12.Entrainement

https://youtu.be/dk-8XTyfFp8

— C'était vraiment pas une bonne idée, Tim.

Je me retrouvais caché·e dans un placard de ma propre maison sous l'apparence d'une parfaite inconnue, en priant pour que Stella n'eut pas l'idée de descendre. Tim avait réussi à me persuader d'essayer de me transformer sans Corrompu dans les parages. Et j'avais stupidement accepté d'essayer, persuadé que ça ne fonctionnerait pas. Les mots me manquaient pour exprimer le sentiment de honte et de gêne qui me pesait.

— Je voulais savoir si tu pouvais. Je pensais pas que ça fonctionnerait.
— Non seulement tu oublies de me donner des informations importantes, mais en plus tu ne sais pas exactement comment les pouvoirs que tu m'as donnés agissent?
— Note que tu as gardé tes fringues à toi. J'ai donc à moitié raison.
— A quel sujet?
— Les Mânes sont en symbiose avec toi. En gros, ça veut dire que votre association marche bien.
— Je sais très bien ce que cinbiauze veut dire.
— J'en suis ravi. Donc, pour en revenir à ce que je disais, tu peux te transformer mais pas invoquer de pouvoir tant que la Corruption n'est pas assez proche. C'était pas censé arriver.
— C'est grave. J'ai pas envie de me changer en nana devant tout le monde.
— Ça ne devrait pas se produire. Et à propos de se changer...

Il me tendit un sac plastique.

— Tu veux que je me mette ça sur la tête?
— Non. C'est des trucs que j'ai emprunté à ta sœur. Assez discuté.À poil!

Il me regardait fébrilement, plein d'espoirs.

— Pas moyen. Tu m'feras jamais mettre les fringues de Stella.
— Hey, j'ai fouillé un moment pour les trouver. Et tu peux pas te balader avec tes fringues de mec. Tu ne veux pas être ni reconnu·e ni confondu·e avec un sac, pas vrai? Pense à ton image!

En tout cas, lui, il y pensait pour moi. Je n'aurais jamais cru entendre ça un jour, et encore moins de la part d'une peluche.

Il avait l'air content de lui. Ça devait être ça, avoir raison. J'inspectai la manche pendouillante de mon hoody alors que mon autre main plongée dans ma poche retenait mon pantalon cargo. Il avait raison, et ce n'était pas agréable : je devais probablement ressembler à une tente de camping.

— Si tu parviens à maîtriser la transformation, ce sera un sacré atout. Mais pour l'instant, on doit tester le dernier pouvoir que tu as récupéré.
— Pardon?

Il sortit la cartouche bleue.

— Si j'en crois la couleur, on a capturé les Mânes d'Azilith. J'ai aussi reconnu son style particulier. Son pouvoir est très pratique, mais pas évident à utiliser. C'est pour ça que je veux que tu t'entraines primo, à te transformer vite et secundo à utiliser facilement tes pouvoirs.
— T'es gentil mais je fais ce que je peux. Et en plus, on sait que les pouvoirs sont inactifs sans Corruption.
— C'est le cas pour les pouvoirs de Miss. Mais les pouvoirs d'emprunt restent utilisables.

Je n'aimais pas du tout la tournure que prenait la situation. J'avais l'impression qu'on me tirait de force là où je ne voulais pas aller. Cependant, quelque chose tout au fond de moi me disait qu'il n'avait pas tort. Il fallait apprendre à me défendre et à me battre comme elle. L'attitude de Tim commençait en revanche à m'agacer. C'était comme s' il cherchait à m'acculer. Et il y était parvenu dans ce placard.

— Bon, je me change vite fait et on se barre. Sors de ce placard.
— Mais Stel–
— Tu veux que je mette ses fringues ou pas?

Il allait me falloir des années de thérapie pour surmonter ce traumatisme. J'enfilais un pantalon élimé et troué ainsi qu'un vieux top à bretelles délavé "Devil made me do it" et je repoussai du pied le soutif. Hors de question que je mette aussi les sous-vêtements de ma sœur. Il n'était de toute façon pas à ma taille.

Toutefois, je gardai la ceinture en strass autour de ma taille. Après tout, c'était un truc de Miss. Je l'habillais déjà comme ma frangine,la pauvre, alors je pris la décision d'arrêter les outrages. Tim tambourina à la porte du placard.

— Bon, tu te dépêches? Stella risque de revenir à tout moment.
— J'aimerais éviter qu'elle me voit, si ça te fait rien. J'ai laissé un post-it sur le frigo, comme ça, elle ne se posera pas trop de questions.
— Elle va venir fouiller le frigo?
— Probablement, si elle me cherche. On y va.

Le temps était gris, les rues un peu trop peuplées à mon goût. Et surtout je me sentais très mal à l'aise. C'était déjà difficile de juste être soi, mais être quelqu'un d'autre, c'était encore bien pire. Surtout une personne de l'autre sexe. Je suppose que ça faisait aussi partie de l'entraînement : m'habituer à mon corps, enfin celui de Miss.

