce qu'il a honte de ça. Évidemment qu'il ne t'aura rien dit. Maintenant, tu sais. Et cette traîtresse est la dernière carte de Calixte. La prochaine fois, il sera obligé de frapper fort. Il a presque trouvé la Princesse et tu dois la protéger, avec ta vie, s' il le faut. Est-ce-que c'est bien clair?

Difficile d'être aussi limpide. Elle me fixait de ses grands yeux, sa main toujours sur ma joue et je sentais même le parfum à la cannelle de son souffle.

— J'espère que j'aurais pas à en arriver là, Miss, mais promis, je ferai de mon mieux.
— Il reste à espérer que ce sera suffisant, dans ce cas.
— Je dois te dire qu'une de mes camarades a des sentiments pour moi, enfin pour toi quand tu es moi, si tu vois ce que je veux dire...

Elle me regarda avec insistance, subitement impassible, dans l'attente de la suite.

— ... et je ne sais pas quoi faire. Elle a un gros crush sur toi et j'étais pas sûr que tu le saches ou que tu l'aie même remarqué. J'ai aussi pris l'initiative de euh d'adapter l'uniforme de l'Egide, tu vois. Faire des acrobaties sur des échasses, c'est ni très évident ni très pratique. Et je ne parle pas de la jupe, c'est vraiment pas commode.

Elle continuait de me fixer, toujours d'une neutralité marmoréenne. Elle semblait s'être pétrifiée en me dévisageant. Finalement, elle changea de position, en poussant un soupir agacé.

— Raphaël, tu te rends bien compte que je suis au-dessus de tout ça, n'est-ce-pas? Une jeune humaine a un crush sur moi, que veux-tu que j'y fasse? Ça ne signifie rien pour moi. Fais comme bon te semble avec elle, peu m'importe.
— Euh, alors en fait...
— Je n'ai pas terminé. Concernant le reste, je désapprouve. Totalement et radicalement. Nos guerrières portent ces uniformes et il a une signification, c'est un symbole pour nous. Les femmes Minarii s'en accommodent très bien depuis des siècles, et je ne vois pas pourquoi toi, tu te permets de rejeter ainsi nos traditions et tout ce que ça représente. Je ne t'autorise pas à faire comme bon te semble dans le port de l'uniforme.

En un battement de cœur, elle s'était déplacée. Elle se tenait debout, devant moi en me toisant.

Étais-je en train de rêver ou bien en train de me prendre une soufflante?

Les deux, en fait.

La tentation de se dire que que j'étais en train d'halluciner sur plusieurs niveaux était prégnante. Un record. Elle avait les yeux qui luisaient, elle semblait véritablement furieuse. Je n'allais tout de même pas me laisser engueuler après tout ce que j'avais dû subir.

— C'est nouveau pour moi, je te signale. Je ne suis pas une fille authentique et j–

Elle fit un moue assortie d'un délicat haussement de sourcil en penchant subtilement la tête.

— Tu te cherches des excuses. Fais comme nous et apprends.

Elle ne se rendait pas compte de ce qu'elle exigeait de moi. Non seulement je prenais son aspect mais en plus, je devais me battre comme elle et me comporter comme elle. De fait, je passais déjà mes nerfs sur Tim, mais c'était différent.

— Écoute, je ne sais vraiment pas comment vous faites pour vous battre comme ça. J'y arriverai pas sans déroger au dress code, alors déso pas déso, je me suis adapté.

Elle se redressa pour lisser sa mini-robe diaprée d'un geste vif et nerveux tout en évitant soigneusement de me regarder.

— Je t'autorise exceptionnellement à prendre des... libertés sur l'uniforme. Disons que ce sera un geste de remerciement pour ton travail.
— Et maintenant?

Elle se rapprocha de moi en un battement de cil. Elle plaqua son corps contre le mien et se pencha dans mon cou pour me susurrer à l'oreille.

— N'oublie pas ce que je t'ai dit. La protection de la Princesse doit être ta seule préoccupation.

Je n'étais pas tout à fait d'accord sur cette affirmation. Si j'étais là, avec elle, ça voulait dire...

— Hé! Ho! RAPHAEL! Tu dors en cours maintenant? Tu viendras me voir à la fin de l'heure!

Le prof était rouge de colère et le reste de la classe se retenait de rire à grand peine. La tension était palpable, même à moitié réveillé. Max me regarda, l'air vraiment inquiet pour une fois.

— Mec, ça fait cinq minutes qu'il essaie de te réveiller! Tu lui as foutu la trouille!

Pas autant que moi quand j'ai réalisé que j'avais détrempé mon cours d'un demi-litre de bave. Au moins, le cours n'était pas fini. Ça aurait été difficile de me lever.

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