19.Asphyxie

Le plan était simple. Cam et l'autre allaient attirer l'attention des zombis et de D'Ælin sur eux tout en masquant ma destination réelle. Le monstre pouvait m'entendre de très loin. La solution était donc toute trouvée. Je devais secourir Max le plus vite possible et revenir à la cantine. Si j'avais bien calculé mon coup, il lui était impossible de prédire ce que j'allais faire. Une fois l'otage libéré, je devais retourner à la cantine pour l'empêcher de s'attaquer aux deux musiciens.

Du gâteau, quoi.

Camille me détailla d'un bref coup d'œil après avoir terminé ses réglages.

— Tu vas réussir à courir avec ces chaussures?
— Ah, j'avais oublié mon dress code. J'dois commencer à m'y faire.

Concentration intense, il me fallait des basquettes et des fringues pratiques...

Allez, Miss, tout ce que tu veux, mais là, on peut pas battre des records si on ne sacrifie pas un peu le standing! Focus!

Une lueur et des exclamations plus tard et c'était fait. J'avais non seulement des chaussures dignes de ce nom, mais en plus des jambières et des mitaines ultra stylées. Bon, je ne parlerais pas des couleurs dans les tons flashy vert et rouge ni du «M» stylisé en strass sur mon T-shirt. Miss aimait la couleur, et j'avais décidé de respecter ça. A défaut de pouvoir faire autrement.

— Classe. J'aime beaucoup.
— Merci Camille.
— T'as l'air d'une livreuse de Pizza déguisé·e en licorne.
— La ferme, Gabriel.

Je retournais ma casquette visière vers l'arrière. Un truc d'aérodynamisme.

— Maintenant, c'est quand vous voulez. Prêt·e pour le parkour.

https://youtu.be/bTNSV1QI1sU

J'espérais une diversion. Et j'ai eu du bruit, beaucoup de bruit. Camille était en roue libre, Gabriel donnait l'impression de ramer avec ses baguettes. Ce qui n'était pas facile, mais il s'accrochait.

La vache, c'qu'elle envoie!

Alors que je restais stupidement à la regarder, hypnotisé·e, elle me jeta un regard mi- amusé mi- consterné.

— Qu'est ce que t'attends? Fonce!

On avait raccordé la sono avec le réseau d'annonce. Les décibels se déversaient partout dans les couloirs du bahut. Elle avait raison, fallait vraiment pas trainer. On avait barricadé les portes, et je devais me glisser par le vasistas. Et de là...

— Tu te rends compte qu'elle est sûrement au courant de ce que tu prépares?
— J'te préfère muet, Tim, j'avais presque réussi à oublier ton optimisme.
— C'est de la folie, la cour est envahie, tu vois bien!
— Parfait!

Sachant que la piscine se trouve à environ 400 m de la cantine et que je devais faire un aller-retour avec des monstres partout, euh...

— Oh et puis merde! Pas le temps pour les maths! On demandera à Max quand on l'aura sauvé!
— Mais de quoi tu parles?
— Tais-toi et accroche-toi!

Je suis parti·e comme une balle (de tennis, parce que c'est rond et jaune, comme un smiley), tandis que les zombies faisaient barrage.

J'en ai bousculé un, dégagé un autre, balancé un coup de pied retourné à Nathan, avant d'expédier Timéo dans les airs, pour finalement me fendre d'un grand écart pour éviter d'être pris·e en sandwich par un assaut désordonné mais vicieux.

— Merde, on a pas le temps! Elec-trop-CUTE!

La décharge traversa un groupe compact de quatre zombies qui se touchaient.

— J'crois qu'ils ont eu le coup de foudre.
— C'est pas le moment, Tim, ils gagnent du temps! On est encore loin, même à vol d'ois–Oh...

C'était ça l'idée de génie! Aussitôt, j'ai sauté sur les épaules de mon assaillant direct qui n'était autre que Quentin, le surveillant, pour continuer ma course de saut en saut.

— C'est ce qu'on appelle un tête-à-tête réussi!
— J'crois que ça leur passe au-dessus, Tim!»

J'avais réussi à franchir le plus gros de la marée, me restait plus qu'à slalomer entre ceux de l'arrière-garde. Et j'ai toujours détesté les mouvements d'arrière garde. La chanson était presque finie, y avait vraiment plus une seconde à perdre.

