Chapitre 44 : Nate



Dès le retour de Henri avec ses bagages, j'entendis Cassie et Kim descendre l'escalier. Je les attendis dans le hall, prêt à leur parler de notre prochain voyage.

— Kim, Cassie, j'ai besoin de vous parler, dis-je en les voyant arriver. Je pars pour les États-Unis et j'aimerais que vous veniez avec moi.

Cassie resta bouche bée, choquée par cette annonce soudaine.

— Quoi ? Moi aussi ? Pourquoi ? Demanda-t-elle, incrédule.

— Kim, Henri, pouvez-vous nous laisser seuls un moment ? J'ai besoin de parler à Cassie en privé, demandai-je.

Ces derniers acquiescèrent et quittèrent la pièce, nous laissant seuls dans le séjour. Je me tournai vers Cassie, affichant une mine sérieuse.

— La raison pour laquelle je dois rentrer à New York est que je dois voir mon père en prison. J'ai besoin d'en savoir plus sur Zack et de son retour. En allant là-bas, j'espère également trouver le père de Zack, j'ai besoin de lui parler.

Cassie me regarda, perplexe.

— Mais pourquoi dois-je venir aussi ?

— Vu que Zack est de retour, il vaut mieux que tu me suives. C'est le seul endroit où je te saurai en sécurité. Et puis, ce sera aussi l'occasion de revoir ta famille.

Cassie secoua la tête, ses yeux se remplissant de tristesse.

— Ma famille, tu dis ? Elle m'a tourné le dos le jour où j'ai décidé de me mettre en couple avec Zack et de fuir avec lui. Ils ne voudront pas me voir, Nate.

Je pris ses mains dans les miennes, la regardant avec insistance.

— Cassie, une famille, on en a qu'une. Depuis le temps, tu as dû leur manquer terriblement. Je sais que sur Cannes, tu n'as pas beaucoup de contacts. Les revoir leur permettra sûrement de te pardonner, mais surtout, tu en as besoin.

Elle soupira profondément, ses épaules s'affaissant légèrement. Puis, elle hocha la tête, comprenant la nécessité de ce voyage.

— Tu as certainement raison, c'est vrai qu'ils m'ont terriblement manqué. J'accepte de t'accompagner.

— Merci, Cassie. Nous partirons dès aujourd'hui.

— Et toi, Nate ? Qu'en penses-tu de revenir aux sources en allant à New York ?

Je réfléchis un instant, les souvenirs de ma vie à New York défilant dans mon esprit.

— Revenir sera difficile, mais nécessaire. Il est temps d'affronter notre passé pour pouvoir avancer.

Cassie acquiesça, prête à affronter ce voyage avec moi. Malgré tout, nous savions tous les deux que ce retour à New York serait un tournant dans nos vies, une confrontation avec nos démons, mais une chance de redéfinir notre avenir. Cassie remonta dans sa chambre pour préparer ses bagages, tandis que je fis de même. Je me dirigeai d'abord vers mon bureau, ouvrant mon tiroir pour en sortir mon revolver ainsi que des munitions. Je savais que ce voyage à New York pourrait être dangereux, et je préférais être préparé. Après avoir sécurisé l'arme, je pris quelques vêtements, choisissant soigneusement un costume noir luxueux. Je m'habillai rapidement, nouant ma cravate avec soin, puis m'aspergeai de mon parfum préféré. Prêt, je descendis les escaliers pour rejoindre Henri, qui m'attendait déjà dans la voiture.

Kim et Cassie arrivèrent également, prenant place dans la seconde voiture. Nous prîmes la route en direction du tarmac de l'aéroport, le silence régnant dans la voiture. Hésitant, je sortis mon téléphone. Devrais-je prévenir Célia de mon départ soudain ? Mon doigt fit défiler mes contacts, s'arrêtant brièvement sur son nom. Finalement, je décidai de ne pas l'alarmer inutilement et continuai jusqu'à trouver le contact de Julia. Je lui envoyai un message rapide.

