14.Bribes
https://youtu.be/N9XKLqGqwLA
— S'pèce de p'tit con!
La baffe était partie comme une balle de tennis. Heureusement que Stella n'était pas une force de la nature, elle m'aurait arraché la tête. Elle compensait par une extrême violence et une colère rentrée assez impressionnante.
— Je t'ai cherché partout! Et c'est quoi, ce post it merdique, là? Je suis responsable de toi! Responsable, bordel! Ca inclut aussi -et surtout- les conneries que tu fais!
— Déso, fallait qu-
— M'en fout! Ça m'intéresse pas! La mère a appelé et j'ai du baratiner parce qu'elle voulait te parler!
— Ah.
Je ne croyais pas possible de la rendre encore plus énervée qu'elle semblait l'être déjà, mais elle en avait encore sous la pédale. Elle braqua sur moi des yeux tellement rétrécis que je ne discernais presque plus ses pupilles derrière les fentes de ses paupières.
— Comme tu dis. Ah.
Elle se rapprocha d'un pas, baissant un peu la voix, mais continuant de me fixer de ses yeux de panda. Ce qui arrive quand on a pas de mascara waterproof.
— Je lui ai dit que tu étais parti prendre des nouvelles de cette fille dont j'ai oublié le nom.
— Camille.
— Bref. Elle a dit qu'elle appellerait ses parents ce soir, alors faut que nos versions soient raccords, sinon ça va pas bien se passer. Et crois moi, personne n'a envie de ça.
— Mais j'la connais même pas, moi, c'te fille! C'est même pas une amie.
Et surtout, j'avais qu'une envie : pioncer. Deux options s'ouvraient à moi : affronter Stella, la mettre tellement de travers qu'elle allait se renverser, risquer une punition pour moi, et aggraver le moral de ma mère. Ou alors, me rendre chez Camille. Le dilemme était cornélien.
— Bon, ok, j'y vais. Hum... Merci, je suppose.
— De rien, j'espère. Ah, une dernière chose, avant que tu partes. Et on ne reparlera plus de ça, quoiqu'il arrive. Quand tu utilises le PC, vide l'historique, passe en privé, j'en sais rien. J'veux pas savoir ce que tu fais de tes soirées et maman s'inquiète déjà assez comme ça. Ça va bien cinq minutes les conneries.
De nouveau, j'étais dans la rue, fatigué, abasourdi et dans le brouillard. La source du brouillard démarra en trombe alors que le feu passa au vert. Au bout d'un moment, les questions se mirent à pleuvoir dans ma tête. Comme des coquillettes dans l'eau chaude.
Calixte... Je haïssais ce prénom. J'avais déjà eu affaire à un Calixte en primaire, et il me tapait dessus. Coïncidence?
— Tim? Comment il nous a trouvé? Il peut me tracer?
— Mais non, toi il peut pas. Mais Miss, on dirait qu'il peut.
— Et comment t'en es sûr? Le prends pas mal mais j'ai l'impression que t'es dépassé, toi aussi.
— Tu t'es pas demandé pourquoi je mangeais du gingembre?
— Le seul truc que je me demande, c'est quelle recherche Google t'a bien pu faire pour mettre ma frangine dans c't'état. Elle était en plein flashback du Viêt Nam.
— C'était pour t'aider, avec ta transformation et... Disons que c'est partit en sucette.
— En sucette?
— ... Et puisque tu le demandes, le gingembre me permet de me camoufler magiquement. Il n'est pas venu te chercher toi, tu étais transformé. Donc par élimination, si je puis me permettre, ce ne pouvait être que Miss.
— Faut vraiment que tu répares ce médaillon, sinon, j'vais être dans la sauce.
Ce qui était déjà un peu le cas, on allait pas se mentir.
— Pourquoi la stase ne s'est pas déclenchée? Si les pouvoirs n'en font qu'à leur tête, ça va me compliquer la vie.
Ou faciliter ma mort, c'est selon.
— J'n'ai que des hypothèses. Soit c'est parce qu'il n'y avait pas de témoin, et donc personne en danger. Soit euh, les Mânes prennent moins d'initiative. Mais j'y crois pas trois secondes.
— Essaie en deux et explique moi ce que ça veut dire. En général, quand je comprends pas, ça se termine mal. Surtout en math.