— Au douzième «antisocial», il restera moins d'une minute!

J'arrivais enfin dans la piscine couverte du lycée pour assister à un spectacle des plus étranges.

Max était assis sur le bout du plongeoir, sa Vento à la main, ses lunettes pleine de buée pendant qu'une groupuscule de zombies l'empêchait de quitter sa place. Tous se tournèrent dans ma direction lors de mon arrivée fracassante.

— Aidez-moi! Ils sont devenus fous!

Effectivement, Dorian, Enzo, Arthur et Nolan (je crois) bavaient abondamment et ils étaient tellement courbés que leurs bras touchaient le sol. Y a pas à dire, les frites, ça n'avait vraiment pas été une réussite pour ceux-là.

Ils se redressèrent d'un seul coup, sans aucune raison apparente. Enfin, à part ma seule présence.

— Parfait, les nazes, amenez vous!

Mais les nazes avaient d'autres plans ou, je le compris après, avaient reçu des instructions, et ils avancèrent vers un Max paniqué.

— Stop, hein? J'vais le dire! J'arrive pas à respirer avec le chlore! J'ai dit STOP!

Sa voix était montée d'un octave ou deux, et clairement, il avait une trouille bleue. Sans doute un rapport avec le fait qu'il n'avait jamais voulu apprendre à nager.

— Va falloir plonger, Miss!
— Pas moyen! Tu m'f'ras jamais enfiler un maillot de bain, c'est clair?

Un lourd bruit d'éclaboussure vint mettre ma conviction à l'épreuve. On s'était un peu brouillés, c'est vrai, mais ça méritait quand même pas une noyade. Encore que...

— Miss! Grouille, il coule comme une pierre!
— J'te préviens, si tu me reparles de cet épisode...
— Pas besoin, regarde! Un zombie l'a fait tomber tout à l'heure. Je ferais des photos!

Il avait sorti un GSM de sa poche ventrale. Le p'tit bâtard. Plus le choix, fallait encore se mouiller et essuyer une cuisante humiliation. Un éclair plus tard suivi d'un plongeon acrobatique, et je nageais aussi vite que possible pour repêcher mon pote occupé à ingurgiter l'eau de la piscine. Une eau qui...

Merde! Un piège...

L'eau avait pris une texture bizarre, plus visqueuse, plus grasse et aussi plus sombre. Je devais me sortir de là très vite. J'agrippai Max par le col pour le remonter à la surface. Même en poids mort, dans cette flotte, ça ne posait aucun problème. Mais l'eau continuait d'épaissir façon béchamel.

Plus je montais et plus la résistance augmentait. Non seulement je me sentais nu·e et vulnérable dans ce maillot (à strass, bien sûr) mais en plus c'était probablement comme ça que j'allais mourir.

J'imaginais déjà l'épitaphe :

«Ci-gît Miss·Raphaël
Morts comme ils ont vécu :
Couverts de strass (et de ridicule)»

Je me laissai couler. Avec Max. Je touchais le fond. Un élan de détresse, de panique, de désespoir m'avait saisi·e. Et c'est à ce moment-là que je réalisai. La couleur avait disparu.

La stase!

J'étais au fond de la piscine (mais sans petit pull marine), avec Max. Je l'ai agrippé par les aisselles, en prenant appui sur le sol carrelé. Sauf erreur de ma part, ça pouvait marcher. Fallait tenter.

A l'instant ou j'ai annulé la stase, j'ai poussé de toutes la force de mes jambes. C'était vraiment pas le moment de faire le remix du Grand Bleu, l'apnée c'était pas mon truc. Et encore moins celui de Max. (désormais libre, c'était le moment de voler)

Je me suis lancé·e, avec toute la puissance de mes muscles bandés à mort, avec la détente la plus vigoureuse possible. Si j'avais pu, j'aurais poussé un cri de guerre. Je me suis contenté·e de petites bubulles sorties péniblement de ma bouche. J'avais cette eau visqueuse et dégueulasse partout autour qui m'oppressait.

SPARK'K'LING!

La colonne de lumière m'éblouit, illumina toute l'eau translucide, inondant le carrelage de reflets flous, chatoyants et irisés. Aveuglé·e par l'intense lueur, il m'était impossible de savoir si j'avais réussi à nous sortir de là.

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