Nate : Julia, je dois partir en urgence à New York pour régler une affaire de la plus haute importance. Je reviendrai dès que possible. Merci de vous occuper du restaurant en mon absence.

Le trajet jusqu'à l'aéroport se déroula sans encombre. À notre arrivée sur le tarmac, les avions étaient prêts, les moteurs ronronnant doucement en attente de notre embarquement. Henri ouvrit la portière pour moi, et je sortis de la voiture, observant les alentours avec une attention accrue. Kim et Cassie nous rejoignirent rapidement, leurs expressions sérieuses reflétant la gravité de la situation. Nous montâmes à bord du jet, prêts à s'envoler pour New-York.

En plein vol, Cassie demanda au pilote en combien de temps, nous serions sur le territoire américain. Ce dernier affirmait en lui disant que le vol durerait environ 5 heures et 25 minutes. Cassie acquiesça et s'installa au fond du jet, utilisant un ordinateur pour regarder un film en compagnie de Kim. Je jetai un bref coup d'œil dans leur direction, un léger sourire aux lèvres, avant de boire une gorgée de bourbon glacé. Henri s'installa à côté de moi, et après un moment de silence, il me questionna.

— Nate, avez-vous de la famille à New York ?

Mon regard se perdit dans le vide avant de répondre.

— Seulement ma mère. Elle repose là-bas. Je n'ai personne d'autre.

Henri acquiesça, respectant le silence qui suivit mes paroles. Je repris après un instant.

— D'ailleurs, Henri, une fois que nous serons là-bas, votre mission sera de nous trouver un taxi ainsi qu'un hôtel en sortant de l'aéroport.

Henri acquiesça de nouveau, répondant avec assurance.

— Ce sera fait, Nate.

Je regardai par la fenêtre du jet, observant les nuages défiler sous nos pieds. Un soupir m'échappa alors que je réfléchissais à ce voyage express, un retour dans un passé dont j'avais tout fait pour m'éloigner. Les souvenirs de New York, de ma mère, et de tout ce que j'avais laissé derrière moi affluèrent. Ce voyage serait une épreuve nécessaire pour avancer. Je bus une autre gorgée de bourbon, tentant de préparer mon esprit tout en sachant que certaines réponses se trouvaient dans ce passé que j'avais si longtemps évité.

Cinq heures plus tard, nous arrivâmes à New York. Il était 18 heures, et la lumière dorée du crépuscule baignait la ville. Nous attendions un taxi devant l'aéroport, et des souvenirs de mon adolescence désastreuse remontèrent à la surface. Cassie, sentant ma gêne, me serra la main et murmura.

— Tout va bien, Nate.

Un premier taxi arriva. Kim et Cassie montèrent à l'intérieur, et le véhicule partit en direction de l'un des hôtels les plus luxueux de tout New York. Henri et moi restâmes à attendre un autre taxi. Finalement, Henri aperçut un taxi dont le chauffeur était à l'arrêt, fumant une cigarette. Mon majordome aida le chauffeur à ouvrir le coffre. Le chauffeur écrasa sa cigarette au sol, puis je m'approchai du véhicule, remarquant vaguement que le chauffeur me disait quelque chose. Je montai à l'intérieur, et Henri donna l'adresse de l'hôtel. Alors que nous roulions, le chauffeur se présenta.

— Bonsoir, je me présente, Mike Miller, et je serai votre chauffeur ce soir. Vous êtes nouveaux à New York ?

Lorsque le chauffeur se présenta, je fus alors étonné. Mike Miller, le faux petit ami de Célia. Un sourire silencieux se dessina sur mon visage en pensant à l'ironie de la situation. Mike, autrefois fils d'un grand avocat et vivant dans le luxe, était maintenant un simple chauffeur de taxi. Nous nous détestions énormément auparavant, et cette rencontre inattendue réveillait des souvenirs piquants. Henri répondit au chauffeur.

— Nous ne sommes que de passage.

