Chapitre 43 : Célia







Dès que Nate quitta mon appartement, je ressentis un énorme vide, comme si une partie de ma personnalité venait de disparaître de nouveau. Après une profonde expiration, je portai mes bagages jusqu'à ma chambre afin de les poser sur mon lit. En rangeant mes vêtements, l'écran de mon téléphone s'illumina pour afficher le prénom de Scott, et la sonnerie se déclencha ensuite. Je soupirai avant de répondre, car je me rendis compte que mes émotions pour Nate renaissaient tandis que ma vie avec Scott semblait de plus en plus floue. Je répondis, la voix remplie de culpabilité.

— Bonjour mon cœur, je sais ce que tu vas me dire et sache que je suis désolée pour mon absence. J'étais partie en voyage avec Cassie, juste entre filles, pour retrouver notre amitié d'autrefois, et j'ai complètement oublié de te prévenir, pardonne-moi.

Scott s'inquiéta immédiatement.

— Célia, tu aurais pu me prévenir. Je n'ai pas eu de nouvelles de toi pendant tout ce séjour. Je me suis vraiment inquiété, j'ai même eu l'impression que tu étais en train de m'oublier. Tu sais, avec la distance, j'ai vraiment peur de te perdre.

Mon cœur se serra sous les paroles de mon fiancé. Je restai silencieuse, les mots coincés dans ma gorge. Ma tête et mon cœur se livraient une bataille acharnée entre Scott et Nate. Je fermai les yeux, ressentant une vague de culpabilité m'envahir avant de répondre.

— Je suis désolée, Scott. Je ne voulais pas te causer d'inquiétude. J'avais besoin de ce temps pour moi. Je te rassure, je t'aime toujours autant avec ou sans cette distance.

Je savais que je devais bientôt prendre une décision, mais pour l'instant, je tentais de naviguer entre mes sentiments, cherchant à préserver ce que je pouvais de mon équilibre si précaire.

— Je ne peux pas t'en vouloir longtemps, ta voix m'a tellement manqué, si tu savais à quel point tu me manques, Célia, j'ai tant envie de te prendre dans mes bras.

— Je m'en doute, mon cœur, c'est pareil pour moi, tu sais. Parle-moi de toi, comment ça se passe à Montréal ?

Absorbée par les récits de Scott, je posai mon téléphone en m'assurant de mettre le haut-parleur pour finir de défaire mes bagages, mais mon esprit était ailleurs. Les mots de Scott semblaient lointains, comme s'ils venaient d'un autre monde. Pourtant, entre deux phrases, Scott continuait de me confesser à quel point je lui manquais, et sans m'en rendre compte, je me surpris à lui répondre machinalement, comme par politesse. Mais au fond de moi, je sentis que quelque chose avait changé, que mes sentiments pour Scott s'effaçaient peu à peu, laissant place à une autre émotion, plus profonde, plus vive. En finissant de ranger mes derniers vêtements dans mon placard, Scott évoqua avec enthousiasme notre futur mariage, et je sentis alors une sensation soudaine me prendre à la poitrine. Je refermai le placard avec une lenteur inhabituelle, les mots de Scott résonnant dans ma tête. Mon regard se posa alors sur la boîte contenant la bague de mariage, posée négligemment sur le chevet. Cette simple vision me rappelait toute la réalité de notre relation, mais aussi le poids des choix à venir. Au même moment, la voix de Scott me ramena à notre discussion.

— Célia, tu es là ?

— Oui, Scott, je suis là, répondis-je enfin, tentant de masquer le tumulte qui agitait mon esprit.

— Tu as entendu ce que je viens de dire ? J'ai parlé du mariage, tu sais...

— Oui, bien sûr, répondis-je machinalement, sans réellement écouter.

— Tout va bien, Célia ? Tu as l'air ailleurs, tu es occupée ?

— Oui, tout va bien, Scott. Je suis juste un peu fatiguée, c'est tout.

Mais au fond de moi, je savais que c'était bien plus que cela. Puis je décidai de reprendre sur le sujet de notre mariage.

— Tu sais, Scott, je suis désolée. Avec tout le travail et ce voyage, je n'ai pas eu une minute pour penser à l'organisation du mariage.

Scott soupira légèrement de l'autre côté de la ligne.