Autre détail, il m'était impossible de mettre mes mains dans mes poches, pour la simple mais très bonne raison que je n'en avais aucune. Enfin, si mais des fausses. Ce qui était encore plus ridicule : quitte à mettre des poches, pourquoi les coudre?

C'était très contrariant, je ne savais pas quoi faire de mes mains.

Poche ou pas, je portais Temuji coincé sous mon bras, pour ne pas avoir l'air trop suspect·e. Je regrettais de ne pas avoir de sac à dos dans lequel le fourrer, et je commençais enfin à comprendre pourquoi les sacs à mains étaient aussi volumineux que des caisses à outils. Je marchais sans but, plongé·e dans ces pensées métaphysiques.

— J'crois qu't'a oublié le sout...

Mon poing partit plus vite que ma pensée pour aller s'écraser sur la figure de Tim.

— Je ne vais même pas chercher à savoir comment tu connais les mensurations de Miss.
— Je suis observateur, c'est tout.
— Je préfèrerais que tu me donnes une solution pour que je me sente à l'aise. C'est... Pas moi.

Le jean était trop moulant et le top à bretelles trop petit, ce qui ne faisait qu'augmenter mon trouble tout en laissant le champ libre à l'envahissante impression d'embarras. Et à mon nombril.


— Fais une recherche Google. Tu trouveras sans aucun doute des conseils utiles.
— Oh oui, excellente idée. J'imagine très bien la gueule de la recherche : «mes hanches s'élargissent, mes seins s'arrondissent et je réagis de manière excessive et disproportionnée». Le seul résultat que je vais obtenir c'est "comment bien gérer sa grossesse". 

Je m'étais déjà renseigné·e, bien sûr. Mais pas question de le lui avouer.

— Tu fais pas d'efforts, non plus! Avec un peu de pratique ça ira mieux.
— Mais oui. C'est vrai. Je vais m'entraîner à être une fille et tout se passera très bien.
— Très bon état d'esprit.
— Laisse tomber... A part ça, il y a encore un truc que j'aimerais savoir. Pourquoi est-ce que Miss ne se manifeste pas par elle-même? Tu sais, j'aimerais pouvoir un peu lui parler, aussi bizarre que ça puisse paraître. Et puis partager le même corps, ça crée des liens, tout ça.

Tim garda le silence un bon moment avant de finalement daigner me répondre.

— Pour l'instant, Miss est en sommeil. Sa conscience est en léthargie pour la protéger. J'ai tenté le tout pour le tout en isolant ses Mânes dans le médaillon. Mais pour l'instant, il est impossible de la réveiller sans risque. Mais elle est là, tu peux en être sur·e.
— Et les autres?
— Mélichor et Azilith? Pour l'instant, je préfère les garder à l'abri elles aussi. Leurs corps sont en hibernation, hors de portée de l'ennemi. Pour l'instant, il ne peut rien leur faire.
— A part les trucider s' il les retrouve.
— Tuer les corps en hibernation va juste dissoudre les Mânes, et c'est les pouvoirs qu'il veut. Donc les Mânes vivantes. C'est pour cette raison que je ne suis pas trop inquiet pour les filles que tu as libérées.
— Autre question : Gabriel et Camille, les ex-possédés. Est ce qu'ils vont finir par se rappeler de quelque chose?
— Je crois que non. Cette fois, je ne sais vraiment pas. Je doute que la Corruption puisse s'attaquer de nouveau à des corps déjà infestés, mais pour ce qui est de la possession, je ne peux pas te répondre avec certitude.

Cette ignorance tombait très mal. Elle me déplaisait au plus haut point. Si l'un des deux venait à se rappeler de moi, qu'est ce qui allait se passer ensuite? Ils risquaient de faire le rapprochement entre moi et elle.

— Tu sais combien de temps tu vas mettre à réparer ton collier?
— Pas vraiment eu le temps de m'y mettre, si tu veux tout savoir.
— J'ai cru comprendre que tu avais des nuits très actives.
— Beaucoup de recherches sur internet.
— Evidemment. Des recherches afin de satisfaire tes connaissances en biologie.

Il se contenta d'ignorer cette dernière remarque.

— Tu nous emmènes où?
— Je cherche un coin tranquille pour m'entraîner, vu que tu me bassines avec ça depuis hier.

Trouver un endroit calme, désert et sécurisé, c'était vraiment pas facile. Surtout si je faisais étalage de pouvoirs surnaturels. L'Elec-trop-cute était déjà pas mal, dans son genre, mais si je devais balancer un truc voyant, flashy, coloré et pailleté, il valait bien mieux s'isoler. Ce n'était pas ça qui allait aider ma vie sociale déjà bien malade.

J'aurais pu aller voir Camille pour savoir comment elle allait (avec le risque qu'elle s'en souvienne, du coup), aller chez Maxime pour une aprèm de glandes sur la console, voire faire du sport, me faire plein d'amis et devenir populaire.

Ah nan. Ça , ça n'arriverait jamais.

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