Mike jeta un regard dans le rétroviseur en ma faveur et ajouta.

— Vous devez sans doute être quelqu'un d'important vu votre si beau costume. Je suis sûr que votre tenue doit coûter le montant de mon salaire, si ce n'est pas plus.

Je souris légèrement, paraissant sérieux, et concentrai mon attention sur la rue qui défilait. Soudain, Henri reçut un message et s'exclama vers ma portée.

— Monsieur, Kim est arrivé à l'hôtel et nous attend dans le hall. Il a déjà réservé les chambres.

J'acquiesçai, tandis que Mike regarda de nouveau dans le rétroviseur et rigola.

— C'est drôle qu'il vous vouvoie, votre grand-père.

Je souris ironiquement, échangeant un regard complice avec Henri. Nous arrivâmes à l'hôtel, un bâtiment imposant et élégant. Mike aida Henri à sortir les affaires, tandis que Kim aperçut le taxi et se dirigea pour m'ouvrir la portière. Sous les yeux de Mike, il resta étonné, ne sachant pas qui j'étais réellement. Mike se rapprocha de moi en déclarant sur un ton franc.

— Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous semblez réellement être une personnalité pour avoir un personnel à vos petits soins.

— Monsieur, il est temps d'y aller, ajoutait Kim, à mes cotés.

Je fis un signe de la main, tandis qu'Henri paya Mike un montant bien supérieur à la course. Henri s'avança, tenant les valises. Je le remerciai pour la course, et Mike, intrigué, demanda.

— Qui êtes-vous ?

— Vous pouvez m'appeler monsieur Jones, Nate Jones. Merci pour cette course, bonne soirée.

Je m'avançai dans le hall de l'hôtel, laissant Mike subjugué, figé de savoir ce que j'étais devenu après tout ce temps. Les souvenirs de notre rivalité passée me traversèrent l'esprit, mais je restai concentré sur la mission qui nous attendait. Kim et Cassie nous rejoignirent, et nous nous dirigeâmes vers la réception pour finaliser notre enregistrement. Le luxe de l'hôtel contrastait avec les rues de New York que j'avais quittées il y a des années, et je ne pouvais m'empêcher de ressentir de la mélancolie en repensant à tout ce que j'avais laissé derrière moi.

Je regagnai ma chambre, gardant l'arme bien dissimulée entre mon pantalon et ma chemise noire dont je relevai les manches. Alors que j'étais debout face à la fenêtre, perdu dans mes pensées, quelqu'un toqua à la porte. Cassie apparut et vint s'asseoir face à moi.

— Nate, commença-t-elle, je sais que c'est dur d'être ici, mais il faut se dire que ce n'est que pour deux petits jours. Ensuite, New York restera dans le passé à jamais.

Je soupirai toujours tourné vers la fenêtre.

— Je le sais, Cassie, mais revenir ici ranime des souvenirs avec Zack, avec Célia, et avec mes parents. Je sais que je dois affronter le passé. D'ailleurs, il est temps pour toi d'affronter le tien. Va rendre visite à ta famille. Emmène Kim avec toi.

— Je compte y aller, mais promets-moi de faire attention.

— Je te le promets, Cassie.

J'attendais quelques instants avant de quitter ma chambre pour ensuite prendre un Uber en compagnie de Henri en direction de la prison pour rendre visite à mon père. Durant le trajet, je sentais l'angoisse monter en moi. Je répétai mentalement ce que j'allais dire face à cet homme que je n'avais pas vu depuis si longtemps. Arrivés à la prison, Henri resta dehors en compagnie du chauffeur. J'entrai et demandai à voir Will Jones. L'agent de police derrière le comptoir me regarda avec scepticisme.

— Il est trop tard pour les visites, dit-il fermement.

Je sortis une grosse somme de ma poche, la montrant discrètement à l'agent.

— Je pense que vous pouvez faire une exception.