— Ne t'en fais pas pour ça, Célia. Je peux m'en occuper si tu veux.

Mon cœur hésita un instant, mais je finis par répondre.

— Non, non, c'est bon... Je veux dire, je pense qu'il vaut mieux qu'on s'en occupe ensemble à ton retour.

J'entendis un léger silence avant que Scott ne reprenne.

— Tu as raison. On sera plus efficaces à deux de toute façon. Bon, je dois vraiment y aller. Je t'appellerai ce soir, d'accord ? J'ai tant à te raconter et puis il faut que tu me racontes ton voyage.

À ce moment-là, je sentis une bouffée de panique m'envahir.

— Je suis désolée, Scott, mais je ne pourrai pas ce soir. Je dois voir mon père, il est de passage sur Cannes pour dîner.

Scott sembla comprendre.

— Pas de problème, passe le bonjour à ton père de ma part, je t'appellerai demain matin alors. Je t'aime, Célia.

Un léger silence suivit avant que je ne puisse répondre.

— Moi aussi, je t'aime.

Je reposai mon téléphone et me levai de mon lit, le cœur lourd de doutes et d'incertitudes. Je savais que je devais affronter mes sentiments, faire face à la vérité, aussi douloureuse soit-elle. Et je savais surtout que je ne pourrais pas repousser cette décision éternellement. Sans me retarder davantage, je me changeai rapidement, enfilant une combinaison longue à manches courtes de couleur bleu marine qui mettait en valeur mes yeux bleus. Je me maquillai soigneusement, me parfumai légèrement et coiffai mes cheveux avant de retourner à la boutique. En route, je passai devant le restaurant de Nate et remarquai les dizaines de voitures de police et les journalistes postés devant, en pleine interview. Cette scène me fit penser que je devais contacter Nate, pour prendre des nouvelles de l'incendie de sa boulangerie.

En arrivant à la boutique, je trouvai Lisa occupée avec des clientes, en pleine vente de sacs à main. Je lui fis signe de la main, mais elle ne me rendit pas mon salut. Elle était sûrement trop occupée pour me répondre. Une fois les clientes parties, un silence étrange s'installa. Je m'approchai de Lisa, en prenant mon tour de cou et mon badge.

— Bonjour Lisa, as-tu passé un bon week-end ? Dis-je en me dirigeant vers elle.

Elle ne me répondit pas, ce qui me sembla vraiment étrange. Je lui demandai si tout allait bien. Lisa me regarda, les yeux plissés.

— Tu comptais me dire quand pour ta relation secrète avec Nate Jones ?

Je restai bouche bée, choquée qu'elle ait découvert la vérité. Je plissai les yeux à mon tour, me demandant comment elle avait pu l'apprendre alors que rien ne prouvait notre relation.

— Pourquoi penses-tu cela, Lisa ?

Elle croisa les bras, le regard perçant.

— J'ai vu l'Aston Martin garée devant la boutique, celle dans laquelle tu es sortie et tu as prétexté qu'il s'agissait d'une connaissance de Scott. Figure-toi que je l'ai revue garée devant le restaurant de Nate à sa place de parking réservée en son nom. Et puis, il vient un peu trop souvent ici pour te parler. Je sais bien que c'est notre voisin de rue, mais il serait tout aussi proche de moi s'il te parlait seulement en tant que voisin. Je vois bien comment il te regarde, Célia. Je pense qu'il y a plus entre vous. Alors maintenant, dis-moi la vérité avant que je n'aille révéler tout ça à Scott.

Je sentis mon cœur battre à tout rompre, réalisant que je ne pouvais plus cacher la vérité. Prise au dépourvu, je ne m'attendais pas à ce que Lisa, ma collègue mais aussi ma meilleure amie, me mette au pied du mur de cette façon. Si je révélais la vérité, elle serait sans doute étonnée. Cependant, je ne pouvais pas lui dévoiler notre ancienne relation, car cela aurait impliqué de révéler notre histoire passée à Nate et moi, ce que Scott ignorai totalement. Je soupirai profondément avant d'avouer.

— Pour tout te dire, Nate et moi sommes d'anciens amis, nous nous sommes connus au lycée, il y a dix ans.

Lisa écarquilla les yeux, surprise. Je la rassurai en ajoutant.

