Chapitre 50 : Nate



Le temps avait filé, me concernant, j'avais rouvert ma boulangerie-pâtisserie après l'incendie, et je l'avais renommée "Chez Zack" en hommage à mon ami perdu. L'ouverture fut un événement mémorable, attirant de nombreux visiteurs : influenceurs, médias, journalistes, clients... tout le monde était présent, sauf moi. C'était le responsable de la boulangerie qui avait parlé en mon honneur.

Depuis la perte de Zack, je ne sortais plus de chez moi. Je passais mes journées à revivre mes souvenirs avec lui et à en faire des cauchemars. J'avais même demandé à Henri de ne plus venir, ainsi qu'aux membres de mon personnel. Personne ne rentrait chez moi, personne ne me voyait, et cela dura au moins deux longues semaines. Une petite voix en moi me disait que Zack n'aurait pas voulu ça. Il aurait voulu que je reprenne ma vie en main, que je continue de kiffer ma passion pour la cuisine et que je ne m'apitoie pas sur mon sort. Je pris conscience de ses souhaits et décidai alors de rehausser mon rôle de grand directeur. Qu'il fallait que j'accepte de faire mon deuil tout en continuant de vivre.

Je revins au restaurant et même parmi les cuisines avec mon équipe comme j'avais toujours aimé le faire. Reprendre le boulot me fit le plus grand bien, revoir mon personnel, retrouver mes habitudes, et voir Cassie, qui, elle aussi, avait repris son poste de serveuse apres quelques semaines d'absences.

Cassie s'était installée avec Kim dans son appartement, une décision qui lui avait apporté un certain réconfort au milieu de sa peine. Kim était devenu son pilier, son soutien constant dans ce moment difficile. Chaque jour, il était là pour elle, l'aidant à traverser le deuil de Zack. Il faisait tout pour alléger la tristesse de Cassie. Peu à peu, Cassie commença à retrouver des moments de bonheur en se remémorant de bons souvenirs. Les ombres de la tristesse ne disparaissaient pas complètement, mais il y avait des instants de lumière. Au fil des jours, Cassie semblait un peu plus heureuse. Ses rires revenaient plus fréquemment, ses sourires plus sincères. Elle commençait à parler de Zack avec des souvenirs doux plutôt qu'avec des larmes amères. Retrouver ma meilleure amie me faisait le plus grand bien.

Quant à Célia, elle avait disparu depuis le jour où Zack était mort. Je ne l'avais plus jamais revue. Elle n'était même pas venue à son enterrement. Je savais qu'il était trop tard pour notre idylle. Son mariage avec Scott approchait, et je n'avais définitivement plus ma place dans la vie de Célia. La douleur de cette réalité me déchirait le cœur. Je savais que je ne devais plus penser à nos moments, mais il m'était impossible de le faire. Je me souvenais encore de la première fois où je l'avais vue, de son sourire, de sa voix douce. Toutes ces images tournaient en boucle dans mon esprit, et chaque souvenir m'assaillait avec une intensité presque insupportable. Célia était devenue une obsession, un rêve brisé que je n'arrivais pas à laisser derrière moi. Mais il fallait que je me rende à l'évidence, son choix de rester avec Scott me rappelait constamment que je n'avais pas été assez pour elle, que je n'avais pas su la protéger, ni la rendre heureuse comme j'aurais voulu. Je tentais de me convaincre que je devais avancer. Mais la perte de Célia en plus de celle de Zack était un gouffre sans fond, un chagrin perpétuel qui me suivait partout.