L'agent hésita, puis accepta. Il me dirigea jusqu'au parloir et me demanda de patienter un instant. Deux agents de l'autre côté de la vitre amenèrent un homme d'une cinquantaine d'années, les cheveux grisonnants, menotté. Il s'installa devant moi et s'exclama avant même que je puisse parler.

— J'ignore qui vous êtes, mais vous perdez votre temps avec un vieux tel que moi.

Je le regardai droit dans les yeux, le cœur battant.

— Je vois qu'après tout ce temps, tu ne reconnais même pas ton fils. C'est moi, Nate.

Will plissa les yeux, la surprise se lisant sur son visage.

— Nate... Je ne m'attendais pas à te revoir un jour.

— Moi non plus, répondis-je sur un ton ferme.

— Tu as bien changé ! Tu es un homme aujourd'hui ! Et à ce que je vois, tu as l'air d'avoir bien réussi dans la vie.

— Évitons les retrouvailles père-fils, je ne suis pas venu pour ça. Mais plutôt, car il y a des choses que je dois comprendre, des réponses que je dois obtenir.

Il hocha la tête lentement, l'air fatigué.

— Je suis désolé, fiston. Si je peux t'aider, je le ferai.

Je pris une profonde inspiration, sentant la gravité du moment.

— Cesse de m'appeler ainsi, je suis ton fils uniquement, car je porte ton nom, tu n'es en rien mon père, après toutes ces horreurs que tu as commis. Tu as perdu ce titre à la mort de maman.

— Et qu'est-ce que j'ai fait selon toi ? Mis à part subvenir au besoin de mon fils ?

— Tu oses me demander ça ? Toutes ces victimes ? Tu as semé la mort derrière toi, tu es ignoble.

— Je vois que tu ne connais que la version des médias, mais tu ne connais en rien la vérité, Nate.

— Mais de quoi parles-tu ?

— Il est temps que je te révèle la vérité, Nate.

— Je t'écoute, déclarai-je en lui donnant toute mon attention.

Mon père prit un ton sérieux puis se reconcentra sur moi en inspirant longuement. Sa voix était chargée d'émotion, chaque mot semblait lourd de regret et de douleur.

— À la mort de ta mère, j'étais désemparé, commença-t-il, les yeux baissés. Comme si mon monde venait de s'écrouler. Je venais de perdre ma moitié, mon âme sœur, l'amour de toute une vie, et je ne savais pas si je m'en remettrais un jour. J'ai toujours aimé ta mère et ça depuis le premier regard. Je savais que c'était elle est pas une autre. Alors, lorsque je l'ai perdue, j'étais anéanti. Une partie de moi s'en était allée avec elle.

Il marqua une pause, le regard fixé sur la table entre nous.

— J'ai sombré. Je suis tombé bien bas, mais j'ai réalisé qu'elle ne m'avait pas laissé seul. Tu étais là, et tu étais notre plus beau cadeau. Nate, tu es la représentation de notre amour. Quand je te voyais, je voyais ta mère en toi. Sa pureté, son innocence, sa beauté, sa joie de vivre, son goût pour l'aventure et son côté têtu surtout. Je savais que tout n'était pas fini. Il fallait que je prenne soin de toi, mais j'étais rongé par la douleur et le deuil que je n'arrivais pas à faire. J'étais inconsolable. Les factures s'enchaînaient, j'avais perdu mon boulot, et je me rejouais la scène de ta mère sur son lit d'hôpital en boucle. Je me sentais coupable de ne pas avoir pu subvenir à ses besoins. On n'avait pas assez d'argent pour la guérir. Ta mère avait mis de côté, pour toi, Nate. Pour t'offrir un appartement, un lieu où toi et moi, on pourrait tout recommencer à zéro. Malheureusement, je n'ai pas été le meilleur des pères pour toi. Je t'ai délaissé alors que toi aussi, tu souffrais, et je n'ai pas su être là pour toi quand tu en avais besoin.

Il leva les yeux vers moi, ses prunelles grises brillantes de larmes non versées.

