20.Retour

https://youtu.be/JaqC1mwe6qk

J'entendis des couinements aigus en provenance de la droite. Une voix qui criait des propos incompréhensibles. Surtout parce qu'ils étaient étouffés par une personne qui crachait ses poumons, quelque part sur ma gauche, pas très loin.

J'avais encore la tête qui tournait. Et ce n'était pas seulement le chlore. J'avais atterri je ne sais comment sur mon séant, trempé·e et frigorifié·e. Ce fut le vernis fuchsia sur mes ongles de pieds qui me ramena au présent. J'avais vraiment dû manquer sérieusement d'air pour être à ce point dans les vapes. Le bourdonnement dans mes oreilles diminua d'intensité et je pus enfin comprendre ce qu'on me disait, et surtout qui me parlait.

— Tu l'as fait, Miss! Bravo, c'était magistral!
— Merci, Tim, mais c'est loin d'être fini. Attends, où sont passés les zombies?

Ma vision était encore un peu floue, mais pas assez pour me rendre compte de l'absence assez soudaine et inexpliquée d'antagonistes présents quelques minutes auparavant.

— Ils t'ont suivi·e dans la piscine.

Tim pointa son bras en direction du bloc de résine translucide qu'était devenue l'eau de la piscine. On voyait distinctement les formes noires gigoter dans leur gangue, tels des poissons dans leur panure. Cette vision ne me rassura pas pour autant.

— Comment on va faire, Tim? J'arriverai jamais à réparer ce merdier!

Des bruits de pas mouillés en provenance de ma gauche s'intensifièrent.

— Euh tu vas bien?

C'était Max. Je l'avais complètement oublié. Il ressemblait à un petit rat tout mouillé, la voix rauque, le souffle court et sans lunettes.

— Ouais, ça peut aller. Tu devrais t'asseoir et récupérer.

Toi, au moins, t'as plus à t'en faire.

— Tu vas rire, mais je jurerai avoir entendu le nounours parler.
— Ce sera sans doute pas le truc le plus bizarre que tu auras vu aujourd'hui.

Je repliai mes jambes contre moi, les bras autour. Un peu contre le froid, un peu par détresse.

Max se pencha et étala une serviette sur mes épaules, avant de s'asseoir à côté de moi, l'air perdu.

— Merci, c'était classe comme sauvetage.

Le regard bloqué sur la piscine et le cratère que j'avais laissé dans l'eau durcie me donnait envie de pleurer. Non, pas que ça en fait. Tout le reste. À quel point tout ça était de ma faute?

— Écoute, hum, j't'ai entendu·e et je crois que tu vas y arriver, t'sais... À réparer tout ça. J'ai confiance.
— Ah bon? Et qui c'est qui va m'aider? Hein? Toi? Le nounours?

Le pauvre n'y était pour rien, mais là, il fallait que ça sorte. Et il allait tout prendre dans la poire.

— Je reconnais ce nounours. Il est dur à oublier, c'est celui de mon pote Raphaël. Je ne sais pas quel lien tu as avec lui, mais tu le connais. Si tu peux l'aider lui aussi à s'en sortir, ce serait cool. Et peut-être qu'à nous trois, on finira bien par trouver un truc. Non?

Il me sourit, un peu bêtement mais avec une certaine chaleur que je ne lui connaissais pas. Même un peu niais, son discours me fit du bien au moral. Je m'essuyais les yeux avant de resserrer la serviette autour de mes épaules.

— Tu pleures?
— Nan c'est le chlore.

Ça devait être vrai, ce truc de champs de vision, parce que je le voyais clairement promener son regard sur moi et mon maillot. Le froid me donnait des frissons. Je resserrai machinalement un peu plus la serviette autour de mes épaules pour cacher ma poitrine. Il avait beau être mon pote, je n'allais quand même pas le laisser me mater aussi impudemment. Je le vis amorcer un mouvement de son bras vers mes épaules.

— Je te déconseille de faire ça. La serviette que tu m'as donné·e n'est pas super propre.
— Ah, je me disais aussi que ça sentait bizarre... Le chlore, sans doute.
— Oui, sûrement.
— C'est sympa ta couleur de cheveux, en dégradé bleu-vert.

J'étais bloqué·e là, à ne pas savoir quoi faire pendant que mon meilleur pote tentait de me draguer, assez maladroitement, il fallait bien l'admettre. Presque une journée normale.

Il tenta bravement de relancer la conversation, en dépit de ma muette indifférence.

— T'es un genre de super héroïne, c'est ça?
— Hein?