— Revoir Nate après tant d'années ne me fait pas plaisir parce qu'autrefois, nous ne nous entendions pas du tout. Aujourd'hui, nous nous fréquentons en tant qu'amis. Avec Cassie, nous formons un trio d'anciennes connaissances. Lisa, je te promets qu'il n'y a rien entre Nate et moi. Je suis avec Scott et il n'y a personne d'autre que lui dans ma vie.

Je vis un éclair de soulagement passer sur le visage de Lisa. Elle croyait à mon mensonge et se réjouit de savoir qu'il n'y avait rien entre Nate et moi. De plus, je savais qu'elle adorait Scott et n'aurait jamais pu envisager de me voir avec un autre homme que lui. Pour changer de sujet, je proposai.

— Lisa, il est temps que l'on prépare les soldes et étiquetons les vêtements pour les ventes à venir.

Après une heure de travail acharné, Lisa prit une pause et s'assit devant la boutique, un thé à la main. Pendant ce temps, j'en profitai pour saisir mon téléphone afin de prendre des nouvelles de Nate et de sa boulangerie. À la fin de notre appel, ce dernier énonça ces trois mots, sept lettres que j'aimais tant entendre de sa part. Sauf qu'au même moment, Lisa rentra dans la boutique. Je laissai un silence avant de répondre :

— Moi aussi, je t'aime.

Je raccrochai rapidement, mais Lisa avait déjà tout entendu.

— C'était qui ?

— C'était mon père, répondis-je, en essayant de paraître naturelle.

Lisa sourit et passa devant moi. Je soupirai longuement, consciente que je devais être plus prudente pour que ma meilleure amie apprenne jamais la vérité. Ensuite, je me remis au travail jusqu'à la fin de la journée. En sortant de la boutique, j'envoyai un message à mon père, lui donnant mon adresse car j'espérais dîner avec lui ce soir. Alors que j'étais concentrée sur mon téléphone, quelqu'un me heurta brusquement sur le trottoir, me faisant légèrement mal à l'épaule. Je me retournai vivement et lançai, agacée.

— Oh, vous ne pouviez pas faire attention ?!

L'homme se retourna également, et je fus surprise de voir qu'il me fixait avec un air d'étonnement. Il fronça les sourcils tout en souriant, me regardant de bas en haut comme s'il me matait. Je levai les yeux au ciel, agacée par son comportement, et continuai mon chemin. Je me demandai qui pouvait bien être cet homme si impoli. En repensant à la rencontre, je me rappelai quelques détails marquants de son apparence. Il portait un sweat noir à capuche, et son visage était encadré par une barbe épaisse et des mèches rebelles de cheveux noirs. Je remarquai également ses tatouages visibles sur son cou et ses mains. Une odeur de cigarette l'entourait, et il était assez costaud. Un détail particulier attira mon attention : il avait un sourcil partiellement rasé. Alors que je m'éloignais, je ne pouvais pas m'empêcher de réfléchir à cet étrange individu. Son apparence me rappelait vaguement Zack. Cependant, cela semblait improbable. Mon père m'avait assuré que Zack était resté aux États-Unis. Pourtant, l'idée persistait dans mon esprit, une petite voix intérieure me soufflant que peut-être, contre toute attente, il pouvait s'agir de lui. Si c'était réellement Zack, il fallait que j'en parle à Nate le plus vite possible. Car s'il était de retour, cela signifiait potentiellement des ennuis. Je ne pouvais pas prendre de risques, ni pour moi, ni pour Nate, ou encore pour Cassie. Je sortis mon téléphone pour envoyer un message à Nate mais ce dernier restait sans réponse.

De retour chez moi, je trouvai mon père qui m'attendait devant la porte du bâtiment, avec une bouteille de vin à la main. Nous passâmes un moment agréable à cuisiner ensemble, échangeant des anecdotes et des rires. Une fois le repas prêt, je lui servis un verre de vin et nous nous installâmes à table. Alors que nous commencions à manger, il brisa le silence en me posant des questions sur Nate. Je fus choquée de l'entendre parler en bien de lui, surtout en sachant que c'était lui qui avait mis son père derrière les barreaux.

— Tu sais, Célia, ce Nate Jones et son père sont des hommes très différents, dit-il en prenant une gorgée de vin. Son fils est respectueux, humble et élégant. J'ai même lu dans le journal qu'il a été élu l'homme le plus séduisant de l'année.