— Eh bien... Il est possible –mais improbable– que les pouvoirs soient de moins en moins automatiques. Qu'ils dépendent un peu plus de ton bon vouloir. Ça peut aussi vouloir dire que le processus d'union a commencé.»
Une curieuse sensation, une sorte de picotement d'aiguilles, me parcourut l'occiput.
— Sois pas inquiet, ça veut dire que si c'est ça, ben tu auras moins à te casser la tête, et tu pourras plus facilement fracasser la leur!
J'arrivais bien à comprendre, et j'étais à peu près sûr que Tim devinait plus qu'il ne savait, et qu'il était loin de tout me dire. A vrai dire, j'étais un peu trop fatigué pour les devinettes, et j'avais encore une sacrée corvée de taille. Affronter une camarade qui risquait au mieux de me prendre pour un stalker et au pire... Y a quoi de pire qu'être pris un stalker, au fait?
— Rien à voir, mais Calixte, il était bien en primaire dans ta dimension, n'est ce pas?
Les parents de Camille habitaient dans une maison, entre chez moi et le lycée, elle n'était pas difficile à trouver. J'arrivais enfin à destination. Mais j'étais pas au bout de mes surprises. Elle était justement sur le pas de sa porte avec–
— Bye, Camille.
— Attends, faut que je te demande un truc.
J'avais aucune intention de les écouter. Aucune. Mais je les ai entendues malgré moi. Et j'allais certainement pas sortir de ma planque judicieusement située derrière une benne. Elles m'auraient vu. Camille se tordait les mains, ne sachant pas comment demander le fameux truc.
Charlotte se tenait debout, un étui de guitare à la main, attendant patiemment.
— Quand j'étais dans les vapes, je euh... J'ai cru voir quelqu'un.
— Raphaël? Il était là, oui et bizarre comme tout le temps. T'es sure qu'il a rien fait?
— Non, s'pas ça. Je me rappelle d'une fille qui était là aussi, mais sa tête ne m'dit rien. J'ai halluciné tu crois?
Charlotte la regarda, impassible. Elle se contenta de hausser les épaules.
— C'est sans doute rien. T'fais pas de souci. C'est ta grand-mère qui a Alzheimer, pas toi. Ça va aller.
Un très long silence pesant, marmoréen, léger comme un parpaing s'étira comme un chat après sa 28ème heure de sieste.
— Je reviens demain pour la répet'. Ton garage est carrément mieux que l'appart.
— La magie des boîtes à œufs. Merci encore d'être venue. Ça fait grave plaisir.
Le moment gênant était passé, mais le malaise restait, lui. J'étais censé faire quoi, moi? Camille se souvenait de Miss. C'était la seule explication possible. Est ce que c'était normal? Elle était possédée, pourtant. Gabriel aussi, alors?
— Tim, t'as entendu? Encore un truc à ajouter sur la liste des choses que tu sais pas!
— Je t'ai déjà dit que c'était aussi de la magie primale, que je ne maîtrise pas! Oh!
— Quoi? Quoi?
J'agrippais ce stupide et inutile nounours pour l'obliger à me regarder droit dans les yeux.
— T'as intérêt à m'expliquer vite fait!
— J'allais justement te poser la même question, Raphaël. Pourquoi tu m'espionnes planqué derrière mes poubelles?
C'était pour ça qu'il faisait le mort, ce petit enfoiré. Il ne perdait rien pour attendre.
— Je, hum, passais prendre de tes nouvelles. Voir comment ça allait.
Elle me regardait, en silence. Elle était pâle et sa mâchoire semblait crispée. Charlotte était déjà repartie, heureusement.
— Tu as tout entendu, j'imagine. Alors, dis moi : est-ce que tu as vu une fille bizarre pendant que j'étais dans les pommes?
— N-non. Tu es tombée évanouie et c'est tout.
Elle fronça les sourcils, pinça ses lèvres et croisa les bras. Une attitude très videur de boîte de nuit.
— Je vais bien, merci. Je retourne au lycée dès demain. Oh, une dernière chose...
— Oui?
— Ne t'approches plus de moi Raphaël. Sérieusement.
Est-ce-que j'ai pensé à vous dire que je passais là ma meilleure journée?
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