Après ce dîner catastrophique avec mon père, je pris le temps de débarrasser. En me dirigeant vers ma chambre pour me mettre en pyjama, je pris mon portable pour envoyer un message à Scott. Je souhaitai le mettre au courant de ce qui s'était passé durant la soirée en compagnie de mon père. Aucun retour de sa part. À ce moment-là, je me disais qu'il devait sûrement être occupé, avec le décalage horaire. Par la même occasion, je tentai aussi de contacter Nate, mais lui non plus ne répondit pas. Soupirant, je pensais alors qu'il ne souhaitait peut-être plus me parler maintenant que nous avions repris nos vies.

Je posais mon téléphone sur le chevet lorsque je remarquai la bague de fiançailles de Scott posée sur le meuble. En la passant autour de mon annulaire, pendant un instant, je rêvai de ce que donnerait un mariage avec Nate, comme j'avais toujours rêvé au fond de moi : sur une plage paradisiaque, avec mon amour de jeunesse, mon évidence. Je l'imaginai m'attendant au bout de l'allée, me regardant en robe de mariée. La réalité me ramenait soudainement à l'instant présent, malheureusement ce ne serait jamais vrai. Triste, lassée et fatiguée, je me couchai.

***

Le lendemain, je me réveillai, me douchai et regardai mon téléphone. J'aperçus les messages de Scott, mais aucune réponse provenant de Nate. Il devait sans doute être assez occuper par l'incendie de sa boulangerie, il était peut-être préférable que je laisse Nate gérer ses affaires de son côté. Je me rendis à la boutique, mais une part de moi souhaitait apercevoir Nate ce matin, je fis demi-tour afin de me rendre à son restaurant.

En y entrant, j'attendis un certain temps avant que Julia ne me repère et ne me demande si elle pouvait m'aider.

- Excusez moi, je suis une connaissance de monsieur Jones, je souhaiterai savoir si je peux le voir, un instant ?

- Monsieur Jones est en déplacement professionnelles aux Etats-Unis, il sera de retour tres vite.

J'acquiesçai en remerciant Julia puis sortis, étonnée de savoir que Nate s'était absenté sans me prévenir, surtout avec tout ce qu'il avait à faire à Cannes.

Essayant de passer à autre chose, je me rendis à ma boutique à laquelle je rejoignis Lisa, déjà arrivée avec de l'avance. Nous préparâmes les soldes et accueillîmes les clients. Entre midi et deux, je rentrai chez moi pour déjeuner. C'est alors que je reçus un appel de Scott. Il me raconta qu'il avait beaucoup de boulot en ce moment et qu'ils étaient un peu embêtés, car ils n'avaient aucun contact avec Nate Jones et sa start-up. Scott me dit que c'était Nate en personne qui avait demandé à son directeur de l'envoyer à Montréal. Scott se plaignit, disant que s'il avait su, il aurait refusé, car c'était compliqué de travailler à distance et en plus, il était loin de moi.

Je restai choquée de ce que Scott m'apprenait, puisque Nate m'avait juré qu'il n'aurait jamais été capable d'envoyer Scott à Montréal. À cet instant, je me sentis trahie, comme si Nate m'avait planté un couteau dans le dos. Je dis à Scott que je devais raccrocher, car j'avais des clients, puis je m'effondrai en réalisant que Nate m'avait menti droit dans les yeux. Il fallait absolument que j'aie une discussion avec Nate ce soir dès son retour.

Je retournai en boutique, bien que l'envie m'en manquât après cette découverte. À la fermeture, vers 22 heures, je me dirigeai vers le restaurant de Nate, espérant le trouver à l'intérieur. En entrant, je vis l'établissement vide, les chaises retournées sur les tables, mais la lumière principale encore allumée. C'est alors que je tombai nez à nez avec Nate, le regard inquiet.

- Nate, dis-je fermement, mon visage reflétant ma colère et ma rancune.

Il comprit immédiatement que quelque chose n'allait pas.