— Ensuite, j'ai décidé un soir de braquer une épicerie pour que tu ne manques de rien tout en ne faisant aucune victimes. J'ai continué avec d'autres commerces, et puis Alaric s'est rejoint à moi et m'a bien aidé. On voulait que toi et Zack soyez fiers de vos pères. On voulait vraiment que vous ne manquiez de rien. On souhaitait faire de plus gros braquages, mais on n'avait pas assez de main d'œuvre. C'est alors que nous avions connu Cobra et ses hommes. Ils se sont vendus à nous comme des hommes de main de confiance. Ils souhaitaient la même chose que nous, enfin, c'est ce que l'on croyait avec Alaric. Après le braquage, c'est là que tout a vrillé. Cobra et ses hommes ont commencé à tirer sur tous les otages. Ce que nous n'avions jamais commis avec Alaric, tuer ce n'était pas pour nous.

Il se prit la tête dans les mains, la voix brisée par le remords.

— On s'est alors enfuis avec la bande. On a essayé de raisonner Cobra, mais il nous disait de lui faire confiance. Et surtout, la police était à nos trousses. Je ne souhaitais pas que tu saches que ton père était en prison. Je ne voulais pas que l'on t'embête durant tes études avec cette réputation. Et puis, je savais que j'étais un mauvais père. Je t'ai abandonné. Tu étais livré à toi-même dans cet appartement, sans autorité parentale, sans soutien, sans réconfort. Je ne pouvais pas rentrer à la maison, car je n'assumais plus la personne que j'étais devenu. Je me disais que tu étais sûrement mieux sans moi.

Il marqua une pause, le visage marqué par des années de culpabilité.

— Et puis les mois sont passés. Nous avions enchaîné les délits, le sang coulait à présent sur nos mains. Beaucoup de morts étaient causés par Cobra et sa bande. Les médias, ne connaissant pas Cobra, remettaient tout sur notre dos, à moi et Alaric. J'étais devenu le fameux "Will Jones, l'insaisissable brigand". J'ai donné du fil à retordre à ce Commissaire Banel, mais un jour, avec Alaric, on a décidé de se rendre. On en avait marre de cette vie de vagabond. J'avais honte de moi, de ce que j'étais devenu, et je savais que ta mère aurait voulu que je stoppe et que je me rende. Elle aurait voulu que tout cela cesse.

Il releva les yeux, cherchant une lueur de compréhension dans mon regard.

— Alors un matin, nous nous sommes rendus au poste de police. Nous avons eu la perpétuité. Au fond de moi, je savais que tu ne viendrais pas me voir. Je savais que ma réputation avait sali ton image auprès de tous. Je savais que tu m'en voudrais, et au fond de moi, j'espérais que tu ne finirais jamais comme moi, comme l'incapable que je suis.

Il prit une grande inspiration, ses yeux brillants de larmes refoulées.

— Je suis tellement désolé, Nate. J'aurais voulu t'offrir une meilleure vie.

Je restai silencieux, les mots se bousculant dans ma tête. La vérité que mon père venait de révéler était bien différente de celle que j'avais connue durant mon adolescence. Elle expliquait beaucoup de choses, mais elle n'effaçait pas les années de souffrance et de solitude que j'avais endurées. Toutefois, une nouvelle compréhension s'installant en moi. Les pièces du puzzle se mettaient enfin en place. Mon père et Alaric avaient été piégés par Cobra, devenus les boucs émissaires pour les crimes qu'ils n'avaient pas commis.

— Papa, dis-je d'une voix ferme, je comprends maintenant. Cobra a commis les crimes, et toi et Alaric, avez payé le prix. Mais la police doit connaître la vérité. Ils pourraient alléger ta peine. Sachant que Cobra n'est plus de ce monde, ils n'ont plus à te retenir.

Mon père secoua la tête, le regard fatigué.

— Ça ne servirait à rien, Nate. Les gens ont besoin de croire en une justice simple. Un méchant pris, une peine donnée. La vérité est souvent plus compliquée que ce que les gens veulent entendre. Et puis, ici, je suis en sécurité. À l'extérieur, il n'y a que chaos et regrets.