— Comment peux-tu dire ça de ta propre bouche, alors qu'autrefois tu ne voulais même pas que je fréquente le même lycée que Nate Jones ? Demandai-je, stupéfaite.

Il soupira, posant son verre sur la table.

— Les choses changent, Célia. À l'époque, je ne voyais que les erreurs de son père et j'avais peur que Nate suive le même chemin. Mais à ce que je vois, il a bien grandit et il vit loin des erreurs de son père, il a construit sa propre vie. En tout cas ce qui est sûr, c'est que Nate aujourd'hui, son père ne pourrait jamais l'atteindre.

Je restai silencieuse, digérant ses paroles. Il était difficile de concilier l'image que j'avais de mon père, strict et inflexible, avec l'homme compréhensif et admiratif qui se tenait devant moi.

— Je suis vraiment étonnée de t'entendre dire ça, avouai-je enfin.

Mon père hocha la tête, un sourire léger sur les lèvres.

— Les gens peuvent changer, Célia. Ne l'oublie jamais, lança-t-il en prenant une gorgée de vin. D'ailleurs, je suis retourné au restaurant Comme une Évidence et j'ai pu en apprendre davantage sur les prouesses de Nate. Il a voyagé un peu partout dans le monde ces dernières années pour découvrir des saveurs aux quatre coins du globe. Il a su les ramener dans son restaurant pour faire voyager ses convives sans qu'ils bougent de leur place. Tout est succulent chez lui, certes coûteux, mais incroyablement bon. Que ce soit le sucré, le salé, sans parler de ses cocktails... cet homme est divin. Je n'arrive toujours pas à croire que c'est le fils de ce brigand. Ils n'ont rien en commun. L'un est un danger public tandis que l'autre est une personnalité publique.

Il laissa échapper un ricanement insolent entre deux bouchées puis continua.

— Tu sais, si tu étais avec un homme comme Nate, je ne t'en voudrais pas. Au contraire, je serais plutôt content. Tu serais réellement heureuse, plutôt qu'avec ce Scott. Il travaille dans la publicité, c'est pas un métier d'avenir quand on sait que beaucoup de boîtes ferment du jour au lendemain. Et comme si c'était pas assez, il ne sait même pas cuisiner.

À bout de patience, je posai ma fourchette avec force.

— Arrête, papa ! Je n'en peux plus de t'entendre critiquer mes choix ! C'est ma vie et c'est à moi de choisir avec qui je veux la partager !

Il tenta de se justifier, mais je l'interrompis.

— Il faut que tu comprennes que j'aime Scott, c'est un homme bien. Il ne mérite pas que je le quitte pour si peu. Il a certes ses défauts, mais il est comme il est. Et concernant Nate, comment peux-tu tenir de tels propos alors qu'avant, tu voulais tout faire pour me tenir loin des Jones ! Maintenant, tu me dis presque de quitter Scott pour me mettre avec Nate. Je n'en reviens pas !

Je le regardai droit dans les yeux, avec colère mais surtout en étant déçue.

— Je pense que tu devrais partir. Je n'ai plus rien à te dire.

— Célia, je ne voulais pas te mettre en rogne, je suis sincèrement désolé, je te souhaite tout de même une bonne soirée, ma chérie, s'excusa mon père en quittant mon appartement, tête baissée.

Je restai seule, tentant de calmer mes émotions et les paroles de mon père qui résonnaient encore dans ma tête. Je me rendis compte que je venais de dire à mon père qu'il ne fallait pas que je quitte Scott, je me trahissais sachant que mes sentiments refaisaient surface avec force pour Nate. En essayant de peser le pour et le contre de chaque relation, je n'arrivais toujours pas à me décider. Après avoir nettoyé et rangé la vaisselle, je pris mon téléphone pour regarder si Nate m'avait répondu mais aucun retour de sa part.

— Il doit être assez pris par la situation, me murmurai-je.

Je reposai mon portable et me dirigeai vers ma douche, espérant que l'eau chaude apaiserait mes pensées tourmentées. Une fois propre et détendue, je me couchai, épuisée par cette longue journée. Je fermai les yeux et j'aperçus des images du magnifique séjour en Italie, où tout allait si bien avec Nate. Malheureusement, je savais que revenir en arrière n'était pas possible.

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