Et maintenant, elle était avec un autre, préparant un mariage auquel je n'avais aucune place. Je savais que je devais lâcher prise, accepter qu'elle avait pris une autre voie. Mais chaque fibre de mon être se rebellait contre cette idée. Comment pouvait-on oublier quelqu'un qui avait tant compté ? Comment pouvait-on simplement effacer de sa mémoire des années de bonheur et de souffrance partagées ? Je vivais dans l'espoir vain qu'un jour, peut-être, elle reviendrait. Que nous pourrions tout recommencer. Mais en même temps, je savais que cette espérance était futile, qu'elle ne ferait que prolonger mon agonie. Je devais apprendre à vivre sans elle, à trouver un nouveau sens à ma vie, malgré le trou béant qu'elle avait laissé en moi. Chaque jour était une bataille, un combat pour ne pas sombrer dans le désespoir. Je m'accrochais à l'idée que Zack aurait voulu que je sois heureux, que je continue de vivre ma passion pour la cuisine. Et même si la douleur de la perte de Célia me semblait insurmontable, je devais avancer. Pour Zack, pour ma mère, et pour moi-même. Et sûrement, un jour, trouverais-je la force de tourner la page et de laisser derrière moi ces souvenirs qui me hantaient ?

                                                                                                  ***

Assis sur le sable, concentré à regarder le coucher de soleil, une bouteille de bière à la main. À côté de moi se trouvait Zack, contemplant l'horizon puis ce dernier déclara à vive voix.

— Aaah, je comprends pourquoi tu aimes Cannes : le coucher de soleil, la Croisette, la chaleur du sud de la France, et surtout, les belles femmes !

Je ris doucement avant de répondre à mon meilleur ami.

— Oui, je pense que ce sont plutôt les belles femmes qui me font rester ici.

Zack rigola à son tour.

— Oh, tu sais, rien ne rivalisera avec Rockaway Beach, notre plage à New York. On la connaît par cœur celle-là.

J'acquiesçai, un sourire nostalgique sur les lèvres.

— C'est vrai qu'on a passé des belles soirées là-bas.

Zack prit une gorgée de bière et continua.

— Oh, tu t'en souviens quand on avait dormi là-bas et que le matin, la police nous avait retrouvés dans la piscine d'un de ces vieux riches ?

Je hochai la tête en riant.

— Oh que oui, c'était un bon souvenir.

Zack regarda autour de lui, se concentrant sur l'horizon avant de se tourner vers moi, les yeux plissés.

— Je suis content que tu aies trouvé la paix, Nate. Tu es bien ici, tu vis de ta passion, et tu es heureux. C'est ça qui compte.

Je souris silencieusement, touché par les mots de Zack, puis il continua.

— Kiffe ta vie à fond, mec. Ne regrette jamais rien et, s'il te plaît, continue de garder un œil sur ma blonde, pour moi.

Les larmes aux yeux, je répondis d'une voix brisée.

Je te le promets.

Zack sourit et tendit sa bouteille vers moi.

— Alors trinquons à nous !

Je levai ma bière, et dès que les bouteilles se touchèrent, le bruit me ramena à la réalité. Je me tournai vers l'endroit où Zack se tenait, mais il n'y avait plus personne. Son fantôme avait disparu. Je fixai l'horizon de la mer, les yeux brillants de larmes, et murmurai tout bas.

— Adieu, mon frère.

Puis, je bus une gorgée de bière, le cœur lourd, mais déterminé à honorer la mémoire de Zack en vivant pleinement ma vie...

Les jours passèrent, et un beau matin, au restaurant, je tombai nez à nez avec le facteur qui me remit le courrier habituel. Parmi les factures et publicités, une enveloppe élégante attira mon attention. Je l'ouvris et découvris le faire-part du mariage de Célia et de Scott. Une douleur intense me traversa, mais je savais que je devais l'accepter. Malgré tout, je voulais faire une dernière chose pour Célia, lui montrer que mon amour pour elle resterait toujours intact.

Je me rappelai qu'elle m'avait demandé le service traiteur pour son mariage. Sans hésiter, je me dirigeai vers mon bureau et contactai une des agences événementielles avec lesquelles j'avais l'habitude de travailler. J'indiquai l'adresse du faire-part et leur demandai de venir décorer un espace pour un mariage. Je leur demandai de venir avec les plus belles décorations qu'ils possédaient, des lustres aux centaines de fleurs. Je leur demandai également d'embaucher des hôtes d'accueil, des serveurs et un orchestre pour jouer à la réception.