Sa résignation me toucha profondément. Comment pouvais-je le laisser payer pour des crimes qu'il n'avait pas commis, surtout à présent que je connaissais la vérité ? Je ne pouvais pas. Pas après tout ce qu'il avait enduré.

— Papa, déclarais-je, la voix plus douce, mais déterminée, tu ne peux pas rester ici pour des crimes que tu n'as pas commis. Tu ne dois pas payer pour un criminel. Mais pour le moment, je dois m'occuper de Zack, il est devenu méconnaissable à ce qu'on raconte.

Il resta figé un moment, choqué, mais pas totalement surpris. Il hocha lentement la tête, comme s'il savait ce qu'était devenu Zack depuis tout ce temps.

— Selon les médias, Zack est devenu un homme rempli de noirceur et de cruauté. C'est malheureusement le résultat de nos erreurs. Alaric n'a pas su être là pour son fils, et aujourd'hui, j'ai bien peur qu'il ne soit plus récupérable.

Je sentis un frisson d'inquiétude parcourir mon corps. Puis je déclarais à vive voix.

— Papa, est-ce que je peux parler à Alaric ? Demandai-je, espérant une lueur d'espoir.

Le visage de mon père se fit encore plus triste, et il baissa les yeux, quelque chose n'allait pas.

— J'aurais bien voulu que tu puisses échanger avec lui, mais Alaric n'est plus de ce monde, Nate. Il s'est suicidé en voyant les horreurs commises par son fils à travers les médias. Il ne pouvait plus supporter de vivre en voyant ses erreurs du passé reflétées dans les actions de Zack. Il a choisi de mettre fin à ses jours. J'ai perdu mon meilleur ami qui représentait bien plus, Alaric était comme mon frère. À présent, je suis seul.

Mon cœur se serra en voyant la tristesse dans les yeux de mon père. Instinctivement, je posai ma main sur la sienne, sentant sa douleur.

— Je suis désolé de l'apprendre, je suis là et je te promets de faire en sorte que tu ne sois plus seul, dis-je avec détermination.

Mon père leva les yeux vers moi, il avait une lueur d'espoir mélangé à de la tristesse dans son regard.

— Nate, tu es un bon fils, murmura-t-il. Mais sois prudent. Le monde est plein de dangers, et tu ne dois pas te mettre en danger pour moi. Nate, je vais te donner un conseil, dit-il, sa voix tremblant légèrement. Ce sont nos blessures qui font de nous ce que nous sommes, et nous ne sommes pas censés retourner dans le passé pour les guérir. Crois en un vieil homme comme moi qui a fait beaucoup d'erreurs. Ne revis pas ton passé, va vivre ta vie.

Je restai silencieux, touché par ses paroles. Mon père, qui avait tant souffert et commis tant d'erreurs, je savais que ses mots portaient un poids immense. Je hochai la tête, sentant une vague de détermination m'envahir.

— Je te promets d'être prudent.

Je jetai un dernier regard en direction de mon père et sortis de la pièce. Avant de partir, je repassai devant les clés accrochées au mur, profitant que le gardien soit momentanément absent. Mon regard se posa sur une clé marquée du nom et du numéro de la cellule de mon père. Une idée me traversa l'esprit. Discrètement, je tendis la main et chipai la clé, la glissant rapidement dans la poche intérieure de ma veste. Je ne révélais rien de mes intentions pour l'instant, mais une nouvelle idée grandissait en moi. Dehors, Henri m'attendait, le visage grave. Nous montâmes dans le taxi, et je jetai un dernier coup d'œil à la prison, déterminé à faire la lumière sur la vérité.