- Célia, qu'est-ce qui se passe ? S'inquiétait Nate en se rapprochant de ma portée.

- Tu as passé un bon séjour à New-York ? Sans même penser à me prévenir ?

- Attend ?! Mais comment tu sais où j'étais ? C'est Cassie qui te l'a dit ?

- Julia m'a mise au courant, comment as-tu pu oublier de me le dire ?

- Célia, je ne voulais pas t'impacter avec mes problèmes, je te rassure je ne suis pas retourner là-bas pour fuir mes responsabilités ou bien te fuir, toi. J'y suis allé pour voir mon père et en savoir plus sur le retour de Zack.

- Et me tenir au courant, c'était trop demandé pour Nate Jones ? Tu sais quoi, peu importe la raison pour laquelle tu t'es rendu à New-York. J'en ai peu à faire, à vrai dire, répliquai-je, furieuse.

- Dans ce cas, je ne comprends pas ta colère. Célia, je suis de retour, c'est ce qui compte, non ? Où es-tu en colère pour autre chose ?

- Tu m'as menti, droit dans les yeux, en me disant que ce n'était pas ta faute si Scott a été sur Montréal. Tu m'as menti et je t'ai cru, je suis tellement idiote.

- Qu'est-ce que tu racontes ?!

- Cesse de faire l'ignorant, Scott m'a révélé que tu as parlé avec son directeur et tu as demandé en personne que mon fiancé aille s'occuper du côté marketing de ton restaurant au Canada. Je savais que c'était un coup de ta part et pourtant tu m'as assuré que tu n'avais rien à voir là-dedans ! Comment as-tu pu faire ça ? C'est monstrueux ! Pourquoi as-tu fait ça ?!

Nate, sans voix, déconcerté, chercha ses mots. Il baissait son regard vers le sol pour ensuite le remonter vers moi dans la seconde suivante.

- Célia, ce n'est pas ce que tu crois. Je... je pensais que c'était la meilleure solution.

- Tu pensais ? Ripostai-je avec rage. Tu pensais à quoi ? À te débarrasser de lui ? À nous éloigner encore plus ? La meilleure solution ? Pour moi ou pour toi ?!

Nate tenta de s'expliquer, mais je ne pus contenir ma colère.

- Célia, calme-toi, j'ai passé sans doute les pires dernières heures et je n'ai vraiment pas envie de me mettre en colère, surtout avec toi.

- Pardon ? Donc parce que monsieur est fatigué, je devrais me taire ? Faire moins de bruit ? Tu rigoles, j'espère, Nate ?! Déclarai-je à vive voix en faisant des grands gestes avec mes bras, la colère toujours visible sur mon visage.

- Célia, je t'en prie.

- Non, Nate, je n'appliquerai pas tes souhaits, réponds-moi et dis-moi, comment as-tu pu me faire ça ?! Comment as-tu pu me mentir après tout ce que nous avons traversé ?!

- Je suis désolé, Célia. Je pensais réellement que c'était pour le mieux.

- Pour le mieux ? Répétai-je, incrédule. Tu ne peux pas décider de ce qui est mieux pour moi sans me consulter. Tu n'as pas ce droit, Nate. Pas après tout ce que nous avons vécu ensemble !

Nate tenta de m'approcher, mais je reculai d'un pas, les larmes aux yeux.

- Je pensais que tu avais changé, qu'avec le temps, tu étais devenu cet homme si humble, un homme vrai et loin de l'image que j'avais de toi, autrefois. J'espérai que tu sois devenu quelqu'un de différent. Ce n'est pas parce que aujourd'hui, tu détiens des richesses que tu es quelqu'un de bien. Tu es toujours le même, à vouloir tout contrôler.

- Pardon ? Tu oses me dire que je veux tout contrôler ? Faisons un retour dans le passé, tu veux bien ? Toi et ton père, vous n'avez pas cessé de contrôler nos vies, à moi et à mon père, comme des marionnettes. Je devais à tout prix respecter les règles de Miss Banel, et tu oses me dire que je veux sans cesse tout contrôler. N'inverse pas les rôles, Célia ! Tu l'as toujours fait, tu tiens sûrement ça de ton père.