Je leur expliquai que je voulais que tout soit parfait, comme si c'était moi qui me mariais avec Célia. Je leur assurai que je paierais en demandant un devis détaillé. Après avoir raccroché, un sourire satisfaisant se dessina sur mes lèvres. Je descendis ensuite pour transmettre les informations à mes cuisiniers concernant le service traiteur. Je demandai à de nombreux livreurs d'emmener tous les plats et hors-d'œuvre à l'adresse indiquée pour le jour du mariage.

En sortant, je ressentis un mélange de tristesse et de paix intérieure. Je savais que c'était ma manière de dire adieu à Célia, de lui montrer que malgré tout, je lui souhaitais le meilleur pour son avenir. Je voulais qu'elle se souvienne de ce jour comme un jour parfait, même si ce n'était pas moi à ses côtés. C'était ma dernière manière de lui montrer mon amour, même si notre histoire ne s'était pas terminée comme je l'avais espéré.

                                                                                             ***

Le jour du mariage de Célia était prévu pour aujourd'hui, cette pensée me frappa comme une claque brutale. Tandis que je fixais le plafond, une tristesse profonde m'envahissait. Célia, la femme que j'aimais plus que tout, allait s'unir à un autre homme. Mon cœur était lourd, chaque battement résonnant avec la même question : pourquoi n'ai-je pas pu être celui qui l'épouse aujourd'hui ? Je me levai finalement, les yeux embués de larmes que je refusais de laisser couler. En regardant autour de moi, j'aperçus des flashbacks des souvenirs de Célia, de nos moments heureux.

En m'habillant, je ressentis une étrange sensation de vide, comme si une partie de moi-même était sur le point de disparaître à jamais. Il était temps pour moi de partir, je devais rejoindre Montréal pour le côté professionnel, mais également pour m'y installer. Savoir Célia marié à un autre que moi, m'anéantissait, je savais que rester ici serait insupportable. J'avais donc décidé de partir m'installer au Canada, ce serait un tremplin pour un nouveau départ sans Célia. Mais le faire aujourd'hui, le jour de son mariage, rendait tout encore plus difficile.

J'avais préparé mes valises et pris un instant pour jeter un dernier regard à ma chambre, essayant de graver dans ma mémoire chaque détail. Devoir quitter Cannes, cette ville qui avait été mon refuge et mon foyer, me paraissait irréel. Je descendis les escaliers pour faire mes adieux à Kim et Henri. Mon fidèle majordome m'attendait devant la porte en compagnie de Kim. Ces derniers étaient prévenus de mon départ, ils me souriaient avec bienveillance, mais je pouvais également voir la tristesse dans ses yeux. En descendant, je vis Henri, tenir ma veste de costume. Il me la fit enfiler avec une attention presque paternelle.

— Il est temps pour moi d'y aller, je vous laisse les clés et de prendre soin de cette maison en mon absence.

— Ne vous en faites pas, Nate. Votre maison tout comme moi seront là pour vous accueillir à votre retour. Prenez bien soin de vous, monsieur.

Je serrai la main d'Henri avec reconnaissance. Ensuite, je détournai mon attention sur Kim.

— Kim, veille bien sur Cassie, d'accord ?

Kim hocha la tête, promettant de prendre soin de ma meilleure amie. Je pris ensuite ma voiture et me dirigeai vers le restaurant. Le trajet me sembla interminable, je défilais devant chaque coin de rue, chaque bâtiment qui me rappela un moment partagé avec Célia. La douleur de la laisser derrière moi, de ne pas savoir si je la reverrai un jour, me poignardait le cœur à chaque pas. En arrivant au restaurant, je vis Cassie s'affairer comme à son habitude. Elle ne savait rien de mon départ, et l'idée de lui annoncer cette nouvelle me serrait encore plus le cœur. Alors que je franchissais la porte, elle leva les yeux et me sourit.

— Ah, je me demandais quand est-ce que tu comptais venir travailler, s'exclamait Cassie en plaisantant.

Je lui rendis son sourire.

— Eh bien, le meilleur pour la fin, dis-je d'une voix teintée de mélancolie. Cassie, j'ai quelque chose à te dire.

Cassie s'approcha, l'inquiétude se lisant sur son visage.