Arrivé à l'hôtel, Henri descendit du taxi en premier, puis je fis ma sortie après lui. Nous regagnâmes nos chambres en silence. En entrant dans la mienne, je me dirigeai immédiatement vers le miroir. Je déboutonnai ma chemise en fixant mon reflet. Des images de mon père me revinrent en mémoire, des souvenirs d'une époque où j'étais encore un jeune enfant innocent. Je repensai à ces moments de complicité, à son sourire avant que tout ne bascule. Mon père ne méritait pas d'être en prison. Certes, il avait fait des erreurs, mais il ne méritait pas de payer pour les crimes d'un autre. Une colère sourde montait en moi, mais aussi une détermination farouche à rétablir la vérité. Des images de Zack et moi, amis depuis l'enfance jusqu'au lycée, envahirent mon esprit soudainement. Nous avions été si proches, comme des frères. Je ne pouvais pas laisser la noirceur continuer de régner entre nous. Je ne voulais pas perdre Zack comme mon père avait perdu Alaric.

Je devais retourner à Cannes pour remédier à cette situation. Cassie devait rester en retrait pour sa propre sécurité, mais il était impératif que je rétablisse l'ordre dans nos vies. Épuisé par le poids des événements, je m'allongeai sur le lit et soupirai de fatigue. Mes pensées tourbillonnaient, mais une chose était claire : je devais agir. Pour mon père, pour Zack, pour Cassie, pour nous tous. La nuit serait courte, mais demain marquerait le début d'un nouveau chapitre, un chapitre auquel je prendrais les choses en main pour réparer les torts du passé.

                                                                                                 ***

Le lendemain, alors que tout le monde était prêt à partir, je profitai d'un moment d'inattention pour me faufiler discrètement. Ma destination : le cimetière, avec un petit sac de graines en main que j'avais pu acheter préalablement. Une fois arrivé, je cherchai le gardien et lui demandai une pelle pour planter des fleurs autour d'une tombe. Il me la prêta volontiers, curieux de mon intention. La tombe de ma mère se dressait là, immobile, poussiéreuse et silencieuse.

— Bonjour, maman, murmurai-je doucement, ma voix brisant le silence. Cela fait si longtemps que je ne suis pas venu te voir. Je suis désolé pour ça. La vie est devenue... compliquée.

Ma mère était tombée amoureuse de mon père parce qu'il était jardinier. Il me semblait approprié de lui offrir un cadeau à la hauteur de sa personne, quelque chose qui reflète l'amour et la beauté qu'elle avait apportés dans ma vie. Je m'accroupis devant sa tombe, mes mains enfoncées dans la terre humide alors que je plantais les fleurs. Je pris une grande inspiration, le parfum de la terre fraîche et des fleurs se mêlant à l'air frais du matin. Tout en plantant les premières graines de tulipes blanches, je discutais avec elle, me donnant l'impression qu'elle se tenait à mes côtés pour m'aider dans mes plantations.

— Tu me manques tellement. Il y a des jours où je ne sais pas comment avancer sans toi. Tu étais toujours là pour me guider, me soutenir, me réconforter avec un bon gâteau, et pour écouter tous mes tracas. Maintenant, je me sens souvent perdu et je ne sais plus vers qui me tourner.

Je continuai à planter, chaque fleur représentant une pensée ou un souvenir.

— Je suis passé voir papa, en prison, je pense que tu as dû voir ce qu'il était devenu. Je lui en ai longtemps voulu d'avoir commis ces crimes. Mais il a fallu attendre tant d'années jusqu'à aujourd'hui pour que je puisse connaitre la vérité. J'ai découvert tant de choses sur lui, des choses que je ne comprenais pas quand j'étais encore un adolescent. Il a fait des erreurs, de grosses erreurs, mais il a aussi été piégé. Il a souffert autant que moi.

Mes mains tremblaient légèrement alors que je plantais une rangée d'hortensias.

— Et puis il y a Zack. Il est devenu quelqu'un que je ne reconnais plus. Parfois, je me demande si nous avons vraiment eu le choix, si nos vies étaient destinées à être ainsi. J'aimerais pouvoir le sauver, mais je ne sais pas comment.