Je l'ai regardé à ce moment précis et, même sans ses lunettes, impossible de ne pas voir dans ses tout petits yeux rougis par l'allergie quelque chose qui brillait, comme une étincelle. Il y avait quelque chose là qui n'y était pas d'habitude.

— Tu t'trompes. J'n'ai rien d'une héroïne. Pour être franc·he, j'ai même pas choisi.

Et tu es loin de réaliser à quel point.

— Mais, hum, comment tu... Enfin...?
— Disons que j'ai hérité de certaines... responsabilités que je dois honorer. C'est un peu ma seule chance de pouvoir m'en sortir en un seul morceau et de reprendre une vie normale. Je ne sais pas si c'est clair ce que je raconte.

De nouveau, ma gorge se serrait sous le coup de l'émotion. J'aurais dû être plus fébrile, plus réactive. Le temps pressait. Camille était barricadée avec Gabriel, et je ne savais pas exactement combien de temps elle allait le supporter. Lui et les zombies.

Max renifla bruyamment. Il s'éclaircit la voix.

— C'que t'as fait pour moi, c'était pas juste classe. C'est la chose la plus cool et la plus gentille qu'on ait jamais faite pour moi. Pendant un moment, tu m'as donné l'impression d'être... Tu sais? Important, quoi.

Mon humeur était contagieuse ou quoi? Ou alors un nouveau pouvoir : refiler la déprime. Je me disais qu'un petit geste de sympathie ne pourrait pas faire de mal, alors j'ai tapoté de ma main son épaule. En toute amitié.

— T'es pas obligé·e de faire ça. En plus du reste. J'ai l'impression que tu t'imagines coincé·e dans une situation et de t'imposer des objectifs impossibles à atteindre. Tu disais ne pas avoir voulu tout ça. Donc, tu ne dois rien à personne.

Je n'avais pas bien suivi ce qu'il voulait dire, ou tout simplement pas bien compris où il voulait en venir. Ça devait se voir car cette fois, il me regardait droit dans les yeux, toujours avec cette lueur dans le regard.

— Si tu dois te battre, ben fais-le pour toi aussi. J'ai envie de dire, fais le d'abord pour toi. T'as parlé de responsabilités, ça sonne comme un boulet, un truc lourd qui te pèse. Tu crois pas que ce serait mieux de faire comme toi, tu le sens? Avec tes standards?

— Je ne vois pas vraiment ce que ça change. Si je ne gagne pas, personne ne va se battre à ma place. C'est marche ou crève.
— C'est pas ce que j'essaie de te dire. Mon père me dit toujours que dans la vie, on doit se battre avec ce qu'on a et pas ce qu'on aimerait avoir.
— Là, il parlait de ton asthme.

C'était parti tout seul. Je ne sais pas pourquoi je m'étais montré·e si cinglant·e. Il déglutit, avant de poursuivre.

— Oui, j'me doute, mais ça marche aussi pour toi. Fais de ton mieux pour "réparer ce merdier", comme tu disais, et si ça ne suffit pas, ma foi... Tant pis. Tu peux pas tout faire tout·e seul·e et être obligé·e de réussir, pas vrai?

Là, il marquait un point, mais il ne mesurait pas bien la situation. A part moi et Temuji, il n'y avait personne d'autre sur qui me reposer. Et encore, Tim n'était pas du genre très fiable.

Je me redressai d'un coup, la serviette tomba au sol avec un bruit humide. Après tout, il fallait en finir une bonne fois pour toute : tant pis pour les conséquences.

— Max? Merci. Raphaël m'a dit une fois que t'étais le meilleur pote qu'il pouvait espérer avoir. Et qu'il aimerait que tu lui pardonnes pour l'iPhone.
— Ça, jamais.

Mais je le surpris à sourire en coin. Pendant les quelques pas qui me séparaient de Tim, j'ai endossé une tenue plus adéquate, et surtout sèche. J'aurais juste préféré qu'elle ne soit pas rose à strass.

— Oh, attends! Je sais même pas comment tu t'appelles? T'as un téléphone?

Difficile de ne pas répondre à une telle supplique, pleine d'espoir et de sous entendus hormonaux. Je me suis retourné·e vers lui en lui dédiant un sourire, que j'espérais sibyllin mais pas trop ambigu.

— Oui, bien sûr, que j'en ai un.

J'ai tendu la main vers Tim pour le récupérer. Et vérifier le dossier photos, aussi.

https://youtu.be/HbxgaHZp0YY

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