- Tu m'étonnes ! Avec un père brigand comme le tien, qui a une sale réputation de meurtrier, il faut agir avant que tout dérape ! Et puis, tu n'avais pas ton mot à dire. On devait prendre les choses en main, parce que tu étais incapable de le faire !

- Ah car tu crois que c'était facile pour moi ?! Tu penses que j'avais le choix ? Chaque jour, je vivais sous l'ombre de ton père et de ses décisions, tout en essayant de garder la tête hors de l'eau. Et malgré tout ça, j'ai continué à t'aimer, à espérer que les choses changeraient. Mais toi, tu as toujours préféré contrôler, manipuler, sans jamais me donner une chance de prouver ma valeur. C'était limite si toi et ton père, vous ne nous teniez pas en laisse tel un vulgaire chien, m'engueulait Nate, son index pointé vers moi.

- Arrête, Nate ! Tu ne comprends rien ! Criai-je, les larmes aux yeux, tapant de la paume de la main sur le comptoir se trouvant dans la pièce principal.

Mon geste résonna dans le silence tendu du restaurant. C'est à ce moment précis que Nate remarquait l'anneau scintillant à mon annulaire. Je savais que cet oubli de ma part allait me porter préjudice. Le regard de Nate se figea, et je vis le choc se peindre sur son visage. Il leva les yeux vers moi, et je vis sa douleur.

- Célia, d'où vient cette bague ? Demanda-t-il, sa voix tremblant d'émotion.

À cet instant, aucun mot ne sortit de mes lèvres, je savais que j'étais prise au piège, il était temps pour moi de lui avouer la vérité concernant la demande de Scott.

- Je t'ai demandé d'où vient cette bague ! S'écria-t-il, sa voix résonnant dans le restaurant vide.

Je tressaillis légèrement sous l'intensité de ses mots.

- C'est Scott... Il m'a demandé en mariage le soir avant qu'il parte pour Montréal, finis-je par avouer.

Sous mes propos, je vis Nate se décomposer devant moi. Chaque instant passé avec lui, chaque sourire, chaque rapprochement, lui semblait soudain vide de sens. J'avais joué la comédie, et il se rendait compte qu'il avait été ma marionnette, mon amant secret.

- Alors depuis ce soir-là, tout ce qu'on a vécu, tout ce qu'on a partagé... ça ne voulait rien dire ?

Sa voix était presque inaudible, brisée. Je pouvais voir la douleur dans ses yeux, une douleur que je n'avais jamais voulue causer.

- Je suis désolée, Nate, murmurai-je, les larmes aux yeux.

Il tenta de répondre, mais ses mots restaient coincés dans sa gorge. Son visage se décomposait sous le choc et la douleur. Il me regarda à nouveau, cherchant une once de sincérité dans mes yeux.

- Comment as-tu pu ? Parvint-il enfin à dire, d'une voix tremblante.

Tout était en train de se bousculer dans l'esprit de Nate, et je voyais la douleur et la confusion dans ses yeux.

- Je suis désolée, Nate, tellement désolée, je voulais vraiment te le dire, balbutiai-je.

- Ah bon ? Avant ou après qu'on ait couché ensemble ? Sa voix montait, tremblant de rage et de douleur. Ou bien après notre escapade en Italie ? J'étais quoi pour toi ? Une distraction en attendant ton mariage ? J'étais ton enterrement de vie de jeune fille, c'est ça ?

Je tentai encore une fois de répondre, mais il s'énerva encore plus. Il se rapprocha de moi, son visage marqué par la colère.