— Qu'y a-il, Nate ?

Je pris une profonde inspiration, essayant de rassembler mes pensées.

— Je pars pour Montréal.

Ses yeux s'écarquillèrent de surprise.

— Oh, tu comptes aller voir ta future implantation ! C'est trop bien, par contre veille à te couvrir, car je doute qu'ils aient la même température que Cannes. Quand reviens-tu ?

— Cassie, je... je ne reviendrai pas, du moins pas tout de suite.

— Attend quoi ?! Comment ça tu ne reviendras pas ? J'espère que tu plaisantes.

— Cassie, j'ai besoin de m'éloigner, de tout recommencer. Il est temps pour moi de vivre pleinement ma vie sans être attaché au passé, expliquai-je.

Cassie, les yeux remplis de compréhension, resta silencieuse un instant.

— Je comprends, Nate. J'imagine que tout cela à un lien avec Célia, n'est-ce pas ?

Sa voix était douce, presque triste. Je vis dans son regard qu'elle comprenait tout. Elle savait que j'avais besoin de me vider la tête depuis ce qui s'était passé avec le drame de Zack, et surtout, elle savait combien il était difficile pour moi d'apprendre que Célia allait se marier aujourd'hui.

— On dit souvent que parfois, il faut s'éloigner pour mieux se retrouver. Alors, je te comprends, sache que je veillerai sur tout ici. Prends le temps qu'il te faut, mais pas trop tout de même, j'aimerais te revoir.

Elle posa une main réconfortante sur mon épaule. Je hochai la tête, reconnaissant. La décision de partir n'était pas facile, mais nécessaire. Quitter mon restaurant, mes habitudes, mes repères, ma maison... et notamment, quitter la France pour le Canada, loin de Célia, était un déchirement. Mais c'était le seul moyen pour moi de trouver une certaine paix, loin de tous les souvenirs et des regrets.

Après une dernière accolade, je pris congés en regagnant ma voiture. En arrivant à l'aéroport, je fis rouler ma valise à travers les portes automatiques, où le bruit constant des annonces et des conversations se mêlait à l'écho de mes propres pensées. L'intérieur de l'aéroport était un tourbillon de mouvements et de sons : les voyageurs pressés, les chariots à bagages, et les familles attendant leurs proches. J'avançai lentement, mais sûrement. Je me dirigeai vers les comptoirs d'enregistrement, observant les écrans au-dessus de moi pour vérifier les horaires des vols. Les chiffres et les lettres clignotaient, énonçant les destinations.

Je me dirigeai ensuite vers les bornes d'enregistrement automatique pour déposer ma valise. À la sécurité, je déposai mes affaires sur le tapis roulant et passai à travers le détecteur de métaux. J'étais déjà perdu dans mes pensées lorsque je récupérai mes affaires de l'autre côté. Je continuai vers la porte d'embarquement, le panneau d'affichage montrant que l'heure du départ approchait. L'espace autour de moi se vida peu à peu, alors que les passagers commençaient à se regrouper pour monter à bord.

À la fin de ma lecture des lettres de Célia, le bruit des annonces me tire de mes pensées.

" Embarquement immédiat pour le vol en direction de Montréal"

Je me lève lentement, range les lettres dans la poche de ma veste, prends ma valise, et me dirige vers la porte d'embarquement. En m'orientant vers le couloir du vol, j'entends une voix lointaine crier mon prénom. Je regarde autour de moi, mais je ne vois personne. Je pense que mon imagination me joue des tours, alors je continue d'avancer. Soudain, j'entends à nouveau mon prénom, mais cette fois, la voix est plus forte et plus pressante. Je tourne la tête et, à ma grande surprise, je vois une silhouette blonde courir vers moi, en robe de mariée. Je lâche ma valise et me précipite à sa rencontre, mes jambes réagissant à la surprise et à l'urgence de la situation. Arrivé devant elle, je réalise que c'est Célia. Mon cœur se serre à la vue de son visage, aussi rayonnant que désespéré. Je suis à la fois heureux et étonné de la voir ici, alors qu'elle était censée se marier avec Scott aujourd'hui...

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