Je pris une pause, regardant les fleurs que j'avais plantées.

— Et pour finir, il y a Célia... elle représente tant pour moi, je l'aime, maman. Mais notre amour semble toujours hors de portée, comme si nous étions destinés à être séparés par le destin. Je me bats pour elle, mais je ne sais pas si c'est suffisant et je ne sais pas si c'est réellement réciproque.

Je me redressai, essuyant la terre de mes mains.

— Je ne veux pas que le passé continue de me hanter, de définir qui je suis. Papa m'a dit que nos blessures font de nous ce que nous sommes, mais je ne veux pas rester prisonnier de ces blessures. Je veux avancer, pour toi, pour moi, pour nous.

Je me penchai vers la tombe, posant une main sur la pierre froide.

— J'aurais tant voulu entendre tes conseils ou encore manger un de tes délicieuses pâtisseries. Je t'aime, maman. Merci pour tout ce que tu m'as donné, pour tout l'amour que tu as pu m'offrir.

Je me relevai lentement, c'est alors que j'entendis la voix de Henri derrière moi, me ramenant à la réalité.

— Je ne m'attendais pas à vous trouver ici, monsieur, c'est Cassie qui savait où vous trouver.

— Henri, je vous présente Talya Jones, ma mère, dis-je en désignant la tombe. Il était hors de question que je parte sans être passé la voir.

Henri hocha la tête en signe de respect.

— C'est bien de lui rendre hommage, Nate. Je suis sûr qu'elle serait fière de vous.

Je souris faiblement, toujours ému par les souvenirs.

— J'espère. Parfois, j'ai l'impression de perdre le fil, de ne pas savoir où je vais. Mais revenir ici, ça me rappelle ce qui est vraiment important.

Henri mit une main réconfortante sur mon épaule.

— C'est normal de se sentir perdu de temps en temps. La vie n'est pas simple, et on doit faire face à des choix difficiles. Mais ce qui compte, c'est de continuer à avancer, de ne pas laisser le passé nous retenir.

Je hochai la tête, appréciant ses paroles.

— C'est vrai, c'est un bon conseil.

Je pris une profonde inspiration, regardant une dernière fois la tombe de ma mère. Henri acquiesça, puis regarda sa montre.

— Monsieur, il est temps de retourner à l'hôtel. Cassie et Kim nous attendent.

Je suivais Henri hors du cimetière. Le passé avait ses cicatrices, mais l'avenir était encore à écrire. Et je savais que j'avais la force de le façonner.

                                                                                                  ***

Cinq heures plus tard, nous arrivâmes Cannes. Une fois chez moi, je pris le temps de ranger mes affaires rapidement avant de me diriger vers mon restaurant en fin de soirée. En entrant dans le restaurant, je suis accueilli par Julia ainsi que le personnel, certains avec des sourires fatigués, mais sincères. Après quelques salutations rapides, je me dirigeais vers mon bureau. La pile de documents sur mon bureau et les notifications incessantes de mon ordinateur portable m'indiquer que j'avais beaucoup de retard à rattraper. Je m'installai à mon bureau afin de trier les e-mails, répondant aux plus urgents et prenant des notes pour les tâches à venir. Les heures passèrent rapidement. Vingt-deux heures sonnèrent et il était temps pour moi de fermer le restaurant. Je m'assurai que tout fut en ordre, vérifiant que le personnel avait terminé ses tâches et commençai à éteindre les lumières. Alors que je me dirigeai vers la porte d'entrée pour la verrouiller, j'entendis cette dernière s'ouvrir. Je levais les yeux, surpris de voir quelqu'un entrer à cette heure tardive. Célia se tenait là, son regard fermé. Son entrée inattendue et son expression inhabituelle me figeait sur place. Je sentis immédiatement que quelque chose n'allait pas.

— Célia, dis-je, ma voix trahissant à la fois la surprise et l'inquiétude. Qu'est-ce qui se passe ?

— On doit parler, Nate. Maintenant ! 

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