- Je ne comprends pas. Autrefois, je n'avais pas une vie facile. J'avais une sale réputation à cause de mon père, j'étais rejeté de tous. Mais aujourd'hui, tout est différent. J'ai construit ma vie. Je suis quelqu'un de bien, ou du moins, j'essaie d'être meilleur que mon père. Je suis devenue une tout autre personne qu'auparavant, mais toi, Célia, tu ne me choisiras jamais. Malgré tous mes efforts ! Pourquoi ? Pourquoi choisis-tu toujours quelqu'un d'autre plutôt que moi ? Plutôt que ton amour de jeunesse ? Au lieu de ton évidence ? Pourquoi choisis-tu toujours Scott ?!

Les larmes coulaient sur mes joues alors que je cherchais mes mots, puis d'un coup d'éclats, je hurlais en sanglots.

- Parce que lui, au moins, il ne me fait pas pleurer ! Il ne m'abandonne pas quand tout semble difficile ! Il ne quitte pas le pays après une simple dispute !

- Nous y voilà enfin. Tu l'as enfin dit. À ce que je vois, tu ne me pardonneras jamais, murmurait Nate en me regardant, sans voix.

Sa voix, brisée et résignée, me perça le cœur. Je voulais crier, le prendre dans mes bras, mais à cet instant, il était évident que je ne serais plus jamais proche de lui.

- Nate, je suis désolée, répétai-je, la voix étouffée par les sanglots. Je ne voulais pas te blesser. Je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Je pensais que peut-être...

- Peut-être quoi, Célia ? Peut-être que tout serait magique et parfait ? Peut-être que tu pourrais jouer avec mes sentiments, comme si j'étais un jouet que tu pouvais ranger quand tu en avais assez ? Me coupait Nate en me fusillant du regard.

- Non, Nate, ce n'est pas ça, secouai-je la tête.

- Alors quoi ? Explique-moi, Célia ! Explique-moi pourquoi, après tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai changé, tout ce que j'ai construit, je ne suis jamais assez pour toi ! Pourquoi, malgré tout ça, je suis toujours celui que tu caches, celui que tu ne choisis jamais ?!

Je pris une profonde inspiration, essayant de rassembler mes pensées.

- Parce que je ne peux pas supporter de te perdre encore ! Parce que, même si je t'aime plus que tout, je ne sais pas si je peux vivre avec cette peur, cette douleur, cette incertitude ! Car Scott... Scott est stable, il n'a pas son passé qui lui court après ! Il n'a pas de risques à prendre ! Il est sûr, il est...

Nate éclata de rire, un rire amer et déchirant.

- Sûr ? Stable ? C'est ça ? C'est pour ça que tu choisis Scott ? Parce qu'il est une valeur sûre, une vie sans risque ? Et moi, je suis quoi ? Le grand frisson ? L'aventure d'un été ?

- Non, Nate, ce n'est pas ça. Je t'aime, je t'aime vraiment. Mais je ne sais pas si je suis assez forte pour affronter tout ça. Pour affronter ce que tu représentes, ce que tu es devenu, secouai-je la tête, les larmes inondant mon visage.

Il me regarda, ses yeux remplis de larmes.

- Et moi, Célia, je ne sais pas si je suis assez fort pour te pardonner. Pour te pardonner de m'avoir fait croire, même un instant, que j'avais une chance. Que nous avions une chance. Mais maintenant, je vois. Je vois que tu ne me pardonneras jamais pour le passé. Que, peu importe ce que je fais, je ne serai jamais assez pour toi, ce sera toujours Scott, encore et encore...

Nate détourna le regard de ma portée, le posant vers le sol, comme s'il était incapable de me regarder en face. Sa voix trembla lorsqu'il murmura.

- S'il te plaît, va-t'en, Célia...

Sous ses mots, j'hésitai, dévastée par la tristesse visible de Nate. Il m'était impossible de partir, je souhaitais plus que tout me faire pardonner, mais en le voyant, ainsi, je compris qu'il était temps que je sorte du restaurant tout comme de sa vie...

- Je suis désolée, Nate, murmurai-je, une dernière fois avant de m'éloigner, les larmes coulant sur mes joues.

La porte se referma derrière moi, laissant Nate seul dans un silence pesant...